B. LES PRINCIPALES SPÉCIFICITÉS QUI DEMEURENT DANS LES RÉGIMES SPÉCIAUX SOULÈVENT LA QUESTION DE L'ÉQUITÉ ENTRE LES RÉGIMES
1. Les différences en termes d'architecture et de règles de calcul des pensions entre régimes alignés et régimes spéciaux
Les principales différences entre les régimes alignés et les régimes spéciaux concernent l'architecture de ces régimes et les modalités de calcul de la pension. En résumé :
- les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux sont tous des régimes intégrés, qui servent une pension calculée sur le traitement de base des six derniers mois, excluant les primes, avec un taux de liquidation de 75 % ;
- le régime des salariés du privé comporte d'une part, un régime de base, qui liquide une pension correspondant à 50 % du salaire moyen de référence calculé sur les 25 meilleures années, dans la limite d'un plafond annuel de sécurité sociale (Pass), et d'autre part, un régime complémentaire fonctionnant par points, acquis sur une assiette de salaire allant jusqu'à 8 PASS.
Ces règles sont schématisées dans le tableau ci-après.
L'architecture des régimes et les règles
de calcul
(en cas de retraite sans décote, ni surcote)
Source : Cor, La lettre du Cor n° 12, septembre 2015
Les travaux du Conseil d'orientation des retraites
24
(
*
)
montrent,
en appliquant
les règles de liquidation du régime général
à des cas-types
de fonctionnaires,
qu'il n'est pas possible
de conclure que les règles
de liquidation de l'un ou l'autre des
régimes sont plus favorables à leurs affiliés.
Dans son avis pour 2017, le comité de suivi des retraites a pris acte du rapprochement des paramètres des principaux régimes de retraite tout en constatant les grandes différences persistant en matière de règles de liquidation. « Cette situation contribue non seulement à rendre les comparaisons entre régimes très difficiles mais pourrait également entraîner, dans la durée, un décrochage des taux de remplacement entre le public et le privé, si la part des primes dans la rémunération des fonctionnaires continuait de croître. Toutefois, dans le même temps, les taux de remplacement dans le privé devraient également diminuer », concluait le comité en invitant le Cor à poursuivre ses travaux « pour mesurer l'équité entre le public et le privé sur la base de ces nouvelles hypothèses » 25 ( * ) .
2. La question des catégories actives
Les catégories actives de la fonction publique et des régimes spéciaux continuent de bénéficier d'un âge de départ à la retraite dérogatoire du droit commun ( voir encadré ci-dessous ).
Les catégories actives de la fonction publique « La notion de catégorie active est liée à l'occupation d'un emploi présentant un « risque particulier » ou des « fatigues exceptionnelles » (article L. 24 du code des pensions civiles et militaires). C'est le cas par exemple, parmi les fonctionnaires d'État, des agents de la Police nationale et des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire (respectivement 110 000 et 21 000 agents en 2012), parmi les fonctionnaires territoriaux, des sapeurs-pompiers professionnels et des agents de police municipale (respectivement 38 000 et 16 000 personnes en 2012) et, parmi les fonctionnaires hospitaliers, de certains personnels infirmiers, paramédicaux en contact avec les malades ou aides-soignants (environ 400 000 personnes en 2012 -cette estimation tient compte du fait que la moitié environ des infirmiers ont choisi d'être sortis de la catégorie active en contrepartie d'une revalorisation de carrière en passant en catégorie A). L'occupation d'un poste en catégorie active ne garantit pas automatiquement la possibilité de partir à la retraite de manière anticipée, car il faut en outre avoir travaillé désormais au moins 17 ans sous ce statut. L'anticipation de l'âge minimal légal de droit commun de départ à la retraite ne garantit pas non plus que la pension versée soit complète et sans décote - pour cela, l'assuré doit également obtenir la durée d'assurance requise pour le taux plein. En 2013, les départs anticipés à la retraite au titre de la catégorie active ont représenté un peu plus d'un nouveau retraité fonctionnaire sur cinq ». Source : La lettre du Cor, n° 12 |
Dans la
fonction publique civile de
l'État
, les fonctionnaires
de catégorie active,
peuvent partir à 57 ans pour les générations nées
après
le 1
er
janvier 1960 à la condition
d'avoir rempli une durée de service effectif de 17 ans au minimum
dans un emploi classé « actif ».
Les
militaires
dérogent
également aux règles d'âge de droit commun et ne sont
d'ailleurs pas soumis à une condition d'âge en tant que tel. Ils
doivent avoir accompli 27 ans de services pour les officiers
ou 17 ans
de service effectif pour les militaires de rang et les sous-officiers.
Des catégories actives existent également dans
certains régimes spéciaux, de même que des
catégories dites «
insalubres
», pour
lesquelles
le départ à la retraite à 52 ans est
autorisé. Les règles varient ensuite selon les régimes et
dépendent de leurs spécificités propres.
L'exemple de l'Opéra de Paris est ainsi typique :
les danseurs peuvent partir à la retraite à 40 ans, les
artistes de choeurs à l'âge de 50 ans,
porté
progressivement à 57 ans en 2029, les personnels techniques
à 55 ans portés à 57 ans en 2024 (en cas de
fatigue exceptionnelle) ou 62 ans en 2029, les artistes de l'orchestre,
chefs de chant, pianistes accompagnateurs à 60 ans et les autres
personnels à 62 ans en 2024.
Si ces règles apparaissent logiques d'un point de vue professionnel et artistique, votre rapporteur remarque qu'aucun régime spécial ne protège les artistes et techniciens des autres scènes d'opéra en France...
L'existence de ces catégories actives
qui justifient les régimes spéciaux
mérite
d'être interrogée au regard du principe de
l'équité
.
Votre rapporteur considère qu'une
réflexion générale devra être menée
sur la prise en compte de la pénibilité dans l'ensemble de la
population active avec des mécanismes lisibles.
L'exemple
récent du compte personnel de prévention de la
pénibilité, qui avait créé de vives tensions dans
les entreprises pour la qualification des postes de travail, doit demeurer
à l'esprit du législateur à la veille de la réforme
systémique.
La réforme sera aussi l'occasion de remettre à plat les dispositifs de retraite qui divergent encore entre les régimes des salariés du privé et les régimes spéciaux comme les règles encadrant les pensions de réversion, certains droits familiaux de retraite ou encore le principe de bonifications et de majorations de certaines durées d'assurance.
* 24 Lettre du Cor, n° 12.
* 25 Quatrième avis du comité de suivi des retraites, juillet 2017.