- L'ESSENTIEL
- I. MAAFAR 2024 : FACE À L'URGENCE, LES
RAPPORTEURS VALIDENT LE « CHÈQUE EN BLANC » DE LA
PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE, MALGRÉ LE FLOU SUR SON AFFECTATION
PRÉCISE
- A. PRINCIPALE NOUVEAUTÉ DE LA MISSION :
1,3 MD€ (EN AE) ET 750 M€ (EN CP) OUVERTS EN FAVEUR DE LA
PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE
- B. LE VERDISSEMENT DE LA FISCALITÉ AGRICOLE,
MENÉ HABILEMENT EN S'APPUYANT SUR LES PROPOSITIONS DU SÉNAT,
APPELLE TOUT DE MÊME QUATRE OBSERVATIONS
- C. EN DÉPIT DU RECOURS AU 49.3, LE
GOUVERNEMENT A SU S'OUVRIR AUX INITIATIVES DES DÉPUTÉS ET EST
INVITÉ À FAIRE DE MÊME AU SÉNAT
- A. PRINCIPALE NOUVEAUTÉ DE LA MISSION :
1,3 MD€ (EN AE) ET 750 M€ (EN CP) OUVERTS EN FAVEUR DE LA
PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE
- II. FONDS « ENTREPRENEURS DU
VIVANT » (FRANCE 2030), OU QUAND LA COMMUNICATION CÈDE LA
PLACE À L'IMPROVISATION
- III. PRODUITS PHYTOSANITAIRES : APRÈS
LA PHASE D'ÉMERGENCE DE SOLUTIONS, IL FAUT LES DIFFUSER MASSIVEMENT PAR
DES AIDES DIRECTES AUX AGRICULTEURS AU SEIN D'ECOPHYTO 2030
- IV. INVENTAIRE FORESTIER OUTRE-MER : LE
GOUVERNEMENT DOIT ACCÉLÉRER SUR LA MISE EN oeUVRE DE CETTE MESURE
DÉFENDUE DE LONGUE DATE PAR LE SÉNAT
- I. MAAFAR 2024 : FACE À L'URGENCE, LES
RAPPORTEURS VALIDENT LE « CHÈQUE EN BLANC » DE LA
PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE, MALGRÉ LE FLOU SUR SON AFFECTATION
PRÉCISE
- TRAVAUX EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 129 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires
économiques (1) sur le projet de loi
de finances,
considéré comme adopté par l'Assemblée
nationale |
TOME I AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES |
Par MM. Laurent DUPLOMB, Franck MENONVILLE Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; M. Jean-Pierre Bansard, Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Mme Evelyne Corbière Naminzo, MM. Pierre Cuypers, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Stéphane Fouassin, Mmes Amel Gacquerre, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Mme Sophie Primas, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178 Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
Suivant l'avis des rapporteurs Laurent Duplomb (Les Républicains - Haute-Loire), Franck Menonville (Union centriste - Meuse) et Jean-Claude Tissot (Socialiste, écologiste et républicain - Loire), la commission des affaires économiques propose l'adoption des crédits du Casdar et de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (MAAFAR), en hausse de 38 % en autorisations d'engagement et de 23 % en crédits de paiement, moyennant 7 amendements, et non sans émettre de fortes réserves quant à la méthode suivie par le Gouvernement pour l'affectation des crédits en faveur de la planification écologique.
Les rapporteurs ont souhaité, lors de l'examen de ces crédits, approfondir trois sujets :
1. l'annonce d'un fonds « Entrepreneurs du vivant » de 400 M€ (dans France 2030) pour faciliter les installations par le portage du foncier, dont la définition des contours se fait attendre, et pour laquelle les rapporteurs, inquiets, apportent leur contribution ;
2. le besoin de compléter Écophyto 2030 par une ligne d'aides directes aux agriculteurs ;
3. la réalisation d'un inventaire forestier Outre-mer, défendue de longue date par le Sénat, dont les rapporteurs demandent d'accélérer la mise en oeuvre.
Chiffres clefs
I. MAAFAR 2024 : FACE À L'URGENCE, LES RAPPORTEURS VALIDENT LE « CHÈQUE EN BLANC » DE LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE, MALGRÉ LE FLOU SUR SON AFFECTATION PRÉCISE
A. PRINCIPALE NOUVEAUTÉ DE LA MISSION : 1,3 MD€ (EN AE) ET 750 M€ (EN CP) OUVERTS EN FAVEUR DE LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE
Par rapport à la loi de finances initiale 2023, le budget de la MAAFAR proposé par l'État pour 2024 est en hausse de :
Ø 38 % en autorisations d'engagement, passant de 3,88 Md€ à 5,34 Md€ (+ 1,46 Md€) ;
Ø 23 % en crédits de paiement, passant de 3,86 Md€ à 4,75 Md€ (+ 890 M€).
En bleu les changements de maquette (création ou changement de nom) ou les écarts significatifs entre AE et CP (décaissement pluriannuel), en rouge les baisses nominales de crédits, en vert les augmentations réelles (supérieures à l'inflation) de crédits
Pour la seconde année consécutive, la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (MAAFAR) connaît une croissance à deux chiffres. Pour impressionnante qu'elle soit rapportée à la mission, cette hausse est moins marquée lorsque mise en regard avec l'ensemble des concours publics à l'agriculture, à l'alimentation et à la forêt (25,5 Md€), compte tenu notamment du poids important, sur ce total, de la PAC (9,7 Md€) et des dispositifs fiscaux et sociaux (7,9 Md€ hors TO-DE) (cf. graphique p. 1).
En crédits de paiement, 22 points sur 23 % de hausse de la mission s'expliquent par la rallonge budgétaire estampillée « planification écologique ». De façon classique, cette enveloppe a été artificiellement gonflée en rognant sur les dépenses génériques, à des fins de communication : ainsi, à périmètre constant1(*) et corrigé de l'inflation estimée en 2024 (2,6 % pour la Banque de France), la mission stagne en réalité.
Il n'en reste pas moins que l'effort budgétaire associé à la planification écologique est considérable et qu'il est désormais présenté comme pérenne. Les actions « planification écologique » représentent désormais 1/3 des crédits du programme 149 (répartis en dix sous-actions2(*)) et 1/4 du programme 206, à maquette budgétaire par ailleurs inchangée.
Une méthode à l'envers qui pose un problème de contrôle démocratique
Les rapporteurs déplorent sur la planification écologique une méthode à l'envers, « shadokienne3(*) », les crédits semblant pour une part non négligeable engagés avant de se « creuser la tête » sur leur affectation précise. En attestent les très faibles justifications de chaque sous-action dans les projets annuels de performance, chaque sous-action, pourtant d'un montant moyen de 120 M€, étant justifiée par moins de 6 lignes en moyenne. Le Parlement est donc amené à autoriser des dépenses dont il ne connaît pas l'affectation précise, l'administration lui expliquant qu'elle est en cours de définition.
Un exemple flagrant est celui du « fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions » (200 M€ en AE et 25 M€ en CP), dont l'objet ne découle pas avec évidence de son intitulé tant celui-ci est générique, et sur lequel il n'a pas été possible d'obtenir plus de précision (cf. extrait du « bleu » du programme 149) :
Se fiant à leur éthique de responsabilité et face aux besoins considérables d'un monde agricole en transition, les rapporteurs acceptent de contresigner ce « chèque en blanc vert » du Gouvernement. Ils souhaiteront toutefois être associés de plus près à leur suivi.
L'annonce, retardée à septembre 2023, de cette rallonge « planification écologique » pose par ailleurs la question de sa bonne articulation avec les politiques publiques en place et les canaux habituels de l'action publique, dans la mesure, notamment, où le dialogue de gestion avec les établissements publics, par lesquels transiteront in fine une partie de ces crédits, avait déjà eu lieu avant l'été. De façon plus générale, les rapporteurs jugent avec le think tank I4CE que « la planification écologique ``à la française'' doit mieux se coordonner avec les autres politiques nationales et européennes, et surtout avec la PAC4(*) ».
Nombre d'actions de la planification écologique ouvrent des guichets pour de l'investissement ou des équipements, mais ne traitent pas l'une des faiblesses identifiées dans la mise en oeuvre de la planification écologique, celle de l'accompagnement et du conseil au plus près des agriculteurs. Une nouvelle sous-action pourrait être explicitement dédiée à l'accompagnement des agriculteurs, et orientée vers les Chambres d'agriculture.
Amendement n° 1 : consacrer 50 M€ du total prévu pour ce fonds à la création d'une sous action explicitement dédiée à l'« accompagnement des agriculteurs », les 1,3 Md€ de la planification écologique étant à ce stade davantage fléchés vers des investissements.
B. LE VERDISSEMENT DE LA FISCALITÉ AGRICOLE, MENÉ HABILEMENT EN S'APPUYANT SUR LES PROPOSITIONS DU SÉNAT, APPELLE TOUT DE MÊME QUATRE OBSERVATIONS
Serpent de mer des négociations budgétaires entre le monde agricole et Bercy, qui en proposait au moins la diminution depuis plusieurs années, l'avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR) consommé pour les besoins des travaux agricoles et forestiers, sera réduit de 2,85 c€/L/an sur sept ans, pour atteindre 23,81 c€/L en 2030.
Ce taux réduit est la principale « dépense brune » (défavorable à l'environnement) de la mission, au milieu d'autres mesures fiscales jugées globalement favorables, en raison notamment de son impact sur les volets « Climat (atténuation) » et « Pollutions » (en rouge) :
Source : rapport sur l'impact environnemental du
budget de l'État
publié en annexe du PLF
2024 (« budget vert »)
Son montant, de 1,72 Md€ en 2022 (exécution) et en 2023 (prévision), serait de 1,63 Md€ en 2024 (prévision), soit toujours autant que les programmes 206 et 215 réunis et presque autant que l'intégralité du budget de l'enseignement agricole technique.
Source : commission des affaires économiques, d'après l'article 12 (point F) du PLF 2024
La réforme engendrerait un gain d'environ 70 M€ de recettes fiscales par an pour l'État pendant 7 ans (soit 490 M€ en 2030), en théorie compensés par trois leviers généraux de baisses d'impôts : i) hausse du plafond de la déduction pour épargne de précaution ; ii) hausse des seuils d'exonération totale (de 250 à 350 000 €) et partielle (de 350 à 450 000 €) des cessions de plus-values ; iii) revalorisation exceptionnelle du plafond de revenus pour l'application du micro-BA (de 91 900 à 120 000 €). Ces trois mesures contribueraient respectivement à 30 %, 10 % et 50 % du retour pour la ferme France.
Elles figuraient dans une forme proche à l'article 24 de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France de Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, adoptée par le Sénat quatre mois plus tôt, en mai 2023. Le seuil de passage du régime réel au régime normal d'imposition n'a en revanche, lui, pas été relevé.
Les rapporteurs ne peuvent que se réjouir de cet hommage express aux travaux de la commission des affaires économiques, celle-ci ayant maintes fois répété le besoin d'un accompagnement adéquat des professionnels dans la transition écologique. Sans retirer ce satisfecit décerné au Gouvernement, ils souhaitent émettre quatre réserves.
1. Les montants annoncés de la mesure et de ses compensations ont d'abord été chiffrés à 70 M€/an, avant d'être réévalués par Bercy à 90 M€ (en raison du vieillissement des bases d'un côté et de la perte d'IR et d'IS liée à la hausse de la fiscalité du GNR de l'autre). Le Gouvernement n'a pas été en mesure de fournir ses hypothèses d'élasticité-prix (évolution attendue de la consommation du GNR liée à la hausse de fiscalité qui lui est attachée). L'intuition des rapporteurs, confirmée par le SGPE, est que l'élasticité est faible et varie fortement d'un type de production à l'autre, certaines filières ne pouvant se passer si facilement du « rouge » dans leurs activités. Les sénateurs souhaitent donc que le Gouvernement s'engage à compenser équitablement, y compris s'il le faut par un collectif budgétaire, et que les transferts inter-filières liés à la réforme fassent l'objet d'un suivi.
2. La réforme reste inachevée, le Gouvernement s'étant engagé à la mise en place d'un crédit d'impôt transition écologique à partir de 2025 pour compléter les compensations (la première hausse du taux réduit interviendra, elle, dès 2024). Il pourrait consister en une incitation à l'usage des biocarburants, le Gouvernement ayant engagé des démarches au niveau européen pour autoriser l'usage de GNR XTL, un B100 (100 % biocarburant), et le SGPE indiquant envisager « une phase transitoire d'utilisation de biocarburants d'une dizaine d'années au B100 plutôt qu'au bioGNV, dans la mesure où la bascule vers celui-ci nécessite d'importants investissements en capital (changement de matériel, ravitaillement, etc.), avant une bascule vers d'autres vecteurs énergétiques (électricité et hydrogène) ». Les rapporteurs soutiennent le développement des biocarburants, dont les coproduits sont des protéines, renforçant notre souveraineté dans les filières animales. Ils notent cependant des obstacles financiers (les biocarburants restent plus chers tout en bénéficiant déjà d'une fiscalité incitative) mais aussi techniques (garanties des constructeurs d'engins ne couvrant que jusqu'au B7, différence d'acidité nécessitant de changer de cuves) au déploiement du B100, et jugent de ce fait plus réaliste de concentrer les premiers efforts sur le B30 (30 % d'incorporation de biocarburant), afin également d'éviter le risque de concurrence avec l'alimentation.
3. Les rapporteurs ont constaté chez leurs interlocuteurs un relatif flou quant à l'éligibilité des entrepreneurs de travaux forestiers aux trois compensations prévues5(*). Même si l'amont forestier se singularise par la possibilité de répercuter les prix sur les prestations plus facilement qu'en agriculture, cette réforme ne doit pas apporter un risque de plus pour l'atteinte des objectifs de récolte de bois et de décarbonation, dans un contexte où la pénurie de main-d'oeuvre en forêt est déjà identifiée comme un frein (rapport « Objectif forêt » et travaux du SGPE). Ainsi, les rapporteurs appellent à la mise en évidence de l'impact de la mesure via un « bas de facture » sur le modèle de ce qui existe pour le transport routier, et la mise à disposition des professionnels d'un indice des prix régulièrement mis à jour, à l'instar de ce qui existe sur les prix à la pompe pour les particuliers.
4. Pour difficile qu'elle soit, les rapporteurs souhaitent insister sur le fait que cette bascule n'en demeure pas moins la plus facile et celle comportant le plus faible impact parmi les trois à mener pour la décarbonation du secteur agricole et sylvicole, responsable de 18,4 % des émissions de gaz à effet de serre de la France (76,5 Mt CO2e). Les engins, moteurs et chaudières sont en effet responsables de 13 % seulement des émissions du secteur (essentiellement sous forme de CO2), les cultures de 27 % (essentiellement sous forme de protoxyde d'azote, N2O, lié à la fertilisation des sols) et l'élevage de 60 % (essentiellement sous forme de méthane, CH4, lié à la fermentation entérique des ruminants). Même si l'agriculture sera moins mise à contribution que les autres secteurs (- 16 % d'émissions de GES en 2030 par rapport en 2022) en raison d'un profil d'émissions plus « incompressible » (en attestent les lents progrès du secteur sur les trente dernières années dans le graphique ci-dessous), le plus dur reste à faire. Or, les marges de manoeuvre du Gouvernement pour accompagner la transition ne seront pas illimitées.
Source : édition 2023 du rapport d'inventaire Secten du Citepa
C. EN DÉPIT DU RECOURS AU 49.3, LE GOUVERNEMENT A SU S'OUVRIR AUX INITIATIVES DES DÉPUTÉS ET EST INVITÉ À FAIRE DE MÊME AU SÉNAT
Sur 128 amendements retenus par le Gouvernement dans le texte de la seconde partie du PLF sur lequel il a engagé sa responsabilité, 9 ont trait, directement ou non, à l'agriculture et à la forêt. Leur montant cumulé est de près de 19 M€ :
Ø 3 M€ pour la défense des forêts contre les incendies (RE, 2921),
Ø 5 M€ pour l'investissement immatériel des agriculteurs (HOR, 3324),
Ø près de 1 M€ pour une augmentation de 16 ETP du CNPF (rapporteur spécial, 1874),
Ø 5 M€ pour intensifier la recherche sur l'encre du châtaignier (LR, 1535),
Ø un relèvement de 5 M€ du plafond du Casdar, porté à 146 M€ (rapp. spécial, 3645).
Proposition n° 1 : pour rendre leur dû aux agriculteurs, les rapporteurs entendent relever le plafond d'écrêtement du Casdar à 154 M€, montant attendu en 2024 de la taxe qui le finance.
S'ajoutent deux garanties de l'État à titre onéreux sur des prêts, respectivement pour l'arrachage des vignes face au risque de flavescence dorée (à hauteur de 14 M€) (Gouv, 4143) et pour le maillage territorial en abattoirs (à hauteur de 50 M€) (Gouv, 4144).
À noter, un relèvement du plafond d'emplois de 11 ETPT pour permettre à l'Anses d'exercer de nouvelles missions dans l'évaluation du risque et la cosmétovigilance (Gouv, 4620) et l'obligation d'un budget vert pour les établissements publics dont les dépenses de fonctionnement dépassent 60 M€ (l'ONF, l'ASP, l'Anses et FranceAgriMer sont concernés).
Enfin, un mécanisme de prêts garantis par l'État à titre gratuit est renouvelé (Gouv, 4145) pour accompagner l'installation de nouveaux agriculteurs et l'évolution vers des pratiques agroécologiques. Présenté par le Gouvernement comme « s'inscrivant dans le cadre du Pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture », ce dispositif ne saurait en toute rigueur être considéré comme tel, puisqu'il correspond en fait à la reconduction du fonds « INAF » (Initiative pour l'agriculture française), actif entre 2018 et 2022. Cette garantie comporterait deux différences notables avec le fonds INAF :
- l'encours maximal garanti passerait de 1,1 Md€ à 2 Md€, une montée en charge à saluer ;
- étonnamment, l'État apporterait sa garantie directement et non plus via le fonds européen d'investissement (FEI), alors que la précédente configuration avait donné satisfaction.
II. FONDS « ENTREPRENEURS DU VIVANT » (FRANCE 2030), OU QUAND LA COMMUNICATION CÈDE LA PLACE À L'IMPROVISATION
Annoncé à grands renforts de communication par le Président de la République en personne en septembre 2022, à Terres de Jim, la réunion annuelle du syndicat Jeunes agriculteurs, un fonds « Entrepreneurs du vivant » d'un montant d'au moins 400 M€, devait être la pierre angulaire du Pacte d'orientation et d'avenir agricoles, « portant dans les premières années le foncier pour permettre de lisser la charge pendant plusieurs années et aidant à mener les transformations indispensables pour que la reprise soit aussi un moment d'accélération ».
Plus d'un an après l'annonce, ce fonds, nimbé de mystère, suscite autant d'attentes, à l'approche d'un renouvellement massif de la population agricole, qu'il n'est entouré de flou :
Ø Les rapporteurs n'ont toujours pas connaissance des raisons ayant conduit l'exécutif à annoncer un tel montant plutôt qu'un autre, ce qui rappelle la méthode à l'envers de la planification écologique (annonce de moyens réflexion sur leur affectation).
Ø Ils comprennent qu'en raison de l'absence d'une offre suffisamment mature de fonds de portage du foncier, il sera en réalité difficile de consacrer plus de 60 M€, soit environ 15 % du fonds de fonds, à ce sujet, alors que les besoins en portage du foncier et des capitaux sont considérables. Or, la plupart des acteurs interrogés, à commencer par le syndicat Jeunes agriculteurs, avaient compris que l'intégralité du fonds serait dédiée au foncier, ce qui révèle toute l'ambiguïté de cette annonce. 12 M€ par an pendant 5 ans, c'est deux fois moins que ce que la Banque des territoires consacre déjà chaque année à cette politique.
Ø Ils s'interrogent de ce fait sur la réelle portée du fonds, les 400 M€ semblant correspondre à l'assemblage de mesures disparates « marketées » sous un nom unique, sans cohérence de fond. Il n'est pas anodin que le syntagme « Entrepreneurs du vivant » ait d'abord été utilisé par le Gouvernement dans des campagnes de communication.
Ø Ils ne comprennent toujours pas la logique du rattachement d'un fonds de portage du foncier à France 2030, censé financer l'innovation de rupture, le seul motif évoqué étant le statut d'investisseur avisé du Secrétariat général pour l'investissement. Ils se demandent comment le Gouvernement contrôlera que les moyens libérés par le portage du foncier seront bien consacrés à des investissements de « transformation ».
Ø Ils craignent que le fonds pâtisse des problèmes généraux de sous-consommation de France 2030 (17 % seulement des 2,9 Md€ consacrés à l'agriculture, à l'alimentation et à la forêt ont été engagés mi-2023) liés à sa forte sélectivité et à des procédures complexes d'attribution des crédits.
Ø Ils regrettent que la doctrine d'utilisation du fonds soit encore en cours d'élaboration, à deux mois de son lancement théorique, et que sa forme même ne soit pas arrêtée, bien que la possibilité d'un fonds de fonds géré par la Banque des territoires soit évoquée.
Ø Ils craignent que le retard pris dans la définition de ce fonds, les délais de lancement du fonds Elan de la FNSafer, et plus largement le report de la présentation du PLOAA au Parlement n'occasionnent un goulet d'étranglement, le renouvellement devant être réalisé en quelques années.
Ø Ils déplorent enfin que la promesse d'une association des chambres, des syndicats et surtout des régions semble complètement oubliée, puisqu'elle se traduirait désormais seulement par l'éligibilité des fonds de portage du foncier régionaux à ce fonds de fonds.
Les rapporteurs sont très préoccupés par le manque de visibilité sur les contours du fonds « Entrepreneurs du vivant », pourtant censé être au coeur du Pacte d'orientation et d'avenir agricoles
Amendement n° 2 : Suggérer au Gouvernement des lignes directrices pouvant l'aiguiller dans l'élaboration.
Devant l'urgence du renouvellement, et suivant leur logique constructive, les rapporteurs se proposent en effet d'aider le Gouvernement à sauver le fonds Entrepreneurs du vivant en suggérant sept lignes directrices :
Association des régions : au-delà de la seule éligibilité des fonds de portage régionaux à ce fonds de fonds, ce dernier devrait être adapté aux spécificités de chaque région, en association étroite avec les exécutifs régionaux.
Facilité d'accès : c'est la condition des conditions, en lien avec la création du futur réseau « France service agriculture » annoncé dans le cadre du PLOAA. Un équilibre doit être trouvé entre la conditionnalité, pour s'assurer de la contribution des investissements à la transition écologique et la simplicité d'accès à ce fonds, qui permettra sa massification.
Priorité à l'installation : les projets d'installation doivent être préférés à l'agrandissement, qui ne devrait toutefois pas être exclu par principe de l'éligibilité à ce fonds. Seuls les agrandissements consécutifs à une amputation de surface liée à une expropriation pour cause d'utilité publique ou en dessous d'un certain seuil (par exemple le seuil d'agrandissement significatif, entre 1,5 et 3 fois la surface agricole utile régionale moyenne, de la loi du 23 décembre 2021 dite « Sempastous ») devraient être éligibles à ce fonds, sans quoi ce dernier risque de favoriser la concentration du fait des économies d'échelle.
Plafond différencié par typologie de culture : en effet, les secteurs au foncier coûteux tels que la viticulture ou l'arboriculture pâtissent de plafonds ne permettant de porter que quelques ha, et devraient bénéficier de dérogations.
Statut et propriété du foncier à long terme : il faut permettre aux agriculteurs de réinvestir dans le foncier par la suite et non dissocier durablement la propriété de l'activité agricole, avec le risque que cela ferait porter en termes de financiarisation du foncier agricole.
Lien avec la fiscalité du foncier : il faut engager une réflexion sur la complémentarité entre ce fonds et la fiscalité applicable au foncier.
Ouverture aux foncières solidaires SIEG : le statut d'investisseur avisé du SGPI faisant obstacle à leur financement, il faudrait les intégrer par des voies juridiques détournées.
III. PRODUITS PHYTOSANITAIRES : APRÈS LA PHASE D'ÉMERGENCE DE SOLUTIONS, IL FAUT LES DIFFUSER MASSIVEMENT PAR DES AIDES DIRECTES AUX AGRICULTEURS AU SEIN D'ECOPHYTO 2030
Annoncée par la Première ministre au salon de l'agriculture en février 2023, la nouvelle approche du Gouvernement en matière de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques (PPP) consiste à anticiper davantage le retrait éventuel de substances actives par les autorités européennes, en accélérant la recherche sur des alternatives, y compris chimiques, et en accompagnant les changements de pratiques. L'enjeu est de passer d'une logique de gestion de crise permanente subie et par à-coups, à l'instar de ce qui s'est produit pour les néonicotinoïdes en janvier 20236(*), à une logique de transition planifiée, choisie et lissée. Cela se traduit dans le projet de loi de finances pour 2024 par deux évolutions concomitantes, l'une fiscale, et l'autre budgétaire.
A. LA HAUSSE DE 37 M€ DE LA REDEVANCE POUR POLLUTIONS DIFFUSES
Sur le plan fiscal, il est proposé à l'article 16, au milieu d'une refonte plus globale du financement des agences de l'eau et des redevances qui lui sont affectées7(*), une hausse de 20 % de la redevance pour pollutions diffuses (article L. 213-10-8 du code de l'environnement), soit 37 M€, ce qui porterait son produit total à 217 M€ en prévisionnel.
