EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
La fracture sanitaire s'ajoute aux nombreuses fractures qui traversent nos territoires et grèvent la cohésion nationale. Le thème de l'égal accès aux soins , qui ne figurait pas à l'origine dans ceux du Grand Débat voulu par le Président de la République, s'est d'ailleurs imposé comme une priorité pour les Français.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable travaille depuis sa création sur la question des « déserts médicaux ». Elle avait notamment publié un rapport d'information Déserts médicaux : agir vraiment 1 ( * ) en 2013, dans le cadre d'un groupe de travail dédié à ce sujet, appelant à une politique volontariste et puissante pour résorber la fracture territoriale dans l'accès aux soins .
En 2015 , à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, la commission s'était saisie pour avis de plusieurs dispositions intéressant la santé, l'environnement et la désertification médicale. En 2017 , votre commission a souhaité relancer ses travaux sur le sujet, dans la perspective du dépôt prochain d'un projet de loi « Santé », et a recréé un groupe de travail , coprésidé par le Président Hervé Maurey et votre rapporteur pour avis, Jean-François Longeot.
En cohérence avec cette attention constante portée aux inégalités territoriales d'accès aux soins , la commission s'est saisie pour avis du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé. Le texte initial comportait 23 articles , constitués de mesures techniques et de nombreuses demandes d'habilitation à légiférer par ordonnance. À l'issue de son examen par les députés, le texte comporte désormais 73 articles de taille et d'importance très hétérogènes mais son ambition reste très limitée aux yeux de votre commission.
Dans ce cadre, votre commission pour avis s'est particulièrement intéressée à 18 articles du projet de loi ayant des conséquences territoriales pour l'organisation des soins et a proposé l'adoption de 30 amendements à la commission des affaires sociales, saisie au fond, portant sur ces articles.
Si certaines dispositions du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale constituent des avancées ou des points relativement consensuels entre l'ensemble des acteurs concernés (professionnels de santé, État, élus locaux, Assurance-maladie), ces mesures sont nettement insuffisantes, aux yeux de votre commission pour avis, pour traiter la question des déserts médicaux .
Aussi, les amendements proposés par votre commission pour avis constituent des mesures resserrées et pragmatiques au service de l'intérêt général et des collectivités territoriales. En particulier, face au creusement des inégalités territoriales d'accès aux soins et à l'inefficacité des mesures d'incitation financière à l'installation des médecins, la commission de l'aménagement du territoire et du développement a proposé des mesures visant à mieux réguler l'offre de soins , s'inspirant de la position adoptée par le Sénat en 2015 lors de l'examen du précédent projet de loi « Santé ».
I. UN PROJET DE LOI INSUFFISANT FACE À L'AGGRAVATION DES INÉGALITÉS TERRITORIALES D'ACCÈS AUX SOINS
A. UNE URGENCE SOCIALE
Si le système de soins français est généralement vanté pour sa capacité à garantir à tous les citoyens un égal accès aux soins, cette assertion ne résiste pas à l'étude des faits. Depuis près de 20 ans, les inégalités territoriales d'accès aux soins se creusent sans que les mesures décidées par l'État, l'Assurance-maladie et les collectivités territoriales pour inciter les médecins à s'installer dans les zones sous-denses, c'est-à-dire les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés d'accès aux soins 2 ( * ) , ne démontrent leur efficacité.
Les constats concernant les défauts de l'organisation du système de soins français sont connus et partagés entre les acteurs du système de santé et les élus, qu'ils soient locaux ou nationaux, et l'accélération du rythme d'adoption des lois « Santé » n'est pas parvenue à y remédier .
La Cour des comptes a d'ailleurs pu les rappeler à de nombreuses reprises dans ses rapports annuels sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS) et lors de son audition par le groupe de travail « déserts médicaux » de votre commission. Alors que les inégalités d'origine financière d'accès aux soins peuvent être atténuées par les dispositifs de prise en charge à 100 % par l'Assurance-maladie, par la couverture maladie universelle complémentaire pour les ménages les plus fragiles et par les couvertures complémentaires santé d'entreprise, généralisée au 1 er janvier 2016, aucune solution pérenne et efficace n'a été élaborée à ce stade pour contrer la progression des inégalités d'accès aux soins d'origine géographique.
