TRAVAUX EN COMMISSION
Audition
de Mme Barbara Pompili,
ministre de la transition
écologique
(Mardi 10 novembre 2020)
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, pour échanger notamment sur l'évolution des crédits de la mission « Écologie, Développement et Mobilité durables » prévue dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Nous aurons certainement d'autres questions sur d'autres sujets.
Le 7 avril dernier, notre commission appelait le Gouvernement - en la personne de votre prédécesseur Élisabeth Borne - à faire de la « neutralité carbone » l'aiguillon du plan de relance, pour sortir de la crise économique sans dévier de nos engagements climatiques.
Quelques semaines plus tard, notre commission publiait son plan de relance, constituant la déclinaison concrète de cette obligation.
Depuis lors, certaines priorités ont été inscrites à l'agenda gouvernemental : je pense notamment à la rénovation énergétique, à la mobilité propre ou encore à l'hydrogène, pour lesquels des annonces ont été faites.
Ces annonces méritent d'être saluées et doivent être suivies d'effet. Nous y serons vigilants.
Pour autant, il est regrettable qu'il ait fallu attendre la crise économique, puis le PLF pour 2021, pour que le Gouvernement concrétise cette volonté ; depuis l'adoption de la loi « Énergie-Climat », notre commission a plaidé sans relâche pour que le Gouvernement alloue des moyens budgétaires et fiscaux à la hauteur des objectifs énergétiques et climatiques fixés par le législateur. Vous avez d'ailleurs été partie prenante de l'adoption de ces objectifs.
Il y a aujourd'hui des avancées mais elles nous semblent limitées puisque le Gouvernement use bien souvent de redéploiements de crédits.
Dans ce contexte, je souhaite vous faire part de trois motifs de préoccupation.
Le premier a trait au financement des énergies renouvelables (EnR).
Actuellement, celui-ci est largement assuré par le compte d'affectation spéciale Transition énergétique (CAS TE), qui est alimenté par les taxes intérieures de consommation sur l'énergie, à hauteur 6,3 milliards d'euros pour 2020.
Or, ce compte sera clôturé à compter du 1 er janvier prochain.
Vous savez, depuis la crise des « gilets jaunes » et compte tenu de la crise de défiance grandissante, que le consentement à l'impôt nécessite de la transparence dans la bonne utilisation des recettes de ces impôts.
Pourquoi ne pas envisager la prorogation du CAS TE au moins jusqu'à la sortie de crise ?
Dans le même temps, le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à réviser les contrats d'achat conclus au premier semestre 2010 pour les installations photovoltaïques de plus de 250 kilowatts (kW).
S'il est légitime de veiller à la bonne utilisation des deniers publics et de lutter contre les effets d'aubaine, une telle modification - a fortiori rétroactive -remet en cause la parole de l'État.
Entendez-vous poursuivre cette réforme ? Et quel serait son impact ?
Plus largement, les dispositifs de soutien aux EnR sont entrés dans une zone de turbulences, puisque la baisse des prix des énergies renchérit les charges de service public de l'énergie (CSPE) qui les sous-tendent.
Quel impact global anticipez-vous ? N'est-on pas à l'aube d'une rupture dans le modèle de financement des EnR ?
Le deuxième motif d'inquiétude concerne la fiscalité énergétique.
Alors que le Gouvernement s'était engagé à un « gel » de la fiscalité en 2018, on observe cette année encore une hausse des taxes intérieures de consommation sur l'énergie : 15,1 % pour les produits énergétiques, 4,5 % pour le gaz naturel, 8,3 % pour l'électricité.
Cette hausse est largement captée par l'État puisque les recettes qu'il perçoit à ce titre doublent compte tenu de la suppression du CAS TE.
Par ailleurs, l'adaptation des taxes communales et départementales sur la consommation finale d'électricité (TLCE et TDCE) présente deux risques : un risque de hausse de la taxation de l'électricité dans une partie des départements et des communes - je comprends bien qu'il est plus facile cette année de faire porter cette responsabilité sur les collectivités territoriales ! - ; un risque d'érosion de l'autonomie fiscale de ces collectivités.
Quels seront les départements et les communes concernés par cette hausse ? Et quel en sera le niveau ?
Parallèlement à la hausse des taxes intérieures de consommation sur l'énergie, les incitations fiscales du secteur diminuent de 24,23 %.Les professionnels sont ainsi confrontés à une hausse pérenne de la fiscalité d'un milliard d'euros. Elle s'explique par la révision, l'an passé, de certains tarifs réduits ou exonérations. Or la situation économique a quelque peu évolué. Ces mesures ne devraient-elles pas être reportées ?
Le dernier sujet de vigilance porte sur l'énergie nucléaire.
Sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, seuls 200 millions d'euros sont alloués à l'énergie nucléaire ; ils visent à renforcer les compétences, moderniser les entreprises et développer la recherche dans cette filière.
Ces crédits sont bien modestes car l'énergie nucléaire représente encore les trois quarts de notre mix électrique.
Ils sont inadaptés au contexte sanitaire, qui a fait entrer le marché de l'électricité dans une véritable crise un peu passée sous silence avec : une baisse des recettes des fournisseurs et des gestionnaires de réseau, évaluée à 1 milliard d'euros par EDF au premier semestre 2020 ; une fragilisation de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (ARENH), un contentieux opposant EDF aux fournisseurs alternatifs ; un décalage des grands investissements dans le parc nucléaire, à commencer par le programme d'« arrêt de tranches ».
Au total, EDF se trouve face à des échéances difficiles à gérer, liées à l'arrêt des réacteurs de Fessenheim, au retard dans la mise en service de l'EPR de Flamanville et au recalibrage du « Grand Carénage ».
Ma question est donc double.
À court terme, le Gouvernement a-t-il pris toutes les mesures pour garantir la sécurité d'approvisionnement cet hiver ? Sur ce point, je rappelle que le président de Réseau de transport d'électricité (RTE) anticipe une « situation de vigilance particulière ».
Il serait regrettable que, faute d'un soutien suffisant à la filière nucléaire, des importations de carburants d'origine fossile soient nécessaires pour surmonter la « pointe » de consommation à venir !
À plus long terme, où en sont les négociations entre le Gouvernement et la Commission européenne sur la réforme du marché de l'électricité ?
Un accord est-il en vue pour remplacer l'ARENH par un « corridor de prix » ? Si oui, le relèvement du prix plancher, de 42 à 48 euros le mégawattheure (MWh) selon la presse, est-il prévu ? Ce relèvement permettrait-il de compenser la fermeture de 14 réacteurs prévue par la loi « Énergie-Climat » avec la construction de 6 nouveaux réacteurs ? Soutenez-vous ce programme de construction ?
Dans le même ordre d'idées, le projet de réorganisation « Hercule » est-il en passe d'aboutir ? Si oui, quelles seraient les garanties envisagées pour maintenir le « caractère intégré » du groupe ?
Qu'en est-il du renouvellement des concessions hydroélectriques ? La mise en place d'une « quasi-régie » est-elle prévue ?
Je vous remercie des éléments de réponse que vous voudrez bien nous donner sur ce dossier de première importance.
Enfin, au-delà de l'énergie, je veux vous poser une dernière question : comment envisagez-vous la traduction législative de la Convention citoyenne sur le climat ?
Ce sera notre collègue Daniel Laurent qui vous interrogera au nom de notre collègue Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie », dont je prie de bien vouloir l'absence liée à des contraintes personnelles.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. - Je vous remercie de votre invitation à venir vous présenter dans les grandes lignes le budget de mon ministère.
Le projet de loi de finances est un moment important, essentiel, au coeur même de la vie parlementaire et démocratique. J'y suis profondément et personnellement attachée, notamment comme ancienne parlementaire. Je crois que nous avons d'autant plus besoin de ce moment que notre pays traverse une situation d'une exceptionnelle gravité.
Comme vous, je vois l'inquiétude de nos concitoyens, la peur pour soi, pour ses proches, pour sa santé, pour son emploi et pour son avenir. Dans ces temps troublés, nous avons - vous comme moi - la charge accrue de tenir le cap, de continuer à préparer l'avenir.
Un illustre de vos prédécesseurs, Victor Hugo, l'a écrit : « l'avenir a plusieurs noms » : impossible pour les peureux, inconnu pour les timides, idéal pour les courageux... Ces mots résonnent alors que nous sommes à la croisée des chemins.
Oui, nous pouvons encore choisir l'avenir que nous voulons. Nous pouvons choisir d'éviter la catastrophe écologique. Nous pouvons choisir de relever le pays de la crise, de faire ce que nous propose Victor Hugo : avancer, avec courage, vers l'idéal.
Alors, je suis heureuse de vous présenter un budget qui regarde vers l'avenir, taillé à la hauteur des crises de notre époque. Un budget avec l'écologie au coeur, au-delà du seul périmètre de mon ministère.
Avec le budget vert, notre pays connaît une petite révolution. Mesurer l'impact écologique des recettes et des dépenses, ce n'est pas simplement regarder le budget de l'État à l'aune du développement durable. C'est bel et bien transformer notre conception même de ce qu'il est. C'est reconnaître qu'il y a un déficit écologique et que nous devons le réduire.
L'écologie au coeur du budget de l'État, c'est aussi bien sûr le plan de relance. Ce plan inédit et massif de 100 milliards d'euros consacre un tiers de ce montant à l'écologie. C'est sans précédent ! Jamais aucun Gouvernement n'avait fait le pari de l'écologie comme sortie de crise. Jamais aucun Gouvernement n'avait choisi de redémarrer le pays en préparant autant l'avenir. Avec ce plan, nous plaçons enfin la France dans la trajectoire vers la neutralité carbone. Et la ministre de la transition écologique que je suis s'en réjouit.
Mais, maintenant, ce plan doit vivre et se déployer le plus vite possible dans les territoires. Je ne crois pas aux stratégies de papiers, aux grandes déclarations dont on ne voit jamais la réalité sur le terrain. L'ambition du Gouvernement, c'est donc de faire vite et de faire bien en étant aux côtés des élus de terrain - je vois ici de nombreux élus de terrain ! -, de celles et ceux qui savent comment ça se passe, où ça se passe, et ce qu'il faut faire pour répondre à l'urgence écologique, sociale et économique et reconstruire un autre avenir.
Ce plan, vous le connaissez et je ne vais pas vous en refaire le détail. Seulement, vous prendre un exemple. Depuis des années, les élus prêchaient dans le désert en demandant aux gouvernements successifs de rouvrir de petites lignes, des trains de nuits. Avec le plan de relance, nous mettons 650 millions d'euros sur la table rien que pour ces lignes et trains.
Alors bientôt, on verra un Paris-Nice, un Paris-Tarbes en train de nuit, reliant les villes, leurs habitants, à moindre coût, financier et écologique ; c'est le sens de l'histoire et c'est l'engagement de l'État.
Dans cette bataille de l'écologie, mon ministère est évidemment en première ligne. Et ses moyens augmentent pour l'année prochaine. Ils sont en hausse de 1,3 milliard d'euros pour s'élever l'année prochaine à 48,6 milliards. C'est historique et c'est nécessaire pour être collectivement à la hauteur de nos ambitions.
Transformer la France pour atteindre la « neutralité carbone », protéger nos concitoyens et la biodiversité, rendre notre pays résilient, plus indépendant, mieux préparé aux défis du siècle : ce dont je vous parle, c'est bien d'une course contre la montre car chaque minute compte.
Alors, avec ces moyens, nous allons agir encore plus vite, pour développer les énergies renouvelables, dont le budget est en hausse de 25 %.
Nous allons aussi agir encore plus vite pour préparer notre pays aux conséquences du dérèglement climatique. Vous le savez pour être des élus des territoires : ces conséquences sont déjà là. Je parle de ces inondations, de ces sécheresses, des incendies dont la période s'étend. Tous ces phénomènes extrêmes sont de plus en plus intenses, de plus en plus fréquents.
Fermer les yeux, attendre que cela passe, ce serait une faute historique. Nous ne pouvons pas nous contenter de réagir ; nous devons construire dès aujourd'hui notre résilience de demain !
C'est pourquoi je vous présente aujourd'hui un budget pour la prévention des risques naturels majeurs en très forte hausse, de plus de 55 %.Avec ces crédits, nous allons renforcer la protection des populations et des territoires.
Mais je crois que protéger nos concitoyens, c'est aussi agir dans leur quotidien, pour leur assurer un air de qualité. La pollution de l'air, c'est 48 000 décès prématurés chaque année dans notre pays. C'est 22 % de risques de développer une forme grave de la Covid-19.
Alors oui, là aussi nous faisons face à une urgence sanitaire, sociale et environnementale. Et là aussi, nous avons la responsabilité de tout faire pour protéger les Françaises et les Français.
Avec le budget que je vous présente, nous allons pouvoir agir encore plus vite, pour renforcer le contrôle de la qualité de l'air, pour soutenir les associations de surveillance.
Protéger nos concitoyens, c'est aussi, bien sûr, prendre sa part de la solidarité nationale. C'est un principe de notre République et je sais que nous le partageons toutes et tous. Mais les principes doivent vivre, s'incarner, dans des dispositifs, des politiques publiques et des budgets. Et mon ministère une fois encore est au rendez-vous avec 200 millions d'euros budgétisés pour l'hébergement d'urgence et le retour au logement.