Source : commission des affaires
économiques,
d'après CGAAER (2021) et jaune
« agences de l'eau ».
MM. Duplomb et Menonville admettent que l'approche : réduction des volumes de PPP utilisés par des incitations fiscales est préférable à l'approche : retrait de substances actives par la réglementation. Plus pragmatique, elle laisse in fine la liberté de recourir à ces produits, même si c'est à des conditions économiques dégradées.
La conviction des trois rapporteurs, largement partagée par tous leurs interlocuteurs8(*), est toutefois que la hausse de la fiscalité en application du principe pollueur-payeur ne suffira pas à elle seule à engager la réduction des volumes de PPP utilisés en agriculture. D'après un rapport interministériel de 20139(*), en effet, il faudrait doubler leur prix pour obtenir une diminution de 40 à 50 % de leur usage (élasticité-prix de -0,4 à -0,5).
Bien que les dépenses en PPP ne représentent que 5 % des consommations intermédiaires des agriculteurs10(*), toute hausse des coûts de production pourrait accroître, dans le contexte actuel, les importations - y compris produites au moyen des produits qui sont pourtant l'objet de la taxation -, tant au sein du marché intérieur en cas de sur-transposition, que vis-à-vis d'États tiers en l'absence de clauses miroirs.
Comme cela a été confirmé aux rapporteurs, l'augmentation de la RPD ne s'inscrit dans aucune trajectoire d'évolution à moyen terme, ce qui nuit à la prévisibilité de cette taxe pour les agriculteurs. La hausse de la RPD par à-coups dans les PLF 2019 et 2024 donne l'impression de répondre plus à des préoccupations de bouclage du budget qu'à une véritable logique pollueur-payeur. Cette année par exemple, la hausse de 37 M€ de la RPD est présentée comme contrepartie, entre autres, du nouveau fonds hydraulique de 30 M€ pour la gestion quantitative de l'eau, sans rapport direct, donc, avec la gestion des PPP.
Sur le produit total de cette taxe, 41 M€ sont fléchés vers le programme national Écophyto, géré par l'OFB, et 30 M€ fléchés vers sa déclinaison régionale, gérée en propre par les agences de l'eau. Les 146 M€ restants (y compris, de façon incompréhensible, les 37 M€ de hausse envisagés pour 2024) ne sont pas en tant que tels affectés au financement d'Écophyto, mais reversés au budget courant des agences de l'eau.
Or, la Cour des comptes pointait dès 201511(*) « l'insuffisante transparence des décisions d'aide financière » des agences de l'eau. La situation ne semble guère s'être améliorée depuis, en particulier pour les 30 M€ régionaux d'Ecophyto gérés en propre par les agences de l'eau.
Les rapporteurs comprennent d'autant moins qu'à leurs questions sur la transparence des actions des agences de l'eau, il leur soit simplement objecté que le taux d'effort des agriculteurs est plus faible que celui des autres usagers, et que l'agriculture bénéficie globalement davantage de ses financements qu'elle n'y contribue. Cette balance positive au profit de l'agriculture devrait au contraire inciter l'administration à mettre en avant sa contribution à l'amélioration des pratiques agricoles.
Amendement n° 3 : les rapporteurs proposent de revenir sur la hausse de 37 M€ de la RPD envisagée à l'article 16. Par ailleurs, ils demandent de façon transpartisane un renforcement du taux de retour de la RPD aux agriculteurs, en finançant les 30 M€ du fonds hydraulique par le budget général, pour affecter la même somme directement à la réduction de l'usage des produits phytosanitaires, sans passer par le budget courant des agences de l'eau.
B. L'ABONDEMENT DU PLAN ECOPHYTO 2030 À HAUTEUR DE 250 M€
Sur le plan budgétaire, est créée au sein du programme 206 une sous-action « Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits », abondée à hauteur de 250 M€ en AE (150 M€ en CP). Ces moyens accompagnent la mise en place du plan Écophyto 2030, succédant aux avatars successifs du plan depuis 2008 qui, à l'instar de ceux des autres États membres, a pour l'heure des résultats mitigés.
Source : SGPE
En cours d'arbitrage au moment de la rédaction de cet avis, le plan Écophyto 2030 aura comme levier prioritaire les plans de filière pour anticiper le retrait de substances actives et rechercher des alternatives. La quasi-totalité de l'action en CP serait allouée à ces plans la première année, finançant surtout des projets de recherche et les instituts techniques.
Les rapporteurs s'interrogent sur l'efficience des moyens considérables consacrés à cette politique depuis plus de dix ans. Au-delà des 71 M€ du programme stricto sensu, financés par une fraction de RPD, les moyens contribuant au plan Écophyto étaient estimés à 643 M€ en 2019. Or, le nombre de doses-unités (NODU) n'a pas diminué depuis le lancement du plan. Les rapporteurs proposent, par conséquent, de changer de méthode.
1. Le financement du bulletin santé du végétal (BSV) par l'enveloppe nationale d'Écophyto n'apparaît pas justifié, son effet sur la réduction de l'utilisation des PPP n'étant pas démontré. Greffé au plan Écophyto au motif qu'en apportant une information fine et actualisée sur l'arrivée éventuelle de parasites, il permettrait de ne traiter qu'en cas de risque avéré, évitant un traitement préventif systématique, il semble avoir pu dans certains cas produire l'effet inverse, déclenchant des traitements par inquiétude.
Réseau de surveillance indispensable à la prise de décision des agriculteurs, le BSV ne devrait pas être assimilé aux projets ponctuels que finance le plan Écophyto, mais financé de façon pérenne sur les crédits du programme 206, comme l'étaient du reste les « avertissements agricoles » jusqu'en 2010. Ainsi sanctuarisé, le BSV pourrait parallèlement être renforcé sur le suivi des adventices et sur son accessibilité12(*).
Amendement n° 4 : augmenter de 7,58 M€ les crédits courants du programme 206 pour financer de façon pérenne le bulletin santé du végétal (BSV), libérant ainsi la même somme au sein de l'enveloppe nationale d'Ecophyto 2030.
2. Grâce au financement ad hoc du fonds hydraulique (amendement n° 2) et du BSV (amendement n° 3), l'équivalent du montant de la hausse de la RPD, soit environ 37 M€, pourrait abonder l'enveloppe nationale d'Ecophyto, passant de 41 à 78 M€ (et le total fléché de 71 à 108 M€). La moitié de la taxe serait directement allouée au plan sans passer par le budget courant des agences de l'eau, améliorant d'autant son acceptabilité.
Pour aller plus loin, les rapporteurs appellent à une utilisation pragmatique de ces fonds, au plus près des agriculteurs, dont ils rappellent qu'ils n'utilisent pas de PPP pour leur plaisir, en les payant directement pour leurs pratiques économes en PPP, indépendamment du respect du cahier des charges AB, dont tous les critères ne sont pas spécifiques aux PPP. Ces aides directes devraient respecter les principes de spécialité, d'agilité et d'additionnalité identifiés par la mission interministérielle de 202313(*).
En effet, le réseau de 3 000 fermes Dephy financé par Ecophyto donne des résultats probants avec en particulier une réduction de 15 à 40 % de l'indicateur de fréquence de traitements, sans dégradation significative des rendements agricoles14(*). Les solutions que la recherche et l'expérimentation ont fait émerger ne demandent qu'à être mieux diffusées et massifiées15(*), sans quoi elles resteront une vue de l'esprit.
Proposition n° 2 : grâce aux moyens libérés sur l'enveloppe nationale d'Ecophyto (amendements n° s 4 et 5), ouvrir à titre expérimental une nouvelle ligne d'Ecophyto de 37 M€, dédiée à des aides directes aux pratiques culturales faiblement utilisatrices de PPP.
Enfin, pour évaluer l'efficience de ces dépenses supplémentaires, il serait souhaitable de se doter d'indicateurs qui, au-delà de la quantité de substances actives (QSA), du nombre de doses unités (NODU) ou de l'indicateur de fréquence de traitements (IFT), évaluent les progrès directement en matière de santé publique, de biodiversité ou encore de protection intégrée des cultures.
IV. INVENTAIRE FORESTIER OUTRE-MER : LE GOUVERNEMENT DOIT ACCÉLÉRER SUR LA MISE EN oeUVRE DE CETTE MESURE DÉFENDUE DE LONGUE DATE PAR LE SÉNAT
Votée dans la loi d'avenir agricole en 2014, puis à nouveau dans la loi climat et résilience en 202116(*), la réalisation d'un inventaire forestier Outre-mer est une nécessité tardant à se concrétiser, inapplicable faute de moyens, au mépris de l'impulsion donnée par le Parlement.
Les rapporteurs notent que le Secrétariat général à la planification écologique a repris cette proposition17(*), qui répond à deux objectifs :
Ø le suivi du puits de carbone, la forêt ultramarine et notamment guyanaise, très dense, stockant autant de CO2 que la forêt hexagonale avec une surface pourtant deux fois moindre (8 millions d'hectares contre 16 Mha). Cela urge d'autant plus que le puits de carbone forestier hexagonal a, lui, été divisé par deux en 10 ans ;
Ø la mobilisation du bois et la valorisation de la forêt par des paiements pour services environnementaux, pour le développement économique ultramarin.
Un inventaire par Lidar (télédétection par laser), financé par le Fonds de transformation de l'action publique, devait couvrir les Outre-mer (hors Guyane) mais, sous-financé, il n'a pas permis à l'IGN de le réaliser.
La création, dans le cadre de la planification écologique, d'une sous-action « forêt en Outre-mer », dotée de 15 M€, semble finalement concourir au financement d'un tel inventaire à hauteur de 6,2 M€, en dépit de ce qui était indiqué dans le projet annuel de performance :
Cependant, si 24 ETPT sont jugés nécessaires pour la réalisation de cet inventaire (18 pour les observations de terrain de l'ONF et 6 pour le traitement cartographique au siège de l'IGN), les plafonds d'emplois du PLF ne traduisent pas ce besoin. Or il est plausible que ces postes parfois très spécialisés et dans les Outre-mer ne soient pas pourvus rapidement. Un inventaire complet ne pouvant être réalisé qu'en 4 à 5 ans, cela renverrait l'effectivité de la mesure à 2030 au moins, date-clé pourtant de notre trajectoire de décarbonation. C'est aussi une question de principe pour le Sénat, la mesure ayant été votée il y a bientôt 10 ans.
Amendement n° 5 : augmenter dès 2024 le plafond d'emplois du programme 149 de 24 ETPT (18 pour l'ONF et 6 pour l'IGN) afin d'accélérer la réalisation d'un inventaire forestier Outre-mer.
Il est difficilement entendable d'attendre 2030 pour cette mesure vitale pour le développement économique des outre-mer et le suivi du puits de carbone guyanais, équivalent, à lui seul, à celui de la forêt hexagonale
Effectifs de l'ONF et du CNPF : après
la stabilisation,
le besoin d'une inflexion
Concernant les moyens humains des deux établissements chargés de la forêt publique et privée, les rapporteurs se satisfont de la « prise de conscience de la nécessité de stopper l'hémorragie et de mettre les moyens en adéquation avec les missions » évoquée l'an dernier au Sénat par le ministre de l'agriculture. Cela se traduit pour 2024 par de premiers timides efforts budgétaires dans le PLF avec + 5 ETP pour le CNPF et une seconde « suspension » consécutive du schéma d'emplois de l'ONF de - 95 ETP18(*).
Alors que le président de la République a fixé l'objectif de planter 1 milliard d'arbres d'ici à 2030 et que le rapport « Objectif forêt » remis au Gouvernement cet été estime que 10 % des forêts hexagonales (1,6 M ha) devront être renouvelés d'ici à 2030, les rapporteurs :
- accueillent avec soulagement l'amendement finançant 16 ETPT supplémentaires pour le CNPF dès 2024 (en plus de 5 financés et de 5 à financer par des conventions dans le PLF initial), sur 50 demandés à horizon 2027 pour la bonne application de la loi d'initiative sénatoriale « feux de forêt » du 10 juillet 202319(*) ;
- regrettent le vocable retenu de « suspension » du schéma d'emplois de l'ONF, laissant planer la menace d'une reprise des suppressions en 2025, la stabilité des effectifs devant au contraire être durablement garantie à l'établissement, son président et sa directrice générale ayant confirmé qu'elle avait rejailli positivement sur le climat général en son sein. Ils préviennent par ailleurs que le contrat État-ONF post-2025 devra mettre un terme à la suppression des postes de techniciens et, plus encore, d'ouvriers forestiers, qui a cours actuellement pour réallouer des postes à la défense des forêts contre l'incendie (DFCI), dans un contexte où le maillon ETF/ouvriers est fragilisé.
Les rapporteurs appellent en somme à faire de ce levier, préconisé par le SGPE, une réalité :
TRAVAUX EN COMMISSION
Audition de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture
et de la souveraineté alimentaire
(Mardi
14 novembre 2023)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Dans le cadre de nos auditions budgétaires, après le ministre de l'économie, nous entendons M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui vient nous présenter le projet de budget de son ministère pour 2024. Nous le remercions de sa venue, alors qu'il arrive à l'instant après un déplacement dans le Nord-Pas-de-Calais, aux côtés du Président de la République.
Monsieur le ministre, la commission des affaires économiques est d'autant plus heureuse, bien sûr, de vous entendre que nous sommes à la veille d'une très riche actualité pour le monde agricole, y compris législative - vous nous donnerez, je l'espère, quelques précisions.
Je dois vous faire part, en préambule, de la circonspection grandissante que je perçois chez plusieurs de mes collègues quant au devenir du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, dont le Gouvernement parle depuis bientôt deux ans, mais qui, de plus en plus, a des allures d'arlésienne.
Un avant-projet d'une vingtaine d'articles a circulé à la rentrée, mais l'on a appris depuis lors que le volet ô combien crucial sur l'eau ne figurerait plus dans le projet, puis l'on a vu une proposition de loi, adoptée au Sénat, sur les groupements fonciers agricoles d'investissement, sujet qui devait être partie intégrante de ce projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles.
Pourriez-vous donc nous en dire plus sur le champ et sur le calendrier de ce texte, qu'on annonce maintenant à la rentrée 2024 à l'Assemblée nationale puis au Sénat ? Ne voyez pas dans ma question de l'impatience, mais voyez-y plutôt la très grande motivation de mes collègues de tous bords, dont je me fais ici l'écho, pour traiter de la question du renouvellement des générations en agriculture, si stratégique pour notre ferme France.
Pour en venir à notre sujet du jour, à savoir le budget 2024 de l'agriculture, la presse spécialisée a pointé justement l'absence de mesures spécifiques au projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles et plus généralement au renouvellement des générations, dans le PLF initial, pas suffisamment prêtes semble-t-il pour y figurer.
À l'Assemblée, un amendement du Gouvernement reconduit sous une forme légèrement différente le fonds de garantie « INAF », initiative nationale pour l'agriculture française, visant cette fois-ci jusqu'à 2 milliards d'euros de prêts des banques notamment pour l'installation des jeunes agriculteurs.
J'aurais quelques questions sur ce sujet : comment ce dispositif s'articulera-t-il avec les fonds similaires mis en place dans au moins quatre régions en lien avec le fonds européen d'investissement ? Pourquoi ne pas avoir à nouveau mobilisé le Fonds européen d'investissement alors que l'expérience précédente avait été semble-t-il concluante ? Et êtes-vous bien certain que votre dispositif sera compatible avec le régime général d'exemption sur les aides d'État alors que l'État apporte sa garantie à titre gratuit et pourrait être appelé, dans l'hypothèse d'un défaut massif, à renflouer 25 % du total des prêts, sur 80 % de chaque prêt, soit jusqu'à 400 millions d'euros ?
Pour le reste, la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales est en nette augmentation, de 23 % en crédits de paiement. C'est demain que la commission se prononcera, mais nos collègues rapporteurs ont noté que 22 points sur ces 23 % sont liés aux seuls crédits de la planification écologique. Les informations ont manqué à nos collègues rapporteurs sur l'affectation précise de ces crédits, c'est pour eux un motif d'insatisfaction.
Par ailleurs, plus que jamais, d'autres institutions que votre ministère ont laissé leur empreinte sur ce budget : le Secrétariat général à la planification écologique avec cette enveloppe supplémentaire ; le ministère de l'économie et des finances avec la réduction de l'avantage fiscal sur le gazole non routier négociée directement avec la FNSEA ; le ministère de la transition écologique avec la hausse de la redevance pour pollutions diffuses. C'est le signe que l'agriculture est traversée par des enjeux stratégiques pour notre pays. Nous nous demandons comment dans ce contexte vous parvenez à faire votre place et à faire entendre la voix singulière du ministère de l'agriculture. Certains craignent que la rue de Varenne ne soit progressivement cantonnée à la gestion de crise, en laissant les orientations stratégiques se décider à Matignon, à Bercy ou à l'hôtel de Roquelaure. Si ce ne sont pas des spécialistes du monde agricole qui conçoivent les politiques agricoles, le risque est fort qu'elles ne soient pas adaptées.
Enfin, vous vous doutiez bien, Monsieur le Ministre, qu'en tant que sénatrice des Alpes-Maritimes, je ne vous aurais pas cédé la parole avant d'avoir pu vous interroger sur la prédation. Mon département est le plus prédaté de France depuis 1992, année qui a vu la réapparition du loup sur notre territoire national. Pourriez-vous nous rappeler ce que vous portiez en interministériel dans le cadre de l'élaboration du plan national d'actions loup et activités d'élevages et ce que vous avez obtenu ? Et nous dire quelles sont nos marges de manoeuvre supplémentaires avant que le plan national d'actions sur le loup et les activités d'élevage 2024-2029 ne prenne effet ? Il semble qu'à cette date toutes les possibilités en matière de « prélèvements » ne soient pas utilisées : comment l'expliquez-vous ? Enfin, j'aimerais bien connaître la traduction budgétaire de ce plan loup, puisque je constate qu'il est mentionné dans le dossier de presse de votre ministère sur ce budget. Quelles sont nos marges de manoeuvre, par exemple, en termes d'indemnisations en cas de pertes directes et, j'insiste également, en cas de pertes indirectes ?
Je vous cède maintenant la parole pour répondre sur ce budget 2024 et sur la prédation, Monsieur le Ministre, pour une douzaine de minutes, après quoi mes collègues, à commencer par les trois co-rapporteurs sur le budget, vous poseront leurs questions, chacun en moins de deux minutes, pour un temps de réponse identique si vous en acceptez le principe.
M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. - Je vous remercie de m'accueillir une nouvelle fois devant votre commission et de me permettre de présenter le budget du ministère pour 2024. Je vais essayer de me tenir aux grandes orientations qui tournent autour de trois axes : la planification, le soutien aux filières, ainsi que la sécurité sanitaire de nos aliments et la santé de nos élevages. Puis je vais tenter de répondre aux questions.
Ce budget donne à notre agriculture les moyens de mener les transitions nécessaires et importantes, qu'elles soient de nature économique, écologique et d'adaptation au dérèglement climatique. Il est nécessaire, y compris pour assumer notre souveraineté, de conserver des moyens de production qui soient en adéquation avec les transitions à effectuer. Je l'ai affirmé à plusieurs reprises, y compris devant votre Commission, une partie de la transition permettra de garantir notre souveraineté.
Force est de constater qu'un certain nombre d'agriculteurs sont parfois en situation d'impasse face aux grands dérèglements climatiques ou économiques. C'est pourquoi, afin de relever ce défi, un montant de 1,3 milliard d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement, seront mobilisés, principalement pour déployer les démarches de planification écologique et de transition. Cela constitue un virage important puisque ce sont près de 4 milliards d'euros sur trois ans que nous allons mobiliser dans cette perspective. Très concrètement, ce plan et cette mobilisation permettront, sans ordre protocolaire d'intérêt, de financer six politiques publiques.
Premièrement, la replantation de 50 000 kilomètres linéaires de haies d'ici 2030, dans le cadre du « Pacte haies » qui démontrera le rôle essentiel et central de nos agriculteurs ainsi que l'intérêt des haies dans la préservation de la biodiversité, la rétention de l'eau, et la lutte contre les inondations.
Deuxièmement, la poursuite du déploiement de la stratégie nationale pour les protéines végétales. Cette reconquête de la souveraineté constitue aussi un élément de diversification des cultures, pour rendre notre agriculture moins dépendante en protéines et en engrais minéraux.
Troisièmement, l'abondement d'un fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions aux fins de valoriser et développer les « reconceptions de systèmes », à l'échelle des filières et des territoires en raison de leurs difficultés face au dérèglement climatique.
Quatrièmement, la mise en oeuvre de la stratégie de réduction des produits phytosanitaires, soit 250 millions d'euros, qui pour la première fois pose une méthode visant à identifier les impasses techniques et à investir dans la recherche et l'innovation. Les observations sur les trajectoires ne sont pas nouvelles. Elles datent généralement du Grenelle de l'environnement. Toutefois, il convient de se donner les moyens de cette trajectoire et d'identifier les impasses afin d'essayer de trouver des solutions et des alternatives.
Cinquièmement, le renouvellement forestier à hauteur de 250 millions d'euros ainsi que le développement du bois-construction pour 200 millions d'euros pour la filière aval. C'est un élément important. Cette trajectoire que nous assumons, renforcera la résilience économique des forestiers. La succession de crises les a, en effet, fragilisés.
Sixièmement, le renforcement de la compétitivité. Je pense aux allégements de fiscalité sur les entreprises agricoles, qui sont également prévus dans ce projet de loi de finances, dans la logique de compensation des dispositions sur le gazole non routier (GNR). Je mentionnerai le relèvement du plafond de micro-bénéfice agricole (micro BA) ou à la provision octroyée à l'élevage bovin pour limiter l'imposition des éleveurs. Je sais que c'est une préoccupation constante de beaucoup d'entre vous, et du rapporteur pour avis, M. Laurent Duplomb, en particulier.
Le financement de ces priorités politiques liées à la planification porte le budget qui vous est présenté, à 7 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 17 % par rapport à 2023 sur le périmètre de mon ministère. Le budget de 2023 était lui-même un budget en forte augmentation, en dépit des reproches émis l'an dernier, y compris par le Sénat, principalement liés à l'assurance récolte. Nous pourrons évaluer dans les jours qui viennent à quel point le dispositif d'assurance récolte est opérant et utile pour un certain nombre d'agriculteurs touchés par les grands épisodes climatiques.
En dehors des crédits de la planification écologique, ce budget nous permet également de disposer de moyens pour soutenir les filières. Ici encore, sans entrer dans le détail, je voudrais citer trois éléments en ce sens.
Le déploiement de la réforme de l'assurance récolte qui se poursuit avec l'accroissement significatif du nombre d'assurés qui en atteste, y compris en prairies, malgré les craintes exprimées l'an dernier. Le système assurantiel est l'un des outils de gestion du risque dont l'importance pour protéger le revenu agricole, va être croissante. Ce budget le permettra.
Le soutien à l'agriculture biologique au-delà des fonds de crise et d'urgence qui sont déployés, avec 10 millions d'euros supplémentaires qui permettront de porter le montant du Fonds avenir bio à 18 millions d'euros et de financer des actions de communication pour relancer la consommation. En effet, nous sommes confrontés à une crise immédiate ainsi qu'à un problème de relance de la consommation. Ces crédits viendront donc compléter le plan que j'ai annoncé cette année, avec à la fois les montants de 60 millions d'euros et de 10 millions d'euros d'aides face à la crise, complétés par le soutien à la filière via la poursuite des objectifs d'Egalim, dans le cadre de la commande publique de l'État.
Le soutien à notre politique forestière qui répond à une attente forte. Au-delà de ce que j'ai dit sur le renouvellement forestier et la filière aval, comme je m'y étais engagé, les effectifs de l'Office national des forêts (ONF) sont préservés pour la deuxième année consécutive. Des moyens supplémentaires sont prévus pour la création de la nouvelle mission d'intérêt général relative à l'adaptation au changement climatique et à la défense de la forêt contre l'incendie. J'ajoute que les débats à l'Assemblée nationale ont permis deux avancées : l'augmentation du budget dédié à la défense des forêts contre les incendies ainsi que l'augmentation des effectifs du Centre national de la propriété forestière (CNPF), établissement public qui gère les forêts privées afin de porter la hausse initiale de 5équivalents temps plein (ETP) à 16 ETP. Cette augmentation vise à permettre à l'établissement d'assumer les nouvelles missions qui sont les siennes, conférées notamment par la loi dite incendies du 10 juillet 2023. Avec l'abaissement du seuil obligatoire de plan simple de gestion, de nouvelles surfaces seront concernées.
L'ensemble de ces mesures viennent conforter le soutien apporté à nos agriculteurs avec les aides de la Politique agricole commune (PAC) dont le calendrier de versement a été respecté, je le souligne. Elles viennent également prolonger le soutien de l'État aux côtés de nos filières, face aux crises qu'elles ont connues. Ce n'est pas dans le budget mais je tiens à signaler que le projet de loi de finances de fin de gestion qui vient d'être présenté, prévoit 825 millions d'euros d'ouverture de crédits pour financer ces mesures d'aides notamment en matière de distillation, d'arrachage, de vaccination contre l'influenza aviaire, de bio ou des fonds d'urgence qui ont été déployés pour faire face aux différentes situations de crise que nous connaissons.
Après avoir évoqué la planification et le soutien aux filières, je souhaite aborder le troisième axe de ce budget, la sécurité sanitaire de nos aliments et la santé de nos élevages. Nous y consacrerons 650 millions d'euros cette année, soit une augmentation des crédits de 100 millions d'euros par rapport à 2023. Je voudrais citer deux priorités : la fin du déploiement de la police unique en charge de la sécurité sanitaire des aliments et l'engagement de l'État dans le cadre de la campagne de vaccination contre l'influenza aviaire, qui a débuté et sur laquelle nous avons strictement respecté les délais.
