II. UNE CONTRAINTE FINANCIÈRE QUI CONTINUERA DE PESER EN 2020
La réalisation du plan stratégique impliquait un besoin de financement supplémentaire par rapport à 2016 de l'ordre de 10,8 M€ par an en moyenne, indépendamment des coûts pérennes de la cyber-attaque de 3 M€ par an. L'exigence de redressement des finances publiques conduit la France à diminuer sa dotation d'1 M€ en 2018 puis 1,2M€ en 2019. Le montant de la dotation inscrite au PLF 2020 reste stable (76,2M€) .
La contribution française n'est donc pas réajustée en 2020 et demeure en deçà des règles de répartition fixées par la convention TV5. Cette incapacité pour la France de tenir ses engagements alors qu'elle est le premier partenaire - 2/3 du financement mais aussi le siège, les emplois, la direction ce qui n'est pas négligeable - ne la place pas dans une bonne situation vis-à-vis de ses partenaires . Elle est le seul pays à avoir réduit sa contribution depuis la création de TV5 Monde, de surcroît sans concertation, et elle continue à être la seule à ne pas respecter ses engagements de financement à hauteur des 2/3 comme le prévoit la convention.
A. LA PROJECTION DE L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2019
La chaîne prévoit d'atteindre également l'équilibre budgétaire en 2019 .
1. Des ressources en diminution
Pour l'année 2019, le budget de TV5 Monde est doté de ressources budgétaires de 111,78 M€, dont 98,98 M€ en frais communs et 13,51 M€ en frais spécifiques (dont 12,91 M€ de programmes français).
Sources : Questionnaire parlementaire
a) Une contribution française en baisse en 2019 au titre du financement multilatéral des frais communs et du financement des frais spécifiques
En 2019, les Gouvernements bailleurs de fonds ont maintenu le neuvième de référence à 8,257 M€. La contribution à l'effort de redressement des finances publiques a conduit à retenir une dotation française allouée en retrait de 1,2 M€ (-1,6 %). Dès lors, la contribution française aux frais communs pour 2019 (76,15 M €) devient inférieure de 1,2 M€, soit de 2,42 %, au montant prévu sur la base des clés de répartition convenues entre les différents Gouvernements bailleurs de fonds. Les contributions des partenaires francophones (24,94 M€) restent stables. Cette situation a conduit à adopter une baisse (1,16 M€) des ressources publiques par rapport au réalisé 2018 54 ( * ) .
b) Les ressources propres ne sont pas en mesure de compenser la baisse des ressources publiques
Les ressources commerciales attendues au budget 2019 sont d'un niveau modeste : 9,7 M€. Elles diminuent de 0,31 M€ et représentent moins de 9% des produits d'exploitation 55 ( * ) .
(1) Recettes publicitaires
En 2019, les recettes publicitaires globales devraient légèrement diminuer (-0,40 M€). Les deux principaux territoires de collecte des ressources publicitaires sont la France et l'Afrique (93 % des recettes cumulées en 2018). Cependant, la concurrence croissante en Afrique, du fait de la multiplication des chaînes locales et internationales, et la propension des annonceurs en France à concentrer leurs investissements sur les chaînes de la TNT rendent les perspectives d'évolution des recettes publicitaires très incertaines, d'autant que FTP ne dispose pas, en propre, de capacités de marketing et ventes spécialisées 56 ( * ) . La part de l'Afrique dans les ressources publicitaires est en baisse depuis 2016 (45 %).
Source : Questionnaire budgétaire
(2) Recettes de distribution
Le niveau global des recettes de distribution est attendu en légère augmentation en 2019 (+1.3 soit une augmentation de 7,09 M€), grâce à de bons résultats enregistrés dans d'autres territoires malgré une érosion 57 ( * ) aux États-Unis et aux Pays-Bas.
2. Une situation qui ralentit l'exécution des objectifs de son plan stratégique
Entre le réalisé 2016 et la projection 2019, le total des dépenses diminue de 1,4% soit de 1,58M€.
a) Une baisse du coût des grilles de programmes
Le coût des grilles de programmes représente plus de 70% du budget de la chaîne et regroupe les dépenses de programmes et les coûts techniques de fabrication pour les chaînes linéaires et le numérique (hormis coûts de cyber sécurité). Il connaît une diminution de 0,82 M€ entre 2016 et 2019 (-1%), portée par l'enveloppe des frais spécifiques affectée aux programmes français et par les dépenses techniques.
En 2019, les coûts de la grille de programmes diminuent de 1,1 M€ par rapport à 2018 et s'établissent à 78,46 M€.
Cette baisse touche principalement les dépenses techniques de fabrications des signaux (- 1,13 M€) alors que les dépenses de programmes progressent de 0,29 M€.
(1) Les dépenses de programmes
Elles représentent en moyenne 47,5 M€, soit 42,5 % des dépenses globales, et regroupent toute l'activité des programmes, de la programmation, de la production multilatérale de la chaîne, de la direction, des prestations de sous-titrage, etc.
