B. QUELLES POLITIQUES PUBLIQUES POUR LA RECHERCHE ET L'INNOVATION EN AGRICULTURE ?

La politique de recherche et d'innovation en agriculture mobilise aujourd'hui des moyens publics variés comme les crédits de la MIRES, le CASDAR, des crédits du PIA, les contrats de plan États-Régions, des crédits des conseils régionaux pour un montant estimé par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation de l'ordre de 1,5 Md €/an.

Ces moyens comprennent les contributions du ministère chargé de la recherche pour la couverture de la masse salariale des instituts de recherche comme l'INRA et l'IRSTEA, des soutiens inscrits sur les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, des financements visant à financer des activités de recherche sur un mode projet opérés par de nombreux acteurs comme l'Ademe, l'Agence nationale de la recherche (ANR), FranceAgriMer (FAM) ou l'Agence française de biodiversité (AFB).

À ces crédits directement fléchés sur les pratiques agricoles s'ajoutent les actions d'autres organismes de recherche en pointe au niveau mondial sur les questions d'environnement ou de santé comme le Cirad, le CNRS, l'Inserm, l'Anses, Ifremer, le CEA, ou les universités.

Il faut y ajouter les effets du crédit Impôt Recherche (CIR), qui sont estimés à 120 M€ concernant les industries agroalimentaires et 90 M€ directement pour la recherche en l'agriculture, soit 3,6 % du budget global du CIR.

Enfin, la recherche et l'innovation passent également par l'action essentielle des instituts techniques agricoles (ITA), les instituts techniques agro-industriels (ITAI), les organismes à vocation agricole et rural (ONVAR) et, bien sûr, celles des entreprises directement engagées en agriculture.

C. ALLER PLUS LOIN EN SOUTENANT L'INNOVATION DIRECTEMENT RECUPÉRABLE PAR LES AGRICULTEURS

Les rapporteurs pour avis ont souhaité relever deux lacunes du projet de loi de finances pour 2020 dans le domaine de l'innovation agricole.

1. Accélérer le recours à des équipements de nouvelle génération pour réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques, améliorer la veille sur la santé et le bien-être des animaux et réduire l'exposition des agriculteurs aux aléas climatiques

Même si le plan EcoPhyto II prévoit le renforcement de la place des agroéquipements de nouvelles génération et d'outils d'aide à la décision au sein des exploitations, notamment au travers d'aides à l'investissement pour des équipements identifiés, force est de constater que le taux de pénétration de ces équipements demeure à ce stade trop faible.

Dans le cadre des PCAE, des crédits publics sont affectés au financement d'investissements et de matériels d'optimisation et de réduction de l'usage des phytosanitaires. En ont bénéficié 3 311 dossiers, en 2018.

C'est insuffisant au regard de l'ampleur du défi que doit relever l'agriculture française.

C'est pourquoi les rapporteurs pour avis ont plaidé, en première partie du projet de loi de finances pour 2020, en faveur d'un mécanisme simple et à la hauteur des enjeux.

Les agriculteurs doivent pouvoir être incités à mieux se prémunir contre les risques croissants auxquels ils sont exposés. Face aux crises climatiques et sanitaires à répétition qu'ils subissent, des solutions concrètes doivent leur être proposées.

De plus, de nouveaux types de pulvérisateurs ou l'utilisation de drones en agriculture permettent, d'ores et déjà, de réduire considérablement les usages des intrants.

Se développe en parallèle un ensemble de technologies basées sur l'existence de capteurs permettant avec des algorithmes qualifiés de caractériser les végétaux, plante par plante, afin d'agir buse par buse. Ces équipements, dont les mises en vente ont déjà débuté, permettent de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques dans une proportion pouvant aller jusqu'à 90 %.

Toutefois, ces technologies particulièrement précises sont délaissées par les agriculteurs en raison du coût d'investissement très important, notamment sur ces marchés qui viennent de naître et n'ont pas encore acquis une certaine maturité. Compte tenu de leurs externalités positives directes pour le consommateur et le citoyen, il convient d'en favoriser le déploiement au-delà de la problématique du coût.

C'est pourquoi la mise en place d'un dispositif de suramortissement spécifique sur des agroéquipements agréés apparaît être une solution pertinente.

Si des solutions existent pour réduire, à court terme, l'usage des produits phytopharmaceutiques et améliorer la veille sur la santé et le bien-être des animaux, pourquoi ne pas les favoriser dès maintenant ?

Réaliser un suramortissement à hauteur de 40 % de la valeur d'origine des biens, hors frais financiers, permettra de réduire considérablement le coût d'acquisition de ces équipements pour les exploitants agricoles, individuellement ou via leur adhésion à une CUMA.

2. Stimuler la recherche sur les produits de biocontrôle

L'enjeu est également de promouvoir des alternatives aux produits phytopharmaceutiques, pour ne laisser aucun agriculteur sans solution.

À cet égard, le développement des produits de biocontrôle est essentiel.

La notion de biocontrôle est définie au niveau national, à l'article L. 253-6 du code rural comme « les agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ils comprennent en particulier :

1° les macro-organismes ;

2° les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale . »

Toutefois, les produits de biocontrôle n'ont pas de définition européenne. Ainsi, à l'exception des macro-organismes qui ne font pas l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) mais d'une autorisation d'introduction dans l'environnement par voie d'arrêté interministériel, les produits de biocontrôle sont des produits phytopharmaceutiques au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

La liste des produits de biocontrôle autorisés est fixée par une note de service de la direction générale de l'alimentation (DGAL), publiée au bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture. Elle comprend plus de 480 produits.

Le nombre de demandes d'autorisations de mise sur le marché augmente chaque année.

Certaines mesures ont été prises pour favoriser l'autorisation de mise sur le marché des produits de biocontrôle.

Des facilités sont accordées notamment aux dossiers concernant des produits phytopharmaceutiques répondant aux critères des produits de biocontrôle. Ils bénéficient notamment d'une prise en charge sans délai et d'une taxe de soumission des dossiers pouvant être réduite jusqu'à 2 000 € pour les produits contenant des substances « faible risque » ou naturelles sans transformation chimique. Dans les autres cas de produits de biocontrôle, la taxe est réduite de moitié (soit une économie d'environ 25 000 € par rapport aux autres produits).

En outre, l'Anses conduit de façon prioritaire les évaluations et l'instruction de ces dossiers par une identification dès l'arrivée du dossier. Le délai pour statuer sur une demande d'AMM est restreint à 6 mois pour les produits de biocontrôle au lieu de 12 mois pour les produits phytopharmaceutiques « classiques ».

La recherche doit encore progresser pour accélérer l'émergence d'autres alternatives aux produits phytopharmaceutiques.

Une solution pour la stimuler serait de mettre en place un crédit d'impôt recherche majoré pour ces dépenses de recherche afin de créer un appel d'air pour ce type de produits et d'inciter, à très court terme, à investir fortement dans la recherche de solutions alternatives, pour concilier à la fois l'exigence de compétitivité de notre agriculture et l'impératif de répondre aux problématiques environnementales.

Page mise à jour le

Partager cette page