C. LE CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE : UN SANCTUAIRE DÉJÀ PROFANÉ ?
Depuis les années 1980, l'aide à la R&D des
entreprises passe de moins en moins par des aides directes, et de façon
accrue par des dispositifs fiscaux, au premier rang desquels figure le
crédit d'impôt recherche (CIR). Créé en 1983, le CIR
correspond, depuis 2008, à 30 % des dépenses de R&D
jusqu'à 100 millions d'euros de dépenses, le taux
étant de 5 % au-delà. La dépense fiscale qu'il
représente n'a cessé d'augmenter, pour atteindre
6,5 milliards d'euros
en 2020 selon les estimations du
Gouvernement. C'est la première dépense fiscale de l'État.
Elle est cependant considérée comme globalement efficace par les
études régulièrement menées à son
sujet.
La dernière en date estime ainsi que les entreprises qui
bénéficiaient déjà du CIR avant la réforme
de 2008 « ont augmenté leurs dépenses de recherche et
développement d'un montant égal ou légèrement
supérieur à celui de l'aide fiscale reçue »
33
(
*
)
.
Contrairement à l'engagement du ministre de l'Économie et des Finances de sanctuariser le crédit d'impôt recherche, l'article 49 du projet de loi de finances procède à un léger rabot : le forfait des dépenses de personnel 34 ( * ) prises en compte pour calculer les dépenses de fonctionnement est ramené de 50 à 43 %. Cette mesure concerne également le crédit d'impôt innovation. Le gain budgétaire tiré de cette mesure est estimé à 230 millions d'euros par an à compter de 2021 .
Le rapporteur estime étonnant de se baser sur un rapport de la Cour des comptes qui date déjà de 2013 et qui préconisait une fourchette entre 40 et 46 % pour adopter une telle mesure sans réaliser une étude plus poussée . Et ce d'autant plus que, selon les éléments communiqués par le Gouvernement au rapporteur, les frais de fonctionnement observés en pourcentage des salaires chargés sont bien en baisse, mais ne correspondent pas au taux proposé : en 2015, ils s'élevaient à 51 %, en 2016 à 49 % et en 2017 à 46 %.
Cette mesure l'amène également à s'interroger sur la crédibilité de l'engagement du Gouvernement à « sanctuariser » le CIR . Il s'agit en tout cas d'un signal négatif.
Ce même article procède cependant à un ajustement bienvenu de l'obligation de remplir l'état annexe à la déclaration de CIR décrivant la nature des recherches en cours, à travers le relèvement du seuil d'assujettissement à cette obligation de deux à cent millions d'euros de dépenses de recherche. À l'initiative du rapporteur général de la commission des finances, l'Assemblée nationale a :
- introduit une obligation déclarative complémentaire allégée pour les entreprises exposant des dépenses de R&D comprises entre 10 et 100 millions d'euros 35 ( * ) ;
- sollicité du Gouvernement la remise d'un rapport exhaustif sur l'utilisation du CIR par les groupes et sur l'externalisation auprès de sous-traitants d'opérations de R&D 36 ( * ) .
Sur proposition du rapporteur général, l'Assemblée a également adopté deux autres amendements, qui n'appellent pas de remarque particulière de la part du rapporteur :
- un durcissement des modalités de prise en compte, dans l'assiette du crédit d'impôt, de certaines opérations confiées à des organismes sous-traitants, afin de lutter contre des abus et détournements qui ont pu, selon l'auteur de l'amendement, être constatés dans le cadre de sous-traitances « en cascade », pouvant conduire à ce qu'une même dépense soit prise en compte deux, voire trois fois ;
- une demande de rapport sur divers paramètres du CIR faisant l'objet d'une certaine suspicion 37 ( * ) .
Le
crédit d'impôt innovation et le
crédit d'impôt collection
- deux dépenses
fiscales qui complète le CIR -
font également
l'objet d'un bornage dans le temps
en application de l'article 7
du projet de loi de finances :
en l'absence de prorogation expresse,
ils seront supprimés définitivement
au 1
er
janvier 2023. Ce bornage est destiné
à imposer une évaluation de ces dispositifs avant d'en
décider une éventuelle prorogation.
* 33 Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI), mars 2019.
* 34 Plus précisément, pour le CIR, il s'agit des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche affectés à ces opérations, hors jeunes docteurs. Pour le crédit d'impôt innovation, il s'agit des dépenses de personnel afférentes aux salariés directement et exclusivement affectés à de telles opérations.
* 35 Amendement N°II-2523.
* 36 Amendement N°II-2524.
* 37 Amendement N°II-2526. Il s'agit du niveau de prise en compte, au titre des dépenses de fonctionnement, des rémunérations versées aux jeunes docteurs ; du forfait de dépenses de fonctionnement prévu dans le cadre du crédit d'impôt collection ; et de l'inclusion dans l'assiette du CIR, du crédit d'impôt innovation et du crédit d'impôt collection.