EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 6 décembre 2022, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Laurent Duplomb sur le projet de loi n° 140 (2022-2023) portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture
M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Deux ans après l'adoption de la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) en matière économique et financière, la commission des affaires économiques se voit déléguer par la commission des affaires sociales l'examen au fond de deux articles d'un nouveau projet de loi Ddadue dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.
Les articles 30 et 31 sur lesquels nous sommes saisis portent sur l'agriculture et sont plutôt techniques. Aussi, si un désaccord devait émerger entre l'Assemblée nationale et le Sénat, ils n'en seraient probablement pas la cause. Je vous proposerai de les adopter mais, au préalable, je souhaiterais formuler quelques observations critiques et je vous présenterai quatre amendements.
D'abord, l'article 30 clarifie le cadre juridique applicable aux régions et à FranceAgriMer, autorités de gestion respectives des aides à l'installation des jeunes agriculteurs et des interventions de marché de la politique agricole commune (PAC).
Dans le cas de FranceAgriMer, il s'agit de donner une base légale à la compétence réglementaire de son directeur général en matière de dépenses d'intervention de marché. Celles-ci correspondent aux aides du Fonds européen agricole de garantie (Feaga) à destination de certaines filières - fruits et légumes, produits de l'apiculture, vin et huile d'olive -, pour un montant annuel approximatif de 420 millions d'euros. Il semble que ce pouvoir réglementaire soit déjà implicitement reconnu, une récente décision du Conseil d'État venant de le confirmer.
En ce qui concerne les aides à l'installation, dans le cadre de la nouvelle programmation de la PAC pour 2023-2027, une ordonnance du début de l'année transfère les mesures non surfaciques du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) aux régions. En France, les régions qui l'ont demandé ou qui vont le demander - c'est-à-dire toutes ou presque - deviendront ainsi autorités de gestion des aides à l'installation. La Normandie, les Pays de la Loire, la Bretagne et la Nouvelle-Aquitaine ont déjà voté des délibérations allant dans ce sens et les autres suivront d'ici fin janvier.
Cependant, l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime faisait encore référence au cadre en vigueur lors de la période précédente, lorsque prévalait une mise en oeuvre conjointe par le préfet et le président de région. L'article 30 du projet de loi vise à corriger cette incohérence.
Cette mise en cohérence est positive et je salue le principe de cette réforme, qui rend sans équivoque la possibilité de décentralisation. En effet, dans une logique de subsidiarité, les régions sont les mieux placées pour connaître les spécificités de leur territoire et en définir les priorités.
Cependant, j'identifie trois effets de bord potentiels à cette réforme. D'abord, les exploitants agricoles et les primo-installés risquent d'être confrontés à un manque de lisibilité des aides d'une région à l'autre. Ensuite, les disparités entre régions risquent de s'accroître, ce que redoutent les jeunes agriculteurs. En effet, dans le cas d'aides nationales et européennes confiées aux régions ou dans celui de dispositifs régionaux à proprement parler, les priorités politiques ne sont pas les mêmes. Enfin, une saine concurrence entre collectivités risque de manquer. Il s'agit donc de favoriser la transparence et de faciliter les comparaisons des choix effectués par chaque région, afin de permettre aux régions d'imiter ce qui fonctionne et de gagner en efficacité.
Dans cet esprit, je proposerai un amendement prévoyant que les régions produiront un bilan annuel de la politique de transmission et d'installation, incluant un rappel des règles mises en place et un suivi des aides versées. Ces bilans seront ensuite consolidés par l'État à l'échelle nationale. En effet, cette politique est de première importance pour l'agriculture française et il n'est pas envisageable que l'État ne garde pas un oeil dessus.
En outre, je proposerai de maintenir dans la loi la condition d'une formation minimale pour pouvoir prétendre aux aides à l'installation, afin de privilégier les installations durables plutôt que les projets mal ficelés. J'y tiens beaucoup car je crains que nous ne favorisions des « installations éclairs », plus contre-productives que bénéfiques pour le maintien de la population active agricole et la résilience à long terme de notre agriculture. En effet, comment prétendre réussir une installation sans posséder un bagage technique minimal en matière d'agronomie, de biologie ou de gestion des entreprises ? Il nous faut favoriser l'installation de jeunes qui soient aussi bien formés que possible.