J'achèverai mon propos en évoquant deux ou trois sujets sur lesquels vous m'avez interrogé, Madame la Présidente, lors de votre propos liminaire. Le premier porte sur le plan national d'actions sur le pastoralisme et le loup qui entrera en vigueur 2024. En dépit de certains reproches de part et d'autre, selon lesquels il irait trop loin ou pas assez, ce plan est équilibré et comporte de nombreuses avancées, plutôt portées par le ministère de l'agriculture.
D'abord, la reconnaissance de la non-protégeabilité d'un certain nombre de troupeaux. C'est notamment le cas de certains fronts de colonisation en Bourgogne-Franche-Comté vers le Massif central avec des modes d'élevage qui ne sont pas protégeables. On ne peut pas demander à des éleveurs de protéger ces troupeaux. En conséquence, cela les exonère d'un certain nombre de mesures de protection qu'ils ne peuvent pas mettre en oeuvre. Cela concerne principalement des élevages bovins, des élevages équins.
Ensuite, l'abondement à hauteur de 2,5 millions d'euros sur 5 ans pour la recherche en matière de solutions innovantes de protection des troupeaux. Les solutions classiques sont connues, telles que les chiens de protection, les clôtures et les bergers. Il existe peut-être d'autres solutions. Il ne faut pas renoncer à les identifier.
Troisième point, l'accélération de la délivrance des autorisations de tir, en cas d'attaque, constitue une demande récurrente. Je m'y suis attelé en tant que ministre de l'agriculture, de façon frontale, même si le loup ne relève pas du périmètre de mon ministère, car l'élevage, lui, est bien de mon ressort.
De même, une simplification des protocoles de tir est prévue, avec le passage de deux, voire à trois tireurs.
Cinquième point, la capacité donnée aux éleveurs qui le souhaiteront d'accéder au statut de louvetier leur permettra de bénéficier de conditions de tirs simplifiées.
Concernant la prise en compte des dommages indirects, les avortements ou les pertes génétiques. Madame la Présidente, vous me demandez une enveloppe, mais je dois dire que cette enveloppe n'est pas fermée. Ces indemnisations se poursuivent tant que les besoins existent. Il n'y a pas de plafond. Le montant estimé est de 5 à 6 millions d'euros pris sur le budget du ministère de la transition écologique. C'est plutôt 40 millions d'euros sur les mesures de protection, pris, je le précise sur le budget de la PAC ; il y a donc un enjeu pour mon ministère à limiter le coût de ces mesures, qui est important.
Enfin, deux éléments complémentaires doivent être précisés, en termes de stratégie de prélèvement.
Le premier est que 209 loups doivent être prélevés cette année, compte tenu de l'augmentation de la population constatée. Alors que nous avions tendance à prélever un douzième par mois, il me semble plus efficient de prélever au moment des attaques, peu importe que ce soit tôt ou tard en saison. Il n'est pas pertinent de prélever quatre douzièmes les quatre derniers mois de l'année, lorsque les attaques sont moins nombreuses. Le nombre de loups prélevés aujourd'hui s'établit à 175. Je ne ménage pas mes efforts pour que nous atteignions l'effectif prévu, et je suis très attentif à l'attention des préfets, si vous me le permettez. Je vous rappelle que l'an dernier nous aurions dû en prélever 209 puisque le comptage final nous a montré qu'il y en avait plus que ce que nous pensions initialement.
Deuxième point, et c'est peut-être le plus important à terme : pour la première fois, nous avons ouvert la question du statut de l'espèce, ce qui était considéré comme une boîte de Pandore pour certains. Si l'espèce est à un niveau génétique et démographique satisfaisant, il convient de se poser la question de son statut. Je le dis tranquillement, très pacifiquement. C'est une question de bon sens. En outre, pour la première fois également, aucun objectif de population n'a été fixé dans ce plan loup, ce qui n'était pas le cas des quatre ou cinq plans loup précédents.
Vous avez évoqué le Pacte et le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOAA), sur le sujet renouvellement des générations. L'annonce définitive a en réalité été faite par le président de la République à Terres de Jim, pas il y a deux ans. Nous avons réalisé un travail de concertation de qualité sur le terrain afin de recueillir les différents besoins. Notre horizon législatif est le premier trimestre 2024, ce qui n'empêche pas de déployer d'ores et déjà, un certain nombre d'éléments du Pacte, dont certains figurent dans le budget qui vous est présenté, tels que les avancées sur la diversification de l'autonomie protéique, le fonds Entrepreneurs du vivant. Ce sont autant d'éléments du Pacte, indépendants de la loi.
S'agissant du PLOAA, vous évoquez deux sujets, l'eau et le foncier. Sur le premier point, les éléments ne sont pas encore tranchés. Quant au sujet foncier, on ne peut évidemment pas poser la question du renouvellement des générations sans aborder celle du foncier. Je rappelle que la proposition de loi sur les groupements fonciers agricoles (GFA) est une initiative sénatoriale, ce qui n'interdit pas au Gouvernement de s'en saisir d'une façon ou d'une autre. La question foncière est importante, non pas pour réinventer le sujet car je n'ai jamais dit que cette loi serait une loi foncière. Ce n'en est d'ailleurs pas l'objet parce des lois ont déjà été votées en ce domaine, dont une récemment.
Nous présenterons le Pacte dans les semaines à venir. Sa portée est très concrète car il est constitué de moyens budgétaires, d'éléments réglementaires, y compris sur la question de l'eau ainsi que des éléments de stratégie de planification territoriale qui permettront de prévoir des mesures concrètes au-delà de la loi. Pour avoir été ministre des relations avec le Parlement, je n'ai pas changé d'avis sur l'idée qu'il faut recourir au meilleur véhicule normatif, que ce soit la loi, si elle est nécessaire ou, en cas contraire, une autre voie.
D'autres éléments figurent également en dehors de la mission, que ce soit le fonds garantie évoqué plus tôt ou plusieurs mesures dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), sans oublier l'augmentation des moyens du compte d'affectation spécial développement agricole et rural (Casdar) ainsi que le renforcement du crédit d'impôt pour les dépenses liées au service de remplacement qui est mis en oeuvre dès cette année, car particulièrement attendu dans le secteur de l'élevage, eu égard à ses rudes conditions de travail.
En ce qui concerne le lieu d'élaboration de la politique agricole, c'est bien rue de Varenne. En outre, vous reconnaîtrez que le budget qui a le plus augmenté, c'est le budget agricole. S'agissant de la question de l'eau, c'est une bataille de tous les jours que nous menons afin de déployer les projets de territoire ou encore d'avancer sur telle ou telle retenue de substitution, telle qu'elle a été prévue. Affirmer qu'il n'existe pas de vents contraires serait inexact, mais je défends pied à pied l'agriculture pour chaque décision. Si 90 % des augmentations de crédits sont consacrées à la planification écologique, il n'empêche que c'est dans l'intérêt des agriculteurs. J'observe aujourd'hui trop d'agriculteurs en situation d'impasse économique et climatique pour ne pas assumer ma responsabilité de traiter des sujets environnementaux afin de les engager dans la transition écologique, avec une volonté de trouver un équilibre économique, sinon, cela ne sert à rien. Nous parlons d'une transition écologique pertinente du point de vue économique.
Quant à la question de la planification sur les sujets phytosanitaires, il n'y a pas de solution facile, il faut se mettre autour de la table afin d'examiner les impasses, les alternatives, et les moyens dont ont besoin les agriculteurs. Je constate que la transition écologique a provoqué un regain d'intérêt pour l'agriculture, dont on peut se féliciter. En effet, la souveraineté et la décarbonation passeront par l'agriculture, ignorée pendant des années. C'est pourquoi nous devons encourager les agriculteurs dans cette voie.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous remercie Monsieur le Ministre. Je vais laisser la parole à nos trois rapporteurs pour avis, Messieurs Laurent Duplomb, Franck Menonville et Jean Claude Tissot, puis au rapporteur spécial de la commission des finances, Monsieur Christian Klinger.
M. Laurent Duplomb. - Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, je vous entends parler d'impasses liées aux évolutions climatiques. Il ne faut pas passer sous silence celles qu'on s'est proprement imposées par la surtransposition de certaines normes qui aujourd'hui ont malheureusement plus de conséquences que les évolutions climatiques.
Je souhaiterais aborder, Monsieur le Ministre, la planification écologique prévue à hauteur de 1,3 milliard d'euros. Notre exercice de rapporteur est particulièrement complexe car nous devons rapporter sur tel un budget sur la base d'une dizaine de lignes explicatives. Ce montant de 1,3 milliard d'euros à l'échelle de la France n'est pas négligeable. Il me semble qu'il aurait été intéressant de disposer d'informations sur les objectifs, les moyens, les attentes et les unités de mesure afin de procéder à une évaluation. Cet exercice budgétaire est donc un peu difficile pour nous, compte tenu de la forte progression du budget.
Revenant sur la réduction de l'avantage fiscal sur le GNR, je me félicite de voir que, finalement, les propositions qui ont été retenues sont celles que nous avions écrites dans notre proposition de loi (PPL) pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, que ce soit le relèvement du seuil de l'exonération des plus-values, l'évolution du micro-BA, ou celle de la déduction pour épargne de précaution. C'est exactement ce que nous avions préconisé dans la PPL. Je m'en félicite donc. Il n'en reste pas moins vrai, comme vous le savez, que cela ne s'appliquera pas de façon linéaire sur les agriculteurs. Ceux qui vont subir une baisse de l'exonération ne vont pas bénéficier obligatoirement de la compensation par l'exonération fiscale de ces trois mesures. Il faudra donc veiller à ce que les agriculteurs ne soient pas lésés.
Concernant l'augmentation de la redevance pour pollutions diffuses payée par les agriculteurs, sans vouloir remettre en cause son principe, il me semble qu'on ne peut pas accepter aujourd'hui, de façon arbitraire, une augmentation de 20 % de cette redevance. Le montant qui est versé par les agriculteurs aujourd'hui s'élève à 180 millions d'euros. En comptant l'augmentation de 37 millions d'euros, celui-ci s'établirait à 217 millions d'euros. Cette redevance doit conduire à améliorer le travail des agriculteurs dans la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires. Or, hormis 71 millions d'euros affectés au plan Ecophyto, nous constatons que le produit de cette redevance n'est pas entièrement utilisé pour la réduction des produits phytosanitaires.
Quant à l'utilisation des fonds du plan Ecophyto, nous n'en connaissons pas véritablement les résultats concrets, à l'exception de la diminution de 25 % du volume des produits phytosanitaires, les faisant passer de 54 000 tonnes à 42 000 tonnes. Une démarche qui donne de bons résultats également est celle des fermes Dephy. Il me semble qu'aujourd'hui, après quinze ans d'Ecophyto, il faut changer de braquet et pour ce faire, il convient de cesser d'utiliser ces fonds pour financer, les agences de l'eau sur des politiques en partie différentes de celle de la réduction de l'usage des produits phytosanitaires. La solution pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires et atteindre cet objectif de 50 % réside dans la valorisation, la vulgarisation et la massification des progrès réalisés dans les fermes Dephy.
Nous ne parviendrons pas une diminution du volume des produits phytosanitaires avec des principes dépassés. Nous disposons aujourd'hui d'intelligence embarquée, de nouvelles capacités de résolution des problèmes avec notamment du matériel qui pourrait permettre de diminuer de 80 % à 90 % le volume de produits phytosanitaires utilisé dans certaines cultures. Il convient, avec ce plan de 1,3 milliard d'euros, de massifier les progrès acquis dans les fermes Dephy sur les dix dernières années, et de faire connaître les alternatives qui ont émergé. Je ne suis pas favorable à l'utilisation de produits phytosanitaires s'il existe une alternative technique, mécanique ou autre. Toutefois, la seule solution ne peut pas consister à interdire les molécules. Il faut commencer par diminuer le volume des produits utilisés, en espérant trouver des alternatives qui permettront peut-être, par la suite, d'interdire la molécule. Procéder de manière inverse serait de nature dogmatique.
Monsieur le Ministre, pourrions-nous prendre du recul pour examiner comment réorganiser les financements et les politiques liées à la réduction des produits phytosanitaires afin de disposer des moyens permettant d'atteindre les objectifs fixés, sans stigmatiser les agriculteurs, mais en travaillant ensemble, en les accompagnant, parce qu'ils sont tous favorables, pour des raisons économiques, à la réduction des produits phytosanitaires ?
M. Franck Menonville. - Monsieur le Ministre, s'agissant de la réduction de l'avantage fiscal sur le GNR, nous avons eu l'impression d'un flottement, avec un montant annuel annoncé initialement de 70 millions d'euros, et finalement révisé à 90 millions d'euros. Pouvez-vous expliquer cet écart et nous rassurer, en prenant l'engagement que des ajustements seront effectués si le constat s'éloigne des prévisions, afin de compenser équitablement nos agriculteurs, en loi de finances rectificative.
Par ailleurs, un passage rapide au biocarburant B100 vous paraît-il réaliste ? Ne faudrait-il pas privilégier dans un premier temps par réalisme un carburant intermédiaire comme le B30 ?
En ce qui concerne les problématiques liées à la forêt, force est de reconnaître que le Gouvernement a pris la mesure de l'enjeu d'un inventaire forestier en outre-mer, car il en finance la préfiguration avec 6 millions d'euros parmi les 15 millions d'euros de la planification écologique dédiés à la forêt en outre-mer. Il était temps : rappelons que cette mesure a été votée dès 2014 dans la loi d'Avenir, et re-précisée dans la loi Climat et résilience par le Sénat en 2021. Toutefois, quatre ou cinq années seront nécessaires pour réaliser un tel inventaire forestier, selon l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et l'ONF qui en seront les maîtres d'oeuvre. Or, aucun des 24 ETP associés à ce projet ne figure dans ce budget. Nous craignons que cela reporte cet inventaire à 2030. Pourquoi ne pas accélérer sur cet outil dont nous avons un besoin crucial au plus vite, surtout quand on sait que la forêt guyanaise, pourtant deux fois plus réduite, stocke autant de carbone à elle seule que la forêt hexagonale ?
En ce qui concerne le renouvellement forestier, ce budget en maintient les moyens et les accentue dans le temps. Le renouvellement forestier est un enjeu qui doit s'inscrire dans le temps long, et c'est l'objet de ce budget avec également le maintien des effectifs de l'ONF pour la deuxième année consécutive, avec toutefois le bémol que constitue l'enjeu de redéploiement de ses moyens pour assurer ses nouvelles missions. Il convient d'être vigilant afin que ce redéploiement ne s'effectue pas au détriment des territoires.
M. Jean-Claude Tissot. - Monsieur le Ministre, de manière globale, une fois n'est pas coutume, nous pouvons collectivement nous satisfaire de l'augmentation des crédits accordés à cette mission budgétaire. Néanmoins, il est de notre devoir de législateur de rappeler que cette augmentation est un peu en trompe-l'oeil avec des engagements qui seront ventilés sur plusieurs années.
Pour ma part, je me suis intéressé à la question du fonds Entrepreneur du vivant annoncé il y a près d'un an par le Président de la République, censé être doté de 400 millions d'euros, dans le but de « porter dans les premières années le foncier pour permettre de lisser la charge pendant plusieurs années et d'aider à mener les transformations indispensables pour que la reprise soit aussi un moment d'accélération ».
Plus d'un an après, ce fonds reste nimbé de mystère et apparaît surtout comme un conglomérat de mesures disparates. Nous nous interrogeons en particulier sur le montant de 400 millions d'euros, qui ne nous a jamais été expliqué, ni détaillé, ainsi que sur le rattachement de ce fonds d'investissement dans le foncier à France 2030, censé pourtant financer l'innovation de rupture. L'imputation de ce fonds à France 2030 nous laisse craindre une sous-consommation, puisque seulement 17 % des crédits agricoles, alimentaires et forestiers de France 2030 ont été engagés à ce stade, en raison de sa forte sélectivité et de la complexité des règles d'attribution.
Plus inquiétant encore, en l'absence d'une offre suffisamment mature de fonds de portage du foncier, il sera en réalité difficile de consacrer plus de 60 millions d'euros, soit environ 15 % du fonds Entrepreneurs du vivant, à ce sujet, alors que les besoins en portage du foncier et des capitaux sont considérables. 12 millions d'euros par an pendant 5 ans, c'est moins que ce que la Banque des territoires y consacre chaque année.
Confirmez-vous cet ordre de grandeur de 15 % ? De manière concrète, à quoi serviront les 340 millions restants ? Pouvez-vous nous en donner quelques orientations et nous en préciser le calendrier ? Pour ma part, je considère que ce fonds doit être bâti et conçu pour accompagner le monde agricole dans la transition écologique avec un juste équilibre entre conditionnalité et efficacité.
Enfin, Monsieur le Ministre, je souhaiterais vous interroger sur les crédits accordés aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), qui apparaissaient particulièrement sous-financées alors que la France est l'État membre de l'Union européenne qui alloue la plus faible part du second pilier aux MAEC, soit 22 %. Ce sous-financement met en grande difficulté les agriculteurs qui ont pris des engagements vertueux tandis que les régions sont contraintes de refuser des dossiers pourtant éligibles. Monsieur le Ministre, comptez-vous renforcer significativement les moyens alloués aux MAEC ?
Je souhaiterais vous livrer un dernier propos, hors loi de finances, sur la tempête subie récemment par nos concitoyens et nos agriculteurs. Je sais que vous êtes allé sur place, Monsieur le Ministre. Il nous faudrait une aide d'urgence, en dérogeant aux règles relatives aux aides d'État, afin de faire face à la situation très difficile que vivent nos collègues éleveurs et, plus encore, maraîchers. Une prise en charge des cotisations de la Mutualité sociale agricole (MSA) est nécessaire ainsi qu'un accès au chômage partiel car les exploitations maraîchères de ces territoires emploient beaucoup de personnes.
M. Christian Klinger. - J'ai deux questions dont une a déjà reçu une réponse partielle. Un certain nombre de mesures du projet de Pacte et d'orientation agricole en discussion, se retrouvent dans le projet de loi de finances. Quelles sont-elles ? Vous les avez en partie mentionnées. A contrario, quels sont les points demeurant en discussion, qui ne figurent pas dans le projet de loi de finances et qui nécessiteraient peut-être l'adoption d'un projet de loi de finances rectificatif ?
M. Marc Fesneau, ministre. - Votre dernière question me prend au dépourvu. Le projet de loi de finances contient les crédits habituels du ministère de l'agriculture et les trajectoires qui ont été fixées. On y trouve également l'assurance récolte. Ce que nous ignorons, en revanche, ce sont les aléas et les crises. À titre d'illustration, personne ne l'a encore évoqué mais nous sommes particulièrement vigilants sur la crise de la maladie hémorragique épizootique (MHE), en tant que nouvelle crise sanitaire qui peut avoir des effets de déstructuration économique très puissants. Il y a ce que l'on sait aujourd'hui et malheureusement ce que l'on ignore. Nous avons été très réactifs à l'égard des effets de cette crise puisque les marchés espagnols et italiens ont été rouverts à l'importation des jeunes bovins français en seulement 10 jours, un défi qui semblait quasiment impossible. La réglementation nous interdisait totalement d'exporter ces jeunes bovins, ce qui aurait pu nous entraîner dans une chute des cours qui aurait été absolument dramatique. Sur les questions sanitaires, la pression devrait toutefois baisser compte tenu de l'arrivée de l'automne et l'hiver. En revanche, il faudra se préparer dans la perspective du printemps. Un travail européen devra être effectué pour déréglementer sur certains aspects de cette maladie. Une autre question se pose, celle de l'indemnisation, autant de points sur lesquels je n'ai pas d'éléments à vous donner aujourd'hui.
Monsieur le sénateur Laurent Duplomb, vous avez raison. Il convient de regarder ce que nous avons produit collectivement comme normes ou surrèglementation depuis 15 ou 20 ans. Chaque fois qu'on me demande d'ajouter une norme, je réponds : « Europe ou rien ». L'enjeu est d'élaborer des règles ensemble. On ne peut aller voir les 26 États membres et imposer des clauses miroir au reste du monde à partir de normes qui n'existent qu'en France.
S'agissant de la réduction de l'avantage fiscal sur le GNR, vous avez raison. Vous l'aviez évoqué dans la proposition de loi que nous avions débattue ici au Sénat. Il convient de travailler ensemble, sous l'oeil des rapporteurs. Premièrement, je pense que le coût de cette réforme fiscale pour les agriculteurs sera de l'ordre de 70 à 80 millions d'euros mais, par sécurité, nous avons calibré les compensations pour qu'elles atteignent 80 millions d'euros, même si le coût de la réforme serait plus proche de 70 que de 80 millions d'euros a priori. Deuxièmement, je suis d'accord avec vous et je l'avais d'ailleurs indiqué aux équipes du ministère de l'économie et des finances, sur le fait qu'il convient de s'assurer que cela bénéficie à tous ceux qui verront leur avantage fiscal réduit. Or, en particulier pour le secteur de l'élevage, il y a encore, sinon des trous dans la raquette, au moins des questions qui se posent. Nous continuons à travailler avec les équipes de Bercy afin d'identifier les possibles ajustements des trois mesures fiscales de compensation, permettant de mieux intégrer certains secteurs qui pourraient être plus pénalisés que d'autres par cette baisse de l'avantage fiscal. La compensation ne sera jamais à l'euro près, mais nous devons nous assurer de ce que le risque de déséquilibres excessifs, identifié notamment dans l'élevage et les grandes cultures, ou d'un territoire à l'autre, soit aussi limité que possible.
Vous avez également évoqué la redevance pour pollutions diffuses. J'évoquerai le grand paquet fiscalité de l'eau. Tout d'abord, un montant de 145 millions d'euros sur les 400 millions d'euros du plan eau seront destinés à l'agriculture. Cela signifie que des moyens supplémentaires sont alloués, en net, pour les problèmes de l'eau en agriculture, pour la question des produits phytosanitaires, de la sobriété, des équipements et des ouvrages. Il est également primordial que les crédits prélevés sur l'agriculture soient consacrés à des projets agricoles, vous avez raison de le dire. J'ai engagé un dialogue en ce sens avec le ministère de la transition écologique ainsi qu'avec les agences de l'eau. Je les ai réunis la semaine dernière afin de leur rappeler que ces moyens doivent être consacrés aux agriculteurs pour les aider à réaliser les trajectoires prévues. Cette vigilance quant au déploiement des crédits en faveur de l'agriculture doit aussi associer la profession agricole et les parlementaires afin de parvenir à l'objectif assigné. J'ajouterai qu'une partie des crédits fléchés dans le plan eau sont dédiés au ministère de l'agriculture, j'y ai veillé personnellement pour les raisons que je viens d'évoquer car, sans mauvais jeu de mots, il faudrait parfois faire du génie rural pour savoir où sont partis les crédits mis dans la tuyauterie. Ces fonds viendront revaloriser les MAEC. Par ailleurs, le nouveau fonds hydraulique relève du ministère de l'agriculture. À cette fin, nous avons dialogué avec les comités de bassin et les agences de l'eau afin de nous assurer de la conformité de leurs mesures aux trajectoires en matière d'utilisation des phytosanitaires et de sobriété des usages, pour éviter ainsi une incompréhension du monde agricole, dans laquelle nous sommes déjà pour être honnête, face aux prélèvements qui ne bénéficieraient pas à l'agriculture.
Vous avez demandé à accélérer le traitement de la problématique des produits phytosanitaires. N'ayant pris mon poste que depuis 18 mois, j'ai remarqué qu'un grand nombre de déclarations avaient été effectuées depuis le Grenelle de l'environnement sans y mettre les moyens ni en définir la stratégie. C'est pourquoi nous sommes en train d'examiner filière par filière, usage par usage, la situation juridique des molécules ainsi que les risques de retrait qui pèsent sur elles. Pour répondre à la crainte du milieu agricole que nous identifiions les molécules en vue de les interdire, je précise que tel n'est pas notre objectif. Seulement, nous savons qu'il existe un processus de réhomologation européen avec des évaluations qui emportent le risque d'une interdiction. Nous étudions donc les usages par filière pour identifier les éventuelles impasses.
Nous continuerons à déployer ce qui a déjà été mis en oeuvre pour la betterave afin de parvenir à des solutions, qui viendront principalement sans doute des semences mais peut-être également des pratiques. De même, des moyens seront alloués à la culture de la cerise, pour laquelle il est désespérant que, depuis 10 ans, nous soyons dans une impasse. Nous devons mettre en place un Plan national de recherche et innovation (PNRI), face à ces impasses techniques redoutables qui mettent en péril la pérennité de la production.
M. Laurent Duplomb. - Et sur la lentille verte du Puy !
M. Marc Fesneau, ministre. - Je ne l'avais pas tout à fait dans le scope, mais je suis prêt à en parler avec vous. Il y a aussi les endives et, chaque jour, une nouvelle culture. Il n'y a parfois pas besoin d'énormes moyens pour ce que l'on appelle les usages mineurs, qui ne sont évidemment pas mineurs pour les agriculteurs concernés.