Vous le voyez, c'est un budget large, qui dépasse le périmètre de votre commission, pour préparer l'avenir, protéger nos concitoyens dans tous les territoires, en métropole comme dans les Outre-mer, pour tenir le cap.
Et avec les moyens alloués à mon ministère l'année prochaine, nous allons pouvoir amplifier notre deuxième ligne de front : la protection de la biodiversité.
Vous le savez sans doute, notre pays est particulièrement riche de cette biodiversité. Avec les Outre-mer, la France abrite 10 % de toutes les espèces connues dans le monde. C'est considérable.
Ce patrimoine vivant nous confère une responsabilité particulière. Celle de tout faire pour le protéger. Et, là aussi, il y a urgence. Les récifs coralliens pourraient ne pas passer la fin du siècle. Toutes les espèces sont en déclin : insectes comme oiseaux disparaissent.
Je refuse que nous nous résignions à cette extinction de masse. C'est notre responsabilité, à moi comme à vous, de tout faire pour enrayer et renverser le déclin, de tout faire pour léguer à nos enfants une planète riche de vie, animale ou végétale, en mer comme sur terre.
Alors, avec ce budget que je vous présente, nous allons un cran plus loin, par exemple en renforçant les moyens de l'Office français de la biodiversité (OFB), de l'Office national des forêts (ONF), mais aussi en nous dotant des outils nécessaires pour que la protection de la biodiversité se fasse là où elle se trouve : dans les territoires.
Alors, nous renforçons le soutien aux parcs nationaux, nous augmentons comme jamais le budget des réserves, des parcs naturels régionaux, des conservatoires d'espaces naturels. Ce sont des sentinelles de la biodiversité, au coeur des territoires, au plus près de nos concitoyens pour protéger, éduquer, sensibiliser tous les acteurs - agricoles, industriels -, en somme agir.
Cette transition écologique que je porte, touche à tous les pans de nos existences, et, notamment aux transports.
Ils sont le lien qui relie entre eux nos territoires et nos concitoyens, une colonne vertébrale. Et avec ce budget 2021, notre ambition est bien de la consolider en lui ouvrant l'avenir.
Je vous ai déjà parlé des petites lignes et des trains de nuit.
Je souhaite maintenant vous parler plus largement des mobilités de demain, plus vertes, plus douces, plus connectées aussi : métro, tramways, bus, vélo, train, c'est l'avenir.
C'est bien pourquoi, avec ce budget, nous augmentons le soutien de l'État aux collectivités pour construire des aménagements cyclables sécurisés. Nous soutenons les ménages dans l'achat de véhicules propres. Nous développons massivement le fret pour les marchandises. Nous sommes au rendez-vous de la crise du secteur aérien, en préservant les investissements nécessaires tant pour la sécurité que pour la préparation d'un avenir plus vert.
Bref, avec ce budget nous construisons l'avenir de nos transports.
Ce budget 2021 est le reflet de notre époque, chamboulée, en basculement. C'est un budget qui fait le choix de l'écologie, à tous les niveaux. Et je crois que c'est bien le seul choix à faire pour notre pays, pour sa jeunesse, pour ses aînés, pour sa biodiversité et pour ses territoires.
L'écologie transforme la vie des Françaises et des Français. Elle revitalise les territoires, leur ouvre un avenir, ramène des emplois, de la croissance verte, de l'activité.
Alors, ce budget est ambitieux et il le faut pour faire face aux défis de notre temps, pour réaliser pleinement toutes les promesses de la transition écologique, pour apporter, dans chaque territoire, un monde nouveau que nos concitoyens attendent plus juste, plus solidaire, plus écologique. J'y suis déterminée.
Enfin, la Convention citoyenne sur le climat est un exercice démocratique inédit, porté par le Président de la République. Face à la crise des « gilets jaunes », aux effets de la taxe carbone, au désarroi d'un certain nombre de nos concitoyens, au sentiment d'être mis de côté par rapport à la transition écologique, le Président de la République a souhaité, à travers cette convention, solliciter des personnes qui ne sont pas des politiques et que nous croisons au quotidien, tirées au sort, afin de travailler sur ces sujets et de nous indiquer ce qu'ils estiment acceptable pour la transition écologique et pour notre avenir. Ils y ont passé beaucoup de temps, y compris en prenant des jours de congés et sur leur temps personnel. Ils nous ont fait des propositions et ils comptent maintenant sur le Gouvernement et sur le Parlement pour que ces propositions soient traduites en actes. Un certain nombre de ces propositions sont audacieuses et peuvent suscitent des interrogations. C'est tout l'intérêt du débat parlementaire qui aura lieu dans les mois qui viennent. Il est prévu qu'un projet de loi arrive au Parlement, certainement à l'Assemblée nationale, en mars prochain pour être adopté définitivement avant l'été 2021. Ce serait une erreur de penser que ces citoyens sont déconnectés de la réalité. Au contraire, ils vivent comme tout le monde. Il ne faut pas laisser penser qu'ils n'ont pas pris la mesure de la dimension sociale et économique des mesures qu'ils proposent. Regardons ces mesures et travaillons ; je crois que nous pouvons aboutir à une belle loi et à un bel exercice démocratique si nous prenons le temps d'écouter ce qu'ils ont à nous dire.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
M. Daniel Laurent . - Comme l'a indiqué la Présidente, j'ai le plaisir de m'exprimer au nom de notre collègue Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie », retenu par des contraintes personnelles.
Nous célébrons aujourd'hui, jour pour jour, une année d'application de la loi « Énergie-Climat » ; le prochain exercice budgétaire sera donc déterminant pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques de cette loi.
Or les crédits « Énergie » sur lesquels nous nous penchons soulèvent plusieurs difficultés.
S'agissant la rénovation énergétique, le constat est ambivalent.
Certes, nous nous réjouissons de la réintégration des propriétaires bailleurs et des ménages des 9e et 10e déciles dans Ma Prime Renov' qui a succédé au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ; nous l'avons constamment et ardemment défendu à chaque examen budgétaire !
En effet, la réforme du CITE engagée l'an passé a conduit à la chute des deux tiers des bénéficiaires et du montant de ce crédit d'impôt.
Si le Gouvernement entend faire de la rénovation énergétique un levier de la reprise économique, il importe cependant d'aller plus loin.
D'une part, l'éligibilité des ménages des 9e et 10e déciles est actuellement limitée aux travaux de rénovation globale : ne pourrait-on pas leur ouvrir les travaux réalisés isolément ?
D'autre part, certaines équipements, tels que les chaudières à très haute performance énergétique (THPE) hors fioul, les pompes à chaleur géothermique ou les appareils de régulation ou de programmation, sont moins bien pris en charge qu'auparavant : ne pourrait-on pas envisager une revalorisation ?
Au-delà des critères d'éligibilité à ce dispositif, je crois qu'il est crucial de se pencher sur son application.
En effet, le Gouvernement a fixé un objectif de 170 000 primes délivrées pour 2020 l'automne dernier, cet objectif ayant été relevé à 200 000 primes par le ministre du logement en janvier dernier ; or, depuis avril, ce sont seulement 65 000 primes qui ont effectivement été attribuées !
C'est insuffisant pour atteindre la cible de 500 000 rénovations par an, issue de la loi de « Transition énergétique ». C'est dramatique car le CITE et les crédits d'impôt qui l'ont précédé ont soutenu pas moins de 16 millions de rénovations de 2005 à 2019 !
Disposez-vous d'éléments actualisés sur l'application de Ma Prime Renov' ? Ne faudrait-il pas urgemment revaloriser les moyens de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour faciliter et accélérer l'instruction des dossiers ?
Dans le même ordre d'idées, le chèque énergie n'est quasiment pas utilisé comme un moyen de financement des opérations de rénovation énergétique.
Son faible montant, qui s'établit entre 48 et 277 euros, ne devrait-il pas être rehaussé pour permettre la prise en charge effective de ce type d'opérations ?
Pour ce qui concerne la mobilité propre, les dispositifs existants ne sont pas exempts de critiques.
À l'évidence, nous nous réjouissons de la revalorisation de la prime à la conversion et du bonus automobile que nous avons par le passé appelé de nos voeux.
En effet, il faut rappeler que le décret du 16 juillet 2019 a engendré une chute d'un tiers des ménages et des véhicules éligibles à la prime à la conversion.
Si les conditions d'éligibilité à cette prime ont été desserrées en juin dernier, ce n'est qu'à titre temporaire puisque l'ancien revenu fiscal de référence et l'ancien barème ont pour partie été rétablis.
Par ailleurs, sur l'objectif d'un million de primes à la conversion attribuées sur le quinquennat, seules 50 000 l'ont été au premier semestre 2020.
Ce constat appel deux commentaires.
Tout d'abord, ne pensez-vous pas qu'il faut en finir avec l'instabilité normative entourant ces dispositifs ? Ne pourrait-on pas les maintenir après le 1er juillet prochain ? Ne devrait-on pas desserrer leurs conditions d'éligibilité ?
Plus encore, les primes à la conversion et les bonus automobile ne sont pas toujours effectivement mis en oeuvre. Comment y remédier ?
Hormis les aides à l'acquisition, le soutien à la mobilité propre passe aussi par le déploiement d'infrastructures de recharge en carburants alternatifs.
À l'occasion du dernier collectif budgétaire, nous avions fait adopter un mécanisme de suramortissement sur les infrastructures de recharge en carburants alternatifs qui avait reçu l'avis favorable du Gouvernement !
Pouvons-nous compter sur votre soutien pour le faire aboutir ?
En matière d'énergies alternatives, plusieurs sujets sont à relever.
Tout d'abord, je déplore la suppression au 1er janvier prochain de l'exonération de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) sur le bio-méthane injecté.
Je rappelle que la loi « Énergie-Climat » fixe un objectif d'au moins 10 % de gaz renouvelable d'ici 2030 : un cadre fiscal incitatif doit donc être préservé !
Aussi, le Gouvernement pourrait-il maintenir cette exonération ?
Pour ce qui est de l'hydrogène, je m'interroge sur les projets susceptibles d'être soutenus dans le cadre du plan de relance.
Nous le savons, une ordonnance est en cours d'élaboration pour cette filière, en application de l'article 52 de la loi « Énergie-Climat ».
Dans sa délibération sur ce projet d'ordonnance, rendue le 24 septembre dernier, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a indiqué qu'« il n'existe aucune raison de distinguer entre l'hydrogène renouvelable et l'hydrogène bas-carbone » dans le soutien public apporté à cette filière.
Le Gouvernement entend-il faire suite à cette recommandation ? Les deux milliards d'euros alloués à l'hydrogène en 2021 dans le cadre du plan de relance sont-ils bien destinés à financer toutes les formes d'hydrogène, y compris celui issu de l'électricité nucléaire ?
Je constate que la loi « Énergie-Climat » prévoit un objectif de 20 à 40 % d'hydrogène bas-carbone et renouvelable d'ici 2030 : aucune distinction n'a donc été faite entre les différentes sources d'hydrogène !
En ce qui concerne les biocarburants, nous nous félicitons que la Commission européenne ait activé, le 4 novembre dernier, le mécanisme de surveillance européen pour les importations d'éthanol ; dans le cadre de son plan de relance, notre commission avait relayé avec force cette demande !
Outre cette mesure bienvenue, ne pourrions-nous pas faire davantage en faveur des biocarburants ? Pourquoi ne pas leur allouer des crédits spécifiques en matière de recherche et de développement dans le cadre du plan de relance ?
Au-delà de ses aspects budgétaires et fiscaux, je voudrais pour finir évoquer l'actualité législative et réglementaire en matière d'énergie.
La crise du Covid-19 est venue perturber notre agenda en la matière.
Plusieurs textes d'application de la loi de la loi « Énergie-Climat » ont ainsi pris du retard ; quels sont ceux d'entre eux dont la publication est imminente ?
Un point mérite une attention particulière : le Gouvernement a lancé une consultation sur la cinquième période des certificats d'économies d'énergie (C2E), allant du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2025.
Or l'article 2 de la loi « Énergie-Climat » dispose que les C2E seront fixés par une loi quinquennale à compter du 1er juillet 2023 et ne pourront donc pas être déterminés par décret au-delà du 31 décembre 2023.
Quelle serait la période visée par le décret ? Pouvez-vous nous assurer que l'intention du Gouvernement est bien de respecter la future loi quinquennale ?
Outre la loi « Énergie-Climat », je souhaiterais aussi évoquer les lois « d'urgence sanitaire » car les ordonnances reportant le paiement des factures d'énergie et la « trêve hivernale » ont un impact sur la trésorerie des énergéticiens.
Ne devrait-on pas instituer un mécanisme de solidarité nationale pour leur permettre de faire face aux impayés de facturation qui se multiplient ?
Enfin, les derniers points d'actualité que je voudrais aborder sont les projets de loi relatifs à la Convention Citoyenne pour le Climat et au code minier. Quels en sont le contenu et le calendrier ?
À titre personnel, je voudrais aussi relayer les inquiétudes des agriculteurs et des entrepreneurs sur la remise en cause des contrats d'achat d'électricité solaire pour les installations supérieures à 250 kW, conclus avant le moratoire décidé par le décret du 9 décembre 2010. Ces installations ont été financées par des prêts bancaires ; si cette disposition devait être définitivement adoptée, ils ne seront plus en mesure d'honorer leurs engagements, sans compter les incidences sur les entreprises de maintenance et d'entretien ainsi que sur l'emploi local.