S'agissant de l'article 31, j'évoquerai le fond avant de revenir sur la forme et sur la question de la procédure.
Sur le fond, cet article ratifie huit ordonnances dans des domaines aussi variés que la reconnaissance des qualifications professionnelles des vétérinaires de l'Union européenne (UE), les règles et sanctions en matière de production viticole, la reconnaissance de nouvelles indications géographiques, les règles en matière de santé des végétaux et leur contrôle, les règles en matière de santé animale et de programmes de sélection génétique dans l'élevage, les avantages accordés aux organisations de producteurs et la suppression des quotas laitiers.
Ces ordonnances ayant été motivées - exception faite de celle qui portent sur la libre prestation de services des vétérinaires - par des règlements européens et non des directives, elles ne transposent pas à proprement parler des objectifs européens. En effet, ces dispositions sont d'application directe dans le cas d'un règlement.
Ces ordonnances opèrent un « toilettage technique » de 4 % des articles du code rural en corrigeant, par exemple, des références obsolètes, en abrogeant des dispositions qui figurent désormais dans le droit européen ou en modifiant certaines dispositions pour qu'elles soient compatibles avec ce droit.
J'ai été soucieux de ne laisser passer aucune surtransposition injustifiée puisque la recommandation n° 2 de notre rapport d'information sur la compétitivité de la ferme France appelait à y mettre fin. Ces textes en comportent peu. De plus, le maintien de standards plus élevés en matière de santé végétale, animale - notamment pour la catégorisation de maladies transmissibles - et de sélection génétique des animaux d'élevage apparaît justifié par un motif d'intérêt général suffisant.
J'ajoute que la France a été à l'initiative de nombre des dispositions européennes justifiant les ordonnances et qu'elle bénéficie de plusieurs d'entre elles, à commencer par la reconnaissance de nouvelles mentions valorisantes comme « produits de montagne », indications géographiques, par exemple pour les vins aromatisés, ou de façon plus générale l'encadrement plus strict de la production vitivinicole. En effet, la France est le premier producteur de vin en valeur au sein de l'UE ; la défense des indications géographiques au niveau européen et dans les accords commerciaux figure parmi ses priorités.
L'intérêt de ces mesures ne doit pas empêcher de faire preuve de vigilance dans le contrôle de leur application. À ce titre, le président de l'ordre des vétérinaires a reconnu que la libre prestation de services était inéluctable au regard du droit de l'UE et indispensable, plus de la moitié des vétérinaires inscrits au tableau de l'ordre n'ayant pas été formés en France. Cependant, il m'a alerté sur certaines dérives liées à des pratiques d'optimisation fiscale et réglementaire, voire - et c'est plus grave encore - à des entorses aux règles sanitaires.
Pour toutes ces raisons, et avec ces réserves, je vous proposerai d'adopter cet article.
Cependant, je serai critique en ce qui concerne la forme et la procédure. En effet, les conditions dans lesquelles ces ratifications sont proposées au Parlement ne sont pas satisfaisantes. À commencer par le temps très court laissé au Sénat pour examiner ces nombreuses dispositions.
Le caractère disparate du texte nuit à l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité du débat parlementaire, d'autant que la plupart de ces ordonnances adaptent le droit à plusieurs textes européens et non à un seul. De plus, elles ne se limitent pas à ce seul objectif d'adaptation au droit de l'UE. Ainsi, en matière de production sous signe de qualité par exemple, le Gouvernement aménage les modalités de fonctionnement de l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) et des organismes de défense et de gestion, sans y être obligé par un texte européen. Ce seul article propose la ratification de huit ordonnances, alors qu'un texte de ratification en contient en moyenne un peu plus de trois.