Autre élément important, les 250 millions d'euros consacrés au dossier des produits phytosanitaires bénéficieront à la recherche, mais aussi aux équipements. Je suis entièrement d'accord avec vous sur le fait que plutôt que de dire de façon binaire que c'est soit interdit, soit autorisé, nous sommes capables pour un certain nombre de produits avec du matériel sophistiqué pour le traitement des cultures, par exemple des buses anti-dérive, de réduire les doses, parfois de 50 % à 70 %. Je porte l'espoir que les moyens ainsi dédiés vont mettre tout le monde au pied du mur et permettre une prise de conscience générale pour s'engager dans la réduction de l'usage de ces produits.
Monsieur le sénateur Menonville, j'ai répondu sur le chiffrage qui était avancé pour le GNR. Quant à l'inventaire forestier, j'essaierai de vous répondre en séance sur les moyens humains nécessaires. Nous sommes en train de l'affiner et y travaillons avec le ministère des outre-mer. Il est vrai que cela prendra quatre à cinq ans, et j'aurais préféré que cela fût fait il y a quinze ans. En réponse à votre question sur le renouvellement forestier, sachez que je suis de ceux qui regrettent la fin du Fonds forestier national (FFN) en 1999, qui fut une erreur tragique, remettant en cause la viabilité des filières de pépiniéristes ainsi que la dynamique de renouvellement forestier. Cela a duré vingt ans et cela a été vingt ans d'inertie forestière, alors que pendant ce temps, le dérèglement climatique faisait son oeuvre. La trajectoire que je vous expose est une trajectoire pluriannuelle mais elle risque de buter sur les graines et plants. Il est nécessaire de développer les pépinières publiques et privées, des graines publiques et privées, compte tenu de l'appauvrissement de la ressource avec le dérèglement climatique. La main-d'oeuvre en forêt, notamment au niveau des entreprises de travaux forestiers, est également un verrou.
En outre, je tiens à préciser que la trajectoire de 1,3 milliard d'euros, d'une part représente près de 4 milliards d'euros sur trois ans, et d'autre part, ne comprend que des crédits supplémentaires. C'est du net budgétaire, sans recyclage. En effet, ces crédits sont nécessaires pour la transition écologique ainsi que pour crédibiliser notre démarche vis-à-vis des agriculteurs. Je ne veux pas leur demander des efforts sans leur donner de moyens supplémentaires. C'est tout à fait délié d'autres dispositifs. Je pense au 400 millions d'euros du fonds Entrepreneurs du vivant qui, vous l'avez dit, relève de France 2030. Le fonds qui n'est pas encore à l'oeuvre va maintenant se déployer avec, en particulier, un certain nombre d'établissements publics fonciers, notamment les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). Ce sera 100 millions d'euros la première année. Je reconnais volontiers que nous avons besoin d'affiner le dispositif, car il est assez complexe. Des éléments vous seront donnés avec la présentation du Pacte.
S'agissant des MAEC, les moyens budgétaires de l'État sont supérieurs de 5 millions d'euros par rapport à la période précédente. Les enveloppes n'ont donc pas été réduites. La nouveauté est la forte demande supplémentaire. En outre, je tiens à insister sur le fait qu'elles ne répondent pas à une logique de guichet, où l'on s'arrête seulement quand il n'y a plus de dossier. Nous avons demandé aux régions d'élaborer des critères et, sans faire de griefs à quiconque, il faut aussi que chacun effectue un peu de régulation budgétaire. L'État est au rendez-vous financièrement et, dans les régions Centre-Val de Loire et Pays de la Loire, par exemple, il n'y a pas de problème d'enveloppe.
Par ailleurs, des moyens budgétaires de l'ordre de 70 millions d'euros étaient prévus par les agences de l'eau. Je ne les ai pas sur la table mais nous sommes en train de valider cette enveloppe, et cela va commencer à répondre à la demande. Nous verrons également si des redéploiements sont possibles. Un montant de 50 millions d'euros est aussi prévu pour les MAEC dans le plan eau. Cela fait donc une centaine de millions d'euros pour répondre à un certain nombre de besoins mais je répète que ce n'est pas un guichet ouvert sans limites. Je suis convaincu de l'intérêt des MAEC dans l'accompagnement de la transition, ayant bien connu ce dispositif dans d'autres fonctions. Toutefois, les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, si vous me permettez cette expression.
Nous devons cependant dire aux agriculteurs qu'ils ne se sont pas engagés en vain, à l'heure où l'instruction des dossiers se poursuit : il y a ceux qui ont renseigné des intentions, au mois d'avril et de mai, dans la déclaration PAC, et nous allons vérifier si ces intentions se sont concrétisées, ce qui nous permettra peut-être d'ajuster les moyens budgétaires. Enfin, les enveloppes peuvent être un peu fongibles à l'intérieur des piliers de la PAC en cas de sous-consommation des crédits, et nous regarderont s'il y a un moyen d'introduire une telle fongibilité.
Le sujet de l'indemnisation des pertes dues aux tempêtes est complexe. Il faut distinguer les pertes de fonds et les pertes de récolte. Le système assurantiel, adopté ici au Sénat, couvre l'assuré pour les pertes de récolte, moyennant une franchise de 20 %. Mais la question se pose, pour ce que l'on appelle le troisième étage, l'Indemnité de solidarité nationale (ISN), de son déclenchement. En effet, certaines cultures telles que les fraises donnent lieu à plusieurs récoltes dans l'année : en Bretagne, les maraîchers avaient fini de produire les fraises et, de ce fait, risquent de ne pas atteindre le seuil de 50 % de pertes de récolte le déclenchement de ce dernier étage, quand bien même ils subiront sans doute une perte de récolte pour l'année qui vient. C'est pourquoi un fonds d'urgence sera mis en place ; il ne pourra pas déroger aux règles relatives aux aides d'État et devra donc être inclus dans les seuils de minimis, car il s'agit là de trésorerie.
Par ailleurs, ces mêmes producteurs de fraises ont pu voir leurs serres en verre détruites. Elles sont normalement assurées dans le cadre d'un système d'assurance classique mais, dès lors qu'une franchise s'applique et, qu'en dix ou quinze ans il y a un taux d'usure, ces producteurs seront rapidement plafonnés. Nous travaillons donc avec les régions sur la création d'un fonds d'aide à l'investissement, qui sera affranchi des règles européennes relatives aux aides d'État, nous permettant d'envisager un taux de subvention jusqu'à 65 %, en additionnant les aides du Feader, de l'État et des régions. Pour résumer, le fonds d'urgence pour la trésorerie, sur la partie perte de récolte, entre dans le cadre des aides de minimis, tandis que les subventions pour l'équipement du fonds d'investissement, qui vont concerner un grand nombre d'agriculteurs, n'y entrent pas.
Le Président de la République a annoncé ce midi qu'un montant de 80 millions d'euros cumulés sur le fonds d'urgence et le fonds d'investissement serait consacré à indemniser les victimes des deux tempêtes et les inondations, sachant que des cofinancements du Feader sont possibles jusqu'à 65 %. La question qui se pose dès lors est de mettre en oeuvre ces dispositifs rapidement ; c'est une course contre la montre. Si tout pouvait être documenté et déclaré aujourd'hui, le paiement pourrait intervenir dès fin décembre voire début janvier. Toutefois, les problèmes auxquels nous faisons face sont complexes et couvrent un large spectre de situations. À titre d'illustration, l'ensemble des dommages causés par les inondations ne seront connus qu'au moment de la décrue. Les producteurs de fraises à Plougastel, qui doivent remettre en culture au 15 décembre, devront, eux, obtenir préalablement l'autorisation de réinvestir pour rebâtir leur serre, avant de toucher les indemnisations du fonds d'investissement. La situation de ceux qui n'ont pas perdu de récolte mais qui ne pourront pas mettre en culture pendant six mois ne doit pas être oubliée. La situation en Bretagne est complexe car la tempête a causé des pertes immenses qui ne sont pas toujours couvertes par les assureurs. Ce n'est pas le cas, par exemple, des petites serres, de moins de 80 centimètres. C'est pourquoi c'est prioritairement une aide à l'investissement qui y sera mise en oeuvre. Dans le cas des inondations dans les Hauts-de-France, le mécanisme est bien connu, c'est celui des régimes d'indemnisation des catastrophes naturelles (dit Cat nat) et des calamités agricoles. La question qui se pose est celle de la date du déblocage des fonds et donc de la remise en culture.
J'ajoute un dernier élément, en m'adressant au sénateur Pierre Cuypers, qui connaît parfaitement ce problème, nous allons bien évidemment activer l'ensemble des mécanismes qui sont liés à la dérogation sur les obligations de cultures intermédiaires et de rotation. Nous faisons face à un cas de force majeure, ne permettant pas d'entrer dans les champs pour la mise en oeuvre de certaines des obligations de la PAC. Cela relève de l'action des préfets.
M. Jean-Marc Boyer. - Un sujet inquiète très sérieusement les maires des communes rurales, le « zéro artificialisation nette » (ZAN). Malgré un recours au Conseil d'État par l'Association des maires de France (AMF) et un travail très important effectué par le Sénat qui a introduit en particulier une garantie rurale d'un hectare par commune, le ZAN est l'exemple même d'une décision verticale imposée par la volonté d'une convention citoyenne, au détriment de la concertation en amont avec les principaux acteurs concernés, les agriculteurs, les ruraux, les conseils régionaux et d'autres. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), principal syndicat agricole, est opposée à l'application du ZAN sans territorialisation et sans différenciation. À titre personnel, il me semble essentiel de laisser plus de liberté aux zones rurales et de faire confiance au bon sens paysan des maires ruraux et des agriculteurs. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur le ZAN, qui, je le répète, suscite les plus grandes inquiétudes dans nos campagnes ?
Que pensez-vous par ailleurs des préconisations de la Cour des comptes qui préconise une diminution de 15 % du cheptel bovin français, sous prétexte que les vaches libèrent du méthane et du CO2 et mettent en danger la planète ?
M. Christian Redon-Sarrazy. - Mon premier point concerne l'indemnisation pour abattage des troupeaux, en particulier dans les cas de tuberculose bovine : un niveau de fiscalité relativement élevé s'applique à ces indemnisations, qui couvrent une partie du différentiel entre la valeur du stock et celle de vente. Dans le cas de l'abattage, un grand nombre de dépenses annexes viennent grever l'activité si bien que cette fiscalité est perçue par les agriculteurs comme une injustice. Existe-t-il une possibilité de modulation ?
Mon second point porte sur une autre injustice, celle des agriculteurs, en particulier dans les départements d'élevage et les zones de bocage, qui ont conservé les haies. Ils n'ont pas été aidés pour les arracher et ne le sont pas pour les replanter. Cela constitue une sorte de double peine alors qu'en réalité, ce sont peut-être eux les plus vertueux.
M. Daniel Laurent. - Monsieur le Ministre, en juillet dernier, j'attirais l'attention du Président de la République sur les fortes inquiétudes de la filière viticole quant à une éventuelle augmentation de la fiscalité appliquée sur les boissons alcoolisées. J'ai eu une excellente nouvelle, dont je vous en remercie : il n'est pas prévu d'augmentation de taxe et c'est une bonne chose. En revanche, où en est-on de la taxe dite Trump ? En novembre 2021, un accord avait été conclu avec l'administration du président américain, Monsieur Joe Biden. Sauf erreur de ma part, il n'y a toujours pas de solution pérenne. C'est inquiétant. L'année prochaine se dérouleront des élections américaines. Qu'en est-il sur ce sujet ?
Chaque année, la filière viticole nous fait part de ses propositions dans le cadre de la discussion budgétaire portant sur la fiscalité de la transmission des exploitations, le soutien aux exploitations viticoles face à l'inflation ou sur l'élargissement du périmètre des échanges de biens ruraux. Entendez-vous répondre favorablement à ces attentes ?
Concernant le projet européen de règlement sur l'usage durable des pesticides (SUR), les viticulteurs considèrent que les objectifs proposés par la Commission européenne sont déconnectés des réalités du terrain et auront des conséquences pour l'ensemble de la viticulture européenne. Ils demandent que les ambitions réglementaires soient équilibrées et accompagnées de mesures concrètes de compensation.
S'agissant du décret encadrant l'agrivoltaïsme qui va être mis en consultation publique, les jeunes agriculteurs notamment, sont hostiles au maintien d'un taux de 40 % de couverture maximum d'une parcelle agricole et demandent un taux de 20 % ainsi qu'une application immédiate du décret pour éviter toute dérive.
Vous avez évoqué la MHE. Pourriez-vous nous donner quelques préconisations en la matière ?
Enfin, les chambres d'agriculture nous font part de leur mécontentement sur les moyens qui leur sont alloués et qui ne sont pas à la hauteur des enjeux de leur mission.
M. Marc Fesneau, ministre. - Vous m'interrogez le ZAN ; les décrets d'application sont en cours d'élaboration. Je ne reviens pas sur les débats mais, ayant été maire d'une commune rurale de 700 habitants, je vois à peu près le sujet qui est devant nous, et je suis d'accord que nous avons besoin de différenciation territoriale. Si je voulais être très honnête, je vous dirais qu'en vingt ans, nous n'avons même pas consommé un hectare, même si la crise liée au covid-19 fait que nous avons peut-être de nouveaux besoins. Le ZAN constitue un outil formidable d'aménagement et de rééquilibrage du territoire, pour limiter la concentration urbaine qui s'opère depuis soixante-dix ans en France. Cela demeure un objet de débat avec les régions : en tant que conseiller municipal et conseiller communautaire, je me réjouis par avance du débat que j'aurai avec le président de région sur le sujet, car la mise en oeuvre du ZAN ne peut pas être totalement déconnectée de la stratégie territoriale, y compris pour les territoires ruraux.
Quant au secteur agricole, les décrets d'application contiendront des dispositions visant à respecter la philosophie générale que vous avez notamment portée au Sénat et à éviter toute conséquence malthusienne sur les bâtiments d'élevage, au risque sinon de leur disparition. À titre d'illustration, très peu de bâtiments d'élevage se construisent en Bretagne en raison des nombreux recours. Nous travaillons donc sur la simplification. Les mêmes associations qui vous disent que l'élevage, les haies et les prairies sont formidables, forment des recours contre tous les projets. Une partie de l'artificialisation doit être réservée à des projets de nature agricole, sans oublier la transformation agroalimentaire.
Pour répondre à votre question sur les préconisations de la Cour des comptes, je l'ai dit publiquement et je le redis, je trouve que le rapport est de qualité mais que les préconisations sont sans objet et n'ont pas de sens. Je ne comprends pas cette stratégie qui consiste à proposer une baisse massive de cheptel et de l'élevage, tandis qu'on nous explique qu'il faut des haies et des prairies et que, par ailleurs, nous ne sommes pas autosuffisants en viande. Il me semble que cette trajectoire constitue une stratégie de décroissance, que je ne comprends pas ; je m'en suis entretenu avec le président de la Cour des comptes. Le rapport est intéressant, notamment sur la question de la réorganisation de la filière toujours reportée, jamais réalisée, ou de la valorisation des différents morceaux de la carcasse. En revanche la préconisation de réduction du cheptel bovin est une stratégie toxique. Je n'enverrai jamais un tel message aux agriculteurs, pas pour leur faire plaisir, mais parce que je le pense, tant que nous ne sommes pas autosuffisants. Je faisais récemment part de ma position à des représentants d'une association écologiste, en expliquant que nous aurons besoin de bâtiments car, dans le domaine de la volaille, nous dépendons des importations pour nos besoins à hauteur de 50 %.
En matière d'indemnisations des agriculteurs pour pertes dues à la tuberculose bovine, une revalorisation, demandée depuis longtemps, est prévue au mois de février. En outre, je suis prêt à examiner avec vous les problèmes éventuels de déductions fiscales. J'ai également initié des travaux au sein du ministère, avec la direction générale de l'alimentation, afin de repenser notre système d'indemnisation sanitaire en raison des conséquences de plus en plus lourdes du dérèglement climatique. Cette démarche est nécessaire afin d'éviter que les éleveurs ne deviennent rétifs aux mesures sanitaires. Par ailleurs, la lutte contre la tuberculose doit conduire à l'élaboration de mesures de prophylaxie pour empêcher toute épizootie. Face aux réticences de certains d'abattre par exemple un animal atteint d'une maladie très grave, j'alerte les consciences sur la gravité de la question sanitaire, pour les éleveurs mais également pour l'ensemble de la population. J'ai en tête le cas d'un particulier propriétaire d'un cheval malade, pour lequel nous en sommes à la cinquième procédure, sans être parvenus pour l'heure à un abattage.
La fin du moratoire sur la taxe dite « Trump » est fixée à 2026. Ce n'est pas immédiat. Toutefois, dans la perspective des échéances électorales américaines, que nous ne maîtrisons pas et dont je ne me permettrais pas de me mêler, il convient d'éviter toute nouvelle taxe, en sachant que les difficultés de notre filière viticole ont d'abord résulté de cette disposition.
Nous avons commencé à procéder à une revalorisation des moyens des chambres d'agriculture dans le texte qui va être transmis au Sénat. J'ajoute qu'une partie des fonds supplémentaires du Casdar sont dédiés aux chambres et que des moyens leur seront également accordés sur les sujets phytosanitaires. Je suis vigilant parce les chambres représentent des acteurs primordiaux dans les missions de vulgarisation au côté des instituts techniques, filières animales et filières végétales. Elles constituent en effet des tiers de confiance auprès des agriculteurs souvent rétifs aux annonces du ministre de l'agriculture. Nous devrions donc parvenir à doter les chambres d'agriculture des moyens suffisants pour l'accomplissement de leurs missions.
S'agissant du dossier de l'agrivoltaïsme, nous prenons le temps de trouver un accord avec la profession parce qu'elle est elle-même partagée. Le pourcentage maximum de couverture des terres agricoles par les panneaux photovoltaïques est lui-même débattu. Le taux 20 % ou 40 % a un impact différent selon que vous êtes en viticulture, en arboriculture, en grande culture ou en prairie avec des moutons. Le sujet principal ne me semble pas tant être le taux de couverture que la destination de l'argent généré par les panneaux photovoltaïques. La répartition de la valeur permettra d'éviter les projets opportunistes, sans les agriculteurs, et sans résoudre cette question, nous aurons du mal à atténuer la pression. Cet axe de réflexion fait l'objet de travaux du ministère. C'est aussi une question de responsabilité : on ne peut pas vouloir promouvoir les énergies renouvelables, sans accepter des méthaniseurs ou de l'agrivoltaïque et simplifier un peu les choses.
En ce qui concerne la directive SUR, j'ai dit publiquement et, au sein du Conseil de l'Union européenne, à la commissaire en charge de la santé, compétente sur ce texte, qu'il n'était pas acceptable de lire dans un document qu'une réduction de 20 à 30 % de la production viticole n'était pas un problème. Selon moi, c'est un problème, car la viticulture est un élément de l'influence européenne, notamment du sud de notre continent, au-delà de notre seul pays. C'est pourquoi, le texte SUR n'est pas encore adopté. Je m'oppose à cette stratégie qui consiste à assumer, y compris dans le moment géopolitique que nous traversons, une forme de décroissance de la viticulture ou encore des grandes cultures. Il serait prudent d'être prudent et de cesser d'être naïf en matière de souveraineté parce que la souveraineté, qu'elle soit énergétique, alimentaire ou sanitaire, est un enjeu de sécurité ; l'ignorer, c'est prendre un risque mortel. Une prise de conscience est nécessaire. Je ne veux pas entendre de la part de la Commission que la décroissance n'est pas grave car nous ne pouvons pas nous livrer dans les mains des autres, Brésiliens ou Ukrainiens, pour nous nourrir. Cette année, l'Union européenne va importer du blé dur à l'Ukraine mais, je l'espère, pas plus à l'Est. C'est pourquoi la semaine prochaine je proposerai de travailler à la dérogation « jachère ».
Parallèlement, nous essayons de mettre en corollaire la portée des nouvelles techniques génomiques NGT (New Genomic Techniques) et NBT (New Breeding Techniques) parce que celles-ci constituent un élément de réponse à nos impasses techniques. Je dis donc : s'il y a SUR, il y a NBT ; s'il n'y a pas NBT, il n'y a pas SUR. Il convient de trouver un point d'équilibre. Ce sera l'objet d'une négociation.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Monsieur le Ministre, vous n'avez pas répondu sur les haies.
M. Marc Fesneau, ministre. - C'est la question des nouveaux convertis. Mais enfin, nous ne pouvons pas leur reprocher d'être convertis. Je comprends le sentiment d'injustice, mais je rappelle que ceux qui n'ont pas arraché leurs haies ne seront pas pénalisés. Ils doivent disposer de souplesse dans la gestion de leurs haies. Il convient également de les aider à valoriser ces haies, y compris dans le cadre de la PAC avec le bonus dans le cadre des écorégimes.
M. Rémi Cardon. - Je reprends vos propos, Monsieur le Ministre : « le bio a de l'avenir, il faut qu'on lui donne les moyens de son avenir. » Ce sont vos mots. Comment comptez-vous articuler la politique dirigée vers l'agriculture biologique pour lui donner les moyens de son avenir, sans oublier d'ailleurs les petites structures bio alternatives ? J'ai constaté effectivement que le budget pour le bio avait été renforcé à hauteur de 10 millions d'euros.
Nous allons débattre sur la vision de l'agriculture française, lors de l'examen du projet de loi de finances et celui du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles. Quels moyens allez-vous mettre en oeuvre dans les prochains mois et prochaines années pour atteindre l'objectif de 18 % de surfaces en agriculture biologique d'ici 2027 ?
M. Daniel Salmon. - Je participais tout à l'heure à un rassemblement devant l'Assemblée nationale en faveur des MAEC. Je vous confirme que nombreux Bretons étaient présents sans doute parce que nous partons de très loin en Bretagne et que les MAEC y sont essentielles. Seuls 3 % des masses d'eau d'Ille-et-Vilaine sont en bon état, par exemple. L'État s'est engagé. Ces agriculteurs ont besoin d'être rassurés et d'être certains qu'ils percevront ces MAEC sur lesquels ils sont engagés depuis mai dernier.
Je souhaiterais connaître la position de la France sur le règlement SUR, relatif à l'usage durable des pesticides. C'est un règlement controversé, qui peut être qualifié d'illusionniste, faisant croire parfois que l'usage des pesticides diminue, alors qu'ils ont simplement été remplacés par d'autres molécules. Il convient d'étudier ce dossier afin d'éviter de partir sur des bases faussées, puisqu'en ce domaine beaucoup de choses sont décidées au niveau européen.
Quant au renouvellement des générations, qui constitue une question centrale, je remarque que le budget du programme pour l'accompagnement et la transmission en agriculture (AITA) est stable, à 12 millions d'euros. Ne devrait-il pas être augmenté ?
Nous avons abordé le problème des moyens des chambres d'agriculture qui demandent un déplafonnement de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB). Quelle est votre position sur ce sujet ? Le cas échéant, l'augmentation des moyens des chambres d'agriculture sera-t-elle accompagnée d'une forme de conditionnalité, notamment en termes de pluralisme au sein des chambres ? Selon moi, ce serait bienvenu.
Enfin, je me permettrais de formuler une dernière observation sur certains raccourcis ou caricatures. Sur internet, on parle des importations de poulets en omettant de mentionner les exportations. Ces dernières ont augmenté de 21 % entre 2020 et 2021, atteignant une valeur totale de 500 millions d'euros. Quand on parle des importations, il convient également de mentionner les exportations.
M. Jean-Jacques Michau. - Monsieur le Ministre, ma question complète celle de mon collègue Rémi Cardon sur la filière bio. Vous avez effectivement prévu dans ce budget des aides pour la filière, mais destinées surtout à la promotion des aliments bio, alors que les entreprises du bio ont aujourd'hui surtout besoin de trésorerie. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas retenu, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, l'amendement transpartisan adopté à l'Assemblée nationale, portant sur des aides supplémentaires ?
M. Marc Fesneau, ministre. - Vous me pardonnerez ma franchise : je serai probablement un jour dans l'opposition, et si c'est le cas j'espère que je n'aurai pas recours à ce genre d'amendements. Je rappelle que dans le débat qui a conduit à l'adoption de l'aide au bio, avaient été discutés un amendement à 800 millions d'euros, puis un autre à 500 millions d'euros pour, à la fin, retenir celui à 200 millions d'euros. On a même parlé d'un besoin d'un milliard d'euros. Je vous le dis très franchement : ce n'est pas sérieux. Chacun sait très bien que des aides à la trésorerie de 15 000 euros par exploitation se heurteront à l'interdiction des aides d'État au-dessus des seuils de minimis. Discuter et voter un tel amendement revient à se faire plaisir et à vendre du rêve mais cela va décevoir beaucoup de monde. Je regrette donc ce genre de procédé.
Je vous rappelle que le crédit d'impôt bio représente une dépense de 100 millions d'euros, que les aides à la conversion s'élèvent à 340 millions d'euros, soit 40 % de plus que la précédente programmation, et que les aides d'urgence se montent au total à 70 millions d'euros, auxquels il faut encore ajouter 50 millions d'euros de bonus via les écorégimes du premier pilier. J'ai en effet veillé, pour les écorégimes, et y compris parfois contre certains, à ce qu'il existe un différentiel de 30 euros par hectare au bénéfice de ceux qui cultivent du bio. Certains me disent qu'il aurait fallu un différentiel de 50 euros par hectare. Mais au total toutes ces mesures représentent un soutien à hauteur de 560 millions d'euros.