En cause, le cloisonnement entre les différentes professions de santé et entre la médecine de ville et l'hôpital, des évolutions importantes dans les aspirations des jeunes médecins et des dynamiques propres à certains territoires, qui souffrent d'un manque de dynamisme face aux mutations contemporaines de l'économie et au phénomène de métropolisation , largement documentés par votre commission, en particulier dans le rapport de 2017 du Président Maurey et de notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité 3 ( * ) . Par ailleurs, la réticence des Gouvernements successifs quant à l'introduction de mesures de régulation de l'offre de soins laisse penser que le problème n'est pas près de disparaître .
1. Le creusement des écarts de densité médicale et l'augmentation des délais d'attente pour accéder à un médecin
Votre rapporteur pour avis constate que les inégalités territoriales en matière de répartition des médecins libéraux demeurent importantes et tendent à se creuser alors même qu'il n'y a jamais eu autant de médecins en France , comme le montre le tableau ci-dessous extrait d'une note de la DREES de mai 2018 4 ( * ) .
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE MÉDECINS PAR SPÉCIALITÉ, DE LA PART DE LIBÉRAUX ET MIXTES ET DE LA PART DE REMPLAÇANTS ENTRE 2012 ET 2018
Source : DREES, mai 2018.
Les écarts de densité entre départements varient en moyenne de 1 à 3 pour les médecins généralistes . Ainsi, 9 % de la population française vit aujourd'hui dans un désert de médecins généralistes, soit près de 6 millions de personnes . L'accès aux spécialistes est encore plus disparate, avec un rapport de 1 à 8 , et même de 1 à 24 pour les pédiatres.
À titre d'exemple 5 ( * ) , Paris compte une densité de 610 médecins spécialistes pour 100 000 habitants contre 184 spécialistes en moyenne pour 100 000 habitants à l'échelle de la France entière, 80 dans l'Ain, 85 en Haute-Loire ou encore 78 dans la Meuse et à peine plus de 70 dans l'Eure.
Pour les médecins généralistes, les écarts vont de 248 médecins pour 100 000 habitants à Paris , à 48 à Mayotte, 114 en Mayenne, 122 dans la Nièvre ou encore 116 dans l'Yonne, avec une moyenne de 153 médecins généralistes pour 100 000 habitants à l'échelle de la France entière.
En tendance, les effectifs de médecins vont continuer à baisser jusqu'en 2030, alors même que la population française est amenée à s'accroître. D'ici 2025, 1 médecin généraliste sur 4 aura cessé d'exercer. La densité médicale devrait retrouver son niveau de 2015 en 2030.
À l'heure actuelle, les communes rurales des périphéries des grands pôles et les communes hors influence des pôles concentrent la part de la population ayant la plus faible accessibilité aux médecins généralistes et 9 142 communes sont en situation de sous-densité au sens du code de la santé publique.
Source : Emmanuel Vigneron.
Les régions les plus touchées sont les Antilles-Guyane, la Corse, le Centre-Val de Loire, la Normandie, l'Auvergne-Rhône-Alpes, la Bourgogne-Franche-Comté et l'Île-de-France hors Paris.
Les plus fortes densités sont notées dans le Sud-Est de la France, l'arc atlantique, les départements urbains hospitalo-universitaires et les départements frontaliers de l'Est de l'Hexagone 6 ( * ) . Le graphique ci-dessous fait état des écarts de densité d'une région à l'autre.
Source : DRESS, 2018.
Au total, les écarts de densité entre régions et entre départements se creusent , comme l'illustre la carte ci-dessous extraite de l'Atlas national de la démographie médicale en France, réalisé annuellement par le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) 7 ( * ) . Les disparités sont encore plus fortes à l'échelle infrarégionale et infradépartementale .
VARIATION DES DENSITÉS DE MÉDECINS, 2010-2018
(ACTIVITÉ RÉGULIÈRE - LIBÉRALE ET MIXTE)
Source : CNOM, Atlas de la démographie médicale, 2018.
Ainsi, selon le CNOM, le renouvellement des générations est très inégal selon les spécialités et partiel pour la médecine générale ; l'exercice libéral poursuit son recul et près d'un médecin en activité régulière sur deux a désormais un exercice salarié.