Il s'agit bien d'un « texte balai », que nous examinons aujourd'hui, cinq ans, trois mois et deux jours en moyenne après la publication des ordonnances. Lors du précédent quinquennat, ce délai ne s'élevait qu'à un an, un mois et sept jours. C'est cinq fois plus que la normale !
Pour cinq ordonnances datant de 2015, la ratification interviendrait ainsi deux mandats après leur publication. Un découplage d'une telle ampleur est extrêmement rare, d'autant que les textes européens ayant justifié ces ordonnances ont été adoptés il y a plus longtemps encore, en 2005 pour les plus anciens.
L'examen de ces dispositions par le Sénat intervient donc à contretemps, le véritable débat ayant eu lieu au sein du Conseil de l'UE et du Parlement européen il y a une dizaine d'années.
Dans ces conditions, les syndicats, les fédérations et divers organismes agricoles ont peu réagi à ces dispositions qui relèvent, à leurs yeux, du droit en vigueur. En effet, bien que seule la ratification leur donne pleine valeur législative, les ordonnances produisent dès leur publication des effets assimilables à ceux de la loi.
J'en viens au périmètre du texte qui inclut les dispositions relatives aux autorités de gestion du Feader et à la répartition de leurs compétences, dans l'Hexagone et dans les outre-mer ; aux autorités de gestion des dépenses d'intervention de marché de la politique agricole commune et à la répartition de leurs compétences, dans l'Hexagone et dans les outre-mer ; au cadre réglementaire, aux conditions d'éligibilité et au contrôle des aides à l'installation des jeunes agriculteurs, dans l'Hexagone et dans les outre-mer ; et à la ratification d'ordonnances adaptant notre droit aux actes législatifs de l'Union européenne dans le champ matériel des huit ordonnances de l'article 31, c'est-à-dire en ce qui concerne le contrôle des normes sanitaires du livre II du code rural et de la pêche maritime ; la reconnaissance des qualifications professionnelles, la libre prestation de service et la liberté d'établissement pour la profession vétérinaire ; la reconnaissance d'indications géographiques et de mentions valorisantes et le contrôle de celles-ci et de celles-là ; les règles relatives à la production de produits de la vigne et les contrôles et sanctions en cas de leur non-respect ; les modalités de regroupement en organisations de producteurs et associations d'organisations de producteurs, et les avantages qui y sont associés ; les organisations communes de marché et les quotas nationaux de produits agricoles ; la surveillance de la santé des végétaux et les modalités des contrôles officiels par les autorités compétentes en la matière ; la génétique des animaux d'élevage ; la surveillance sanitaire du territoire et la lutte contre les maladies animales transmissibles.
M. Daniel Gremillet . - En ce qui concerne les aides à l'installation, les dispositions évoquées bouleversent un peu l'histoire française de l'accompagnement à l'installation des jeunes agriculteurs et agricultrices. Jusqu'à présent, il s'agissait d'une politique nationale, même si elle se déclinait en fonction du type de zones, qu'elles soient de plaine ou défavorisées, de piémont ou de montagne.
À partir du 1 er janvier 2023, les régions prendront donc la main sur cette politique d'installation. La dotation jeune agriculteur (DJA) est d'abord apparue pour les zones de montagne, avant d'être progressivement étendue à l'ensemble des régions. Avec la modulation territoriale, certaines catégories d'agriculteurs verront diminuer de façon importante les niveaux d'accompagnement à l'installation. Cette disposition n'est donc pas si neutre qu'elle en a l'air, et il faut en mesurer les conséquences possibles. Par ailleurs, c'est un pan de notre histoire agricole qui disparaît.
M. Jean-Claude Tissot . - J'aimerais intervenir sur le même sujet. En effet, la gestion par les régions pourrait donner lieu à une disparité de traitements. À ce titre, la demande de rapport prévue par l'amendement COM-27 nous semble très importante. Cependant, il faudrait prévoir une clause de revoyure qui permettrait de recadrer le système si nécessaire. En effet, en fonction des régions, les priorités données ne seront sans doute pas les mêmes. De plus, les taux et les types d'installations risquent d'être différents. Or nous essayons de faire la loi pour tous de la même manière.