Il n'en demeure pas moins un risque de déconversion ou d'arrêt des conversions, que nous ne pourrons mesurer qu'en décembre. Il faudra se demander en quoi les aides à la conversion servent à la cause du bio, et faire en sorte que ceux qui sont aujourd'hui convertis au bio ne se déconvertissent pas ; je reçois de nombreux témoignages à ce sujet. La réponse appropriée à ce problème ne réside pas dans des aides d'urgence mais dans une perspective de consommation soutenue du bio. La perte de chiffre d'affaires du secteur bio s'élève à entre 1 à 1,5 milliard d'euros en 2022, et autant en 2023. Sans être un ultralibéral, je considère que ce n'est pas à l'État de compenser cela. En revanche, il doit soutenir la consommation à moyen terme par le biais de la communication. La grande distribution, qui ne joue pas le jeu aujourd'hui, doit également participer à cette action. Force est de constater que si les produits bio étaient présents dans les étals, les clients en consommeraient davantage. Je m'interroge également, pour contenter cette fois les sénateurs à ma gauche : pourquoi la grande distribution réalise-t-elle plus de marges sur les produits bio que sur les autres ?
En matière de communication, il faut premièrement insister sur le fait que le bio est aussi du local, car la baisse de consommation du bio survient en 2021, après la covid-19, au bénéfice des produits locaux ; deuxièmement, il faut combattre l'image un peu faussée selon laquelle le bio n'est pas accessible, bien qu'il soit plus onéreux.
Outre l'aide d'urgence et la communication, le troisième axe d'action s'agissant du bio, consiste pour l'État à atteindre l'objectif de 20 % de produits bio dans la restauration scolaire prévu par la loi Egalim, puis à encourager les collectivités territoriales en ce sens, sans leur donner de leçons. J'étais récemment à Dijon où la métropole et le département, pourtant pas de même obédience politique, atteignent les objectifs d'Egalim. Je ne suis pas de ceux qui restent assis sur le bord du chemin et disent que le bio n'a pas d'avenir. Force est d'observer, toutefois, que partout en Europe, le bio vit une crise. Nous devons respecter la trajectoire prévue, ne serait-ce que pour des raisons budgétaires : des crédits ont été consacrés au secteur bio ; toute déconversion serait donc un échec collectif.
Ce que j'ai dit plus tôt sur les amendements sur le bio vaut aussi pour les MAEC. Il faut que chacun, y compris les organisations syndicales, oeuvre avec responsabilité.
S'agissant de la position de la France sur le règlement SUR, je constate qu'à gauche on me dit que le règlement est tronqué et, à droite, qu'il va trop loin. Première remarque : je ne veux de débats sur l'utilisation des produits phytosanitaires qu'au niveau européen et plus jamais en France, car nous ne sommes pas plus malins que les autres. Deuxième remarque : c'est notre intérêt car on ne fermera jamais la frontière aux Allemands, Italiens ou Espagnols ; les clauses miroirs ne s'appliquent qu'aux pays hors Union européenne. En outre, nos trajectoires doivent être crédibles économiquement. En effet, la mise en oeuvre du règlement sur la restauration de la nature, de la directive sur les émissions industrielles (IED) et du règlement sur les pesticides pèsera lourdement, parfois sur les mêmes exploitants. Sauf à promouvoir des stratégies décroissantes, il faut donc vérifier que le projet de règlement SUR, qui soutient une trajectoire de réduction des usages, soit économiquement viable, même s'il présente par ailleurs un intérêt en termes d'harmonisation des procédures d'homologation ou d'interdiction. De telles décisions d'homologation doivent être prises au niveau européen afin d'éviter toute perte de temps et toute initiative non concertée des États. Nous sommes par exemple un peu lents pour homologuer des produits de biocontrôle, et quand certaines start-ups françaises vont homologuer leurs produits ailleurs, c'est un crève-coeur.
Vous avez mentionné le programme AITA, nous allons pouvoir en reparler dans le cadre du débat budgétaire au Sénat. À date, il couvre les besoins actuels. Des moyens supplémentaires pourront être étudiés, si besoin est, ultérieurement, notamment dans le cadre du Pacte et du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles. Il faut toutefois procéder dans le bon ordre, en doublant le nombre d'installations avant de doubler le budget de l'AITA, et non l'inverse.
Je suis très attaché au pluralisme au sein des chambres d'agriculture, mais pour être décisionnaire il faut obtenir des voix, et une voix égale une voix.
Si vous parlez de pluralisme dans l'accompagnement de l'installation, je réitère mon objectif d'un guichet unique, imposant à tout le monde de passer à la toise : les exploitants qui s'installent sans considérer la question climatique ou évaluer la résilience de leur système prennent le risque de voir leur rêve brisé quelques années plus tard. Des modèles alternatifs, de diverses natures, peuvent exister tant qu'ils sont soutenables économiquement. Le corollaire de ce guichet unique réside dans l'autorisation de toutes les formes d'accompagnement, mais requiert aussi que les structures qui se mettent volontairement en marge décident, elles aussi, de jouer le jeu. On peut conserver son identité en passant par Terres de lien, les Civam ou par le réseau classique des chambres d'agriculture en acceptant un certain pluralisme et en acceptant les autres modèles. Or, certains souhaiteraient imposer leur modèle alors qu'ils sont minoritaires.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Merci Madame la Présidente. Tout d'abord, je tiens à saluer les efforts du Gouvernement en faveur de la forêt et de la filière bois, qui en a véritablement besoin. Vous avez évoqué, Monsieur le Ministre, la forêt privée qui bénéficiait de singulièrement peu de moyens, au regard de son importance géographique et de son potentiel économique lié au matériau bois.
S'agissant de la forêt publique et notamment des communes forestières, il serait important d'au moins stabiliser les moyens de l'ONF et d'enlever cette épée de Damoclès que représente le schéma d'emplois qui était initialement programmé jusqu'en 2026. Je rappelle qu'aujourd'hui 900 000 hectares de forêt publique demeurent sans document de gestion. Les communes forestières ont acquis plus de 100 000 hectares par leur travail sur les biens sans maître ; ces surfaces sont, elles aussi, dépourvues de document de gestion durable.
Des efforts d'accompagnement et de soutien aux élus sont donc nécessaires pour leur permettre de faire face à ces difficultés d'exploitation forestière, notamment en raison de l'explosion du coût moyen du renouvellement forestier, qui dépasse les 8 000 euros par hectare. Or les plafonds d'aide pour ce renouvellement sont tels que le taux des aides ne s'élève pas à 80 %, comme mentionné dans les documents mais de facto de l'ordre de 50 %, compte tenu de cette explosion des coûts. Je salue donc l'effort budgétaire, mais j'en souligne également les difficultés et notamment le coût des protections contre le gibier.
Je m'interroge sur la ventilation du fonds « tempête » voté par le Sénat à l'initiative du rapporteur général, Jean-François Husson, en 2021. Il serait intéressant de déterminer comment il a été utilisé, ce qu'il devient aujourd'hui et comment le mobiliser pour la suite des opérations.
Je souhaiterais évoquer la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) afin de s'assurer que sa désindexation bénéficiera également aux acteurs forestiers, puisque 30 % de la TATFNB émane des propriétaires forestiers.
Enfin, en ce qui concerne le GNR, Monsieur le Ministre, nous l'avons rapidement évoqué mais je tiens quand même à souligner le fait que les entreprises de la filière bois, à ma connaissance à ce jour, ne bénéficient pas des dispositifs qui sont ceux des entreprises agricoles. Cela augure donc pour elles de grandes difficultés pour assumer les charges qui sont devant elles.
M. Daniel Gremillet. - Pour prolonger la question posée à l'instant de notre collègue Anne-Catherine Loisier sur le plan de renouvellement forestier, en effet sans précédent. Cependant, pour 1 euro investi, près de 40 centimes vont à la protection du plant contre les dégâts de gibier. C'est l'exemple même du gaspillage, qui s'explique par le déséquilibre sylvocynégétique, à cause duquel un plant devient difficilement une tige adulte. Vous avez la responsabilité des comités paritaires sylvocynégétiques en région. Par ailleurs, au-delà des aides au renouvellement, il faudrait que l'entretien des parcelles soit financé à la hauteur.
Vous avez répondu à une autre préoccupation que je voulais évoquer, celle des nouvelles techniques génomiques, NTG. La France doit être au rendez-vous en ce domaine.
En ce qui concerne le bio, je vais utiliser un exemple pas si lointain, celui des produits allégés : il fut un temps, celui qui ne vendait pas de produits allégés disparaissait des rayons ; or, les produits allégés ont depuis disparu, parce que le consommateur n'en voulait plus, en dépit de toute la publicité que l'on a pu faire sur ces produits. Monsieur le Ministre, il ne faut pas opposer les systèmes, bio et conventionnel.
Mon dernier point porte sur les bâtiments d'élevage. Je trouve regrettables l'inertie et l'absence de perspective sur le traitement des toitures amiantées, qui permettrait pourtant de régler un problème sanitaire mais également de produire de l'énergie par du photovoltaïque et de stocker de l'eau. Le Sénat est très mobilisé sur ce sujet, des amendements y ont été déposés. Nous avons demandé au Gouvernement d'agir, y compris dans le cadre du texte sur les énergies renouvelables. Nous ne voyons rien venir alors qu'il y a urgence à traiter ce problème.
M. Henri Cabanel. - Je me félicite de l'augmentation du budget. Je ne vais pas revenir sur la question du bio, mais je partage les craintes de mes collègues malgré les efforts fournis. Pourrez-vous réellement atteindre les objectifs de 18 % de surfaces bio en 2027 et de 21 % en 2030 ?
Depuis la création de l'assurance récolte, seul un faible pourcentage d'exploitations est couvert, certaines filières étant confrontées au problème de la moyenne olympique. Avez-vous avancé sur ce sujet comme vous l'aviez, me semble-t-il, annoncé l'année dernière ?
Une fraction de la taxe sur la cession à titre onéreux des terrains nus rendus constructibles est consacrée à l'installation des jeunes ; pourriez-vous nous détailler les actions qu'elle finance ? Enfin, seriez-vous favorable à une taxe sur foncier non bâti différente suivant que la terre soit cultivée ou non, afin d'éviter les friches agricoles ?
M. Marc Fesneau, ministre. - S'agissant des aides au renouvellement, le point principal d'inquiétude, au-delà du coût à l'hectare, porte sur la complexité des procédures. J'entends de nombreux propriétaires forestiers s'en plaindre. C'est pourquoi j'ai demandé que les moyens budgétaires de 250 millions d'euros soient sous pavillon du ministère de l'agriculture afin d'éviter que le système, aussi parfait soit-il, ne conduise à ce que plus personne ne plante et que l'on n'en retire pas les bénéfices associés en termes de stockage carbone, de préservation de la biodiversité ou encore de production de bois. Le risque est qu'à force d'avoir les mains propres, nous n'ayons plus de mains.
En matière de chasse, reconnaissons que le sujet est compliqué. Je vois toutes les réticences d'un certain nombre de personnes à atteindre les objectifs qui sont fixés. Il est nécessaire de rappeler aux chasseurs que réguler la population de grand gibier est dans leur intérêt. Sinon, on va consacrer 40 % des 250 millions d'euros à la protection contre le gibier pour financer notamment des clôtures parce qu'on est incapable de prélever les quotas, notamment en cervidés. J'en ai parlé publiquement à l'ONF. Certes, le prélèvement n'est pas une science exacte, mais ne pas atteindre sa cible peut relever d'une stratégie d'augmentation des populations qui risque de nous amener dans le mur. Nous sommes confrontés à une densité de certaines espèces qui n'est pas soutenable. Je vais par ailleurs regarder le sujet de la TATFNB, dont vous m'avez saisi, Mme Loisier, il y a quelques jours.
En complément, sur le GNR forestier, nous sommes en train d'étudier les voies et moyens afin d'alimenter un fonds pour moderniser les équipements des forestiers à des fins de décarbonation. Ce fonds pourrait être doté d'environ 20 millions d'euros, ce qui représente la part d'accise supplémentaire dont s'acquitteront les forestiers. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors du débat budgétaire.
Je ne peux malheureusement pas vous répondre immédiatement sur le fonds « tempête », qui date de 2021. Je reviendrai vers vous avec les éléments demandés.
En réponse au sénateur Daniel Gremillet, je sais que le sujet des bâtiments d'élevage vous tient à coeur. Pour l'instant, nous n'avons pas la martingale. Nous nous sommes interrogés sur la répartition de la valeur du photovoltaïque dont une partie pourrait éventuellement alimenter un fonds qui serait alors dédié aux bâtiments d'élevage. Cela permettrait de régler les problèmes de modernisation des bâtiments d'élevage tout en installant du photovoltaïque dans une logique de préservation des terres agricoles. Sur ce point, il semble que certains assureurs ne veuillent pas couvrir les bâtiments équipés de panneaux photovoltaïques. C'est un sujet que nous devons traiter.
S'agissant du bio, une trajectoire est fixée mais, pour ne pas vous raconter d'histoires, nous allons prendre du retard.
Le nouveau système d'assurance récolte fonctionne contrairement à ce qui a été dit, malgré un retard dans le maraîchage et dans l'arboriculture, nous sommes passés de 0,5 % de couverture des surfaces à 9 % en prairies, et en viticulture et grandes cultures, nous étions déjà assez haut. Toutes cultures confondues, on enregistre une augmentation de 36 % des surfaces entre 2022 et 2023, ce qui représente une couverture de près de 2 millions d'hectares supplémentaires, pour atteindre 6,5 millions au total. Quant au problème de la moyenne olympique, nous poursuivons nos travaux au niveau européen, tout en interrogeant la pertinence du modèle avec la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), en tentant d'imaginer d'autres solutions. Par exemple, dans le Pas-de-Calais, qui vient de connaître quatre inondations en quatre ans, la moyenne olympique ne semble pas le bon temps.
Enfin, la taxe sur le foncier non bâti que vous proposez sur les terres non cultivées constituerait une sorte de taxe pour vacance, à l'instar de la taxe sur les logements vacants. Un tel projet requiert d'étudier l'ensemble des effets collatéraux, qu'ils soient incitatifs ou désincitatifs.
Sur la gestion forestière, il existe un sujet de mise à jour cadastrale. Au-delà des biens sans maître, l'essentiel des surfaces forestières est détenu par des propriétaires qui possèdent un ou deux hectares, qu'ils ne savent pas toujours précisément localiser, ce qui nuit à sa valorisation. Nous devons faire mieux en ce domaine.
M. Guislain Cambier. - Monsieur le Ministre, je souhaite vous interroger sur le programme 149 de la mission budgétaire dans le cadre du cofinancement du Feader. La dimension régionale de la mise en oeuvre de la PAC a été réduite : les régions sont désormais en charge des mesures non surfaciques tandis que l'État gérera les mesures surfaciques. Dans le passé vous avez pu constater qu'on a su parfois adapter les fonds européens, tant pour le Feader que pour le fonds React EU. Or, la difficulté de cette nouvelle répartition des compétences est que l'on ne pourra pas adapter notre intervention Feader régionale aux graves inondations subies dans la région Hauts-de-France. Pouvez-vous préciser quelle place l'État laissera aux régions pour maintenir leur proximité avec la Commission européenne, d'autant plus que sa présidente a annoncé le lancement d'un dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture dans l'Union européenne ? Comment participer à ce dialogue ? Comment vous pensez mobiliser et adapter le Feader aux réalités territoriales comme celles que vous avez pu voir ce matin ?
Mme Martine Berthet. - Je souhaite aborder une autre impasse technique qui impacte la filière des plantes à parfums aromatiques et médicinales (PPAM). Les propositions de la Commission européenne de juillet 2022 fixent des teneurs limites en alcaloïdes pyrrolizidiniques dans les compléments alimentaires à base de plantes. Ces alcaloïdes sont émis par certaines mauvaises herbes très communes présentes depuis toujours dans les cultures de plantes. Quelques pieds dans une parcelle d'un hectare peuvent contaminer un lot de plusieurs tonnes de plantes médicinales sèches, si l'on se réfère à la valeur de 400 microgrammes par kilo qui a été fixée. Les producteurs intègrent dans leurs pratiques agricoles de plus en plus de méthodes alternatives, encore insuffisantes. Même le désherbage manuel ne suffit pas. De plus les méthodes de dosages de ces alcaloïdes sont imprécises et les résultats analytiques varient selon les laboratoires. Les autres pays européens n'appliquent pas de façon aussi stricte cette réglementation, ce qui engendre une concurrence déloyale.
Ces producteurs souhaitent l'instauration d'une période transitoire dans laquelle on appliquerait la teneur limite de 1 000 microgrammes par kilo, qui est celle appliquée pour le médicament et qui permettrait pendant ce temps d'affiner les méthodes de dosage et de calcul, ainsi que d'évaluer l'exposition des consommateurs et des cultures. Il y a, en effet, peu de consommation régulière. Elles sont de nature ponctuelle, en tisane ou en complément alimentaire.
M. Bernard Buis. - En ce qui concerne la prédation, il est très important de disposer d'un comptage qui soit validé par tous parce qu'on ne peut pas chaque année, avoir trois mois après le comptage initial, une demande de prélèvement de 150, voire 200 gibiers supplémentaires. La méthode doit être adaptée et incontestable.
Ma seconde question porte sur la mission d'intérêt général « Adaptation au changement climatique » confiée à l'ONF. Pouvez-vous apporter des précisions sur les critères d'accès à cette mission ?
M. Lucien Stanzione. - Comme mon collègue, Jean-Claude Tissot, je me félicite de l'augmentation des crédits. C'est une bonne nouvelle. Mon premier sujet, que vous connaissez très bien, Monsieur le Ministre, porte sur la lavande. Nous avons voté l'an dernier un montant de 10 millions d'euros dont 5 millions ont été affectés à l'indemnisation de la campagne de 2022 et 1 million d'euros pour la recherche. Qu'en est-il du delta de 4 millions d'euros ? Comptez-vous mettre en place une aide à l'écoulement du stock des deux années passées ?
Ma seconde question concerne la cerise, que vous connaissez également très bien. La lutte contre la drosophile, sans les produits phytosanitaires qui sont interdits, est difficile. La solution des filets se révèle être peu efficace et satisfaisante. Pensez-vous adapter les critères d'éligibilité du dispositif d'indemnisation qui vient d'être annoncé à la filière ? En effet, il apparaît malheureusement que la moitié des cerisiculteurs ne satisfont pas les critères d'éligibilité. Par ailleurs, pensez-vous éventuellement augmenter la dotation du fonds d'indemnisation ?
M. Sebastien Pla. - Le défi de la viticulture dans certains bassins de notre territoire n'est pas de surmonter la crise actuelle mais clairement d'assurer sa survie. C'est le cas, dans l'Aude et sur le pourtour méditerranéen, voire au-delà, de Bordeaux à la Provence. Une manifestation unitaire sur la viticulture aura lieu à Narbonne le 25 novembre pour alerter les consciences. Vous avez également reçu un certain nombre de revendications de la part des têtes de réseau de la filière.
Je souhaiterais donc avoir des précisions très claires sur les mesures que vous comptez mettre en oeuvre pour résoudre la situation dans ses aspects conjoncturels. Vous avez évoqué le fonds d'urgence « mildiou » dont la portée est en réalité réduite en raison de la règle de minimis. En effet, ces entreprises qui ont investi ces trois dernières années et qui doivent faire face au remboursement de leurs emprunts et à l'amortissement du matériel, ne pourront pas bénéficier de ces fonds exceptionnels de financement alors qu'elles ont des besoins de trésorerie. C'est dommage, mais c'est la règle.
J'ai surtout besoin d'éclaircissements sur les aspects d'ordre structurel de la crise, portant notamment sur les demandes d'arrachage sanitaire. En lien avec la problématique de l'installation et de la transmission, je rappelle, à titre d'exemple, qu'on ne dénombre, dans l'Aude, aucune installation en viticulture l'année dernière. Si vous déclenchez l'arrachage aujourd'hui, cela risque de conduire 1 000 exploitants hors du système. Où en sommes-nous ? Qu'en est-il de l'accompagnement de l'après-retraite ? Je m'interroge également sur la gestion de l'eau ainsi que sur la prise en compte de nouveaux zonages pour intégrer des zones viticoles, en zone ICHN (indemnité compensatoire de handicaps naturels), au regard de l'enjeu de la protection contre le risque incendie.
Je crois beaucoup à une diplomatie économique pour répondre à la problématique de la viticulture, en conquérant des marchés à l'exportation. Force est de constater l'ampleur de la déconsommation en France. Il va donc falloir chercher des parts de marché à l'étranger. Nous devons être aidés dans cette stratégie.
Mme Sylviane Noël. - Les mesures de protection contre la prédation sont prises en charge à hauteur de 80 % par l'État, sur le budget de la PAC. Or le délai d'obtention de ces aides peut s'élever entre six à douze mois, ce qui fragilise grandement la situation financière de certains agriculteurs, qui parfois y renoncent. Le projet de loi de finances prévoit-il un mécanisme d'avance de trésorerie pour y remédier ?
Je souhaite également compléter les propos qui ont été tenus sur le comptage, qui est fondamental. Il fait débat dans de nombreux départements. Le conseil départemental de Haute-Savoie a financé un dispositif expérimental de comptage, plus fiable à l'aide de caméras thermiques, de pièges photographiques et d'enregistrements sonores, qui a permis de dénombrer près du double de loups sur notre territoire que ce qui nous avait été annoncé. Le comptage nécessite des moyens importants qui ne doivent pas incomber au département. Le projet de loi de finances prévoit-il des moyens supplémentaires à cette fin ?
M. Franck Montaugé. - Je m'inscris dans le prolongement des propos de notre collègue, Sébastien Pla. M. Vincent Piquemal, président des Vignerons indépendants d'Occitanie a, pour la troisième année consécutive, été concerné par des phénomènes climatiques, après le gel et la grêle. Le système assurantiel ne fonctionne pas en raison de la moyenne olympique. Les vignerons sont à l'agonie. Certaines exploitations pourtant installées de longue date, sont proches du dépôt de bilan. La situation est absolument dramatique.
Les viticulteurs demandent des mesures d'urgence de soutien, notamment auprès des assureurs, sous forme de gestes commerciaux pour les aider à faire face. Dans de telles circonstances dramatiques, l'État ne peut-il pas instaurer des structures de soutien d'urgence, à l'instar des comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (Codefi) ? Il doit être possible d'inventer un nouveau dispositif pour répondre à cette situation. Des drames humains se jouent, au-delà de la dimension économique du sujet. Ce sont des professionnels qui produisent des vins de qualité, bio ou sous le label Haute valeur environnementale (HVE).
M. Marc Fesneau, ministre. - Vos questions sur la nouvelle programmation du Feader mériteraient que l'on prolonge le débat. L'essentiel des mesures non surfaciques sont restées aux régions. En conséquence, les capacités d'adaptation, y compris pour l'investissement, demeurent valables. Quant aux MAEC qui ont été transférées à l'État, elles ne font l'objet d'aucune capacité d'adaptation, y compris quand il y a des inondations. Je n'identifie donc pas où se situent les obstacles à l'application des mesures. Je demanderai à mes équipes de prendre contact avec vous pour identifier les blocages. Par ailleurs, je vais faire appel aux régions dans le cadre du Feader, pour accompagner le soutien aux agriculteurs. Je pense donc que la souplesse existe.
En réponse à la question sur les impasses techniques concernant les teneurs limites en alcaloïdes pyrrolizidiniques, nous allons regarder avec les producteurs les possibilités de dérogation.
S'agissant de la question du comptage du loup, celui-ci doit être scientifiquement crédible et partagé, pour ne susciter aucune défiance. Or depuis le début, la défiance est présente. C'est pour cela qu'il y a eu cette expérimentation en Haute-Savoie. Un point de consensus doit être trouvé. En outre, la crédibilité requiert d'éviter tout écart important entre le comptage provisoire et le comptage définitif. Je souhaite également qu'on ait un comptage tôt en saison pour écarter toute annonce de prélèvement supplémentaire à effectuer en quelques mois. J'ai donné des instructions aux préfets sur ce point.
Vous avez raison sur le sujet de l'indemnisation : un problème de délai mais également de simplification se pose. Nous sommes en train d'examiner comment verser des acomptes. Ils ne peuvent être nationaux en raison de la mécanique du fonds européen. Le problème est clairement identifié et nous sommes à la recherche d'une solution afin de raccourcir le délai de paiement. J'ai également demandé de nouveaux développements afin de simplifier le logiciel censé simplifier les déclarations des prélèvements, Safran, dont l'utilisation est en fait plus complexe que le précédent.
Sur les 4 millions d'euros non consommés pour la lavande, nous y travaillons actuellement avec la filière. J'insiste sur le programme de recherche car il serait regrettable de se voir reprocher une absence de résultat. Il faut chercher pour se donner une chance de trouver car les interdictions ne produisent pas en elles-mêmes des solutions.
En réponse à votre demande d'adaptation des critères d'éligibilité du dispositif d'indemnisation pour la cerise, en lien avec la filière, nous avons déjà baissé le taux de spécialisation à 25 %, ce qui est extrêmement bas, et le critère de perte de chiffre d'affaires à 20 %. C'est aussi bas que possible pour justifier une indemnisation. Certains agriculteurs en viticulture ou autres perdent 40 %, 50 % voire 80 % de leur chiffre d'affaires.