Ces dépenses présentent la plus forte augmentation en valeur entre les réalisés 2016 et 2018 (1,49 M€) et constituent toujours la plus forte progression entre 2016 et la projection 2019 (+0,91 M€ soit +1,9 %), en raison de la priorité accordée à cette activité par les plans stratégiques.
L'enrichissement de l'offre en matière de programmes africains ainsi que le développement des contenus numériques (+51,1% de progression de ces catégories de dépenses entre 2016 et 2019), notamment liés au dispositif d'apprentissage et d'enseignement du français, peuvent être notés.
Les dépenses de programmes français (sur financements spécifiques de la France) 58 ( * ) ont diminué de 13,41 M€ à 13,25 M€ entre 2016 et la projection de 2019, soit de -0,16 M€ (-1,2 %) du fait de la ponction de cette enveloppe de la perte de loyer consécutive au rattachement de CFI à France Médias Monde. Ce coût a pu être contenu par la société à 0,2 M€ (niveau escompté en 2019 et 2020) grâce à la sous-location d'espaces de bureaux et de places de stationnement. L'enveloppe des frais spécifiques français s'établit donc en 2019 à 13,5 M€.
Les radiodiffuseurs partenaires non français apportent l'ensemble de leurs programmes libres de droits, financés sur leurs propres frais spécifiques, (hors budget de TV5 Monde) estimés à 5,11 M€ en 2019.
(2) Les dépenses techniques de fabrication des signaux
TV5 Monde supporte les frais techniques d'acheminement, de visionnage, de remontage, de numérisation, de stockage et de sous-titrage, pour l'ensemble des programmes, ainsi que les bandes-annonces et la promotion de ces programmes. Les dépenses techniques de fabrication ont diminué de 19,18 M€ à 17,62 M€ entre 2016 et la projection 2019, soit de -1,6 M€ (-8,2 %). Leur poids est passé de 17,1 % à 15,9 % des dépenses au cours de cette période. Cette baisse est liée à la fin du crédit-bail sur les investissements techniques relatifs au coeur de métier de l'entreprise (production, post-production, diffusion), intervenue mi-2018. Le renouvellement de ces équipements s'avère désormais nécessaire.
(3) Le frais de personnel
Entre 2016 et la projection 2019, la masse salariale, hors éléments exceptionnels, évolue de 6,5 %, incluant les évolutions annuelles prévues dans le cadre de l'accord NAO, tandis que le total des dépenses de TV5 aura régressé de 1,2 %.
En 2018, la masse salariale a augmenté de 2,16 % notamment du fait du comblement de certains postes vacants et des recrutements sur les trois postes prévus dans le plan stratégique.
Le faible taux de progression de 1,69 % de la masse salariale en 2019 résulte d'un nombre important de postes à combler, mais également des efforts de l'entreprise pour maîtriser sa masse salariale et ses effectifs. De plus, la masse salariale prévisionnelle pour 2019 tient compte de premières embauches dès la fin de l'année pour le projet de plateforme numérique francophone, ainsi que de l'intégration à temps plein de onze nouveaux pigistes à compter de novembre 2019, dans le cadre du plan de réduction de la précarité.
b) Une baisse des coûts de diffusion et de distribution
Les coûts de diffusion, de distribution et de promotion des antennes régionalisées représentent le second poste de dépense à hauteur d'environ 20,1% des dépenses totales. Ils sont en recul de 0,68 M€ (-2,9 %) entre 2016 et la prévision 2019.
Les coûts de transports et de diffusion des chaînes linéaires ont diminué de 0,83 M€ entre 2016 et 2019. Cette baisse est liée aux renoncements de différentes capacités satellitaires de la société (Turquie, Espagne, Grande-Bretagne/Irlande).
c) Des coûts généraux et des fonctions supports en hausse de 0,61 M€
Les frais généraux et de fonctions support, qui représentent actuellement 6% des dépenses totales, augmentent de 0,57 M€ entre 2016 et la projection 2019 pour atteindre 6,59 M€. Le départ de CFI de ses locaux entraîne un surcoût pour TV5 Monde de 0,16 M€ en année pleine.
Ils sont impactés chaque année par les indexations des contrats et les glissements des charges de personnel dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO). La progression la plus importante est liée aux prestations externes mobilisées dans le cadre de la modernisation des outils de gestion des ressources humaines.
d) La stabilisation des dépenses de cybersécurité
À la suite de la cyberattaque subie par TV5 Monde le 8 avril 2015, l'entreprise a dû faire face aux surcoûts de reconstruction du système d'information, à la mise en place d'une supervision renforcée de sa sécurité informatique, et la poursuite du renforcement de tous ses processus métiers. Après des pics en 2015 et 2016, ces coûts se stabilisent autour de 2,5/2,7 M€ à partir de 2017.
e) Une approche transversale : l'évolution de la masse salariale et des effectifs
Entre 2016 et 2018, la masse salariale, hors éléments exceptionnels, évolue de 4 %, incluant les évolutions annuelles prévues dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO), tandis que le total des dépenses de TV5 Monde diminue de 0,4 %. Globalement, la part des frais de personnel dans les dépenses se situe autour de 31 % en 2018 59 ( * ) .