M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Le bilan demandé est annuel.
M. Bernard Buis . - Nous voterons l'article 30 tel qu'amendé par le rapporteur. En effet, l'amendement COM-27 propose d'améliorer la lisibilité des règles d'octroi des aides à l'installation des jeunes agriculteurs d'une région à l'autre, ce qui me semble aller dans le bon sens.
Cependant, nous sommes un peu sceptiques en ce qui concerne l'amendement COM-26 qui vise à maintenir une condition minimale de formation préalable pour bénéficier de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs. En effet, cette disposition risque de déstabiliser les équilibres approuvés par la Commission européenne. Par ailleurs, il me semble difficile d'adopter des règles de droit interne qui modifieraient la portée du plan stratégique national (PSN) approuvé.
Sur le fond, l'amendement rouvre le débat sur les définitions du jeune agriculteur, de l'agriculteur actif et du nouvel agriculteur. Le PSN traite ce point dans sa fiche 75.01, « Aides à l'installation du jeune agriculteur » : « Les bénéficiaires doivent présenter au moment de l'installation un niveau de diplôme et/ou d'expérience professionnelle. Ce niveau est défini régionalement dans la limite de ceux prévus dans la définition du "jeune agriculteur". Toutefois, il est également possible au bénéficiaire d'acquérir progressivement ce niveau au cours de son installation si l'autorité de gestion régionale déploie cette possibilité. » Concrètement, cette possibilité permet de toucher un public plus varié de profils et d'encourager un plus grand nombre d'installations, sachant que la moitié de nos agriculteurs partiront à la retraite avant 2030. Ainsi, maintenir une condition minimale de formation pour bénéficier de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs peut paraître inopportun et s'avérer inopérant.
Mme Martine Berthet . - J'attire votre attention sur l'article 8 du projet de loi, que notre commission n'examine pas, mais qui correspond à la transcription de la directive européenne en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et qui est en lien avec le rapport d'information que j'ai récemment rendu avec Florence Blatrix Contat et Jacques Le Nay. Je voudrais tirer la sonnette d'alarme, car il s'agit d'une transposition opérée par ordonnance quand il aurait peut-être été préférable d'avoir recours à la loi.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Je répondrai aux questions posées tout en présentant certains de mes amendements sur l'article 30.
L'amendement COM-27 prévoit que les régions établissent un bilan et que l'État en produise un récapitulatif. Il permettra d'avoir accès en fin d'année au bilan de ce qui s'est passé dans chaque région et fournira un éclairage sur des disparités qui pourraient être importantes. Aujourd'hui déjà, certaines disparités existent. Il s'agira ainsi d'identifier les bonnes solutions et de favoriser l'émulation plutôt que de sanctionner pour rattraper les retards observés.
Concernant l'amendement COM-26, je ne comprends pas, monsieur Buis, que l'on puisse dire que le niveau de formation ne compte pas dans l'installation. Il n'existe pas de métier plus compliqué que celui d'agriculteur. En effet, il leur faut savoir répondre à toutes les contraintes ainsi qu'aux injonctions paradoxales que l'on ne cesse de leur imposer. Ils doivent savoir faire des déclarations sur internet et être bons en matière de transmission, de comptabilité mais aussi de technique et d'agronomie, car les erreurs ne sont plus acceptées. Après avoir autant contraint un métier déjà difficile, qui comprend de nombreux risques, comment peut-on chercher à relâcher les exigences en ce qui concerne le niveau scolaire ?
De plus, nous avons déjà trop cédé sur le rabaissement du niveau. Ainsi, aujourd'hui, on peut laisser un jeune s'installer alors qu'il a été en contrat d'apprentissage chez ses parents et qu'il n'est jamais sorti de son exploitation. Mais les choses évoluent ! Il faut faire des stages à l'extérieur, voire à l'étranger, pour avoir l'esprit ouvert et être suffisamment armé pour pouvoir se remettre en question. En effet, rien n'est pire dans ce métier que de ne pas avoir la formation nécessaire pour discerner ses propres erreurs de jugement quand on est confronté à des problèmes, pour ne pas penser que tout ce qui advient de négatif est la faute des autres. Cette disposition d'esprit représente un véritable problème dans le domaine de l'agriculture. Elle explique nombre des situations difficiles dans lesquelles certains agriculteurs se retrouvent.