Sur le champ où la comparaison est possible, la part de la population résidant dans une commune sous-dense a augmenté entre 2012 et 2015 : au seuil de 2,5 consultations fixé 8 ( * ) par la DREES pour définir son indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL), elle est ainsi passée de 7,8 % à 8,6 % 9 ( * ) . Sur cette période, l'accessibilité moyenne des communes classées sous-denses en 2012 est globalement restée stable alors que les communes sous-denses en 2015 ont connu une dégradation de leur situation : leur accessibilité était en moyenne plus favorable en 2012 qu'elle ne l'est en 2015 .
Conséquence directe du creusement des écarts de densité médicale, les délais d'attente pour accéder à un médecin sont en hausse . Deux éléments en particulier permettent d'appréhender cet enjeu : le délai d'obtention d'un rendez-vous auprès des professionnels et la distance d'accès à ces professionnels.
Selon une étude de la DRESS d'octobre 2018 , pour les médecins généralistes « 6 jours s'écoulent en moyenne entre la prise de contact et le rendez-vous, tous motifs de demande confondus (symptômes, suivi régulier, renouvellement d'une ordonnance) ». Pour accéder à certains spécialistes, les délais d'attente sont néanmoins beaucoup plus importants : « 61 jours en dermatologie et 80 jours en ophtalmologie . Ils sont en moyenne de 3 semaines chez le pédiatre et le radiologue, 1 mois chez le chirurgien-dentiste, environ 1 mois et demi chez le gynécologue et le rhumatologue et 50 jours chez le cardiologue . [...] Chez l'ophtalmologiste, un quart des demandes de rendez-vous aboutissent dans les 20 jours, mais la moitié se matérialise plus de 50 jours après et un quart plus de 110 jours après . Le délai d'attente dépasse 189 jours dans 10 % des cas . Les disparités les plus marquées concernent les délais d'attente chez le radiologue : le troisième quartile (borne inférieure des 25 % des délais les plus longs) est 6,8 fois supérieur au premier quartile (borne supérieure des 25 % des délais les plus courts). Ce rapport interquartile est de 5,6 chez l'ophtalmologiste, 5,3 chez le chirurgien-dentiste, 4,6 chez le dermatologue et 3,9 chez le cardiologue » 10 ( * ) .
Le tableau ci-dessous reprend les principaux délais d'attente constatés selon le professionnel contacté.
DÉLAI D'ATTENTE SELON LE PROFESSIONNEL CONTACTÉ
Source : DRESS, 2018.
Dans son RALFSS de 2018 , la Cour des comptes soulignait particulièrement la répartition inégale des ophtalmologues sur le territoire (5 947 en 2017, dont 87 % en exercice libéral ou mixte). Elle relevait qu'à organisation inchangée des soins visuels, la baisse de la démographie des ophtalmologues aurait pour conséquence d'étendre les difficultés d'accès à des territoires aujourd'hui préservés : la densité moyenne des ophtalmologues devrait ainsi baisser de 20 % jusqu'en 2030 et passerait de 7,5 à 6 pour 100 000 habitants . À cela s'ajouterait une baisse du temps médical disponible par patient du fait d'évolutions sociologiques et générationnelles 11 ( * ) .
En cas d'impossibilité d'accéder au médecin souhaité, la DREES relève par ailleurs que les Français ont tendance soit à s'orienter vers un autre professionnel (56 %), soit à renoncer à leur demande (32 %). Le report vers les urgences serait actuellement marginal (3 %) mais pourrait augmenter si les inégalités de répartition des professionnels s'aggravent. Ce dernier chiffre est à comparer au fait que près d'un passage aux urgences sur deux devrait être pris en charge en ville plutôt qu'à l'hôpital 12 ( * ) . Aussi, l'augmentation des délais d'attente pour consulter un médecin entraîne une concentration des patients sur les urgences, dont la fréquentation a doublé en 20 ans, passant de 10 à 20 millions de visites annuelles .
2. Un coût important pour les finances publiques
Les inégalités territoriales d'accès aux soins ne sont pas sans conséquence sur le plan budgétaire et financier. Ainsi, dans son rapport de novembre 2017 consacré à L'avenir de l'Assurance-maladie , la Cour des comptes soulignait que « la mauvaise répartition territoriale des professionnels libéraux au regard des besoins de santé affecte les pratiques professionnelles et soulève de ce fait même la question de la pertinence des actes , voire parfois de leur régularité, dès lors que se constate une demande induite dans les zones sur-dotées , ce que la littérature académique vient confirmer [...] De même, il y a une forte corrélation positive entre la densité des médecins libéraux et les dépenses de médicaments par habitant » 13 ( * ) .