Mme Barbara Pompili, ministre. - Je reviens tout d'abord sur la suppression du CAS TE. Ce compte était devenu artificiel. Il était alimenté par une fraction de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) ajustée à l'euro des dépenses. La séparation entre le CAS TE et le programme 345 était au total virtuelle et peu lisible. Nous avons donc souhaité mettre plus de lisibilité en réintégrant le CAS TE dans le budget général. Cela n'a bien sûr aucune autre conséquence, notamment sur les contrats.
Sur la question des contrats photovoltaïques que Daniel Laurent et vous-même, madame la présidente, avez évoquée, c'est un sujet qui - je le sais - fait beaucoup parler. Je tiens d'abord à préciser sans aucune ambiguïté que l'objectif du Gouvernement est de soutenir le développement des énergies renouvelables. Nous mettons 110 milliards d'euros d'engagements sur plus de 20 ans et nous accroissons de 25 % sur la période 2020-2021 notre soutien financier aux énergies renouvelables. Nous ne sommes donc pas sur de petites sommes. Nous avons également prévu les prochains appels d'offres avec plus de 10 gigawatts d'installations photovoltaïques au cours des cinq prochaines années.
On parle de contrats photovoltaïques, signés entre 2006 et 2010, qui ont créé une sorte de bulle. Ces installations sont pour la plupart totalement amorties, ont parfois bénéficié d'un rendement en capital supérieur de 20 % et sont payées au frais du contribuable - je tiens à le rappeler. Ces contrats bénéficient aujourd'hui d'un tarif de rachat autour de 450 à 480 euros par MWh, qui peut monter jusqu'à 600 euros par MWh. Nous sommes sur des chiffres très supérieurs à une rentabilité normale.
Si nous ne faisons rien, le contribuable va devoir débourser plus de 20 milliards d'euros d'ici 2030 pour rémunérer tous ces contrats. Moins de subventions permettraient de maintenir la même production d'énergie renouvelable en rémunérant normalement les producteurs. C'est donc une rente qui constitue autant de ressources en moins pour développer de nouvelles installations d'énergies renouvelables. Mais nous avons voulu prendre une mesure de révision ciblée. On ne va pas s'attaquer à tous les contrats, on revient sur une petite minorité de contrats, de l'ordre de 800 contrats sur les 235 000 existants. Ces contrats concernent des installations dont la puissance est supérieure à 250 kW, ce qui protège de facto tous les contrats conclus par les particuliers et la quasi-totalité de ceux conclus par des agriculteurs.
Nous avons bien entendu négocié avec la filière pour trouver la meilleure solution sur cette renégociation des contrats. Nous avons mis en place avec la filière une clause de sauvegarde qui nous permet de regarder au cas par cas la situation des exploitants, à leur demande, afin d'éviter toute situation où la révision du contrat pourrait mettre en péril l'exploitation. L'idée n'est pas de mettre tout le monde dans la difficulté mais de retrouver une situation normale en supprimant ces rentes de situation injustifiées et inutiles sans déstabiliser l'équilibre financier de la filière. Nous continuerons de soutenir le développement de la filière photovoltaïque.
Nous avons évoqué cette question ce jour avec la Fédération bancaire française (FBF). Nous avons un précédent de révision de contrats concernant l'éolien offshore . Nous avons pu constater qu'il n'y avait pas eu de baisse d'investissements dans cette filière car ce sont des filières d'avenir, prometteuses, avec une volonté d'investir. Les banques ne se sont pas désengagées et je compte sur elles pour qu'elles continuent de s'engager ainsi. J'ai peu d'inquiétudes sur le sujet. Je rappelle que c'est une mesure extrêmement ciblée dans le temps et sur un petit nombre de contrats qui seront revus.
Sur les autres points soulevés, nous avons souhaité, dans le cadre du plan de relance, donner un coup d'accélérateur sur la rénovation des bâtiments avec Ma Prim Renov' car les bâtiments représentent environ un quart des émissions de gaz effets de serre. Nous avions beaucoup de dispositifs d'aide, et beaucoup d'argent public investi, pour une efficacité dont tout le monde reconnaît qu'elle était assez limitée. Nous avons voulu simplifier les démarches et mettre les fonds, les investissements là où l'on pense réussir à obtenir un meilleur rendement énergétique. Nous voulons faire passer les bâtiments à un niveau supérieur de qualité, d'isolation, de classe énergétique.
Il a ainsi été décidé de privilégier les travaux de rénovation globale et performante plutôt que des aides trop ciblées - par exemple sur une isolation de fenêtre ou un changement de toiture - qui n'amélioraient pas suffisamment la performance énergétique des bâtiments concernés. C'est un vrai choix politique. On a donc voulu réorienter ces aides mais aussi les simplifier en mettant une seule prime et un contact téléphonique ; par ailleurs, nous sommes en train de conventionner avec les régions le réseau FAIRE, qui regroupe des conseillers pour orienter les citoyens. C'est un point très important.
Sur le nombre de primes, je constate que Ma Prime Rénov' a été créée en janvier 2020, qu'elle est très dynamique et que nous nous avons de très bons retours. Effectivement, l'extension de la prime au 9 e et 10 e déciles constitue une réponse à de très nombreuses demandes, notamment formulées ici par les Sénateurs, car ces déciles sont aussi ceux qui font des travaux et que notre objectif est que le maximum de bâtiments changent de classe énergétique.
Nous avons également mis en place un certain nombre de dispositifs permettant aux ménages les plus en difficulté de financer ces travaux de rénovation. Nous voulons qu'ils puissent cumuler les aides pour qu'ils réalisent cette démarche. Le service public de l'efficacité énergétique est quelque chose que nous connaissons bien en région Hauts-de-France et que nous souhaitons développer ailleurs.
Sur le chèque énergie, je partage avec vous le constat que son montant ne permet pas de financer des travaux. Il s'agit plus ici d'une aide au paiement de la facture. Bénéficier du chèque énergie n'est pas incompatible avec certaines autres primes, et notamment Ma Prim Renov' et tout l'encadrement de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Je vous rappelle que les ménages les plus en difficulté ont bénéficié cette année d'aides leur permettant de faire face à leur facture de chauffage.
Sur les mobilités propres, la prime à la conversion et le bonus automobile apportent une nouvelle dynamique et soutiennent le développement des véhicules à basses émissions, donc essentiellement des véhicules électriques et hybrides. Nous avons bien conscience qu'il faut - y compris pour les constructeurs - une visibilité dans le temps de ces dispositifs.
Nous avons décidé de prolonger les bonus à leur barème actuel pour les véhicules électriques et hybrides jusqu'à cet été pour tenir compte des difficultés rencontrées par la filière en raison de la crise de la Covid-19. En effet, les fermetures des concessions ne permettent pas aux professionnels de vendre des véhicules et de faire bénéficier nos concitoyens de ces aides. On essaye de se donner des perspectives et d'établir avec la filière une stratégie à 2030 pour augmenter la production de véhicules moins polluants - il n'existe pas de véhicules 100 % propres ! -. D'ailleurs, des mesures, avec des jalons de la Convention citoyenne pour le climat vont dans ce sens. Je rappelle que la loi d'« orientation des mobilités » prévoit qu'il n'y aura plus de ventes de véhicules thermiques en 2040. L'idée de tracer un chemin et de poser des jalons est une bonne idée de la Convention citoyenne pour le climat car lorsqu'objectif est très lointain, si l'on ne dit pas comment arriver à cet objectif, des difficultés peuvent survenir.
Sur les infrastructures de recharge et le suramortissement, je vous apporterai une réponse plus tard.
Sur le plan hydrogène et la distinction entre l'hydrogène renouvelable et l'hydrogène bas-carbone, il existe des discussions au niveau européen sur cette question. L'Union européenne s'oriente vers un soutien à l'hydrogène à base d'énergies renouvelables. Or la France dispose d'une électricité fondée à 75 % sur l'énergie nucléaire ; si cette source d'énergie fait débat, elle est objectivement totalement bas-carbone - il n'y a aucun sujet de discussion là-dessus. Il serait absolument contre-productif de ne pas tenir compte de cet aspect. C'est pourquoi nous allons aujourd'hui déployer un plan hydrogène sur toutes les solutions bas-carbone, à base d'énergie nucléaire et à base d'énergies renouvelables. Nous avons une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui va faire augmenter la part des énergies renouvelables dans notre mix électrique et donc l'hydrogène renouvelable à due proportion. Nous avons une stratégie qui nous permettra d'investir sept milliards d'euros d'ici 10 ans et deux milliards dans le cadre du plan de relance afin de devenir un pays avec des infrastructures de production d'hydrogène. Nous avons beaucoup de demandes d'utilisation d'hydrogène de la part des élus locaux. Mais avant de l'utiliser, il faut le produire. C'est une des priorités du plan de relance que de soutenir les projets de production d'hydrogène, notamment la construction d'électrolyseurs dont nous manquons en France. Nous avons des entreprises déjà positionnées sur plusieurs territoires pour en fabriquer. Voilà l'un des aspects du plan hydrogène. Les usines d'électrolyseurs pilotes et les projets d'hydrogène mutualisés à travers divers usages nous nous permettront de passer une étape pour être pilote dans le cadre de la stratégie hydrogène. En ce qui concerne le code minier, nous avons commencé les consultations sur ce texte de loi sans attendre de disposer du véhicule législatif. Nous sommes un certain nombre à pousser très fort pour que cette réforme soit mise en oeuvre avant la fin du quinquennat, peut-être dans le cadre du projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat. Cela aurait aussi pu être intégré au projet de loi « 3D ». Je le dis ici clairement : soit on arrive à faire entrer cette réforme dans un projet de loi déjà prévu à l'agenda, soit elle n'aboutira pas. Il s'avère que la Convention citoyenne pour le climat propose quelques mesures concernant les mines, ce qui permet d'avoir une accroche pour y faire entrer cette réforme. Toutefois, rien n'est décidé à ce jour et je ne fais aucune annonce. Cela fait partie des hypothèses de travail.
Mme Sophie Primas , présidente. - C'est une réforme d'ampleur !
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. - J'essaye d'être pragmatique . J'ai été élevée dans le bassin minier du Pas-de-Calais et je connais l'après-mines. Des situations existent et nous avons besoin de légiférer ; je le souhaite. C'est pourquoi il y a déjà des consultations sur l'intégralité des mesures proposées afin que le travail de préparation puisse se faire correctement et qu'un vrai débat puisse se tenir - nous prendrons le temps de ce débat.
Sur les C2E, disposer d'une période dépassant 2023 est nécessaire pour avoir une meilleure lisibilité. Ce n'est pas incompatible avec le fait que le Parlement fixera le cap pour 2024-2028 et pourra apporter des ajustements sur cette période.
Sur l'énergie nucléaire, il y a 200 millions d'euros dans le plan de relance, qui sont doublés par 200 millions prévus dans le cadre du plan d'investissements d'avenir (PIA 4). Nous avons voulu les axer sur un certain nombre de priorités. Il y a un fort besoin dans la filière nucléaire de répondre à certaines exigences et de retrouver des compétences. On l'a vu malheureusement avec l'EPR de Flamanville. On constate aujourd'hui une baisse, un manque de compétences sur des points essentiels, tels que la soudure. On a besoin de redévelopper des compétences sur le nucléaire. Vous connaissez mon opinion personnelle sur le sujet. Même avec cette opinion, je considère qu'il faut investir car nous avons besoin de personnels compétents pour cette industrie qui - quoi que l'on décide à l'avenir - restera sur notre sol pendant des décennies et pour laquelle on ne peut pas se permettre d'avoir une baisse de compétences sur un sujet qui demande autant de technicité et pose des questions de sûreté et de sécurité.
Nous investissons aussi dans les recherches d'alternatives à l'enfouissage en profondeur. C'est une demande qui a été faite suite au débat public sur le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR).
Nous effectuons également des travaux de recherche sur de nouveaux réacteurs, sur les petits réacteurs modulaires - small modular reactors (SMR) - et sur des aspects de sûreté nucléaire et de sécurité.
Voilà globalement les investissements prioritaires qui ont été choisis car il nous semble que nous avons aujourd'hui, sur le nucléaire, un besoin qui n'était pas rempli.
La crise de la Covid-19 a retardé la mise en oeuvre de la loi « Énergie-Climat », en raison de la surcharge des services, de la difficulté de concertation avec les acteurs et de la perturbation des travaux du Conseil d'État, lui-même très chargé par les travaux liés à l'état d'urgence sanitaire. Toutefois, les travaux d'élaboration des textes se sont poursuivis avec des échanges dématérialisés entre les acteurs.
Sur les 18 habilitations à légiférer par ordonnance, une ordonnance est devenue sans objet, six ont été publiées, dont la transposition des directives efficacité énergétique, performance énergétique des bâtiments, EnR, et le remboursement de la contribution au service public de l'énergie (CSPE).