Enfin, je ne crois pas à une formation qui interviendrait après l'installation, quand un agriculteur travaille déjà 70 heures par semaine. Sans cette obligation de niveau minimal à l'installation, c'est le niveau global de l'agriculture française que l'on rabaisse.
M. Daniel Gremillet . - Je préside une coopérative depuis trente-quatre ans et, chaque année, je calcule la différence entre le prix payé le plus haut et le plus bas au sein de la même entreprise, avec les mêmes règles du jeu. Avant, les jeunes agriculteurs pouvaient s'installer avec un brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA). Aujourd'hui, le niveau de qualification s'est élevé, on trouve des techniciens supérieurs, voire quelques ingénieurs, mais la différence entre le prix payé le plus haut et le plus bas n'a, quant à elle, pas évolué ; cette différence est de l'ordre de 100 euros aux mille litres de lait. Tous les ans, j'évoque cela en assemblée générale devant les coopérateurs afin de leur indiquer les marges de progrès.
Mme Françoise Férat . - Pour avoir rapporté le budget de l'enseignement agricole pendant seize ans, je ne peux que confirmer les propos de Laurent Duplomb et de Daniel Gremillet ; il est nécessaire de faire progresser le niveau de qualification.
J'observe des manques dans le domaine administratif, certains agriculteurs se trouvent aujourd'hui dans une situation difficile. Trop occupés par le travail à la ferme, ils ont souvent délégué la gestion de l'administratif à leur épouse. L'effort doit être porté afin de remédier à ce manque pédagogique.
M. Jean-Claude Tissot . - Il s'agit de découpler la formation diplômante et le fait de sortir ou non de chez soi. Si la barre est trop haute, cela entraîne des tentatives de contournement. Jusqu'à aujourd'hui, il fallait un diplôme de niveau IV pour s'installer...
M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Nous ne fixons pas le niveau, ce sont les régions qui s'en chargent.
M. Jean-Claude Tissot . - Ne faudrait-il pas le fixer ? Tous les ingénieurs ne s'installeront pas, et beaucoup de jeunes gens n'ayant pas les aptitudes scolaires pour être ingénieurs feront de très bons agriculteurs.
M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - On parle de détention d'une capacité professionnelle - et pas obligatoirement du seul diplôme.
M. Jean-Claude Tissot . - Soyons attentifs à ne pas placer la barre trop haute.
Mme Patricia Schillinger . - Nous sommes à un tournant. Beaucoup de jeunes agriculteurs qui s'installent aujourd'hui sont très diplômés. Et ce sont souvent ceux-là qui, au bout de quelques années, faute d'un rendement suffisant, décident de claquer la porte, alors que d'autres, peut-être moins diplômés, persistent dans leur vocation.
Les moyens pour s'installer sont le nerf de la guerre. Aujourd'hui, dans un certain nombre de départements, il faut entre 500 000 et 1 million d'euros pour s'installer. Des jeunes qui ne sont pas fils d'agriculteur ou de producteur souhaitent aussi s'installer et travaillent déjà chez des agriculteurs. Il s'agit de trouver le juste niveau de formation et de bien prendre en compte les motivations de cette nouvelle génération.
M. Serge Mérillou . - Plus le niveau de formation est élevé, plus on est armé pour faire face aux difficultés. Quant à l'ouverture vers l'extérieur, l'objectif du stage « six mois » avant l'installation était précisément de se retrouver à plus de 100 kilomètres de chez soi, voire à l'étranger, afin de découvrir d'autres modes de production et d'autres façons de travailler. Peu à peu, sous la pression des organisations professionnelles et des élus, les demandes de dérogation sont apparues. Cette ouverture vers l'extérieur est, à mes yeux, aussi importante que le niveau de formation.