Aussi, votre rapporteur pour avis constate des écarts très importants et injustifiés en matière de dépenses de santé et de médicaments d'un département à l'autre : selon la Cour des comptes « en 2015, la dépense de soins ambulatoires va de 944 euros par habitant en Mayenne à 1 829 euros dans les Bouches-du-Rhône, sans que l'état sanitaire de leur population présente des écarts aussi notables . Si la population en affection de longue durée est supérieure dans les Bouches-du-Rhône (21,7 % contre 14,6 % en Mayenne), le taux de mortalité brut 14 ( * ) y est inférieur (8,9 pour 1 000 habitants contre 9,9 en Mayenne) et l'espérance de vie comparable » 15 ( * ) .
S i aucune étude n'existe à l'heure actuelle concernant le montant des surcoûts imputables à ces inefficiences allocutives , ce que votre rapporteur pour avis déplore d'ailleurs, la Cour a procédé à une estimation qui donne le résultat suivant : les inégalités territoriales d'accès aux soins coûteraient entre 900 millions d'euros et 3 milliards d'euros par an au système de santé . Le rapport du Comité Action Publique 2022 remis en juin 2018 au Président de la République avançait même un chiffre global de 5 milliards d'euros d'économies potentielles face aux inefficiences dans la répartition et l'allocation spatiale des soins.
Votre rapporteur pour avis constate que des mesures de régulation de l'offre de soins présenteraient donc un double intérêt : d'une part, elles permettraient de réduire les inégalités territoriales d'accès aux soins et, d'autre part, elles permettraient de mieux maîtriser l'évolution des dépenses de santé .
3. Des conséquences potentiellement dévastatrices sur l'état de santé des populations
Déjà en 2013, le Président Maurey évoquait les conséquences potentiellement dévastatrices de cette situation dans son rapport d'information précité : « les inégalités territoriales de santé sont un phénomène observé depuis le début des études de santé publique au XIX e siècle, et qui perdure dans un contexte général de progression de l'espérance de vie. On peut les mesurer au niveau du canton ou du quartier urbain à travers le taux de mortalité des populations , corrigé de leur structure par âges, qui est un indicateur synthétique de leur état de santé. [...] Globalement, la situation sanitaire est meilleure en ville qu'à la campagne, meilleure dans les grandes villes que dans les plus petites . »
Plusieurs géographes de la santé s'intéressent à ces questions, tels Olivier Lacoste et Emmanuel Vigneron . Ce dernier, entendu par votre rapporteur dans le cadre des auditions préparatoires à l'examen du texte, lui a d'ailleurs transmis des cartes inédites reproduites dans le présent avis. Ses travaux confirment le lien que l'on peut intuitivement établir entre difficulté d'accès aux soins et dégradation de l'état de santé , bien qu'il soit difficile de tenir un raisonnement « toutes choses égales par ailleurs ».
La carte des « déserts médicaux » se superpose aujourd'hui à celle de la mortalité précoce et une fracture sanitaire et médicale s'ajoute aux fractures territoriales qui traversent notre pays. Ainsi, plus de 60 % des cantons regroupant la moitié de la population métropolitaine auraient connu une évolution moins favorable que la moyenne du pays ces vingt dernières années.
4. Des écarts moins marqués pour les autres professions de santé et une démographie dynamique
Si la démographie des médecins, toutes spécialités confondues, soulève de fortes inquiétudes quant aux conditions dans lesquelles nos concitoyens peuvent accéder à des soins de proximité, de qualité et dans des délais raisonnables, votre rapporteur pour avis relève que tel n'est pas le cas pour les autres professions médicales et paramédicales, qui sont en moyenne mieux réparties sur le territoire national .
C'est notamment le cas des sages-femmes (profession médicale) 16 ( * ) , des pharmaciens 17 ( * ) et des infirmiers (profession paramédicale) 18 ( * ) . Toutefois, comme le notait notre collègue député Philippe Vigier dans son rapport fait au nom de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'égal accès aux soins 19 ( * ) , ces professionnels ne sont pas pour autant parfaitement répartis sur le territoire. Les cartes reproduites ci-dessous l'illustrent : les inégalités de répartition de certains professionnels paramédicaux demeurent marquées, notamment pour les infirmiers.