En 2019, est prévue une augmentation globale de 1,98 % de la masse salariale, notamment du fait du recrutement, en 2018, de 3 postes tels que prévus dans le plan stratégique et des efforts de maîtrise de la masse salariale et des effectifs 60 ( * ) . En revanche, la société anticipe pour l'exercice 2020 les effets en année pleine des intégrations en cours et de la création de la plateforme numérique francophone (voir infra p. 51).
Cette prévision tient compte également de l'effet de la réorganisation de la rédaction pour la rendre réellement bi-média 61 ( * ) .
f) Les dotations aux amortissements restent relativement faibles
À compter de 2013, TV5 Monde a jugé plus efficient d'acquérir l'essentiel de ses outils techniques en propre par le biais d'un contrat de crédit-bail pour un coût annuel de 3,64 M€. Elle a pu racheter, en juin 2018, l'ensemble de ces investissements pour un euro symbolique.
Au-delà de ce contrat, les charges d'amortissement sont relativement faibles et concernent les investissements d'installation et d'aménagement des locaux de la société. Les autres investissements techniques représentent généralement environ 2 M€ par an.
Cependant, d'ici la fin de l'année 2019, il est prévu de réaliser environ 4,5 M€ d'investissements pour accompagner les développements stratégiques de l'entreprise, et surtout pour assurer le remplacement d'une partie des matériels d'exploitation de la chaîne acquis dans le cadre de la refonte du dispositif technique en 2013. Les amortissements correspondants pèseront essentiellement sur les budgets des années 2020 et suivantes. A ceux-ci s'ajoutent environ 0,7 M€ d'investissements dans les nouveaux logiciels RH: outil de planification amorti à compter de 2019 et outil de gestion de la paie amorti à compter de 2020. Ces éléments expliquent la progression du montant des amortissements de près de 24% entre 2019 et 2020.
Compte tenu des contraintes budgétaires de TV5 Monde, le remplacement des moyens techniques de production et de diffusion devra être échelonné sur les années 2021 et 2022.
* 54 En termes de capacités de financement, cette baisse s'ajoute à la perte de recettes de loyer et charges, évaluée à 0,5 M€ - en raison du départ de CFI de l'immeuble loué par TV5 Monde. Cette perte non compensée par les partenaires francophones, de l'ordre de 0,6 M€, est financée sur l'enveloppe des frais spécifiques français, consacrés aux programmes.
* 55 Les recettes liées à la diffusion non linéaire restent marginales. Globalement, le rapport est de 98 % pour le linéaire (9,6 M€) contre 2 % pour le non-linéaire (0,15 M€), qu'il s'agisse des ressources publicitaires ou des ressources de distribution.
* 56 La publicité et le parrainage sur TV5 Monde font l'objet d'un contrat de régie avec France Télévisions Publicité (FTP). Ce contrat de régie a été remis en concurrence en juin 2018 par la publication d'un appel d'offres portant sur les années 2019 à 2021 (avec une reconduction potentielle en 2022). TV5 Monde a retenu la proposition de FTP qui s'est associée à Canal+ Advertising pour la commercialisation de TV5 Monde Afrique. Compte tenu de la nécessaire période d'adaptation de la régie Canal+ Advertising pour la commercialisation de TV5 Monde en Afrique, les recettes publicitaires devraient diminuer en 2019 (2,6 M€ contre un objectif initial de 2,8 M€), avant une reprise à la hausse en 2020. L'objectif inscrit en prévision 2020 est néanmoins stable, à titre prudentiel .
* 57 Avis budgétaire 2019
* 58 Cette enveloppe permet de financer l'extension à l'international des droits inclus dans les programmes fournis par France Télévisions (environ 0,93 M€ par an) ; la rémunération des artistes-interprètes français sur les fictions diffusées (environ 1 M€ par an) et les personnels spécifiquement dédiés à l'approvisionnement en programmes de France Télévisions ; l'acquisition de droits sur le marché, d'une part pour alimenter en programmes patrimoniaux des chaînes généralistes et thématiques, ainsi que TV5 Québec Canada, d'autre part pour acquérir les droits de retransmission et financer les coûts de production associés à des évènements sportifs.
* 59 Avec toutefois de légers pics lors d'années atypiques comme en 2015 avec la cyberattaque (31,3 %).
* 60 Les embauches correspondent toutes à des remplacements de départs de personnels. La société entend reprendre progressivement l'intégration volontaire de personnels non permanents pigistes en CDI.
* 61 Si son nouveau mode de fonctionnement est prévu à budget constant, des coûts ponctuels au moment des formations aux nouveaux outils et pratiques numériques impacteront ponctuellement la masse salariale en 2017, ainsi que les effectifs non permanents.