M. Henri Cabanel . - Ce qui compte, lorsqu'on sollicite une dotation jeune agriculteur (DJA), c'est le projet d'entreprise. Le projet est-il viable ou non ? La réponse ne dépend pas du niveau de formation. Les chambres d'agriculture sont là pour aider ceux qui veulent s'installer. L'échec de certaines installations tient au fait que les chambres d'agriculture n'ont pas su prendre leurs responsabilités et s'opposer à des projets qui n'étaient pas viables.
M. Olivier Rietmann . - Le mélange entre niveau d'instruction et expérience personnelle me semble un gage de réussite. Si le niveau de formation est important, le contenu de la formation l'est également. J'ai été récemment alerté par un professeur d'agroéquipement concernant la nouvelle mouture en discussion du brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) génie des équipements agricoles (GDEA). Il y a vingt ans, la formation sur le matériel en agroéquipement durait deux jours par semaine ; ce nombre d'heures s'est peu à peu réduit, et la nouvelle mouture prévoit de ramener la formation à seulement six heures et demi. Cela va encore abaisser le niveau d'un jeune diplômé BTS GDEA sur son coeur de métier.
Au cabinet du ministère, on nous explique qu'il s'agit d'orienter davantage les étudiants vers des formations technico-commerciales. Il y a aussi une raison financière ; un professeur d'agroéquipement ne peut intervenir que devant des classes de seize étudiants maximum ; les classes sont donc le plus souvent scindées en deux groupes et il se retrouve avec treize heures de cours - deux fois six heures et demie - et des revenus doublés par rapport à un professeur de mathématiques.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je crois qu'un débat sur la formation agricole s'impose.
M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Le niveau de formation concerne à la fois la scolarité et l'expérience professionnelle. Les régions, ensuite, trancheront sur le niveau qu'elles souhaitent.
D'un point de vue légal, il semblerait qu'il n'y ait aucun problème à expliciter cette condition. La précision apportée par l'amendement impliquera une modification par la France de son plan stratégique national dans les conditions prévues par l'article 119 du règlement (UE) 2021/2115 du 2 décembre 2021.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je soumets au vote l'amendement COM-26 demandant la détention d'une capacité professionnelle.
L'amendement COM-26 est adopté.
M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-27 permet d'améliorer la lisibilité avec, tous les ans, un rapport dressant le bilan de la politique d'installation pour chaque région.
L'amendement COM-27 est adopté.
M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - L'amendement de coordination légistique COM-29 vise à maintenir le droit en vigueur à Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'amendement COM-29 est adopté.
M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - L'amendement de précision légistique COM-28 vise à expliciter, afin d'éviter toute ambiguïté et sur le modèle de l'article L. 621-6 du code rural et de la pêche maritime, que le directeur général mentionné au présent article est bien le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
L'amendement COM-28 est adopté.
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 30 ainsi modifié.
Article 31 (délégué)
La commission proposera à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 31 sans modification.
M. Jean-Claude Tissot . - Une précision sur l'article 30 : si le niveau change d'une région à l'autre, des passerelles entre régions seront-elles possibles ?
Mme Sophie Primas , présidente . - Il est possible, en effet, que les critères soient différents selon les régions.
M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - C'est déjà le cas. Cela étant, je connais peu de jeunes agriculteurs qui, s'installant dans une région, ne finissent pas les cinq ans et vont s'installer dans une autre.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Article 30 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. DUPLOMB, rapporteur pour avis |
COM-26 |
Maintien d'une condition minimale de formation préalable à l'installation pour bénéficier de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs |
Adopté |
M. DUPLOMB, rapporteur pour avis |
COM-27 |
Bilans annuels des régions, consolidés à l'échelle nationale, sur la transmission et l'installation en agriculture |
Adopté |
M. DUPLOMB, rapporteur pour avis |
COM-29 |
Coordination légistique (maintien du cadre juridique existant à Saint-Pierre-et-Miquelon) |
Adopté |
M. DUPLOMB, rapporteur pour avis |
COM-28 |
Précision légistique |
Adopté |