DENSITÉ DÉPARTEMENTALE DES INFIRMIERS LIBÉRAUX OU MIXTES (À GAUCHE) ET DES MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES LIBÉRAUX OU MIXTES (À DROITE) EN 2016
Source : Cour des Comptes (2017), d'après des données de la DREES.
Votre rapporteur pour avis considère néanmoins que ces inégalités ne sont en réalité que le reflet des difficultés d'accès à un médecin car l'exercice de ces professions dépend en grande partie des prescriptions établies par les médecins . Ainsi, comme le rappelait la Cour des Comptes, dans son rapport précité sur l'avenir de l'Assurance-maladie, « il se constitue ainsi, par synergie, de véritables métropoles médicales et paramédicales , alors que se cumulent les difficultés dans d'autres zones » .
Surtout, si les interlocuteurs entendus par votre rapporteur pour avis n'ont que marginalement relevé l'enjeu de la répartition de ces professionnels sur le territoire, c'est que les disparités constatées sont amenées à se réduire progressivement sous l'effet combiné de deux déterminants :
- d'une part, la mise en oeuvre de mesures de régulation des installations en libéral pour plusieurs professions de santé (infirmiers, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes) ;
- et d'autre part, l'évolution de la démographie de ces professions, particulièrement dynamique.
S'agissant des pharmaciens et des sages-femmes , la croissance démographique devrait se poursuivre jusqu'en 2040 mais à un rythme plus modéré que par le passé.
Ainsi, selon un rapport de 2016 de l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale des finances 20 ( * ) , les pharmaciens demeurent la profession la mieux répartie sur le territoire français : 97 % de la population métropolitaine vit aujourd'hui à moins de 10 minutes en voiture d'une officine et 4 millions de Français franchissent chaque jour le seuil d'une pharmacie 21 ( * ) . Ce maillage territorial découle pour partie des règles applicables aux créations, transferts ou regroupements d'officine, conditionnés à la densité de population. Le régime d'établissement des pharmacies a d'ailleurs été révisé récemment par une ordonnance du 3 janvier 2018 22 ( * ) et des règles spécifiques ont été instaurées pour certains territoires, où l'accès de la population au médicament est plus difficile. Le nombre de pharmaciens a continué à croître de manière régulière depuis 2000 (+ 26 % selon la Cour des Comptes 23 ( * ) ), garantissant une stabilité de la densité sur l'ensemble du territoire. Selon une étude de la DREES de mars 2019 24 ( * ) , avec une croissance de 8 % de pharmaciens prévue entre 2018 et 2040, cette densité devrait rester stable . Il n'y a donc pas aujourd'hui en France de « déserts pharmaceutiques ».
De même, les effectifs des sages-femmes ont augmenté dans une forte proportion depuis 2000 (+ 50 % selon la Cour des comptes 25 ( * ) ) en raison principalement du dynamisme de l'exercice libéral. La DRESS 26 ( * ) estime que cette croissance devrait se poursuivre jusqu'en 2040, mais à un rythme moins soutenu. La densité devrait quant à elle continuer à augmenter. Les graphiques suivants illustrent le dynamisme démographique de la profession.
Source : DREES, Portrait des professionnels de santé, 2016
La démographie est également très favorable pour les infirmiers et leurs effectifs vont continuer à croître dans les décennies à venir , même s'ils atteignent déjà un maximum historique. Comme pour les sages-femmes, ce dynamisme est particulièrement dû à l'attrait de l'exercice libéral . Selon une étude de la DREES de 2018 27 ( * ) , « dans l'hypothèse de comportements constants et d'un maintien des politiques en vigueur, le nombre d'infirmiers devrait augmenter de 53 % entre 2014 et 2040 pour atteindre 881 000 infirmiers actifs en 2040 . Cette hausse serait largement plus importante que l'augmentation de la population et se traduirait par une forte progression de la densité de professionnels ». Le graphique ci-dessous illustre cette tendance.
EFFECTIFS ET DENSITÉS D'INFIRMIERS EN
ACTIVITÉ
SELON LE SCÉNARIO TENDANCIEL
Source : DREES, 2018.
En outre, pour les trois professions de santé ayant mis en place des mesures de régulation dans l'installation des professionnels (sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes), tout en ayant profité d'une évolution démographique favorable, l'accessibilité s'est améliorée sur l'ensemble du territoire entre 2016 et 2017 28 ( * ) .