Sur les 48 renvois à des mesures recensés, 10 mesures ont été publiées, trois se sont révélées non nécessaires, deux ont été différées à long terme - les décrets sur la PPE et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) de 2023 -, quatre sont en cours d'examen par le Conseil d'État ou de transmission à ce dernier, plusieurs ont fait l'objet d'une consultation des acteurs, ce qui permettra une finalisation rapide de ces projets.
M. Daniel Salmon . - Sur le photovoltaïque, l'effet de seuil est très important et des ruptures ont amené des faillites en cascade. Il faut vraiment être très vigilant. Nous avons également eu une rupture sur l'éolien où, au bout de 15 ans, le tarif bonifié cesse, ce qui entraîne le démantèlement des éoliennes pour en construire de nouvelles ; c'est une aberration écologique ! Il faut vraiment se pencher sur ces seuils qui peuvent être très contreproductifs !
M. Pierre Louault . - Ma question porte sur les biocarburants avancés. Je souhaite souligner la difficulté de l'utilisation des biocarburants produits à partir de graisses de flottation, c'est-à-dire les déchets de l'industrie agroalimentaire ou des stations d'épuration. Pour être utilisés, ils doivent être mélangés avec d'autres carburants mais dès lors, ils ne bénéficient plus d'une TICPE allégée. Or sans TICPE allégée, ces biocarburants coûtent trop cher à produire et ne sont pas concurrentiels. Est-il envisageable de mettre des mesures d'exonération partielle, notamment de TICPE, pour permettre la production de ces biocarburants qui utilisent des déchets nocifs pour l'environnement ?
Mme Viviane Artigalas . - L'hydroélectricité, outre la production d'une énergie vertueuse et décarbonée, participe au soutien d'étiage des cours d'eau, ce qui permet une gestion équilibrée de la ressource en eau entre tous les usages et à lutter contre les crues. Elle garantit également notre souveraineté énergétique et permet à EDF d'ajuster l'offre et la demande de la consommation électrique de manière efficiente. Enfin, elle est source d'emplois non délocalisables et de revenus dans nos territoires.
L'enjeu principal de ce projet de loi de finances est sans conteste la mise en oeuvre du plan de relance.
Pouvez-vous nous préciser les apports de projet de loi de finances sur le développement des énergies renouvelables, et en particulier l'hydroélectricité ? Et quelles sont les mesures pour encourager le développement de la petite hydroélectricité ?
Au-delà de ces éléments, je souhaiterais connaître votre avis sur deux points adjacents : les frais qui subsistent sur le développement de cette petite hydroélectricité, notamment une réglementation sévère et contraignante dont s'emparent quelquefois les agents de l'État de façon intempestive ; le projet « Hercule » dans le cadre du renouvellement des concessions hydroélectriques et ses conséquences économiques, sociales et environnementales sur les territoires et sur la pérennité de notre opérateur historique.
Mme Catherine Fournier . - Votre pari ambitieux de faire émerger une filière française de l'hydrogène décarboné et d'en faire une priorité nationale appelle de ma part quelques réflexions.
Actuellement, l'hydrogène produit à bas
coût est issu de sources fossiles à 95 %
- d'hydrocarbures, de gaz, de pétrole, de charbon - des
ressources que nous n'avons pas et qui sont toutes des énergies
fossiles. Le passage au tout décarboné nous conduit vers une
production d'hydrogène par électrolyse de l'eau sans
émanation de carbone.
Ma question porte sur le besoin de production d'électricité propre. Vous avez fait état du nucléaire, du photovoltaïque et de l'éolien. Envisagez-vous toujours d'abandonner le nucléaire ? Dans quel délai ?
Nous aurons un fort besoin en eau pour cette mutation industrielle. Envisagez-vous de mettre en place une nouvelle politique de gestion de l'eau ? La fourniture de l'eau à l'industrie s'avère être un enjeu d'avenir très important.
Je reviens sur la révision des 800 contrats photovoltaïques dont vous avez parlé. Quel budget cela représente-il ? Vous avez parlé de révisions ciblées. J'attire votre attention sur le fait que je connais, sur mon territoire comme dans d'autres, nombre d'agriculteurs qui ont fait construire, par le biais de baux emphytéotiques ou à construction, de grandes toitures photovoltaïques sur leurs bâtiments. Allez-vous tenir compte de ces situations ? Lorsque ces agriculteurs ont investi dans de telles installations, c'était bien évidemment parce qu'ils espéraient une rentabilité sur l'électricité revendue à EDF.
M. Pierre Cuypers . - Alors que la transition énergétique s'est imposée comme un ressort incontournable de la reprise économique, la révision unilatérale par le Gouvernement des contrats d'achat de certaines installations photovoltaïques est très problématique.
En premier lieu, toute remise en cause de la signature de l'État n'est jamais bonne ! Et dans ce cas précis, rien ne semble la justifier !
Sur la méthode, l'introduction de cette révision par la voie d'un amendement parlementaire laisse songeur ; en effet, une telle procédure ne permet pas de mesurer pleinement les effets juridiques et financiers de cette révision, ni de mener à bien l'ensemble des consultations nécessaires.
Sur le fond, cette révision pose de lourdes difficultés.
D'une part, elle remet en cause les hypothèses sur lesquelles les porteurs de projets - bien souvent des PME et des TPE - se sont fondés pour développer leurs activités, bien souvent en contractant de lourds emprunts auprès des banques. Je précise que l'amortissement va jusqu'à 20 ans sur ce type de projets.
D'autre part, elle érode la confiance placée par les acteurs économiques en la parole de l'État, qui est pourtant l'un des tout premiers acteurs de la transition énergétique et de la reprise économique dans nos territoires.
Enfin, elle induit une différence de traitement tout à la fois entre les différentes puissances d'installations photovoltaïques et entre les différentes filières d'énergies renouvelables.
Dans ce contexte, ne faudrait-il pas étudier plus en amont cette révision avant de l'envisager ? Quelle urgence y a-t-il à légiférer dans le cadre du présent projet de loi de finances initiale ?
Il me semble que l'orientation choisie par le Gouvernement est tout à fait contraire à la transition énergétique - en fustigeant l'énergie solaire qui en est un des principaux piliers -, à l'esprit de l'Accord de Paris ainsi qu'aux conclusions de la Convention citoyenne pour le climat ! Il me semble plus approprié de trouver, après une vraie concertation avec les professionnels, un accord acceptable par l'ensemble des parties.
M. Sebastien Pla - Élu depuis 20 ans dans le département de l'Aude, j'ai connu cinq inondations majeures ayant causé des dégâts considérables - 41 morts, des dizaines de milliers de sinistrés, plus d'1 milliard d'euros de dégâts. La récurrence et l'amplification du phénomène lié au réchauffement climatique entraînent chaque année à l'approche de l'automne un climat anxiogène pour les élus et la population des départements, comme le mien, du pourtour méditerranéen. Aujourd'hui, il n'est plus question de savoir quand, ni avec quelle force la pluie et les inondations vont nous frapper, mais sur qui et quel secteur cela va tomber. Comment mieux anticiper les risques alors que, dans le même temps, les subventions pour charge de service public de Météo France ou du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) diminuent de façon continue ?
Par ailleurs, je suis inquiet pour le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) qui n'est plus lié à une taxe affectée dans la maquette budgétaire. Ses moyens annuels se trouvent, par conséquent, fragilisés face aux grands arbitrages de l'État. Dès lors, comment garantir pluri-annuellement les moyens de ce fonds et faire face, dans la durée, à l'ensemble des besoins d'investissement ? Comment va s'exercer le contrôle de la coordination de l'utilisation du fonds, aujourd'hui porté par la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), si les crédits sont transférés au préfet ? Pouvez-vous nous garantir l'égalité entre les territoires dans l'attribution de ces aides ? Étendre le champ d'intervention de ce fonds à d'autres risques, comme le risque sismique, revient de plus à diminuer les actions entreprises dans le périmètre initial de ce fonds.
Je ne suis pas d'accord avec vous sur le fait que le budget sur la prévention des risques est en hausse. Il accuse même une baisse de 22 millions d'euros si on exclut le FPRNM, qui était géré jusqu'à présent de manière extra-budgétaire, alors même que les besoins augmentent d'année en année compte tenu de l'accumulation des risques liés au changement climatique - les crues sont décennales et plus centennales. Comment garantir l'affectation de la totalité du produit de la taxe sur les primes d'assurance afin de donner un signal plus fort ?
Au-delà des conséquences psychologiques, les sinistrés sont frappés d'une double peine, l'obligation de paiement des franchises d'assurance - malgré les annonces contradictoires du Président de la République et du président de la Fédération française des assurances (FFA) - et le paiement d'impôts fonciers sur des biens qui ne valent plus rien. Comment contraindre les assureurs à supprimer ces franchises mais aussi permettre d'exonérer du foncier les biens sinistrés ?
M. Franck Montaugé . - Je souhaite vous interroger sur l'énergie nucléaire car nous nous sommes dotés d'un objectif très ambitieux en matière de production de cette énergie décarbonée dans la PPE et la SNBC.
Cela n'a pas empêché la fermeture de 14 réacteurs nucléaires, les premiers étant ceux de la centrale de Fessenheim. Pensez-vous que notre pays est prêt à démanteler ces installations ? A-t-on le savoir-faire, la compétence ? Je considère qu'il y a toute une filière à construire. Quelle est la feuille de route du Gouvernement ? Je souhaite que l'on évite de s'adresser à des compétences extérieures à notre pays.
Enfin, êtes-vous favorable à l'hypothèse de construction de six nouveaux réacteurs nucléaires et considérez-vous qu'EDF a les moyens de mener cette politique ?
M. Bernard Buis . - Vous avez montré, avec le Président de la République, votre attachement aux petites lignes SNCF et à la remise en place des trains de nuit. Votre prédécesseur Élisabeth Borne s'est engagée sur la rénovation du train de nuit Paris-Briançon et la remise en état de la ligne Livron-Veynes avec un investissement de plus de 50 millions d'euros. 36 millions d'euros sont également investis sur la ligne Grenoble-Veynes. Les travaux vont débuter au printemps prochain sur cette ligne non électrifiée, où des machines à fuel tirent actuellement les wagons. Vous avez annoncé un grand programme sur l'hydrogène, de plus de 7 milliards d'euros : à quel horizon pourrait être menée une expérimentation sur des trains à hydrogène concernant ces lignes ? Je souligne qu'une telle initiative a reçu le soutien des élus locaux des communes traversées par la ligne Livron-Veynes.
Par ailleurs, la rénovation de ces lignes implique un engagement financier important de l'État, du département et de la région. Aussi, il serait intéressant que les trains puissent prendre des voyageurs sur l'ensemble du parcours. Par exemple, sur la ligne Paris-Briançon, il est possible de prendre le train à Paris et descendre à Die, mais personne ne peut monter de Die pour aller à Gap ou à Briançon. Cela semble un peu aberrant et je pense qu'un travail doit être conduit avec la SNCF pour que les trains soient mieux utilisés... et puissent être utilisables.
Je voudrais enfin citer l'exemple de l'entreprise McPhy installée dans la Drôme, qui travaille sur l'hydrogène. Si vous aviez l'occasion de venir la visiter, nous serions ravis de vous accueillir.
Mme Sophie Primas , présidente . - Même si toutes les questions sont légitimes, j'attire votre attention sur le fait que c'est bien la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable qui est compétente en matière de transport.
Mme Anne-Catherine Loisier . - Je souhaiterais poser trois questions complémentaires à celles de mes collègues, car beaucoup de sujets ont déjà été couverts. Je m'interroge d'abord sur les modalités d'application des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Dans quelques jours, nous allons examiner au Sénat une proposition de loi sur l'empreinte environnementale du numérique : pensez-vous vous servir de ce véhicule législatif pour aborder un certain nombre de sujets comme la 5G, les forfaits limités, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ?
Sur l'hydroélectricité, déjà largement évoquée par mes collègues, le projet de loi de finances pour 2021 ne prévoit aucune disposition sur le sujet, alors que l'on sait que le potentiel est équivalent à plusieurs térawattheures. Qu'est-ce qui explique ce choix ?
Enfin vous avez parlé, à juste titre, du fret ferroviaire et du transport multimodal, mais pas du tout des voies d'eau. Qu'en est-il de l'avenir et du développement des voies d'eau ?
M. Fabien Gay . - Je ne vais pas revenir sur le sujet du train - car, si je me lance, nous allons avoir un vrai débat politique ! -, mais je relève au passage que votre collègue Jean-Baptiste Djebbari annonçait hier que le Gouvernement était le premier à investir autant dans le ferroviaire. Je pense qu'il faut faire preuve d'humilité en la matière, car vous êtes en réalité en train de démanteler l'entreprise SNCF petit bout par petit bout, après avoir mis en place le nouveau pacte ferroviaire.
Je souhaite évoquer deux points. En ce qui concerne la Convention citoyenne pour le climat, j'en suis partisan et le résultat de ses travaux contient beaucoup d'éléments intéressants. J'y vois toutefois le risque d'un projet de loi fourre-tout quand il s'agira de traduire les 149 propositions en actes, tout en voulant mener dans le même temps la réforme du code minier, qui est attendue depuis des années et mérite à elle seule un vrai débat politique. Si ce n'est pas pour ce quinquennat, peut-être qu'un autre Gouvernement portera la réforme de ce code.