Je vais conclure sur la question viticole. Vous avez raison, la situation est empreinte de beaucoup de désespoir. C'est pourquoi il est crucial d'inscrire ces exploitations dans une trajectoire de résilience et de transition pour qu'elles ne deviennent pas les victimes annoncées du dérèglement climatique. Je tiens à souligner que nous disposons des outils nécessaires. Des fonds d'urgence existent. Je propose d'élaborer des projections à 5 ou 10 ans dans les départements les plus à risque. Puis il convient de les aider à l'investissement et à la transition, dans le cadre d'un paquet global qui sera plus efficient qu'un abondement annuel du fonds d'urgence. Il est également nécessaire que l'ensemble des acteurs se mettent autour de la table, et vite : banque, assurances, collectivités, etc.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Monsieur le ministre, nous vous remercions infiniment pour le temps que vous nous avez consacré ainsi que pour la précision de vos réponses. Nous vous donnons rendez-vous pour le débat sur la mission agriculture le 8 décembre.
Examen en commission
(Mercredi
15 novembre 2023)
Réunie le mercredi 15 novembre, la commission a examiné le rapport pour avis de MM. Laurent Duplomb, Franck Menonville et Jean-Claude Tissot sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2024.
M. Laurent Duplomb. - Pour la seconde année consécutive, la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales connaît une croissance à deux chiffres, ce qui, évidemment, n'est pas négligeable.
Par rapport à la loi de finances initiale 2023, le budget de la mission proposé par l'État pour 2024 est en effet en hausse de 23 % en crédits de paiement, passant de 3,9 à 4,8 milliards d'euros, soit une hausse de près de 900 millions d'euros.
Devant les besoins considérables d'accompagnement du monde agricole, et en nous fiant à notre éthique de responsabilité, nous accordons au Gouvernement le bénéfice du doute et voterons ce budget, mais non sans émettre quelques fortes réserves et non sans proposer collectivement cinq amendements que nous présenterons au fur et à mesure.
Sur les crédits budgétaires, j'aurais cinq remarques sur la planification écologique. Premièrement, je voudrais signaler qu'en crédits de paiement 22 points sur 23 de la hausse du budget s'expliquent par la rallonge budgétaire annoncée tardivement et estampillée « Planification écologique ». À des fins de communication, le montant de cette enveloppe a été, c'est de bonne guerre, quelque peu gonflé en rognant sur les dépenses courantes du ministère, qui par conséquent sont, elles, en stagnation. Mais enfin tout de même : les actions « Planification écologique » représentent désormais un tiers des crédits du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture », répartis en dix sous-actions, et un quart du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».
Deuxièmement, je voudrais insister surtout sur le fait que le Gouvernement nous demande, avec les crédits de la planification écologique, de signer un chèque en blanc, puisque pour les dix nouvelles sous-actions, l'administration nous explique que les fiches-actions sont en cours de définition. À nos questions légitimes, l'administration se contente de répondre en lisant le « bleu budgétaire », qui justifie en moins de six lignes en moyenne des lignes budgétaires d'un montant de 120 millions d'euros en moyenne. J'en veux pour preuve le « fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions », de 200 millions en autorisations d'engagement, dont on sait qu'il financera la structuration des filières, mais sur lequel on ne sait pas grand-chose d'autre.
C'est le monde à l'envers : on débloque d'abord des fonds avant de s'interroger sur leur destination précise. Cela pose un problème de contrôle démocratique : rendez-vous compte que le Parlement est amené à autoriser des dépenses, sans en connaître l'affectation exacte. Il est paradoxal que sur ces crédits de la planification écologique, qui devraient aller de pair avec le surcroît de visibilité dont nous avons besoin, on ne soit pas même au clair sur les crédits de l'année prochaine.
Troisièmement, nombre d'actions de la planification écologique ouvrent des guichets pour de l'investissement ou des équipements, mais ne traitent pas l'une des faiblesses identifiées dans la mise en oeuvre de la planification écologique, celle de l'accompagnement et du conseil au plus près des agriculteurs. C'est pourquoi nous proposons par amendement de consacrer 50 millions d'euros sur les 1,3 milliards, à l'accompagnement des agriculteurs. Cela pourrait transiter par les chambres d'agriculture, qui ont l'expérience de cela.
Quatrièmement, l'État ayant engagés des moyens considérables, nous lui demandons également une évaluation rigoureuse pour que ces moyens ne soient pas dépensés en vain : comment s'assurera-t-on par exemple que les aides du plan haies ne soient pas des « primes à la médiocrité », récompensant ceux qui avaient ratiboisé les haies ? Au-delà du chiffre de 50 000 km de linéaire, quels objectifs fixons-nous pour évaluer l'efficacité qualitative de la mesure, par exemple en termes de biodiversité ou de rétention d'eau ?
Cinquièmement, nous demandons également de la cohérence entre politiques publiques : il faut que toutes les actions publiques tirent dans le même sens, dans et en dehors du budget. Or, les crédits de la planification s'inscrivent dans un écosystème réglementaire et fiscal lourd. C'est le cas par exemple pour le plan protéines végétales : peut-on continuer à financer des appels à projet pour ces filières si, dans le même temps on ne leur donne pas les moyens de protéger leurs cultures ? Je pense par exemple, et vous l'aurez tous compris, à la lentille verte du Puy. Je pose cette question, bien sûr, sans provocation.
Passée cette présentation des crédits budgétaires et de la planification, j'en viens à l'une des principales évolutions de ce budget, l'augmentation de 37 millions de la redevance pour pollutions diffuses (RPD), qui est de nature fiscale, mais avec une contrepartie budgétaire, puisque 250 millions de la planification financent notamment les plans de filière pour l'anticipation du retrait de substances actives. Et je m'attarderai plus particulièrement sur le lien entre cette redevance et le financement des actions du plan Écophyto 2030, qui est en cours d'arbitrage, pour prendre la suite de divers plans depuis 2009, dont les effets ont jusqu'ici été pour le moins mitigés.
Nous considérons que les conditions ne sont pas réunies pour une telle hausse de cette redevance qui porte d'ailleurs mal son nom puisque c'est en réalité une taxe.
D'abord, l'augmentation de la RPD ne s'inscrit dans aucune trajectoire d'évolution ; elle s'est faite par à-coups dans les PLF 2019 et 2024 et donne l'impression de répondre plus à des préoccupations de bouclage du budget qu'à une véritable logique pollueur-payeur. Cette année par exemple, la hausse de 37 M€ de la RPD est présentée comme contrepartie, entre autres, du nouveau fonds hydraulique de 30 M€ pour la gestion quantitative de l'eau, sans rapport direct, donc, avec la gestion des produits phytopharmaceutiques.
Par ailleurs, sur les 217 millions d'euros de recettes anticipées avec la hausse de envisagée par le Gouvernement, seulement 71 millions seulement reviendraient toujours à l'enveloppe Écophyto, dont 41 millions à l'enveloppe nationale et 30 millions à l'enveloppe régionale. Le reste, soit 146 millions, dont les 37 millions de hausse programmée, serait dilué dans le budget courant des agences de l'eau. Or, cet argent n'est pas dépensé avec la plus grande transparence qui soit, c'est même la Cour des comptes qui le dénonce.
Enfin, les montants annuels consacrés à la politique de réduction des produits phytosanitaires sont colossaux, avec des résultats pour le moins mitigés. D'après une mission interministérielle de 2023, 643 millions d'euros par an contribuent aux objectifs d'Écophyto. Pour quels résultats d'ampleur ?
Notre proposition transpartisane, pour accroître l'acceptabilité de cette taxe pour les agriculteurs et surtout accroître l'efficacité d'Écophyto, est donc de changer de méthode et de braquet, sur deux plans en particulier.
Premièrement, nous proposons d'augmenter le taux de retour de la RPD aux agriculteurs, pour atteindre au moins 50 % de ce que son produit finance. Cela passe par deux amendements augmentant les crédits du programme 206, pour financer par les crédits courants du ministère le fonds hydraulique de 30 millions d'euros, mais également les 7,5 millions d'euros du bulletin santé du végétal, qui n'ont soit aucun rapport avec Écophyto s'agissant du premier, soit des effets seulement présumés et difficilement démontrables sur la réduction de l'usage des produits phytosanitaires s'agissant du second. Au total, ce sont ainsi 37 millions d'euros qui seraient libérés et pourraient être affectés directement et spécifiquement à la politique de réduction de l'usage des produits phytosanitaires, sans passer par le budget des agences de l'eau.
Deuxièmement, et c'est le plus important, nous proposons avec ces 37 millions d'euros d'ouvrir une ligne d'aides directes aux agriculteurs qui auront des pratiques économes en produits phytosanitaires. Force est de constater que les 250 millions sur la planification iront essentiellement à des instituts de recherche ou aux instituts techniques, même s'il y aurait 50 millions pour l'équipement à partir de 2025, un premier progrès certes à saluer. Pourtant, les solutions que la recherche et l'expérimentation dans les 3 000 fermes Dephy financées par Écophyto ont fait émerger - 15 à 40 % de réduction de l'indicateur de fréquence de traitements, sans dégradation significative des rendements agricoles -, ne demandent qu'à être mieux diffusées, massifiées, vulgarisées, sans quoi elles resteront une vue de l'esprit. Une mission interministérielle CGAAER-IGEDD-IGF sur le sujet a conclu à l'été 2023 à la nécessité d'aller dans ce sens, en respectant, surtout, les principes de spécialité, d'agilité et d'additionnalité pour des progrès immédiats et facilement mesurables.
J'ajoute enfin qu'il me semblerait souhaitable de se doter d'indicateurs qui, au-delà de la quantité de substances actives (QSA), du nombre de doses unités (NODU) ou de l'indicateur de fréquence de traitements (IFT), évaluent les progrès directement en matière de santé publique, de biodiversité ou encore de protection intégrée des cultures. À mon sens, l'une des raisons du peu de résultats des plans Écophyto successifs depuis quinze ans vient de ce qu'on a perdu de vue le véritable objectif. En ayant une approche pragmatique, on pourrait atteindre des résultats importants beaucoup plus rapidement. Comme je l'ai dit hier, le progrès technique et par exemple l'intelligence artificielle pourraient nous aider en ce sens.
M. Franck Menonville. - Pour compléter le tableau esquissé par Laurent Duplomb, je vais commencer par évoquer une autre évolution majeure de ce PLF, également fiscale et donc en dehors du champ de notre saisine officiellement : la réduction de l'avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR). Compte tenu des montants, au moins 70 millions d'euros pendant 7 ans, soit 490 millions d'euros en 2030, il aurait été difficile de nous taire sur ce sujet.
Comme mon collègue Laurent Duplomb a eu l'occasion de le dire hier, nous nous félicitons de ce que les propositions portées par nombre des sénateurs de notre commission dans la proposition de loi pour un choc de compétitivité pour la ferme France aient été reprises par le Gouvernement : relèvement des seuils d'application du micro-BA, d'exonération de plus-values agricoles et de la déduction pour épargne de précaution. Mais ces mesures permettront de compenser la hausse de la fiscalité du GNR, et je crois nécessaire de rappeler qu'il s'agit d'une opération neutre en matière de compétitivité, à la différence de la proposition de loi évoquée.
Nous avons en outre quatre observations à formuler pour garantir le bon succès la réforme. Premièrement, la dépendance des agriculteurs en volume et la faible élasticité du prix du GNR font qu'ils pourront difficilement contourner la hausse de la fiscalité en l'absence d'alternatives actuelles. D'où l'importance d'un suivi attentif afin de s'assurer que les mesures de compensation ne laissent pas de côté certaines filières ou modèles agricoles, par exemple la polyculture-élevage ou les structures modestes. Nous souhaitons un engagement du Gouvernement pour des ajustements éventuels en loi de finances rectificative pour une compensation équitable en cas d'écart marqué avec les prévisions.
Deuxièmement, le crédit d'impôt transition écologique, dernier élément de la compensation du Gouvernement, pourrait consister en une incitation fiscale supplémentaire pour les biocarburants, à laquelle nous sommes bien évidemment favorables. Cependant, nous identifions des obstacles financiers mais surtout techniques, dont les garanties constructeurs, pour passer sans transition au B100, à 100 % biocarburant, comme semble le souhaiter le Gouvernement. Par conséquent, nous jugeons plus réaliste de concentrer les efforts dans un premier temps sur le B30, 30 % d'incorporation de biocarburant, n'est-ce pas cher Pierre Cuypers, afin également d'éviter tout risque d'un retour de la concurrence avec les usages alimentaires.
Troisièmement, nous ne le disons pas assez, mais les forestiers sont aussi concernés par la hausse du taux de l'accise sur le GNR, même si en raison de la structuration de ce secteur, la répercussion du prix vers l'aval devrait se faire plus facilement. Pour faciliter cette transmission, nous demandons toutefois de mettre en évidence l'impact de la mesure via un bas de facture sur le modèle de ce qui existe pour le transport routier, et de mettre à disposition des professionnels un indice des prix régulièrement mis à jour, à l'instar de ce qui existe sur les prix à la pompe pour les particuliers. Ces entreprises de travaux forestiers sont un maillon essentiel mais fragilisé par des difficultés réglementaires dans l'exercice de leur métier et par un manque d'attractivité alors qu'elles sont sollicitées pour conduire les opérations de renouvellement forestier et pallier la baisse des ouvriers forestiers de l'Office national des forêts (ONF) ; j'y reviendrai plus loin dans le rapport.
Enfin, je voudrais simplement rappeler que le secteur agricole et forestier représente 18 % des émissions de notre pays, mais que sur ce total les engins, moteurs et chaudières sont responsables de 13 % seulement de ces émissions agricoles.
S'agissant du budget de nos forêts, je ne m'attarde pas sur les moyens de l'ONF et du Centre national de la propriété forestière (CNPF) pour la mise en oeuvre de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'extension et l'intensification du risque incendie puisque, pour la deuxième année consécutive, l'ONF ne perd pas de postes au global, et puisque 21 ETPT supplémentaires sont finalement financés pour le CNPF, grâce à un nouvel effort du Gouvernement par amendement.
Pour l'ONF, à la stabilisation des moyens, devra néanmoins succéder une véritable inflexion, comme le préconise du reste le secrétariat général à la planification écologique. Cela devra se traduire en particulier au travers du contrat État-ONF post-2025, car au-delà de la défense des forêts contre les incendies (DFCI), 10 % de nos forêts devront être renouvelées d'ici à 2030, soit 1,6 millions d'hectares. Il y a des besoins d'ouvriers forestiers pour récolter le bois et assurer les travaux, et également de techniciens forestiers, pour aménager et gérer les forêts publiques, et en particulier communales. La forêt nécessite de la continuité et une vision de long terme, nous le disons souvent dans cette maison.
Il ne faut pas oublier par ailleurs que le CNPF bénéficiera au même titre que les Chambres d'agriculture d'un éventuel relèvement de la taxe additionnelle au foncier non bâti supplémentaire qui pourrait être voté au Sénat. Nous y veillerons lors des débats. Il faut également rappeler que les chambres ont, elles aussi, des missions forestières à accomplir ; mais c'est une réalité variable selon les territoires.
Pour finir, je me suis particulièrement intéressé à la réalisation d'un inventaire forestier outre-mer. Rappelons que cette mesure a été votée dès 2014 dans la loi d'avenir, et à nouveau précisée dans la loi « Climat et résilience » par le Sénat en 2021 pour une entrée en vigueur en 2023.
Malheureusement, cet outil, dont nous aurions un besoin crucial au plus vite, surtout quand l'on sait que la forêt guyanaise, pourtant deux fois plus réduite, stocke autant de carbone à elle seule que la forêt hexagonale, n'a toujours pas été mise en oeuvre faute de moyens.
Force est de reconnaître que le Gouvernement a pris la mesure de l'enjeu, car il en finance la préfiguration avec 6 millions d'euros parmi les 15 millions d'euros de la planification écologique dédiés à la forêt outre-mer.
Seulement un tel inventaire forestier prendra quatre à cinq ans à être complété d'après l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et l'ONF, qui en seront les maîtres d'oeuvre. D'autant que l'on peut supposer que le recrutement de personnels aussi spécialisés sur place prendra un certain temps.
Or, si les crédits correspondants sont bien engagés, aucun des 24 ETPT associés à cette hausse ne figure dans le plafond d'emplois des opérateurs du ministère de l'agriculture. Autrement dit, nous craignons que cela renvoie cet inventaire à 2030, une étape pourtant cruciale dans notre trajectoire carbone, alors que le puits de carbone forestier a été divisé par deux dans l'hexagone en seulement dix ans. Ce serait donc un peu tard, et un peu tard également pour le développement économique des Outre-mer, qui ne peuvent pas se permettre d'attendre davantage pour mobiliser et valoriser durablement leur bois.
C'est pourquoi nous proposerons par amendement de relever de 24 ETPT le plafond d'emplois du ministère de l'agriculture pour ensuite permettre 18 recrutements sur le terrain à l'ONF et, via une poche d'ETPT du ministère, 6 au siège de l'IGN pour le traitement cartographique.
M. Jean-Claude Tissot. - Pour que le tableau dressé par mes collègues soit tout à fait complet, je commencerai par évoquer le Casdar, le compte d'affectation spécial développement agricole et rural, qui est en passe de devenir malheureusement un marronnier budgétaire.
Ce compte, financé par les agriculteurs, pour la recherche et l'innovation agricoles, est écrêté au-delà d'un certain plafond. Cela fait partie des sujets irritants pour le monde agricole, car les recettes du Casdar sont régulièrement supérieures au plafond voté en loi de finances.
D'un montant de 126 millions d'euros pour 2023, celui-ci a été porté à 141 millions d'euros dans le PLF initial pour 2024, et même à 146 millions d'euros par amendement après le passage à l'Assemblée nationale. Nous pourrions nous en satisfaire, mais ce sont en réalité des progrès en trompe-l'oeil, puisque le montant de la taxe qui finance le Casdar augmente encore plus rapidement, en fonction du chiffre d'affaires, ce qui porterait son montant prévisionnel à au moins 154 millions d'euros en 2023, plus encore en 2024.
Nous voterons le Casdar, car il serait impensable de ne pas renouveler les appels à projet et le financement des instituts techniques, mais nous demandons comme chaque année que son plafond soit relevé d'au moins 8 millions d'euros de plus, ce que nous ne pouvons malheureusement pas faire par amendement, seul le Gouvernement le pouvant.
Mais j'en viens maintenant au sujet sur lequel je me suis attardé cette année, le fonds « Entrepreneurs du vivant ». J'ai abordé ce sujet hier avec le ministre de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire. Le président de la République en personne a annoncé il y a un an à Terres de Jim, la réunion annuelle du syndicat Jeunes agriculteurs, un fonds « Entrepreneurs du vivant » doté d'au moins 400 millions d'euros, dans le but de « porter dans les premières années le foncier pour permettre de lisser la charge pendant plusieurs années et d'aider à mener les transformations indispensables pour que la reprise soit aussi un moment d'accélération ».
Plus d'un an après, alors que le Gouvernement maintient l'échéance de début 2024, ce fonds reste nimbé de mystères.
Nous nous interrogeons en particulier sur le montant de 400 millions d'euros, qui ne nous a jamais été expliqué, et qui rappelle la méthode à l'envers de la planification écologique, où l'annonce de moyens précède la réflexion sur leur affectation.
Nous ne comprenons pas la logique d'un rattachement de ce fonds d'investissement dans le foncier à France 2030, censé pourtant financer l'innovation de rupture. Il faut noter au passage la sous-consommation de France 2030 : en effet sur 2,9 milliards de ce programme consacrés à l'agriculture, à l'agroalimentaire et à la forêt, qui se déploient théoriquement sur cinq ans, jusqu'en 2026, seulement 17 % ont été engagés. C'est lié à sa forte sélectivité, à la complexité de l'attribution de ses crédits et au non-renouvellement de certains appels à projet.
Plus inquiétant encore, je voudrais souligner deux aspects qui me semblent préoccupants au plus haut point, et qui me semblent nécessiter une interpellation du ministre en séance publique.
Premièrement, la promesse d'une association des chambres, des syndicats et surtout des régions semble complètement oubliée, puisqu'elle se traduirait désormais seulement par l'éligibilité des fonds de portage du foncier régionaux à ce fonds de fonds.
Deuxièmement, on comprend qu'en l'absence d'une offre suffisamment mature de fonds de portage du foncier, il sera en réalité difficile de consacrer plus de 60 millions d'euros, soit environ 15 % du fonds de fonds au foncier, alors que les besoins en portage du foncier et des capitaux sont considérables. 12 millions d'euros par an pendant 5 ans, c'est moins que ce qu'y consacre chaque année la Banque des territoires.
Vous devez mesurer que ce chiffre de 60 millions porte un coup important à la communication du Gouvernement. Car la plupart des acteurs interrogés, à commencer par le syndicat Jeunes Agriculteurs, avaient compris que l'intégralité du fonds serait dédiée au foncier, ce qui révèle toute l'ambiguïté de cette annonce. Nous nous demandons quelle pourra être l'affectation des 340 millions d'euros restants, et le Gouvernement ne nous a apporté aucune réponse. Quelle est donc la réelle portée du fonds ? Les 400 millions d'euros sont-ils autre chose que l'assemblage de mesures disparates marketées sous un nom unique, sans cohérence de fond ? Il n'est pas anodin que le syntagme « Entrepreneurs du vivant » ait d'abord été utilisé par le Gouvernement dans des campagnes de communication.
Nous déplorons le retard pris dans l'élaboration de la doctrine d'utilisation de ce fonds et les interrogations qui subsistent même sur sa forme, puisque l'on nous parle d'un « fonds de fonds », mais sans certitude. Autrement dit, nous sommes très préoccupés par le manque de visibilité sur les contours du fonds Entrepreneurs du vivant, pourtant censé être au coeur du Pacte d'orientation et d'avenir agricole.
Dans une logique constructive, nous voudrions donc proposer par un amendement d'appel sept lignes directrices et demander au ministre de se prononcer sur elles, afin de l'orienter dans sa réflexion.
Premier point, sur l'association des régions : le fonds devrait être adapté aux spécificités de chaque région, en association étroite avec les exécutifs régionaux, au-delà de la simple éligibilité des fonds de portage régionaux.
Deuxième point, sur la facilité d'accès à cet instrument : en lien avec la création du futur réseau France services agriculture, le juste équilibre doit être trouvé entre la conditionnalité, qui me semble indispensable pour s'assurer de la contribution des investissements à l'accélération, et la simplicité d'accès à ce fonds, qui permettra, elle, sa massification. Nous nous demandons en particulier comment le Gouvernement contrôlera que les moyens libérés par le portage du foncier seront bien consacrés à des investissements de transformation, sans bâtir une usine à gaz.
Troisième point, sur la priorité à l'installation : les projets d'installation doivent être préférés à l'agrandissement, qui ne devrait toutefois pas être exclu par principe de l'éligibilité à ce fonds. Mais seuls les agrandissements consécutifs à une amputation de surface liée à une expropriation pour cause d'utilité publique ou en dessous d'un certain seuil de surface, par exemple le seuil d'agrandissement significatif, entre 1,5 et 3 fois la surface agricole utile régionale moyenne, de la loi dite « Sempastous », devraient être éligibles à ce fonds.
Quatrième point, sur le besoin d'un plafond différencié par type de culture : en effet, les secteurs au foncier coûteux tels que la viticulture ou l'arboriculture pâtissent de plafonds ne permettant de porter que quelques ha, et devraient bénéficier de dérogations.
Cinquième point, sur la propriété du foncier à long terme : il faut permettre aux agriculteurs de réinvestir dans le foncier par la suite et non dissocier durablement la propriété de l'activité agricole, avec le risque que cela ferait porter sinon en termes de financiarisation du foncier agricole. Vous attendez, Madame la présidente, une loi sur le logement ; nous attendons depuis une loi sur le foncier. Les deux pourraient être liés...
Sixième point, sur la fiscalité du foncier : il faut engager une réflexion sur la complémentarité entre ce fonds et la fiscalité applicable au foncier, car ce fonds n'épuisera évidemment pas la question de la transmission à lui tout seul.
Septième et dernier point, sur l'ouverture aux foncières solidaires : on a appris que le statut d'investisseur avisé du secrétariat général pour l'investissement faisait obstacle au financement des foncières solidaires, comme Terre de liens. Nous avons besoin de ces acteurs, parmi d'autres, et il faudrait trouver un moyen de les intégrer par des voies juridiques détournées.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci beaucoup à nos trois rapporteurs pour avis. Nous avons la chance d'avoir la présence de l'un des deux rapporteurs spéciaux de la commission des finances sur la mission agriculture. Je vous laisse la parole.
M. Christian Klinger, rapporteur spécial de la commission des finances. - Ce sera à vous de me dire à la fin si c'est une chance ! Votre commission est parfaitement placée pour connaître le contexte qu'affronte le secteur agricole : je ne voudrais pas paraître pessimiste et je vous remonterai le moral à la fin mais entre la concurrence économique, les conséquences de la situation géopolitique mondiale, les aléas climatiques, le manque d'attractivité d'une partie des professions agricoles, les dégradations commises sur des exploitations, les crises sanitaires successives, les handicaps propres à la ruralité, le recul de notre souveraineté alimentaire, la recherche insuffisamment tournée vers l'innovation agricole, les vols de matériels agricoles, et j'en passe, c'est peu dire que presque toutes les politiques publiques sont concernées par la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et par le compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».
Face au manque de volontarisme politique, ces dernières années, sur le plan budgétaire, il aura fallu que notre assemblée tire la sonnette d'alarme pour qu'enfin le Gouvernement réagisse.
Alors, certes, j'entends que ce n'est pas totalement satisfaisant et que le bonheur n'est pas encore revenu dans le pré, mais nous devons tout de même reconnaître, au regard de l'état de nos finances publiques, qu'un réel effort est consenti dans ce projet de loi de finances pour 2024.