Pour les infirmiers, la progression des effectifs dans les zones très sous-dotés a été de 33 % entre 2008 et 2011 à la suite de la mise en place de ces mesures de conventionnement sélectif, avec une baisse de 3 % des effectifs dans les zones sur-dotées. Entre 2010 et 2014, le dispositif a été consolidé et les installations ont augmenté de près de 2 points dans les zones très sous-dotées, quand il baissait de 13 points en zones sur-dotées. Pour les masseurs-kinésithérapeutes, les installations en zones sous-dotées ont augmenté de 0,6 point et baissé de 3,8 points en zones sur-dotées sur 2012-2014.
Votre rapporteur pour avis relève que, pour ces professions, l'augmentation du nombre de praticiens habilités à exercer et la régulation des installations ont constitué une combinaison pertinente au service de la résorption des inégalités territoriales d'accès aux soins .
* 1 Voir le rapport n° 335 (2012-2013) de M. Hervé Maurey, fait au nom de la commission du développement durable.
* 2 Article L. 1434-4 du code de la santé publique.
* 3 Voir le rapport d'information n° 565 (2016-2017), fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
* 4 DREES, mai 2018, n° 1061.
* 5 L'ensemble des chiffres de densité médicale à jour sont reproduits en annexe au présent rapport.
* 6 Source : CNOM - synthèse de l'activité régulière, 2018.
* 7 Rapport du Dr Patrick Bouet, président du CNOM, sous la direction du Dr Jean-Marcel Mourgues, Président de la Section santé publique et démographie médicale.
* 8 À l'échelle de l'ensemble de la population, le nombre de consultations annuelles est plus proche de 4 par an.
* 9 DREES, Déserts médicaux : comment les définir ? Comment les mesurer ? Mai 2017.
* 10 DREES, octobre 2018, n° 1085.
* 11 Réponses de la Cour des comptes au questionnaire du groupe de travail « déserts médicaux ». Face à la situation préoccupante pour les soins visuels, la Cour des comptes avait notamment recommandé dans son RALFSS 2018 et devant les membres du groupe de travail « déserts médicaux » de votre commission, d'étendre les compétences exercées en toute autonomie par les orthoptistes et les opticiens-lunetiers, dont la démographie et le maillage du territoire sont particulièrement satisfaisants. Ainsi, l'on dénombrait 35 718 opticiens-lunetiers en 2017 contre seulement 10 118 en 2000 et 4 643 orthoptistes en 2017 contre 2 176 en 2000. En parallèle, la formation des professionnels devrait naturellement être approfondie vers un diplôme de master à bac +5.
* 12 Voir le rapport n° 685 (2016-2017) de Mmes Laurence Cohen, Catherine Génisson et M. René-Paul Savary, fait un nom de la commission des affaires sociales sur les urgences hospitalières.
* 13 Cour des comptes, L'avenir de l'Assurance-maladie , novembre 2017, p. 119-120.
* 14 Il s'agit du nombre de décès de l'année, rapporté à la population totale moyenne de l'année. L'INSEE calcule aussi un taux de mortalité standardisé des 65 ans ou plus, qui est de 37,6 pour 1 000 en Mayenne et de 37,5 dans les Bouches-du-Rhône.
* 15 Ibidem.
* 16 Titre V du livre I er « Professions médicales » de la quatrième partie du code de la santé publique.
* 17 Livre II « Professions de la pharmacie et de la physique médicale » de la quatrième partie du code de la santé publique.
* 18 Titre I du livre III « Auxiliaires médicaux, aides-soignantes, auxiliaires de puériculture, ambulanciers et assistants dentaires ».
* 19 Rapport n° 1185 (2017-2018) de MM. Philippe Vigier et Alexandre Freschi, sur l' égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en oeuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieu rural et urbain, Assemblée nationale, 19 juillet 2018.
* 20 IGAS-IGF, La régulation des pharmacies d'officine, 2016.
* 21 Source : Conseil national de l'ordre des pharmaciens.
* 22 Ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie.
* 23 Rapport précité sur l'avenir de l'Assurance-maladie, annexe n° 1, 2017.
* 24 DREES, 8 % de pharmaciens en plus entre 2018 et 2040, et une densité stabilisée, Études & Résultats n° 1110 , 2019.
* 25 Ibidem.
* 26 DREES, Portrait des professionnels de santé, 2016.
* 27 DREES 2018, n° 1062.
* 28 DREES , 2018 , n° 1100.