Par ailleurs, s'agissant de la Convention citoyenne pour le climat, je trouve anormal qu'elle ne rende des comptes qu'au seul Président de la République. Il serait bon à mon sens qu'elle soit aussi connectée au Parlement, avec lequel pourrait s'instaurer un dialogue.
Je voudrais également vous interroger sur EDF car je suis opposé au projet « Hercule » et au démantèlement de cette entreprise publique. Si ce projet va à son terme, allez-vous passer devant le Parlement ? Nous n'aurons pas la même politique énergétique si nous disposons d'une entreprise publique sur laquelle on peut agir ou si tout le secteur de l'énergie est désormais privatisé. La restructuration d'Engie le montre ; vous allez vendre petit bout par petit bout, notamment au groupe Total. Comment envisager une politique énergétique ambitieuse sans le levier d'une entreprise publique ?
Quel sera l'avenir des concessions des 150 barrages hydroélectriques ? Que fera-t-on à propos de l'ARENH - car je rappelle que beaucoup d'entreprises privées se sont retirées du système à la faveur de la crise après en avoir bénéficié pendant dix ans au détriment d'EDF ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Ma première question concerne les risques technologiques. À la suite de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, votre prédécesseur Élisabeth Borne avait indiqué qu'elle voulait doubler le nombre de contrôles des installations classées. Or je constate que le budget des risques technologiques est en baisse et que vous annoncez seulement 50 postes d'inspecteurs supplémentaires, ce qui, même en améliorant la productivité des contrôles, me semble très insuffisant pour pouvoir les doubler - je rappelle qu'il existe actuellement 1 600 postes. Au motif de la simplification, il y a de moins en moins de rigueur dans toute une série de documents transmis par les entreprises.
L'État a besoin d'expertise de haut niveau afin d'assurer la transition écologique dans l'ensemble de ses agences. Il est cependant prévu des suppressions d'emplois, ce qui conduit soit à une diminution des missions, soit à un recours à la sous-traitance. Ne croyez-vous pas qu'il faille au contraire renforcer ou au moins stabiliser les postes dans ces agences ?
Mme Micheline Jacques . - En ce moment précis, la Guadeloupe est victime de très fortes inondations. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un sujet purement budgétaire, pouvez-vous nous indiquer où en est le projet de loi relatif aux risques naturels majeurs outre-mer qui avait été annoncé ? Fort heureusement, la saison cyclonique caribéenne s'achève sans phénomène majeur mais il convient d'anticiper.
Je partage l'idée que l'environnement est un vecteur de relance économique. Aussi, comment pensez-vous encourager et accompagner les entreprises de valorisation des déchets ? Je pense notamment à la problématique des véhicules hors d'usage (VHU) et celle du traitement des batteries de stockage électrique.
Mme Patricia Schillinger . - Je voudrais d'abord revenir sur la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale qui prévoit une compensation d'un tiers du fonds national de garantie individuelle des ressources FNGIR : c'est un pas intéressant mais qui reste très insuffisant. Sur le terrain, il existe une grande inquiétude de la part des élus. Un soutien supplémentaire en matière fiscale serait nécessaire à destination des collectivités, afin d'apaiser leurs relations avec l'État et de leur permettre de jouer pleinement leur rôle dans la reconversion sur ce territoire, faute de quoi elles ne seraient pas en mesure d'accompagner efficacement l'après-Fessenheim. Il serait intéressant aussi de revenir sur le terrain, car nous avons l'impression d'un vide avec un besoin de gens formés pour le démantèlement, ce qui suppose peut-être un travail de formation en lien avec les universités.
En ce qui concerne la question des risques chimiques et de la dépollution, qui relèvent du programme 181, notre pays possède d'énormes friches et des charges orphelines héritées de l'activité d'entreprises de la chimie aujourd'hui disparues qui polluent l'environnement et particulièrement la nappe phréatique. Nous avons, dans le Haut-Rhin; la plus grande nappe phréatique d'Europe et des communes, telles que Wintzenheim, qui sont très touchées par la problématique du déstockage liée à la pollution au lindane. Qu'est-il envisagé dans ce domaine ? Des crédits au titre de 2021 sont-ils prévus afin de renforcer les mesures de protection et mener des dépollutions de sites par déstockage du lindane ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian . - Le plan de relance semble très prometteur pour le développement de la filière hydrogène française et annonce un investissement de 2 milliards d'euros. Il témoigne d'une meilleure appréhension du lien entre cette source d'énergie et l'urgence écologique. Aujourd'hui en France, tous les maillons de la chaîne de production d'hydrogène sont présents sur le territoire, mais la filière déplore un manque d'adhésion, notamment dans le domaine de l'automobile. Ceci est d'autant plus vrai que le gouvernement s'est fixé l'an dernier l'objectif de compter un million de véhicules électriques et hybrides rechargeables en France d'ici 2022, soit cinq fois plus qu'actuellement. Alors que la Chine a décidé de tout miser sur l'hydrogène, comment envisagez-vous de concilier la promotion de l'hydrogène avec la promotion de l'énergie électrique ?
Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. - Merci pour vos nombreuses et pertinentes questions.
Sur les graisses de flottation, j'ai très peu d'éléments et reviendrai vers vous afin de vous apporter une réponse plus précise. Je vous confirme néanmoins que lorsqu'il y a des mélanges entre différents carburants, on ne peut pas appliquer d'allégement de la TICPE, lequel est vraiment fléché vers les biocarburants. La définition des biocarburants a d'ailleurs été revue par des amendements à l'Assemblée nationale, portant notamment sur l'huile de palme et le soja. Le sujet que vous évoquez m'intéresse moi-même car il présente un intérêt en termes d'économie circulaire : autant récupérer et utiliser ces ressources que de les gaspiller !
Si le projet « Hercule », consistant en la réorganisation d'EDF, aboutit, je vous confirme que, bien évidemment, il nécessitera une loi et donnera donc lieu à un débat au Parlement. Pour mettre en oeuvre la PPE, le gouvernement a demandé à EDF de continuer à jouer un rôle central dans la transition écologique du pays avec, d'une part, la poursuite de l'exploitation du parc nucléaire existant au niveau prévu par la PPE et, d'autre part, un développement massif des énergies renouvelables, du stockage et des réseaux intelligents. Ces moyens nous permettront de produire une électricité qui est déjà aujourd'hui décarbonée et qui le sera totalement d'ici 2050.
La priorité du Gouvernement, c'est que l'entreprise dispose de capacités d'investissement accrues pour participer à la transition énergétique dans ses différentes composantes. Dans cette perspective, le Gouvernement a demandé au Président-directeur général d'EDF de lui formuler des propositions relatives à l'organisation du groupe afin de permettre à ce dernier de dégager les ressources nécessaires pour répondre au défi des investissements massifs qui s'annoncent. Quel que soit le choix fait, qu'il s'agisse donc de la continuité avec de nouveaux réacteurs nucléaires ou d'une stratégie de baisse progressive de la part du nucléaire pour arriver à une énergie totalement renouvelable en 2050, des investissements lourds seront dans tous les cas nécessaires.
Le projet d'EDF devra maintenir une entreprise intégrée et publique. La direction prépare ses propositions en associant le corps social de l'entreprise. Les effets de la crise renforcent le besoin pour EDF de dégager des ressources pour répondre au défi de la transition. La réorganisation du groupe permettra aussi de donner à l'entreprise les moyens de jouer un rôle central dans la transition énergétique du pays.
Par ailleurs, le Gouvernement travaille en parallèle
sur une nouvelle régulation du parc existant pour protéger le
consommateur des hausses de prix sur les marchés de
l'électricité - c'est le sujet de la réforme de
l'ARENH - et pour assurer le financement du parc nucléaire existant
en cohérence avec les objectifs de la PPE. Des échanges ont
été engagés sur une nouvelle régulation du
nucléaire, en même temps que la question de l'ARENH. La
proposition de réorganisation du groupe EDF devra prendre en compte les
éléments de la négociation, qui est aujourd'hui encore en
cours. Les sujets de l'ARENH
- mais aussi des concessions
hydroélectriques - sont totalement corrélés à
cette réorganisation.
Sur le dispositif de l'ARENH, en l'absence d'une régulation adéquate, le consommateur français est directement exposé à un prix de marché essentiellement déterminé par le prix des énergies fossiles. Cela ne reflète pas la spécificité de l'approvisionnement en électricité de la France. Pour réussir les politiques de transition énergétique, le consommateur français doit pouvoir, sans renoncer au libre choix de son offre de fourniture, compter sur des prix stables et maîtrisés. À cet effet, le Gouvernement envisage de mettre en place une nouvelle régulation du parc nucléaire existant, qui permette de garantir une protection des consommateurs contre les hausses de prix dans la durée, en les faisant bénéficier de l'avantage compétitif lié à l'investissement sur le parc nucléaire existant, qui a coûté cher au contribuable français. Il s'agit aussi de garantir la capacité financière d'EDF pour assurer la pérennité économique de l'outil de production et répondre aux besoins de la PPE. Les négociations se poursuivent avec l'objectif d'aboutir le plus rapidement possible ; il faut aller vite puisqu'une loi sera nécessaire dans cette hypothèse.
La question du relèvement du plafond de l'ARENH se posera en fonction de l'issue des négociations. Un accord de la Commission européenne est nécessaire. En effet, il existe un risque de mettre en péril l'ensemble du dispositif ARENH en cas de décision unilatérale de la France de modifier le volume d'ARENH contre l'avis de la Commission. L'ARENH protège les consommateurs et continue de couvrir une part substantielle de leur approvisionnement à un prix maintenu à 42 euros par mégawattheure, très inférieur au prix de marché actuel. Je ne peux pas en dire plus pour l'instant car nous sommes en train d'achever les négociations.
Pour répondre à la question qui portait sur la construction des réacteurs EPR et l'arrêt du nucléaire, le Gouvernement n'a pas pris de décision sur le sujet. Ce qui se passera après 2035 appartient aux citoyens de ce pays soit par le biais de leurs représentants, soit par d'autres biais, mais il ne s'agira pas d'une décision unilatérale. La PPE fixe aujourd'hui un objectif de 50 % de nucléaire en 2035 dans le mix électrique. Pour ce qui se passe après 2035, le rôle du Gouvernement et le mien en tant que ministre chargée de l'énergie, consiste à faire en sorte qu'il puisse y avoir plusieurs options - renseignées et réalisables - sur la table, dont la faisabilité technique et le coût soient connus. Le choix lui-même de la poursuite ou de l'arrêt du nucléaire appartiendra aux citoyens français. C'est en tout cas ma vision des choses, et celle partagée par le Gouvernement. Cette décision se prendra lors du prochain quinquennat. Ce qui m'importe, c'est que les citoyens français disposent de tous les éléments. Voilà ce sur quoi je me suis engagée, avec l'accord du Président de la République.
Nous pensons que la PPE est un élément absolument majeur. La présidente a soulevé tout à l'heure l'hypothèse d'avoir recours à du charbon importé cet hiver. Si nous en sommes là, c'est bien évidemment à cause de la crise du Covid-19 qui a empêché que les opérations de maintenance sur les réacteurs nucléaires aient pu être menées à l'époque où elles étaient prévues, c'est-à-dire à des moments où le besoin d'électricité est moins important. Ce décalage des opérations de maintenance a conduit à l'arrêt d'une vingtaine de réacteurs, soit bien plus que d'habitude. Avec les visites décennales, ce décalage explique l'inquiétude sur le passage de l'hiver.
Je constate que 75 % de notre électricité est produite à partir du nucléaire : quand il y a un raté sur le nucléaire, on en subit les conséquences. C'est la raison pour laquelle il faut diversifier notre mix électrique, afin d'être moins à la merci de ce genre d'aléas en pouvant faire appel à d'autres types de production d'énergie. C'est pour cela que la PPE est responsable pour l'avenir.
Le passage de l'hiver est également marqué par des « pointes » de consommation électrique. Pourquoi ? Car, pendant des années, nous avons négligé un aspect essentiel de notre politique énergétique : la baisse de la consommation d'énergie. Nous avons trop longtemps gaspillé et profité d'une électricité décarbonée peu chère, ce qui nous a conduits à ne pas faire suffisamment attention à réduire nos besoins en énergie. Au moment de la « pointe », nous rencontrons une très forte consommation d'électricité, d'où une obligation d'effectuer une régulation. Le Gouvernement tient compte de cette question dans le cadre du plan de relance, en investissant fortement dans le bâtiment afin d'éviter ces « pointes » qui résultent d'un gaspillage d'électricité.
Il s'agit d'une politique pensée et rationnelle qui vise à avoir moins besoin d'électricité et à diversifier sa production, car nous savons que la demande peut avoir tendance à augmenter - avec, par exemple, une électrification des usages dans la mobilité. C'est un travail de fond, essentiel, que nous menons sur ce point.
Pour poursuivre ma réponse sur le projet « Hercule » et les négociations en cours, la volonté politique que nous avons vise à conserver et valoriser notre parc hydroélectrique, avec des concessions qui soient gérées par la France. Vous pouvez compter sur ma pugnacité et celle du Gouvernement pour essayer de sortir par le haut sur ces questions.