Avec un total des concours publics consacrés à l'agriculture, à l'alimentation et à la forêt de 25,5 milliards incluant les co-financements européens, les dispositifs fiscaux et sociaux ainsi que la présente mission, vous pourriez avoir le sentiment d'un « quoiqu'il en coûte agricole » mais en dehors d'actions supplémentaires destinées à verdir le budget, et si l'on fait abstraction des quelques compétences transférées aux régions, le Gouvernement présente finalement un projet de budget proche de l'exécution moyenne des derniers exercices.
Parmi tous les points que la commission des finances a eu l'occasion d'aborder lors de l'examen des crédits de la mission la semaine dernière, j'en évoquerai quatre qui me semblent devoir être particulièrement pris en compte.
Premier point, la réorganisation dans la gestion des crédits, pour tenir compte de la PAC 2023-2027, se poursuit : certains co-financements européens sur les aides non surfaciques seront désormais gérés par les régions, ce qui explique la diminution des crédits de l'action 23 dans le programme 149, qui comporte entre autres la dotation aux jeunes agriculteurs. Cette action sera dotée de 123 millions d'euros contre 172 jusqu'alors. Comme vous, nous serons très attentifs, en tant que rapporteurs spéciaux à la question des moyens alloués aux régions et plus généralement au contenu du pacte et du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, pour lesquels les attentes sont fortes, afin de rendre au secteur son attractivité. Nous espérons d'ailleurs que ce projet de loi portera des propositions fortes sur l'une des composantes de cette attractivité, à savoir l'accès au foncier.
Deuxième point sur lequel la commission des finances est revenue : ce budget traduit un réel engagement budgétaire. L'objectivité commande de reconnaître qu'est consenti ou maintenu un effort particulier notamment pour les personnels qui interviennent dans le secteur agricole. D'une part les moyens en personnels du ministère sont consolidés, sans toutefois exploser, afin que le ministère puisse assumer ses nombreuses missions de contrôle : contrôle écologique, sanitaire, alimentaire, préventif et la liste de ces missions est longue. D'autre part, sont consolidés certains dispositifs favorables aux travailleurs. L'exonération de certaines charges ou cotisations dont bénéficient 71 000 entreprises, soit à peu près la moitié des structures agricoles employant un salarié, assure le maintien de 31 % du volume global des heures salariées dans le secteur agricole, tout en donnant lieu à compensation à la mutualité sociale agricole (MSA). Nous y voyons un des moyens de lutter contre le travail illégal
Troisième caractéristique de ce budget 2024 que je souhaite rappeler : le verdissement. Quel que soit notre positionnement politique, il nous semble aujourd'hui impossible de rejeter les moyens supplémentaires consacrés à la transition écologique du secteur agricole. Certes, toute l'agriculture ne peut pas s'organiser en fonction de la transition écologique, mais nous ne pouvons plus faire l'économie de politiques adaptées et soutenues par l'État. Deux des programmes de la mission comprendront désormais une action « planification écologique ». Sans pouvoir être exhaustif, je vous signale des sous-actions consacrées au soutien au renouvellement forestier pour 250 millions d'euros, au dynamisme du lien bois-matériaux à hauteur de 200 millions d'euros, mais également de 15 millions d'euros pour la préservation de la forêt en Guyane, de 110 millions d'euros pour financer un plan « haies », de 80 millions d'euros consacrés à une stratégie de décarbonation, de 65 millions d'euros pour un « plan protéines » ou encore de 20 millions d'euros destinés à la réalisation d'un bilan carbone au moment de la transmission des exploitations. Enfin, la nouvelle action consacrée à la planification écologique du programme 206 permettra de consacrer 250 millions d'euros à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires. En tout, donc, 1 milliard et 250 millions d'euros supplémentaires sont inscrits dans le programme pour verdir l'agriculture, ce qui me semble considérable et se traduit aussi par le renforcement des moyens de certains des opérateurs amenés à jour un rôle en la matière : je ne citerai que l'ONF, l'Anses ou encore l'ODEADOM.
Quatrième et dernier point : nous avons longuement eu l'occasion d'expliquer pourquoi nous considérions que le compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » devait être rebudgétisé. Le lien direct entre les recettes et les dépenses, obligatoire au regard de la LOLF s'est progressivement étiolé. Par ailleurs, le différentiel entre les recettes et les dépenses se creuse année après année, avec un solde comptable positif de 121 millions d'euros fin 2022 soit bientôt l'équivalent d'une année de dépenses. En résumé, le Casdar déroge en tous points aux principes d'annualité et d'universalité budgétaires auxquels il est en théorie soumis et cela ne saurait durer.
Avec mon co-rapporteur spécial Victorin Lurel qui ne pouvait être présent aujourd'hui, nous avons oralement insisté sur les facteurs d'amélioration, mais le nouveau dimensionnement du budget a conduit la commission des finances à préconiser l'adoption des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale.
M. Franck Montaugé. - Je remercie tous les rapporteurs qui se sont exprimés pour la qualité et la précision de leur travail. Je ferai trois remarques.
D'abord, j'aime bien faire des comparaisons budgétaires en euros constants. Quand on ramène les évolutions à euros constants, que l'on prend l'ensemble des mesures qui concernent les agriculteurs, c'est-à-dire ce budget, les crédits de la PAC et les dépenses fiscales et sociales concernant le monde agricole, et que l'on considère, enfin, le fait que sur les millions d'euros supplémentaires annoncés, seulement 504 millions seront dépensés dès cette année, les montants totaux n'augmentent plus que de l'ordre de 2 %. Si nous voulons regarder les choses favorablement, il s'agit donc d'un budget de reconduction, rien de plus ; et en réalité, je pense que c'est même un peu moins que ce que nous avions l'année dernière.
Puis, j'ai écouté, comme nous tous, le ministre hier. Quand on remet les choses en perspective sur la nécessité de restructuration de beaucoup de filières agricoles, et cela engage l'avenir agricole et aussi économique de nombreux territoires dont le mien, on s'aperçoit que les choses n'ont pas vraiment bougé. Il y a eu une démarche très intéressante dans ses ambitions, il y a quelques années, avec les états généraux de l'alimentation, qui ont mis ce sujet de l'évolution des filières à l'agenda ; qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Les ministres de l'agriculture se succèdent pour dire qu'ils vont s'en occuper, que c'est en cours, etc. Mais je vois sur mon territoire, pour les filières viticole et avicole notamment, que les choses n'avancent pas, ce qui, je voudrais le souligner, est vraiment inquiétant.
Ensuite, je regrette la faiblesse de l'accompagnement des productions en difficulté, bio en particulier. Le budget des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) est en diminution et il n'existe toujours pas de paiements pour services environnementaux (PSE) valorisés à la hauteur souhaitable.
Enfin, la filière gras souhaiterait que l'intégralité des vaccinations soient prises en charge par l'État. Je ne le vois pas non plus dans le budget, alors que c'est une nécessité, conditionnant la pérennité des exploitants agricoles concernées.
M. Serge Mérillou. - Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Je n'ai pas pu être présent hier, à l'audition du ministre de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire, étant retenu en séance publique. Peut-être un certain nombre de questions et de préoccupations ont-elles été évoquées hier.
Ce budget peut paraître plutôt bien doté, mais c'est un budget en trompe-l'oeil, comme l'a précisé Franck Montaugé. Il me semble aussi qu'il manque à ce budget de grandes lignes directrices sur les grands enjeux auxquels l'agriculture est confrontée. Nous sommes en attente de la loi d'orientation et d'avenir agricoles. Peut-être avez-vous eu des informations hier, du moins est-ce ce que j'espérais. J'espère également que cette loi qui nous était annoncée apportera un certain nombre de réponses.
Il me semble qu'il manque dans ce budget des éléments importants concernant ce qui est pour moi un enjeu majeur de l'agriculture, c'est-à-dire notre souveraineté alimentaire qui, je le répète depuis des années, est en berne et, régulièrement, perd des parts de marché. Il manque aussi des éléments importants et forts pour venir en appui de territoires, notamment les zones intermédiaires qui continuent à être en grande difficulté depuis des années, et de certaines filières, la viticulture, l'élevage, la bio.
Les relations entre la bio et le conventionnel sont devenues presque conflictuelles. Or, je répète que nous avons besoin de tout le monde : nous ne pouvons pas nous passer de la bio qui est une agriculture vertueuse, porteuse d'avenir, mais nous avons aujourd'hui aussi besoin d'une agriculture conventionnelle pour assurer notre souveraineté alimentaire, dont le fort déclin m'inquiète.
Sur la transmission des exploitations, qui est un problème majeur compte tenu de l'âge des exploitants actuellement, une proposition de loi a été votée récemment au Sénat sur les groupements fonciers agricoles d'investissement. Je rappelle également le rôle de l'association Terre de liens, qui a été évoquée par Jean-Claude Tissot, et qui joue un rôle novateur et utile dans les territoires. Je souhaite que nous puissions l'aider.
Pour résumer, ce budget ne me satisfait pas, parce qu'il ne répond pas à la préoccupation de notre souveraineté alimentaire.
M. Daniel Gremillet. - Je voudrais remercier également les trois rapporteurs de la commission des affaires économiques ainsi que le rapporteur spécial de la commission des finances.
Je me réjouis, comme l'a dit Laurent Duplomb, que l'on retrouve, dans ce projet de loi de finances, le relèvement des seuils à la fois de la déduction pour épargne de précaution et de l'exonération des plus-values. Ce sont deux évolutions essentielles dans la situation économique actuelle.
Je partage complètement la remarque sur le Casdar : on le dit tous les ans et on n'en sort pas. Cela fait partie des scandales budgétaires, puisque ce sont des recettes acquittées par les seuls agriculteurs, en progression considérable grâce à l'augmentation de leurs chiffres d'affaires, et qui ne leur sont pas intégralement restituées. Il faudra bien que cet argent revienne un jour aux agriculteurs, surtout quand on connaît leurs besoins.
Aujourd'hui, ce sont les régions qui sont compétentes pour distribuer l'aide à l'installation, la dotation jeunes agriculteurs (DJA). Néanmoins, avec l'inflation que l'on connaît, l'outil des prêts bonifiés retrouverait tout son sens dans la politique d'installation. Depuis les lois d'orientation agricoles de 1960 et de 1962, c'était la colonne vertébrale de l'accompagnement de l'installation des jeunes : à la fois la dotation jeunes agriculteurs et un accompagnement financier pour favoriser l'investissement. Or, aujourd'hui, cette seconde composante a complètement disparu. À titre personnel, je l'ai toujours décrié, même s'il fallait peut-être l'adapter. Mais aujourd'hui que nous sommes sortis d'une période de taux très faibles, cela pèse sur les installations.
S'agissant de la forêt, en effet, aujourd'hui, il y a des plantations ; c'est très bien, et il faut continuer en ce sens. Mais il ne faut pas oublier l'entretien et nous ne disposons pas de capacités d'entretien à la hauteur de ces plantations. Il serait dommageable que l'ensemble des moyens mis sur cette politique ne fructifient pas et ne se traduisent pas par des arbres devenant adultes. Il s'agit là d'un problème d'adaptation de nos forêts, qui doit être réglé.
Une autre mesure que nous évoquons chaque année avec Anne-Catherine Loisier serait l'extension du TO-DE aux emplois du secteur forestier.
Une action qui ne coûterait rien, purement administrative mais ô combien stratégique, consisterait à rendre accessible les documents d'accompagnement du plan de relance et de France 2030 sur la forêt, qui ne sont aujourd'hui pas accessibles aux comités paritaires sylvocynégétiques. Cela a pour conséquence que nous n'avons pas connaissance, sur le terrain, des moyens financiers mis pour la plantation, ce qui empêche d'appliquer une pression, en lien avec les chasseurs, pour préserver les plants et, du reste, pour faire des économies et arrêter de gaspiller autant d'argent : je rappelle que pour un euro mis sur la plantation, environ trente centimes vont à des équipements de protection des plants contre le gibier, ce qui est ridicule. Cette protection pourrait être assurée de façon gratuite, en lien avec les chasseurs. L'excuse qui nous est donnée, à savoir que le programme informatique utilisé ne permet pas de restituer cette information aux régions, me paraît trop facile.
Je voudrais insister sur un dernier point, concernant les bâtiments d'élevage. Toutes les régions sont confrontées au vieillissement des bâtiments, et en particulier au problème de l'amiante, qui n'est pas traité et qui a des conséquences énormes en termes de santé publique et de sécurité. Nous avons aussi besoin aujourd'hui d'adapter les bâtiments à l'évolution climatique, que ce soit au froid ou à la chaleur, par une meilleure isolation. Nous pourrions même faire d'une pierre quatre coups puisque nous pourrions après ces opérations apposer des panneaux photovoltaïques et installer des systèmes de récupération et de stockage de l'eau. Je trouve vraiment regrettable que le ministère ne nous entende pas sur cet aspect, depuis le temps qu'on en parle. Il me semblerait absolument stratégique de le faire dans l'ensemble des régions de France au bénéfice du plan de relance de l'élevage.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je voudrais saluer nos trois rapporteurs pour leurs travaux et pour leurs amendements, notamment celui sur la redevance pour pollutions diffuses, qui me semble frappé au coin du bon sens : si les recettes ne sont pas effectivement mobilisées pour accompagner nos agriculteurs, cette redevance devient une espèce de puits sans fond, alors que l'on constate une escalade sans fin des contraintes et des coûts qui pèsent sur notre production agricole.
Je salue aussi les propositions des rapporteurs sur le volet forestier. Pour le coup, il faut souligner sur ce volet une continuité dans l'effort financier, que l'on n'avait pas observée dans ce secteur depuis de nombreuses années. Il est très positif que ces crédits s'adressent au public comme au privé, et à l'amont comme à l'aval. Franck Menonville l'a dit : un effort conséquent est consenti en faveur de la forêt privée qui, avec 12 millions d'hectares mais seulement quelques centaines de salariés au Centre national de la propriété forestière (CNPF) et dans les coopératives, a un vrai besoin de structuration et d'organisation, notamment pour faire face aux besoins liés à la défense des forêts contre les incendies (DFCI). Il y a une réponse, une prise en compte du Gouvernement.
Le rapporteur a attiré l'attention sur l'effort qui doit se poursuivre en faveur des forêts publiques. Je le soutiens en ce sens. Nos élus de communes forestières sont aujourd'hui confrontés à un défi immense, à une catastrophe écologique en cours dans nos forêts, et doivent parfois aussi se débattre contre des habitants qui ne comprennent pas bien le sens de leurs actions ; pratiquement 900 000 hectares de forêts publiques n'ont pas de document de gestion durable. L'effort doit donc se poursuivre.
On peut le regretter, mais l'Office national des forêts (ONF) a aujourd'hui la capacité d'intervenir, avec des ouvriers forestiers, dans certains territoires qui malheureusement ne disposent pas toujours d'entreprises en capacité de le faire. C'est un élément à prendre en compte car on n'atteindra pas l'objectif d'un milliard d'arbres plantés et on ne satisfera pas le besoin d'entretien des parcelles, si l'on n'a pas d'acteurs effectivement sur le terrain pour cela.
En dépit de son importance, on ne parle pas forcément beaucoup de l'aval, qui est très lié au sujet du logement évoqué au début de notre réunion. Quand le bâtiment va, tout va, et comme, en ce moment, le bâtiment ne va pas très bien, l'aval de la filière bois ne va pas très bien non plus. Dans la filière bois, comme dans toutes les filières, c'est l'aval qui tire l'amont, lui permettant de se développer. Or je rappelle que cette filière représente 400 000 emplois en France, soit autant que l'automobile.
De nombreuses entreprises de travaux forestiers sont en très grande difficulté, Franck Menonville l'a dit. À l'article L. 411-1 du code de l'environnement, transposant la directive 92/43/CEE, dite « Habitats », qui les empêche de travailler tout au long de l'année, s'ajouteraient maintenant les dispositions absolument déterminantes de ce projet de loi de finances relatives au gazole non routier (GNR), qui impliquent pour elles un surcoût. Le rapporteur l'a bien souligné, il faut prendre conscience de la difficulté dans laquelle se trouvent aujourd'hui ces entreprises de travaux forestiers, et nous sommes nombreux à avoir déposé un amendement au PLFSS pour que ces entreprises puissent bénéficier du TO-DE. Elles emploient, de fait, de plus en plus de saisonniers pour faire face à ces surcoûts.
On n'a jamais beaucoup parlé de la forêt ultramarine, alors que la France a un potentiel exceptionnel, avec en particulier 8 millions d'hectares rien qu'en Guyane. Bon nombre d'élus guyanais nous demandent d'être davantage au chevet de cette forêt pour lui permettre d'optimiser sa fonction de puits de carbone mais aussi de répondre aux besoins de développement de la Guyane, en matière de logement. Il y a quelques années, la Guyane exploitait 90 000 m3 de bois, c'est-à-dire pas grand-chose, mais qui engendrait tout de même un revenu réinvesti dans la filière bois ; aujourd'hui, c'est à peine 15 000 m3. Ce territoire qui a des problèmes de logement et de développement n'utilise même pas sa panière première, pourtant à sa portée.
M. Fabien Gay. - Je remercie moi aussi nos trois co-rapporteurs et le rapporteur de la commission des finances.
En préambule, je trouve très bien que l'on s'occupe de la forêt amazonienne et guyanaise, mais je ne suis pas sûr que les quelques millions d'euros mis sur la table répondront à ses forts besoins. Je rappelle que la forêt amazonienne, c'est 70 % de notre biodiversité, et aussi ce que l'on appelle l'un des poumons de la planète. Lorsque l'on se rend sur place, l'on s'aperçoit que l'un des problèmes est que cette forêt est grandement menacée par l'orpaillage illégal, mais aussi par des projets miniers de grande ampleur, sur 360 000 hectares. Nous avons souvent donné des leçons au Brésil, en particulier sous son ancien président Jair Bolsonaro, sur la déforestation, mais nous-mêmes n'agissons pas pour la sauvegarde de notre forêt. Ce budget constitue une première pierre à l'édifice, mais il faudra encore travailler sur ce sujet, et mener une véritable action diplomatique avec le Suriname et le Brésil. Il s'agira au début d'essayer de contenir l'orpaillage illégal ainsi que la pollution au mercure, et ensuite évidemment d'y mettre fin.
Je suis d'accord avec Franck Montaugé quand il souligne que le Gouvernement nous explique, pour à peu près chaque mission budgétaire, qu'il n'a jamais fait aussi bien, que jamais autant de dépenses n'ont été engagées, qu'il est le meilleur, bref, que tout va bien. Vous aurez compris que je provoque un peu, mais on en vient parfois à se demander si l'histoire de France n'a pas commencé en 2017. L'inflation est forte et Franck Montaugé a raison de rappeler qu'il faut raisonner à euros constants.
Il ne faut pas se mentir : toutes les problématiques auxquelles nos agriculteurs sont confrontés ne seront pas résolues avec ce budget. Je ne prétends pas que cela soit simple : nous l'avons vu par exemple sur les négociations commerciales, problème pour lequel nous nous avons remis l'ouvrage sur le métier récemment pour la quatrième fois, et qui, je le crains, n'est pas résolu. Nous sommes face à une difficulté, qui est que les agriculteurs et agricultrices, qui sont pourtant des artisans de la terre, sont les seuls à ne pas fixer le prix de leur production, alors qu'un artisan, quel qu'il soit, fixe normalement ce prix.
D'un autre côté, de plus en plus de gens ont des difficultés à se nourrir avec des produits de bonne qualité, et nous avons de la peine à bien identifier les marges qui se font entre producteurs et consommateurs. Nous restons dans cet entre-deux extrêmement difficile.
Je voudrais alerter sur une question intimement liée à l'agriculture et à l'alimentation, qui n'est pas dans le budget, mais dont, à un moment donné, il faut bien parler, car tout cela se recoupe : ce sont les traités de libre-échange ; vous savez combien cela nous tient à coeur, au sein de mon groupe. Nous pourrons voter tous les budgets que nous voulons, il n'en restera pas moins cette question, certes pas unique mais tout de même centrale. Le gouvernement français a conclu un accord avec la Nouvelle-Zélande dans les trois derniers jours de la présidence française de l'Union européenne, au premier semestre 2022. Je pense que lorsque les quotas seront utilisés, la situation pour nos producteurs, notamment de viande, deviendra extrêmement complexe. Il y a au total sur la table plus d'une quinzaine d'accords, qui sont souvent climaticides et constituent une concurrence déloyale pour nos agriculteurs et agricultrices, bref, qui vont à l'encontre de tout ce qu'il faudrait faire pour protéger notre souveraineté alimentaire. Un débat est en cours sur l'accord avec le Mercosur, d'autres ont déjà eu lieu ou auraient dû avoir lieu sur le Ceta (Comprehensive economic and trade agreement) avec le Canada ou sur le Jefta (Japan-EU free-trade agreement) avec le Japon. Tout cela se fait sans débat démocratique et sans les parlements nationaux. Nous nous sommes prononcés il y a deux ans pour inviter le Gouvernement, dans des formules extrêmement polies, à soumettre le Ceta à la ratification du Parlement. Cela fait quatre ans et demi que nous attendons, et toujours rien.
Je pense que nous devrions être associés à la négociation de l'accord avec le Mercosur mais, bien évidemment, nous ne le serons pas. L'alerte doit être collective. Je crois qu'il faudrait que nous prenions en 2024 une initiative politique d'ampleur, ici au Sénat, pour dire que nous devons avoir voix au chapitre. Ce n'est pas possible que cela continue comme cela, dans un déni de démocratie. Après cela, il y aura un vote, et s'il y a une majorité pour dire qu'il faut aller au bout de ces accords et libérer tous les quotas dans le cadre du Ceta, ce sera très bien. Mais enfin, il faut que le débat ait lieu ici, et je pense qu'au bout de quatre ans et demi, nous avons été assez patients. Ces questions sont intimement liées, je le répète, à tout ce que l'on peut faire pour défendre le monde agricole, notre alimentation et notre souveraineté.
M. Henri Cabanel. - Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit à propos du Casdar. Tout ce qui est prélevé pour la recherche et développement doit aller à la recherche et développement. Je ne comprends pas que le gouvernement ne l'entende pas ainsi. Je trouve assez injuste que la redevance pour pollutions diffuses ne soit payée que par les agriculteurs : on devrait aussi la faire payer aux fabricants de produits phytosanitaires, car ce sont eux qui mettent ces produits sur le marché.
Je voudrais également insister sur le foncier, qui me paraît un élément essentiel de notre souveraineté. À mon avis, on ne donne pas assez de moyens aux Safer qui sont là justement pour l'installation des jeunes agriculteurs et éviter la spéculation sur les prix du foncier.
J'avais fait des propositions pour affecter aux Safer une fraction supplémentaire de la taxe spéciale d'équipement (TSE) prélevée par les établissements publics fonciers (EPF). Dans certaines régions, le prix du foncier a explosé, les agriculteurs ne peuvent plus acheter et dans certains endroits, ce sont les grandes entreprises qui achètent. Cela signifie que demain, si nous continuons comme cela, les agriculteurs seront des salariés des entreprises qui seront propriétaires du foncier.
Je suis également d'accord avec ce qui a été dit sur les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et l'absence de mesures sur les paiements pour services environnementaux (PSE), qui me semblent être une nécessité pour les agriculteurs les plus vertueux en matière d'environnement.
On parle beaucoup de souveraineté alimentaire. Hier, le ministre reprochait à certains parlementaires, à travers leurs amendements, de « vendre du rêve ». Je me demande si ce n'est pas lui qui vend du rêve en matière de souveraineté alimentaire, car le constat est là, même si tout le monde ne le partage pas : nous avons un problème majeur de souveraineté alimentaire. Il y a une installation pour trois départs à la retraite. Tant que nous ne serons pas en capacité d'assurer un minimum de revenus aux agriculteurs, nous aurons du mal à installer des jeunes.
Enfin, nous avons un plan stratégique national, ce qui est une bonne chose, mais je pense que nous devrions se donner les moyens à travers ce budget de faire en sorte qu'il y ait un plan stratégique par filière. La filière viticole, par exemple, est en crise dans certaines régions. Le gouvernement a débloqué 200 millions d'euros d'argent public pour une distillation exceptionnelle et dans le même temps, la filière viticole bénéficie d'argent public pour planter des vignes. J'entends la filière, étant moi-même viticulteur, je sais de quoi je parle. Mais les citoyens nous font remarquer ensuite que nous donnons de l'argent public pour planter les vignes, mais aussi pour les arracher et, enfin, pour distiller le vin. Que pouvons-nous leur répondre ? On veut garder notre potentiel agricole, notre souveraineté agricole ; mais avec quelle stratégie ?
Les professionnels dans toutes les filières devront donc se doter d'un véritable plan stratégique à moyen et long terme pour que nous, parlementaires, soyons plus à l'aise aussi dans le choix des budgets que nous aurons à leur allouer.
M. Daniel Salmon. - Bien entendu, ce budget ne nous satisfait pas : quelle est sa véritable augmentation et surtout quelle est sa ventilation ? En matière de transition écologique, les mesures sont clairement insuffisantes. À l'Assemblée nationale, les députés ont voté 2 amendements, l'un de 271 millions d'euros pour le soutien à l'agriculture biologique et l'autre de 350 millions d'euros d'aides pour les MAEC. Ces deux amendements n'ont pas été retenus après l'utilisation du 49.3, ce qui est significatif de ce gouvernement qui ne va pas au bout de ce qu'il avance.