J'en viens à une question un peu moins technique. Les membres de la Convention citoyenne pour le climat n'ont en aucun cas de comptes à rendre uniquement au Président de la République. Ils ont été auditionnés à l'Assemblée nationale et également au Sénat il me semble. Cela dit, le Parlement n'a pas missionné la Convention citoyenne pour le climat et l'initiative revient bien au Président de la République. Si le Parlement l'avait souhaité, rien ne l'empêchait d'ailleurs de le faire.
Sur la question de l'hydrogène et des ressources en eau, notamment de l'industrie, c'est une question absolument essentielle. Nos besoins en eau vont se multiplier ; l'hydrogène par électrolyse demande effectivement de l'eau qui sera ensuite réémise lors de la consommation d'hydrogène. Nous avons des projets de pré-déploiement qui ont été soutenus par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). La ressource en eau va devoir être partagée entre les citoyens, l'industrie, l'agriculture - qui est une forte consommatrice - et tous les projets d'avenir. Malheureusement, la ressource en eau risque d'être de plus en plus rare, notamment dans certaines régions de la France, le réchauffement climatique entraînant des phases de sécheresse et de canicule.
Face à cela, l'anticipation est nécessaire et un travail est réalisé dans le cadre des agences de l'eau autour des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), qui constituent les meilleures manières de résoudre ces questions, en réunissant tous les acteurs des territoires autour de la table pour essayer de trouver des solutions au cas par cas. Les problématiques n'étant pas les mêmes d'un département à l'autre, la mise en place des PTGE doit permettre d'éviter de rencontrer des tensions très fortes sur l'approvisionnement. Dans certains territoires, nous observons déjà des conflits qui se multiplient, notamment s'agissant des bassines. Cette question existe et doit être résolue, ensemble et par le bas.
Concernant le photovoltaïque, l'assiette s'élève à 750 millions d'euros. A priori la révision à la baisse du soutien à certains parcs solaires rapportera de l'ordre de 300 à 400 millions d'euros. En l'absence de cette mesure, le coût serait chiffré à 2 milliards d'euros par an et donc 20 milliards d'euros sur dix ans. Pour répondre à une observation faite sur une remise en cause de la parole de l'État, je rappelle que les contrats qui sont visés aujourd'hui sont illégaux au regard du droit européen, puisqu'ils n'ont pas été validés par la Commission européenne au titre des aides d'État. Les gros porteurs de projets visés par la mesure du Gouvernement, à savoir des professionnels et des investisseurs avertis, ne pouvaient pas ignorer cette situation lorsqu'ils ont signé des contrats. Ils ont donc accepté de financer des projets risqués en connaissance de cause, au regard d'une rémunération qui était très attractive. Le Conseil d'État a par ailleurs confirmé, lors de l'examen de la disposition, que les rémunérations excessives étaient contraires à l'intérêt général et que l'État pouvait modifier les contrats en conséquence. Je souhaitais vous apporter cette précision.
Le FPRNM, aussi appelé fonds Barnier, a été réintégré dans le budget de l'État, de la même manière que le CAS Transition énergétique. C'est une évolution qui permettra au Parlement de se prononcer sur les dépenses effectuées par le fond. En effet, à l'heure actuelle l'autorisation porte seulement sur les recettes qui sont affectées, le regard sur leur utilisation effective étant jusqu'à présent permis par le jaune budgétaire FPRNM. Alors que les ressources affectées au fonds étaient plafonnées à 131 millions d'euros par an, le Gouvernement porte les moyens du fonds à 205 millions d'euros par an, soit une augmentation de 56 % conformément aux engagements pris lors du Conseil de défense écologique de février dernier. Cette évolution préserve la gouvernance, en particulier avec les collectivités bénéficiaires, et le respect des engagements financiers antérieurs de l'État.
Sur l'ensemble du territoire, on dénombre 500 000 installations classées et 1 300 sites Seveso ; 26 900 installations classées sont soumises à autorisation et 16 200 à enregistrement. L'inspection des installations classées comporte 1 290 agents en équivalent temps plein (ETP) sur le budget du ministère, au sein des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), ainsi que 200 ETP portés par le ministère de l'agriculture dans les directions départementales de la protection des populations (DDPP). Au regard de la charge croissante de ces missions, le nombre de contrôles annuels a été divisé par deux en une dizaine d'années.
Un plan stratégique a été mis en place pour reconquérir la moitié de cette baisse d'ici 2022 - pas la totalité car il faut un peu de temps. Il s'appuie sur plusieurs outils : la transformation numérique, l'adaptation des postures et des organisations et des simplifications administratives. En 2019, le premier volet de ce plan stratégique a permis d'atteindre le chiffre de 19 700 inspections réalisées, soit une hausse de 8 % par rapport à 2018. L'accident de Lubrizol a confirmé la nécessité de ces contrôles accrus sur le terrain, y compris pour lancer une campagne complémentaire de recherche de sites industriels non connus de l'administration dans le voisinage de sites Seveso qui pourraient être à l'origine d'un effet domino. C'est l'un des grands enseignements de cet accident.
Comme vous l'avez indiqué, j'ai décidé de renforcer l'inspection des installations classées en dégageant 30 postes d'inspecteurs supplémentaires en 2021 et 20 en 2022. Sur le modèle de ce qui existe en matière de nucléaire, un système de vigilance renforcée va être mis en place pour cibler des sites sur lesquels des problèmes ont été identifiés. Les industriels seront tenus de nous informer des efforts réalisés pour répondre aux carences relevées.
S'agissant des trains à hydrogène, l'État a lancé un appel à manifestation d'intérêt (AMI) sur la mobilité hydrogène dans le secteur ferroviaire pour développer une nouvelle offre via des expérimentations de l'ensemble du système hydrogène. 22 millions d'euros ont été alloués et 4 régions (Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes) ont été retenues. Par ailleurs, un soutien supplémentaire a été confirmé en octobre aux régions, avec 4 millions d'euros par région partie prenante pour aider à la mise en place des infrastructures, soit 16 millions d'euros au total. Deux appels à projets ont été publiés le 15 octobre 2020 dans le cadre de la stratégie hydrogène, sur l'une des briques technologiques et des démonstrateurs. Ces appels à projets sont respectivement ouverts jusqu'au 31 décembre 2022 et 17 décembre 2020. Les projets de transports sont éligibles à ces deux appels à projets. J'ai retenu votre invitation sur McPhy - nous nourrissons de grands espoirs pour cette entreprise - et votre question sur les arrêts de train - nous devons regarder, territoire par territoire, là où des dessertes plus fines sont nécessaires.
Je voudrais revenir sur le cas particulier de la pollution au lindane à Wintzenheim. Depuis la liquidation judiciaire de la société de pesticides Produits Chimiques Ugine Kuhlmann (PCUK) en 1997, il y a eu des travaux nécessaires au confinement des déchets issus de l'activité, dont ceux stockés à Wintzenheim. Les derniers travaux ont été menés en 2010 pour apposer une couche de géotextile qui permet d'éviter toute pollution par l'infiltration des eaux de pluie. Par ailleurs, l'Ademe effectue une surveillance régulière de l'état des eaux souterraines autour de ce site. En prenant en compte les résultats de surveillance entre 2000 et 2016, le panache de pollution est aujourd'hui considéré comme stable. Toutefois, ce n'est évidemment pas satisfaisant. Le préfet a saisi mon ministère en 2018 pour la réalisation d'une nouvelle surveillance quadriennale, ainsi que le préconisait l'Ademe. Il s'agit d'une amélioration du réseau de surveillance des eaux souterraines en aval hydraulique immédiat du site afin de mieux cerner les origines possibles des contaminations. Mon ministère a donné son accord pour effectuer ces travaux, qui sont chiffrés à 208 000 euros.
Concernant le projet de loi sur les risques naturels majeurs dans les Outre-mer, le calendrier parlementaire est très chargé et nous essayons de trouver un véhicule législatif afin d'intégrer ces mesures pour qu'elles puissent s'appliquer le plus vite possible. Il est notamment envisagé de placer ces dispositions dans le projet de loi « 3D », mais à ce stade et comme pour la réforme du code minier rien n'est définitif.
Mme Sophie Primas , présidente . - Merci beaucoup, madame la ministre, d'avoir pris le temps de répondre à ces nombreuses questions, qui ont permis un tour d'horizon important pour notre commission. Nous aurons l'occasion d'avoir des débats en séance très prochainement à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.
Examen en commission
(Mardi 24 novembre 2020)
Réunie le mardi 24 novembre 2020, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Daniel Gremillet sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2021.
Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, je tiens à saluer notre collègue Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie », qui va nous présenter les conclusions très attendues de son avis budgétaire.
M. Daniel Gremillet , rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » . - Madame la Présidente, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2021 intervient dans un contexte très particulier : un an après l'entrée en vigueur de la loi « Énergie-Climat », qui a fixé nos objectifs énergétiques et climatiques ; huit mois après le début d'une pandémie dont les effets n'ont pas fini d'être ressentis sur notre économie, et singulièrement sur le secteur de l'énergie.
Ce contexte génère beaucoup d'inquiétudes quant à la capacité des États parties à l'Accord de Paris, dont la France fut l'hôte, à maintenir le cap de la « neutralité carbone ». Pire, dans nos territoires, les collectivités territoriales, les acteurs économiques mais aussi les ménages, ne disposent plus toujours des ressources concrètes à la hauteur de cette ardente ambition.
Notre politique de transition énergétique est donc entrée dans une véritable zone de turbulences.
Pour autant, je veux le dire très clairement ici : oui, en matière de transition énergétique, les résultats obtenus sont en-deçà des discours affichés ; non, l'ambition fixée par la loi « Énergie-Climat », ainsi que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui en découle, n'est pas devenue inatteignable ou caduque.
Pour la réaliser, le Gouvernement doit mettre des moyens financiers et administratifs en regard des objectifs énergétiques et climatiques adoptés par le législateur : il doit faire mieux en faveur de la transition énergétique ! Je dis mieux et pas forcément plus car les crédits « Énergie » sont bien là cette année, même si leur réévaluation est bien tardive et mal calibrée.
Les crédits « Énergie » de la mission Écologie dont nous sommes saisis s'élèvent à 12,1 milliards d'euros pour 2021.
Ils sont complétés par la mission Relance : sur 110 milliards d'euros, un dixième, sont, dans ce cadre, alloués à la transition énergétique.
Si cet effort mérite d'être salué, il doit d'emblée être relativisé.
En effet, la moitié des crédits « Énergie » ne présentent une apparence haussière que grâce à des redéploiements de crédits ; à périmètre constant, ils sont en baisse de plus d'un milliard d'euros !
Plus spécifiquement, ces crédits sont caractérisés par :
- la suppression du compte d'affectation spéciale Transition énergétique (CAS TE) ;
- une forte diminution du programme 174 Énergie, climat, après-mines (- 15 %) et du programme 345 Service public de l'énergie (- 5 %) ;
- la stabilité du compte d'affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (CAS FACÉ).
Plus substantiellement, ces crédits présentent trois difficultés.
Premier domaine : le soutien aux énergies renouvelables (EnR).
Sur ce sujet, je déplore vivement la suppression du CAS TE, dès le 1 er janvier prochain, car ce compte constitue de très loin le premier dispositif de financement des EnR : ce sont en effet 6,3 Mds d'euros, financés par des taxes énergétiques affectées, qui leur sont ainsi attribués.
À l'évidence, ce compte apporte de la visibilité et de la sécurité aux porteurs de projets d'EnR, en sanctuarisant les moyens dont ils disposent. Il favorise, de surcroît, l'acceptation de la fiscalité énergétique, en identifiant clairement son utilisation aux yeux des contribuables.
Une autre difficulté tient à la révision des contrats d'achat conclus par certaines installations photovoltaïques de plus de 250 kilowatts, qui a été introduite par un amendement du Gouvernement n'ayant fait l'objet d'aucune évaluation ou concertation : 800 installations seraient concernées !
Cette disposition soulève de très lourdes difficultés :
- En intervenant à titre rétroactif, elle érode la confiance des acteurs économiques en la parole de l'État et remet en cause les hypothèses sur lesquelles ils se sont fondés pour développer leurs activités et contracter des emprunts : disons-le tout net, plus personne ne se risquera à lancer de tels projets, en faveur de la transition énergétique dans nos territoires, si le soutien qui leur est apporté par l'État fluctue désormais au gré des projets de loi de finances ;
- En induisant une différence de traitement selon la date de conclusion du contrat, la puissance de l'installation mais aussi entre les différentes filières d'EnR, cette disposition sera assurément l'objet de contentieux ;
- On ne voit pas bien ce qui pousse le Gouvernement à réviser aussi tardivement des contrats d'achat qui ont été conclus il y a maintenant 10 ans ;
- Enfin, si la ministre a indiqué espérer 2 Mds d'euros d'économies, cette somme renvoie en réalité, non au coût des installations concernées, mais à celui de l'ensemble de la filière photovoltaïque avant 2011 !
La dernière difficulté concerne l'évolution des charges de service public de l'énergie (CSPE), qui sont au fondement des dispositifs de soutien public aux EnR, si la crise du Covid-19 devait perdurer et les prix des énergies diminuer.
En effet, plus le prix de l'électricité est faible, plus le niveau de ces charges est élevé ; selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), la baisse de ce prix liée à la crise du Covid-19 a ainsi renchéri ces charges d'un milliard d'euros pour 2020 !
Pour le reste, les dépenses de soutien aux EnR, désormais intégrées au budget général, connaissent des évolutions contrastées : + 120 % pour le biogaz, ce dont je me réjouis car cette filière est utile aux agriculteurs dès lors que l'on concilie bien tous les usages, mais - 85 % pour les effacements de consommation - ce qui m'inquiète car nous en aurons vraiment besoin pour garantir la sécurité d'approvisionnement cet hiver !
Enfin, si les dépenses de soutien du Fonds chaleur sont maintenues à 350 millions d'euros, elles se heurtent à des difficultés de mise en oeuvre dues aux effectifs de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Deuxième domaine : la rénovation énergétique.
Le 1 er janvier 2021, le crédit d'impôt pour la transition énergétique sera supprimé au profit de Ma Prime Rénov', dont je salue l'ouverture à tous les ménages et aux propriétaires bailleurs - notre commission a suffisamment bataillé lors des derniers exercices budgétaires pour s'en féliciter aujourd'hui !
Seuls deux crédits d'impôt très spécifiques subsistent à la suppression du CITE : pour les bornes de recharge électriques et pour la rénovation énergétique des PME.
Cette situation n'est pas satisfaisante : en effet, les crédits alloués à Ma Prime Renov' pour 2021 sont inférieurs de 15 % à ceux du CITE pour 2018 !
Surtout, Ma Prime Rénov' connaît des difficultés de gestion par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) : 65 000 dispositifs ont en effet été attribués en 2020, contre un objectif de 200 000.
Il en est de même du chèque énergie, qui n'est utilisé que dans 0,02 % des cas pour le financement des travaux de rénovation énergétique !
Troisième domaine : la mobilité propre.
Là aussi, le constat est mitigé : si la prime à la conversion et le bonus automobile ont été réévalués en 2020, leur niveau diminue de 17 % dès 2021 !
Cela s'explique par l'instabilité normative de ces dispositifs, la prime à la conversion n'ayant été prolongée que jusqu'au 1 er juillet prochain.
Cela nuit à leur déploiement : seules 50 000 primes à la conversion ont ainsi été attribuées en 2020, contre un objectif de 250 000.
Les crédits « Énergie » de la mission Relance sont-ils plus satisfaisants ? Pas vraiment.
Tout d'abord, les financements croisés entre la mission Écologie et la mission Relance , ainsi que la juxtaposition de deux ministres responsables, rendent l'ensemble totalement illisible et augurent de lourdes difficultés de gestion.
Les objectifs et indicateurs de performance ne sont parfois pas les mêmes !
Sur le fond, plusieurs problèmes m'ont été signalés :
- Les crédits attribuées à la rénovation énergétique manquent de visibilité car ils ne sont programmés que jusqu'en 2022 ;
- Par ailleurs, il existe une ambiguïté quant aux projets d'hydrogène susceptibles de faire l'objet d'un soutien selon leur source d'énergie - nucléaire ou renouvelable - ; la CRE a appelé à n'effectuer aucune distinction : je partage totalement ce point de vue ;
- De son côté, l'énergie nucléaire ne bénéficie que de 200 millions d'euros sur un total de 110 milliards, alors qu'elle représente les trois quarts de notre mix ;
- Enfin, les EnR sont les grandes oubliées du Plan de relance, à commencer par l'hydroélectricité, les biocarburants et le biogaz.
Si les crédits « Énergie » des missions Écologie et Relance sont en définitive décevants, y a-t-il des progrès cette année en matière de fiscalité énergétique ? Assurément, non.
En premier lieu, ces prélèvements augmentent de 5,1 Mds d'euros.
Loin du gel annoncé en 2018, les taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques, le gaz naturel et l'électricité progressent à un niveau bien supérieur à leur croissance spontanée.
Parmi ces évolutions, celle relative de l'électricité est la plus inquiétante ; en effet, le PLF pour 2021 prévoit que la TICFE intègre les taxes sur l'électricité communale et départementale.
Cette évolution pose un risque de hausse de la taxation de l'électricité et d'érosion de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
En second lieu, les incitations fiscales diminuent de 1,7 milliard d'euros, avec notamment la suppression : depuis cette année, du remboursement de TICPE pour les transporteurs routiers ; au 1 er janvier, de l'exonération de TICGN sur le bio-méthane injecté dans les réseaux ; au 1 er juillet, du tarif réduit de TICPE sur les carburants « sous conditions d'emploi » .
Au total, la fiscalité énergétique bénéficie toujours plus à l'État, dont les recettes issues de la TICPE doublent, sous l'effet de la suppression du CAS TE.
Dans ce contexte, il me paraît crucial que notre commission modifie substantiellement les dispositions du PLF pour 2021 relatives à l'énergie.
Pour ce qui concerne la première partie, j'ai présenté plusieurs amendements, à titre personnel, largement cosignés par les membres de notre commission : je suis heureux que nous ayons obtenu satisfaction sur la fiscalité, notamment énergétique, appliquée aux carburants « sous conditions d'emploi », aux transporteurs routiers, aux biocarburants, au biogaz, aux batteries ou encore aux bornes de recharge électriques.
S'agissant de la seconde partie, je veux soumettre à notre commission plusieurs propositions d'amendement.
Le premier (AFFECO.1) tend à supprimer la révision des contrats d'achat des installations photovoltaïques pour les raisons que j'ai indiquées.
Le deuxième amendement (AFFECO.2) vise à abonder de 100 millions d'euros les crédits attribués au chèque énergie, pour permettre aux ménages de financer leurs dépenses de rénovation énergétique ; il est d'autant plus justifié que la crise du Covid-19 augmente le risque de précarité énergétique et rend urgente une régulation de la consommation d'énergie, pour surmonter la « pointe » de consommation à venir.
Le troisième amendement (AFFECO.3) tend à porter à 50 millions d'euros les crédits attribués à la revitalisation des territoires touchés par les fermetures de certaines centrales, qui ont baissé de 83 % cette année.
Cette évolution est incompréhensible, alors que nos territoires vont être très durement affectés par la fermeture de 4 centrales à charbon d'ici 2022 et de 14 réacteurs nucléaires d'ici 2035. Je vous rappelle que ces territoires n'ont pas demandé ces fermetures et vont en subir les conséquences ! Il est donc nécessaire d'anticiper ces fermetures et d'accompagner ces territoires.
Les derniers amendements (AFFECO. 4 et AFFECO.5) tendent à créer deux fonds d'urgence pour soutenir, dans la crise du Covid-19, les fournisseurs d'énergie - pour 20 millions d'euros - et les stations-service - pour 10 millions d'euros.
Les premiers sont confrontés à une hausse des impayés de facturation, due au report du paiement des factures des micro-entreprises et de la « trêve hivernale », en application de la loi d'urgence du 27 juin 2020.
Les seconds sont affectés par la baisse des ventes de carburants, liée aux mesures successives de confinement.
Ces amendements permettraient d'aider les plus petits fournisseurs d'énergie, tels que les entreprises locales de distribution (ELD), ainsi que les stations-service rurales du réseau routier secondaire. Ils sont également utiles en termes d'aménagement du territoire.
En définitive, même si les crédits « Énergie » qui nous sont soumis ne sont pas pleinement satisfaisants, je propose à notre commission d'émettre un avis favorable, sous réserve de l'adoption des amendements précités.
Certaines priorités de ce budget sont bonnes et j'observe que notre commission les a portées depuis longtemps : je pense à la rénovation énergétique, à l'hydrogène, à la mobilité propre !
Sur la rénovation énergétique, je veux rappeler tout le travail conduit au Sénat, lors de l'examen de la loi « Énergie-Climat », ou encore avec nos anciens collègues Roland Courteau et Daniel Dubois, dans le cadre de notre plan de relance en juin.
Pour ce qui est de l'hydrogène, c'est un dossier hautement stratégique pour l'indépendance énergétique de notre pays.
Je crois, au total, que l'urgence générée par la relance économique et les changements climatiques impose de modifier, de compléter, ces dispositifs fiscaux et budgétaires, plutôt que de les rejeter d'un bloc.
C'est tout l'enjeu des amendements de première et de seconde partie que j'ai proposés.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je remercie vivement notre collègue Daniel Gremillet de son avis budgétaire, sur ce sujet important pour le budget de l'État et notre commission.
Je passe la parole à Jean-Claude Tissot, Fabien Gay et Franck Montaugé.
M. Jean-Claude Tissot . - Je souhaiterais évoquer quelques éléments sur les crédits de cette mission.
Malgré une augmentation des moyens alloués, le dispositif Ma Prime Renov' ne répond pas à l'ampleur des travaux de rénovation thermique. Dans ce projet de budget, il est doté de 740 millions d'euros. Nous devons poser la question suivante : les crédits proposés sont-ils réellement à la hauteur des objectifs fixés ? Pour mettre fin aux passoires thermiques le plus rapidement possible, et atteindre l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050, des crédits plus ambitieux doivent être déployés, l'objectif de rénovation étant de 750 000 logements par an !
Face à la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons, l'enjeu de la revalorisation du chèque énergie aurait dû être examiné en amont et mieux pris en compte par le Gouvernement. Ce chèque a été institué par la loi relative à la « Transition énergétique pour la croissance verte », afin d'aider les personnes en difficulté à payer les factures énergétiques de leurs logements. Or le montant du chèque énergie est de 200 euros par ménage environ. Ainsi, il ne sert qu'à régler une partie des factures d'énergie alors que ces factures constituent une dépense captive, de l'ordre de 10 % du budget des ménages ... bien loin donc du niveau de 200 euros accordés !
Les personnes en situation de précarité sont les premières affectées, économiquement et humainement, par la pandémie de Covid-19. À cause de la crise sanitaire, le nombre de ménages en grande difficulté ne fait qu'augmenter. La hausse annoncée des crédits semble bien insuffisante pour couvrir ces besoins croissants et soutenir les Français les plus touchés.
Comme lors des précédents projets de loi de finances, nous ne pouvons que constater la diminution des crédits destinés à la gestion économique et sociale de l'après-mines, ces baisses atteignant directement les retraités des mines fermées et leurs ayants droits. Certes, le nombre de bénéficiaires diminue mais la coupe budgétaire de cette année est particulièrement importante et va certainement se traduire par une réduction des prestations versées. Comment le Gouvernement peut-il justifier un tel abandon des mineurs à la retraite et de leurs ayants droits ?
Dans le même ordre d'idées, les crédits attribués à la revitalisation des territoires touchés par la transition énergétique semblent bien insuffisants. La transition énergétique exige des décisions de la part des pouvoirs publics, une planification sur le long terme, avec des mesures fortes d'accompagnement des secteurs concernés. Penser dès aujourd'hui le long terme peut aussi être une chance pour l'emploi et les territoires. C'est un sujet dont le Haut-Commissaire au Plan devrait s'emparer.
Pour conclure, ce budget s'avère insuffisant au regard des enjeux et de l'urgence de la transition énergétique de notre pays. Nous voterons donc contre les crédits « Énergie » de la mission Écologie, développement et mobilités durables .
M. Fabien Gay . - Je salue les conclusions du rapporteur pour avis ; mon intervention portera moins sur son avis budgétaire que sur la politique gouvernementale et nous voterons donc contre.
Beaucoup de sujets sont sur la table.
Sur la rénovation thermique des logements, je me remémore les propos tenus par notre collègue Dominique Estrosi Sasonne, la semaine dernière encore : si l'on en reste à un même niveau d'accompagnement, il faudra des années pour rénover les bâtiments les plus dégradés, de catégories F et G ; 140 ans pour l'application de la loi Élan ! Même si les crédits se chiffrent en milliards, ils n'atteignent pas le montant nécessaire. J'ai suivi, avec beaucoup d'attention, l'examen de la première partie du budget, et nous avons débattu hier de la question du logement. Nous ne serons pas à la hauteur des enjeux, malgré quelques amendements adoptés.
Sur le chèque énergie, il existe un débat. Nous pensons qu'il faut agir sur la TVA et les taxes, qui pèsent à hauteur de 30 à 40 % sur la facture d'électricité, notamment la contribution au service public de l'électricité (CSPE), créée à l'origine pour promouvoir les énergies renouvelables. Qui développe aujourd'hui ces énergies ? Le secteur privé ; elles sont une niche pour ce secteur. Tout cela est payé par le consommateur !
Au-delà des amendements examinés ou adoptés, le budget est également un moment de débat politique sur l'action gouvernementale. Dans le secteur de l'énergie, le Gouvernement est en train d'aller au bout de sa logique, pour démanteler l'entreprise publique EDF. Comment, dans ce contexte, amorcer la transition énergétique ? Le défi du XX e siècle était que tout le monde ait accès à l'électricité, ce qui demeure d'ailleurs d'actualité car 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique ! Mais le grand défi d'aujourd'hui est de disposer d'une énergie décarbonée, accessible à tous, et d'amorcer la transition énergétique, avec une place plus importante pour les énergies renouvelables. Quand tout aura été cédé au secteur privé, comment l'État pourra-t-il répondre à ce défi ?