Nous avons quelques divergences sur la réduction des produits phytosanitaires. La technoscience ne sera pas l'unique solution, c'est surtout une solution qui va rendre les agriculteurs encore davantage prisonniers car elle nécessite de nombreux investissements et dépendants d'entreprises qui s'emparent peu à peu de l'agriculture. La redevance pour pollutions diffuses est une véritable mesure incitative qui pousse les agriculteurs à se détacher des pesticides. Bien entendu, je partage l'analyse d'Henri Cabanel : l'agriculteur ne devrait pas être seul à contribuer à cette redevance ; les producteurs ont une responsabilité, et devraient donc également payer. En revanche, je diverge sur l'analyse selon laquelle les agences de l'eau ne géreraient pas bien cette redevance. Une part doit rester aux agriculteurs, mais les agences de l'eau font également un très bon travail.
L'engagement de 110 millions pour les haies est un engagement intéressant, mais pour quel usage ? Je rejoins l'avis de Laurent Duplomb : s'agira-t-il d'une prime à ceux qui ont tout arraché pour qu'ils replantent ? Où cet argent sera-t-il envoyé ? Il faudrait qu'il aille à la restauration des haies existantes. À cet égard, je suis inquiet de la réponse du ministre, pour qui les haies ne doivent pas être figées et doivent pouvoir être déplacées de 50 mètres. Les haies ne sont pas des valises qu'on dépose là un jour pour les déplacer ailleurs ensuite. Elles ne déploient tous leurs services écosystémiques parfois qu'au bout de cinquante ou de cent ans. Il ne s'agit pas de tout figer, certes, mais il faut être réaliste.
Les aides aux organismes nationaux à vocation agricole (Onvar) sont de 7,75 millions, sur les 141 millions de taxes affectées au Casdar. Or, ces Onvar apportent de vrais bénéfices aux agriculteurs ; leur budget n'est donc pas à la hauteur.
S'agissant de l'accompagnement à la transmission et à l'installation, comme je l'ai évoqué hier, la ligne budgétaire dédiée reste à 12 millions d'euros, alors que 50 % des agriculteurs partiront à la retraite dans les dix prochaines années.
On manque aussi d'argent pour le contrôle des opérations foncières afin de limiter l'accaparement des terres. Enfin, la fiscalité n'est pas à la hauteur pour freiner le développement du phénomène sociétaire qui pose beaucoup de problèmes.
Sur l'alimentation, il faut avancer à la fois sur une évolution de l'alimentation et sur une évolution des pratiques agricoles. On ne peut pas faire l'un sans l'autre. Et il nous faut un soutien aux collectivités pour l'application de la loi Egalim dont les objectifs sont aujourd'hui très loin d'être atteints.
Enfin, en ce qui concerne le mal-être agricole, le crédit d'impôt en faveur du remplacement des agriculteurs doit être encore renforcé. Les agriculteurs ont le droit de souffler ; il faut donc vraiment les aider pour les remplacements, élargir le nombre potentiel de bénéficiaires et diminuer le reste à charge.
M. Bernard Buis. - Je voudrais souligner l'importante augmentation du budget de l'agriculture, augmentation qui suit celles des années précédentes et je me réjouis que cette année, la commission propose un vote favorable de ce budget. La hausse significative sur la planification écologique est un signe positif. Après les années de transposition des normes, nous en venons aux années de déploiement des moyens pour rendre le tout soutenable et réalisable pour les agriculteurs. Nous sommes dans l'action après des années d'incantations et nous concrétisons les mots du ministre : pas d'interdiction sans alternative, pas de règlement spécifique français s'il n'est pas européen. Je veux également souligner la réactivité du ministère de l'agriculture, qu'on a encore pu constater ces derniers jours avec l'annonce d'aides suite aux dégâts en Bretagne, en Normandie et dans le nord de la France.
Mme Micheline Jacques. - Je félicite mes collègues de la commission des affaires économiques pour leur excellent rapport, et j'y associe notre collègue de la commission des finances. Je salue tout particulièrement l'attention portée à la forêt guyanaise dont je rappelle que 1,4 million d'hectares sont gérées par l'ONF. Il est vrai que c'est une ressource précieuse et dans l'optique d'une meilleure maîtrise de l'exploitation de ces ressources naturelles, les compétences sont vitales, l'embauche d'agents de l'ONF est donc vraiment à saluer. Certaines essences de bois répondent mieux aux conditions climatiques tropicales et il y a lieu de rechercher l'équilibre entre la production du matériau et la préservation de la ressource naturelle boisée. Enfin, j'attire votre attention sur la réforme des retraites des exploitants agricoles ultramarins, prévue en 2025. Compte tenu de la petite taille de ces exploitations, il y a lieu d'y apporter une attention particulière pour éviter qu'ils se retrouvent en grande difficulté.
Mme Sophie Primas. - Une fois n'est pas coutume, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Laurent Duplomb sur le Grenelle de l'environnement et sur Écophyto. L'agriculture a besoin de temps long, bien loin de la « politique Tik Tok » que nous connaissons aujourd'hui. Il n'y a qu'une récolte par an et quand on impulse des transformations aussi importantes que celles qui sont nécessaires en agriculture, il faut du temps pour en voir les bénéfices. Il faut également des moyens, de l'accompagnement et la démocratisation et la diffusion des bonnes pratiques : ce que Laurent Duplomb a dit sur les fermes Dephy mérite en revanche d'être souligné.
Ce n'est pas l'instauration d'une redevance pour pollutions diffuses sur les produits qu'on ne souhaite plus utiliser qui fait une politique agricole. Il faut offrir des solutions alternatives aux agriculteurs et leur donner les moyens de les utiliser, de les connaitre, de les maîtriser et de les diffuser.
Il serait préférable de se pencher sur la notion de bilan carbone, plutôt que sur les seuls indicateurs d'utilisation des produits phytosanitaires : du fait de l'arrêt de l'utilisation de ces produits, les agriculteurs peuvent venir jusqu'à six fois plus souvent dans leurs champs, ce qui est négatif en termes de bilan carbone.
En revanche, une meilleure diffusion de la technologie permettrait de réduire ses coûts et de la rendre ainsi plus abordable pour la totalité des agriculteurs. Je crois au temps long, je crois à la transformation, je crois en l'apprentissage, je crois en la démonstration mais pour cela, il faut que la politique s'inscrive dans le long terme, même en agriculture.
M. Vincent Louault. - Je voulais intervenir sur le gazole non routier (GNR). Je me suis ému auprès du président de la FNSEA, M. Arnaud Rousseau, de l'accord conclu directement par ce syndicat avec Bercy, en amont du débat parlementaire. Sur la forme, cette réforme nous est donc imposée sans qu'aucun député ou sénateur n'ait été convié à cette négociation avec Bercy, et on nous explique maintenant que le débat n'est plus possible en raison de l'accord qui a été trouvé. Je considère que nous aurions pu en discuter : je doute, comme mes collègues, que les exonérations de plus-values accordées en compensation de la réforme puissent avoir un autre effet que le renflouement des concessionnaires. Je suis très surpris de ce fonctionnement : nous avons déjà le 49.3 ; si en plus nous avons le 49.3 de la FNSEA, alors autant tous rentrer chez nous et la laisser décider du budget avec le Gouvernement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je propose à nos trois rapporteurs pour avis de répondre globalement avant que nous passions à l'examen de leurs amendements.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - L'avis que nous proposons est certes favorable, mais avec plusieurs remarques. Force est de constater toutefois que l'augmentation du budget est réelle - 23 %, soit 900 millions d'euros -, même si on peut arguer que l'inflation des dernières années n'avait pas été prise en compte jusqu'à présent. Cette hausse est peut-être mal organisée, mal ventilée ou mal expliquée, mais en tout cas je peux vous dire qu'elle existe, et je ne suis pas connu pour être spécialement favorable au Gouvernement.
S'agissant de l'évolution des filières, la problématique est simple : nous n'avons aucune vision agricole en France, mais nous additionnons des politiques au gré du vent, du temps, des demandes sociétales, des aléas, des difficultés, de celui qui parle le plus fort, de celui qui a la bonne idée, du concours Lépine de l'idée la plus pénalisante. Au final, on constate que l'agriculture est en défaut, avec notamment un mouvement de décapitalisation, ouvrant la porte aux importations et à des accords de libre-échange.
J'ai démissionné de la commission des affaires européennes du Sénat au mois de février l'année dernière en raison d'un désaccord sur les accords de libre-échange. La Commission européenne a fait valider à l'époque le principe d'accords scindés en deux, avec une partie commerciale qui correspond à un accord intérimaire nécessitant l'approbation de la seule Commission et non plus des États. Je n'accepte pas que nous n'ayons plus notre mot à dire, et que les États, même s'ils ne sont pas majoritairement d'accord, doivent ainsi s'en remettre à la décision de la Commission. On peut bien faire toutes les incantations et écrire toutes les résolutions que l'on veut, c'était à ce moment-là qu'il fallait mettre un coup de pied dans la fourmilière. L'agriculture devient souvent, pour ne pas dire tout le temps, la variable d'ajustement dans la balance face aux pays en voie de développement. Mais ce sont aussi nos propres injonctions contradictoires, nos propres sur-transpositions, nos propres critiques dirigées contre notre modèle agricole qui conduisent petit à petit à une baisse de la production et à une hausse des importations.
Sur les haies, il faut distinguer deux situations. D'un côté, une politique agricole consistant à massifier et intensifier les cultures avec un arrachage très important de haies, qui pose aujourd'hui la question de les replanter. Dans le même temps, il y a des territoires qui, à la fin du XIXe siècle, ne comportaient pas une seule haie, leur création résultant uniquement du manque d'entretien des parcelles faute d'agriculteurs. A contrario, dans des villages comme le mien, avec 1 800 habitants et plus de 1 000 agriculteurs, tous les talus étaient mangés par les animaux et le peu de bois qui tombait servait au chauffage. Il existe en fait un problème de définition : autant les haies existent dans le bocage vendéen, normand ou bourbonnais, autant il est des territoires où il s'agit plutôt de broussailles. Le problème de l'administration technocratique, c'est de confondre toutes les définitions de haies. À chaque fois qu'un agriculteur, chez moi, enlève 100 mètres de soi-disant haies, en fait des broussailles, on le condamne comme s'il avait détruit une haie de plus de 200 ans. Il faut revenir à quelque chose d'objectif et de mieux équilibré.
Il n'était pas question de mettre en accusation le temps long dans mes propos. Mais force est de constater que les agriculteurs paient maintenant 180 millions d'euros par an de redevance pour pollutions diffuses et que 625 millions par an sont en moyenne dépensés au total pour la réduction des phytosanitaires, sans effort vers plus de massification via des aides aux agriculteurs pour s'équiper et diminuer les volumes utilisés. Nous sommes restés dans un dogme qui consiste à supprimer les molécules et non pas le volume. Or cela ne sert à rien de vouloir supprimer une molécule si scientifiquement il est prouvé qu'elle n'a pas un impact très fort sur l'environnement et sur la santé publique, alors qu'on pourrait le garder et diminuer de 80 % son volume.
Un exemple au sujet de l'exonération des plus-values : sur mon exploitation, avec l'installation de mon fils, nous avons augmenté de 300 000 litres de lait notre production cette année, conduisant mécaniquement à une hausse de notre chiffre d'affaires. Le résultat de l'année est moins bon que celui de l'année antérieure, en raison de dépenses plus importantes, mais les plus-values sont calculées uniquement sur les recettes et le chiffre d'affaires et non pas sur le résultat. Il faut arrêter de véhiculer l'image d'Épinal des agriculteurs qui vont chez le marchand de matériel dès qu'ils ont quatre sous. Quand je me suis installé, on disait que les paysans achetaient de si gros tracteurs qu'ils ne pouvaient même pas les ranger dans leur grange parce que la porte n'était pas assez haute. Sur les plus-values, il n'y a pas que le problème du matériel et de la défiscalisation, il y a aussi la réalité économique.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. - Je vais revenir davantage sur la partie forestière de ce budget, pour laquelle on se satisfait bien évidemment de l'évolution positive des crédits qui lui sont alloués. Cela n'évacue pas les sujets de mobilisation qui existent également en dehors de ce budget, comme l'extension du TO-DE à ce secteur, traité dans le cadre du PLFSS. L'activité des entreprises de travaux forestiers est de plus en plus saisonnière, avec les enjeux de protection des sols, de climat, mais aussi les règles environnementales qui s'imposent. Il y a aujourd'hui un vrai défi de compétitivité pour ces entreprises qui peinent à se maintenir et être suffisamment présentes sur nos territoires pour assumer leur travail. Nous serons vigilants à propos des 200 millions d'euros alloués à l'accompagnement de l'aval pour dynamiser la transformation du bois, l'utilisation et la mobilisation du bois de construction. Cette ligne budgétaire, nouvelle dans son dimensionnement, devrait permettre de dynamiser également l'amont dans un contexte immobilier difficile.
Nous avons un vrai problème, qui n'est pas à proprement parler budgétaire mais qui présente des conséquences budgétaires, lié au déséquilibre entre forêt et gibier sur l'ensemble de nos territoires. Je suis président des communes forestières de mon département, qui se classe premier à deuxième selon les années en matière de dégâts agricoles. Les dégâts sur la forêt sont plus difficiles à chiffrer, mais on nous dit qu'un tiers des dépenses du plan de relance, puis de France 2030 et demain de la planification écologique, pour le renouvellement des forêts, y sont consacrés. On mobilise beaucoup trop de fonds publics pour ces protections contre le gibier à mon avis.
Nous sommes nombreux ici à être convaincus que les enjeux de souveraineté alimentaire procèdent avant tout du redressement productif de notre pays et en particulier dans le domaine agricole avec le sujet de la compétitivité. Les impasses que subissent nos filières aujourd'hui ouvrent la voie à beaucoup trop d'importations, très défavorables du point de vue du bilan carbone.
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis. - Nous avons mené un travail important ces dernières semaines et cela n'a pas été simple de trouver un terrain d'entente entre nous pour rendre cet avis. Je ne voudrais pas vous donner l'impression de défendre la politique du Gouvernement. C'est la première fois que nous donnons un avis favorable depuis que je suis co-rapporteur de cette mission, sans écarter les réserves que vous avez pu formuler et que nous avions également soulevées. À propos du budget en euros constants, je suis prêt à rediscuter des chiffres d'ici la séance, car nous ne semblons pas tous avoir les mêmes.
Vous connaissez ma ligne politique à propos des MAEC et ce n'est pas cet avis favorable qui va la modifier. La souveraineté alimentaire doit rester une vraie priorité du budget et le soutien apporté à des acteurs alternatifs constitue aussi une avancée qui n'est pas à négliger.
Concernant le fonds de renouvellement forestier, j'évoquais le sujet de sa nébulosité avec le ministre hier : c'est d'une complexité sans nom, une chatte n'y retrouverait pas ses chats. À défaut d'une explication de texte de la part du ministre ou des services, je suis incapable de dire comment cela va fonctionner. Par ailleurs, je partage le constat de la nécessité d'un débat sur les accords de libre-échange.
La redevance pour pollution diffuse (RPD) nous a beaucoup occupés lors de l'examen des crédits de cette mission. À l'instar du Casdar, notre vision est que l'argent cotisé par les paysans dans ce fonds obligatoire doit revenir aux paysans. Je suis très favorable à ce que les agences de l'eau continuent de fonctionner de cette manière, mais avec une transparence totale. C'est encore une fois l'opacité qui entraîne une certaine retenue.
Depuis plus de dix ans et même depuis que je suis engagé en politique, j'attends une véritable loi foncière et non pas une succession de petits textes manquant d'ambition. Enfin, je signale que nous présenterons un amendement au sujet du service de remplacement avec des taux plus incitatifs pour les agriculteurs qui y recourent, ainsi qu'un amendement de repli.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous en venons à l'examen des cinq amendements proposés par nos rapporteurs pour avis.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - Les amendements que je vais vous présenter s'inscrivent dans la continuité de ma présentation liminaire. Le premier d'entre eux vise à consacrer 50 millions d'euros sur les 1,3 milliards d'euros prévus pour la planification écologique à la création d'une sous-action explicitement dédiée à l'accompagnement des agriculteurs, qui pourrait être orientée vers les Chambres d'agriculture.
L'amendement AFFECO.1 est adopté.
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis. - Comme je l'ai expliqué dans mon intervention tout à l'heure, l'amendement AFFECO.2 est un amendement d'appel qui a pour but de demander au ministre des précisions sur le fonds Entrepreneurs du vivant, annoncé à grands renforts de communication par le Président de la République en personne en septembre 2022. Une première interrogation porte sur la logique du rattachement d'un fonds de fonds dans le domaine du portage du foncier, à France 2030, plan censé financer l'innovation de rupture. À deux mois de l'échéance prévue, les contours de ce fonds ne sont, du reste, pas connus. Enfin, nous nous inquiétons de la destination, à ce jour inconnue, des 400 millions d'euros de ce fonds, puisque seuls 60 millions d'euros iraient au foncier.
L'amendement AFFECO.2 est adopté.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - L'amendement AFFECO.3 a pour but de financer le fonds hydraulique, d'un montant de 30 millions d'euros, par le budget général, pour libérer la même somme dans le produit de la redevance pour pollutions diffuses, et l'affecter directement à l'enveloppe nationale du plan Écophyto, sans passer par le budget courant des agences de l'eau. Le but est d'améliorer le retour de la redevance aux agriculteurs.
L'amendement AFFECO.3 est adopté.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. - L'amendement AFFECO.4 vise à financer le bulletin santé du végétal, qui prend chaque année 7,58 millions d'euros sur l'enveloppe nationale Ecophyto, par le budget courant du ministère, pour affecter la même somme, dans le produit de la redevance pour pollutions diffuses, directement à Écophyto sans passer par le budget courant des agences de l'eau.
L'amendement AFFECO.4 est adopté.
M. Franck Menonville, rapporteur pour avis. - L'amendement AFFECO.5 que j'ai présenté lors de mon intervention liminaire vise à augmenter dès 2024 le plafond d'emplois du programme 149 de 24 ETPT - 18 pour l'ONF et 6 pour l'IGN - afin de réaliser un inventaire forestier outre-mer.
L'amendement AFFECO.5 est adopté.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous allons passer au vote de l'avis sur les crédits budgétaires de cette mission, nos rapporteurs pour avis vous proposant un avis favorable. Je vous informe par ailleurs que la séance publique aura lieu le vendredi 8 décembre en fin d'après-midi et le soir.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ainsi qu'à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 24 octobre 2023
- Coordination rurale et Confédération paysanne :
. Coordination rurale : Mmes Véronique LE FLOC'H, présidente.
. Confédération paysanne : Mmes Aurélie BOUTON, animatrice en charge du dossier des retraites et Sylvie COLAS, secrétaire nationale.
- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) - Secrétariat général : Mme Cécile BIGOT-DEKEYZER, secrétaire générale et M. Sébastien COLLIAT, chef du service des affaires financières, sociales et logistiques.
- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : MM. Luc SMESSAERT, vice-président, Jean-Louis CHANDELLIER, directeur général adjoint et Xavier JAMET, responsable des affaires publiques.
Mercredi 25 octobre 2023
- Cour des comptes : Mme Catherine PÉRIN, magistrat, MM. Hervé BOULLANGER, magistrat, conseiller-maître et Guillaume BRULE, conseiller référendaire en service extraordinaire.
- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) - Direction générale de l'alimentation (DGAL) et Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)
. DGAL : Mmes Emmanuelle SOUBEYRAN, directrice générale adjointe de l'alimentation, Aurèle HENAUT, chargée de mission « préparation du budget et suivi de l'exécution financière des BOP régionaux marchés publics » et Clémence BOURELY, cheffe du bureau du pilotage budgétaire du P206 et M. Philippe SAPPEY, sous-directeur du pilotage des ressources et des services.
. DGPE : M. Philippe DUCLAUD, directeur général, Mmes Marie-Agnès VIBERT, cheffe du service gouvernance et gestion de la PAC et Jeanne LANQUETOT-MORENO, cheffe du bureau budget et établissements publics.
- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) - Sous-direction des affaires budgétaires et comptables : MM. Sébastien COLLIAT, chef du service des affaires financières, sociales et logistiques, Philippe AUZARY, adjoint au chef de service des affaires financières, sociales et logistiques et Jean-Philippe TREBILLON, adjoint au sous-directeur.
- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) - Cabinet : MM. Tom MICHON, conseiller budget, financements et protection sociale, Emmanuel HONORÉ, conseiller chargé des élus et des discours, Hugues DE FRANCLIEU, conseiller France et Simon LAPORTE, conseiller économie et suivi des filières alimentaires et Mme Emmanuelle SOUBEYRAN, directrice générale adjointe de l'alimentation (DGAL).
Mardi 31 octobre 2023
- Conseil national de la propriété financière (CNPF) et Office national des forêts (ONF)
. CNPF : Mme Valérie METRICH-HECQUET, directrice générale, MM. Jean-Yves CAULLET, président du Conseil d'administration et Nicolas LAGNOUS, directeur économique et financier.
. ONF : Mme Anne-Marie BAREAU, présidente et M. Frédéric DELPORT, directeur général adjoint.
Jeudi 2 novembre 2023
- Fédération nationale entrepreneurs des territoires (FNEDT) : MM. Patrice DURAND, directeur et Aldric DE SAINT PALAIS, chargé des services forestiers et ruraux.
Vendredi 3 novembre 2023
- Ministère de la transition écologique et des collectivités territoriales (MTECT) et Office français de la biodiversité (OFB) :
. MTECT : M. Pierre-Édouard GUILLAIN, adjoint au directeur de l'eau et de la biodiversité, Mme Isabelle KAMIL, chef du service Politiques et plice de l'eau et M. Yves IBANEZ, chef du bureau qualité de l'eau et agriculture.
. OFB : M. Christophe AUBEL, directeur général à la mobilisation de la société et Mme Gaël THEVENOT, directrice adjointe acteurs et citoyens.
- Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) : M. Antoine PELLION, secrétaire général à la planification écologique et Mme Léa BOUDET, directrice du programme Financement et budget des transitions écologique et énergétique.
- Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) :
. M. Hervé DURAND, délégué ministériel pour les alternatives aux produits phytopharmaceutiques dans les filières végétales ; et Mme Anne DUFOUR, co-auteure du rapport « Évaluation des actions financières du programme Ecophyto ».
- Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) : M. John PALACIN, conseiller budgétaire et Mme Virginie BERNOIS, conseillère agriculture, alimentation et forêt.
Lundi 6 novembre 2023
- Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) : Mme Jeanne STRAUSZ, secrétaire générale et M. Manuel FULCHIRON, directeur adjoint, responsable forêt, direction des opérations et des territoires.
Mardi 7 novembre 2023
- Jeunes Agriculteurs (JA) : MM. Julien ROUGER, membre du conseil d'administration et Thomas DEBRIX, responsable du service communication et affaires publiques.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html
* 1 En excluant la hausse des moyens sur le programme 206 liée à la montée en charge de la police sanitaire unique, et la baisse des moyens sur le programme 149 liée à la décentralisation de certaines aides de la PAC.
* 2 Sans oublier 10 M€ de soutien au bio sur l'action 21 (fonds avenir bio) et l'action 27 (SCSP de l'agence bio).
* 3 « Si la solution n'est pas adaptée à la situation, adaptez la situation à la solution. »
* 4 I4CE, « Planification écologique de l'agriculture : regarder par-dessus la haie », octobre 2023.
* 5 Selon la DGPE, la fiscalité sur les plus-values est applicable au secteur forestier mais pas la déduction pour épargne de précaution, et seul l'exploitant forestier propriétaire des bois (situation rare) bénéficie du micro-BA.
* 6 CJUE, C-162/21, Pesticide Action Network Europe, janvier 2023.
* 7 Cette refonte fait suite au plan Eau annoncé par le président de la République en mars 2022.
* 8 C'est cette conviction partagée qui avait conduit à la mise en place des certificats d'économie de produits phyto.
* 9 CGAAER-CGEDD-IGF, « La fiscalité des produits phytosanitaires », 2013.
* 10 2,8 Md€ sur 56 Md€ en valeur, selon Agreste, « Commission des comptes de l'agriculture de la Nation », 2023.
* 11 Cour des comptes, Rapport public annuel, 2015.
* 12 La présentation des BSV gagnerait à être harmonisée d'une région à l'autre, et ces documents pourraient être directement accessibles sur une page dédiée plutôt que simplement recensés dans la base de données Écophytopic, peu intuitive, et qui nécessite plus de cinq clics pour accéder au BSV.
* 13 CGAAER-IGEDD-IGF, « Évaluation des actions financières du programme Écophyto », 2023.
* 14 « Fermes du réseau Dephy : 10 ans de résultats », 2023.
* 15 Voir cette brève de Contexte : « Les résultats obtenus par le réseau Dephy ont été sous-utilisés. »
* 16 Article 151-1 du code forestier.
* 17 SGPE, « La planification écologique pour la forêt - Principaux enjeux et leviers », 26 juillet 2023, p. 22.
* 18 Ce schéma d'emplois avait dès 2022 été ramené à -80 ETP pour accompagner le développement de la contractualisation en forêt publique, qui implique plus de main-d'oeuvre notamment pour le façonnage du bois.
* 19 Loi n° 2023-580 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie. Constitution d'un réseau de référents DFCI au sein du CNPF (art. 33), aide à la constitution d'ASA de DFCI (art. 3), agrément du flux de documents de gestion durable lié au passage du plancher d'obligation de 25 à 20 ha (art. 30), visites à mi-parcours des documents de gestion durable (art. 32).