Je suis contre le projet « Hercule », qui vise à démanteler EDF et à confier une grande partie de ses missions, notamment sur les énergies renouvelables, au secteur privé - avec une filiale cotée en bourse ! -, tout en faisant peser l'intégralité de la dette de l'entreprise sur le secteur public. Lors de son audition la semaine dernière, la ministre Barbara Pompili maîtrisait peu ce sujet. En réponse à ma question, elle a toutefois indiqué qu'il faudra en passer par une loi. Un projet de loi est donc dans les cartons pour finir de démanteler EDF, après l'avoir fait pour GDF devenu Engie !
Le rapporteur pour avis a évoqué les centrales à charbon. Avec mon groupe, nous avions voté l'arrêt des centrales à charbon, dans le cadre de la loi « Énergie-Climat », car c'est le sens de l'histoire. Nous l'avions dit aux salariés et syndicats majoritaires de ces entreprises. Mais nous avions mis deux conditions : la nécessité d'un sac à dos social, notamment pour les sous-traitants ; la prise en compte par l'État des conséquences de sa propre décision, sans renvoyer la balle aux collectivités territoriales.
Nous avions aussi relevé le risque de black-out en cas de fermeture de centrales à charbon avant 2022, notamment celle de Cordemais. Tant que l'EPR de Flamanville n'est pas en activité, ce risque existe. Le projet de transition énergétique de Cordemais, autour de la valorisation de pellets issus de la biomasse, fonctionne. J'y ai effectué une visite, il y a trois semaines. Pour autant, cette centrale ne bénéficie toujours pas de l'autorisation nécessaire du Gouvernement pour fonctionner. Réseau de transport d'électricité (RTE) a alerté sur un risque de black-out , qui ne résulte pas tant de la fermeture des réacteurs de Fessenheim que du report du Grand Carénage, induit par le confinement, et de l'arrêt de réacteurs cet été, dû à un stress hydrique. Les centrales à charbon ont donc tourné à plein régime, y compris cet été. Nous pourrons rencontrer une situation de black-out en 2022, notamment dans l'Ouest de la France, avec des coupures d'électricité pour 200 000 à 300 000 personnes. Nous pourrons recourir au délestage et à l'effacement, avec les entreprises, mais cela ne règlera pas tout.
Je souhaite vous alerter sur tous ces enjeux.
M. Franck Montaugé . - Je voudrais avoir des précisions sur les troisième, quatrième et cinquième amendements présentés par le rapporteur pour avis, étant entendu que nous serons favorables aux deux premiers.
Concernant la revitalisation des territoires, est-ce le bon vecteur ? Ces crédits sont-ils bien ceux à revaloriser pour répondre aux difficultés des territoires désindustrialisés ? C'est un sujet important qui nécessite une action particulière, bien dimensionnée, en concertation avec les élus locaux concernés. Nous sommes sceptiques et nous nous abstiendrons.
Sur les impayés de facturation, faut-il davantage aider les producteurs ou les consommateurs ? Un accompagnement des consommateurs serait aussi nécessaire. Nous nous abstiendrons également sur cet amendement.
Pour ce qui concerne les stations-service, le soutien envisagé par cet amendement, par ailleurs intéressant, concernera-t-il également les stations publiques mises en place par les collectivités territoriales ? Je connais plusieurs exemples, en milieu rural, sur mon territoire.
M. Daniel Gremillet , rapporteur pour avis . - Je propose un avis favorable sur les crédits « Énergie » de la mission Écologie uniquement sous réserve de l'adoption des amendements proposés. Si tel n'était pas le cas, il aurait effectivement un problème !
Sur la rénovation énergétique, je relève que 3,7 milliards d'euros du plan de relance sont alloués à la rénovation énergétique des bâtiments publics et 2 milliards au dispositif Ma Prime Rénov'. Je rappelle tout le combat que nous avons mené depuis l'an dernier avec de nombreux collègues de notre commission, notre présidente en tête, pour obtenir l'ouverture des dispositifs de soutien à l'ensemble des ménages, quel que soit leur décile. Nous avions alerté le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle je suis moins critique sur ce sujet que lors de la présentation de mon avis budgétaire de 2020. Un certain nombre de réponses ont été apportées aux exigences et aux questionnements formulés très précisément par le Sénat. Nous pouvons revendiquer ces avancées accomplies ! À l'automne 2021, nous devrons évaluer les moyens effectivement déployés et en tirer toutes les conséquences. Pour autant, je partage le fait que nous sommes encore loin des objectifs fixés. J'ai indiqué, dans mon intervention, qu'il existe un décalage entre ce qui est affiché et la réalité, s'agissant du nombre de bénéficiaires et des montants. Nous sommes bien loin du compte.
Pour ce qui concerne la précarité énergétique, cela fait partie des sujets de tout premier ordre. J'ai effectué beaucoup d'auditions et me suis rendu compte qu'en cas d'impayés de facturation, les fournisseurs acquittent malgré tout des taxes : c'est une double peine ! La précarité énergétique a des effets collatéraux assez importants.
S'agissant du projet « Hercule », il ne relève pas tellement de ce projet de loi finances. Je partage tout à fait ce qui a été dit sur les centrales à charbon. Nous avons trouvé au Sénat un consensus sur des exigences sociales, notamment à l'égard des sous-traitants, dans le cadre de la loi « Énergie-Climat ». Je partage aussi le besoin d'accompagnement des territoires. Je constate enfin que le Gouvernement a fermé des centrales à charbon sans aucune certitude sur des capacités de production énergétique de remplacement.
Effectivement, il faut espérer que l'hiver 2020-2021 ne soit pas trop rigoureux, sinon nous allons être en grande difficulté. Mais je veux aller plus loin et dire que le risque d'importer de l'électricité produite à partir du charbon est très élevé : cela serait le comble ! La crise du Covid-19 n'a pas permis de tenir le calendrier de la mise à niveau et de l'entretien des réacteurs nucléaires et certains ne seront pas en situation de fonctionner à une période où nous en aurions pourtant grand besoin. Cela montre la légèreté avec laquelle le volet nucléaire est abordé par le Gouvernement ; je vous rappelle que seuls 200 millions d'euros sont alloués à cette filière dans le cadre du plan de relance ! C'est dérisoire au regard des enjeux d'aujourd'hui et de demain.
Pour ce qui est des demandes de précisions sur les amendements, le troisième sera financé par des crédits de fonctionnement.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je remercie notre rapporteur pour avis et lui propose de nous présenter ses amendements pour examen par la commission.
M. Daniel Gremillet , rapporteur pour avis . - J'ai longuement envisagé de proposer un avis défavorable sur les crédits « Énergie » pour une unique raison, très simple : le fait que l'État revienne sur sa parole en matière d'installations photovoltaïques ! Dans cette période aussi complexe, comment envisager que des investisseurs puissent continuer à avoir confiance et à prendre des risques en faveur de la transition énergétique ? Si la disposition du Gouvernement était adoptée, nous ne serions tout simplement plus un pays innovant. Je rappelle que la filière photovoltaïque française n'existait pas il y a dix ans et que les profiessionnels visés aujourd'hui ont donc pris des risques ! C'est pourquoi le premier amendement consiste en la suppression de l'article 54 sexies .
Mme Micheline Jacques . - Je veux signaler que je suis très favorable à cet amendement car les professionnels nous ont alertés de ses conséquences dans les outre-mer. L'article du Gouvernement fait encourir un risque de pertes de 42 millions d'euros et d'un millier d'emplois, dans l'ensemble des territoires ultramarins.
M. Franck Menonville . - À mon tour, je souhaite indiquer que je suis très favorable à cet amendement car le contexte d'alors n'était pas si facile pour le photovoltaïque. Le coût et l'efficience des panneaux n'étaient pas le même qu'aujourd'hui. Surtout, je crois à un principe essentiel : le respect de la signature d'un engagement contractuel, sur lequel les investisseurs ont misé pour développer leurs projets. J'ai rencontré, dans mon département, des professionnels concernés. Ce que souhaite faire le Gouvernement est absolument inacceptable, d'autant qu'il s'agit d'une disposition adoptée au détour d'un amendement au projet de loi de finances à l'Assemblée nationale !
M. Franck Montaugé . - Nous sommes aussi très favorables à cet amendement. Nous avions envisagé de réserver les subventions à certaines catégories, par exemple aux agriculteurs, qui n'ont pas besoin de cela... et ont effectivement pris des risques. Je crois que l'argument développé par le rapporteur pour avis est très fort - je dirais fondamental : il s'agit du respect de la parole de l'État, nécessaire pour que ceux qui souhaitent prendre des risques puissent le fait en toute confiance et sérénité.
M. Jean-Claude Tissot . - Nous sommes effectivement très favorables car il s'agit d'un très mauvais signal donné à tous les projets qui sont en train d'émerger aujourd'hui. Certains agriculteurs voient ces projets comme une opportunité, un complément de rémunération par rapport aux cours agricoles, par ailleurs en baisse en ce moment. Si demain leur modèle économique est totalement bouleversé par la rupture de la parole donnée, ce ne sera même plus la peine d'essayer de développer des projets innovants dans le domaine des énergies renouvelables !
L'amendement AFFECO.1 est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur pour avis . - Le deuxième amendement vise à relever le montant des crédits alloués au chèque énergie pour deux raisons : la première, c'est que son niveau actuel est parfois inférieur à celui des taxes payées par les bénéficiaires, ce qui est tout de même incroyable ! ; la seconde, c'est qu'il n'est pas utilisé pour les travaux de rénovation énergétique, point sur lequel a beaucoup insisté le président du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE).
L'amendement AFFECO.2 est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur pour avis . - Le troisième amendement tend à répondre aux engagements pris par le Gouvernement, en matière d'accompagnement des fermetures de centrales, dans le cadre de l'examen de la loi « Énergie-Climat » - nous avions d'ailleurs dû beaucoup batailler en ce sens !
Il n'est pas concevable de constater aujourd'hui une diminution des crédits car les territoires concernés ne sont pas responsables des fermetures et doivent être accompagnés. Ces centrales ne sont pas fermées parce qu'il existerait un problème, un risque ou une incapacité à produire mais pour des raisons stratégiques, au bénéfice du climat. Il est donc absolument nécessaire que les populations concernées - mais aussi le personnel évoqué tout à l'heure - soient accompagnés.
Mme Sophie Primas , présidente . - J'ajouterais que, dans le cadre de l'examen du projet de loi Asap, nous avons observé une tentative, de la part du Gouvernement, de supprimer la Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (CNEF). Le Sénat a, au contraire, maintenu cette commission et conforté ses compétences ; c'est donc plutôt une bonne chose.
M. Franck Montaugé . - Nous mesurons tous la très grande importance de ce sujet. En tant que législateur, il mériterait que l'on dispose d'une véritable étude d'impact, site par site, afin de pouvoir prendre position, en toute connaissance de cause. Nous comprenons tout à fait le sens de cet amendement mais nous ne disposons pas des éléments suffisants pour statuer sérieusement. Notre groupe s'abstiendra donc pour ce motif.
L'amendement AFFECO.3 est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur pour avis . - Le quatrième amendement a pour but de compenser, aux petits fournisseurs d'énergie, une partie des impayés de facturation induits par l'application de la loi d' « urgence sanitaire ». Un nombre très important de petits fournisseurs d'énergie en sont victimes, dans l'ensemble de nos territoires. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, même en cas d'impayés, les fournisseurs doivent reverser des taxes à l'État.
L'amendement AFFECO.4 est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur pour avis . - Le dernier amendement à pour but soutenir les petites stations-service rurales car elles sont en difficulté, compte tenu du ralentissement économique généré par la crise du Covid-19. Il faut sauver ces petites stations dans nos territoires.
Même si une station a perçu des concours de la part d'une collectivité territoriale, il serait logique qu'elle puisse bénéficier du fonds ainsi institué, dès lors qu'elle est frappée comme les autres par la crise du Covid-19. Je rappelle que, sans l'appui des collectivités territoriales, il n'y aurait plus aucune station, à des kilomètres à la ronde, dans certaines zones rurales. Nous devons progresser en termes d'aménagement du territoire : demain, certains territoires seront peut-être relégués, à mesure de la progression des véhicules électriques. C'est un sujet préoccupant.
M. Christian Redon-Sarrazy . - Je suis tout à fait d'accord pour aider les stations-service publiques car les communes ou leurs groupements assurent parfois leur équilibre économique.
Je m'interroge sur la notion de « petites stations-service ». Ne risque-t-on pas de voir des stations de taille moyenne, appartenant à de grands groupes et subissant des pertes face à la crise du Covid-19, bénéficier de ces aides ? Il ne faudrait pas que 80 % des aides aillent à 20 % des stations. Nous devons nous assurer que ces aides bénéficient aux petites stations-service qui jouent vraiment tout leur rôle dans l'aménagement du territoire.
M. Daniel Gremillet , rapporteur pour avis . - L'amendement a pour cible les petites stations-service, dont le rôle relève parfois plus de l'aménagement du territoire que de l'économie.
Mme Sophie Primas , présidente . - La définition précise des stations-service visées relève du pouvoir règlementaire.
L'amendement AFFECO.5 est adopté.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je remercie à nouveau notre rapporteur pour avis de ses conclusions. Je vous rappelle qu'il est favorable à l'adoption des crédits « Énergie », sous réserve de l'adoption de l'ensemble des amendements précités.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.