LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Audition en commission plénière :

Mercredi 24 octobre 2018

Général Richard LIZUREY, directeur général de la gendarmerie nationale (voir le compte rendu en annexe).

Audition par les rapporteurs :

Mardi 20 novembre 2018

M. Christophe MIRMAND, secrétaire général du ministère de l'Intérieur, M. Marc BOGET, adjoint au chef de la mission de gouvernance ministérielle des systèmes d'information et de communication, et M. Antoine GOBELET directeur de l'évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières.

ANNEXE - AUDITION DU GÉNÉRAL RICHARD LIZUREY,
LE MERCREDI 24 OCTOBRE 2018

M. Christian Cambon, président . - J'ai le plaisir d'accueillir le Général Richard Lizurey, Directeur général de la gendarmerie nationale. Mon Général, nous sommes très heureux de vous recevoir pour une présentation des crédits du programme 152 consacré à la Gendarmerie nationale.

Lutte contre le terrorisme et montée du renseignement territorial, multiplication des grandes manifestations : la gendarmerie nationale a dû affronter de nombreux défis au cours de l'année.

Lors de votre audition en mars dernier devant la commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité intérieure, vous aviez résumé ainsi la situation : il y a des signes de mécontentement, suscités notamment par le sentiment d'un décrochage des moyens et d'une moindre reconnaissance. L'esprit de corps et la cohésion de la Maison « transcendent » néanmoins ces difficultés : le souci du gendarme reste de s'adapter avec les moyens dont il dispose pour répondre aux besoins de la population.

Comment la situation a-t-elle depuis évolué ? Le budget en légère hausse annoncé pour 2019 permettra-t-il d'améliorer la situation matérielle des gendarmes ?

Par ailleurs, la gendarmerie nationale a dû récemment affronter des crises de grande ampleur qui ont mis à l'épreuve son organisation ainsi que ses capacités de maintien de l'ordre mais ont également montré qu'elle était capable de s'adapter à des situations particulièrement difficiles. Je pense notamment à l'ouragan Irma aux Antilles, mais aussi à l'évacuation réussie de Notre-Dame-des-landes en avril dernier.

Quels enseignements tirez-vous pour l'avenir de ces grandes opérations de maintien de l'ordre ? Sur un sujet plus particulier, quel est le dispositif prévu pour le déroulement du référendum en Nouvelle-Calédonie, dans moins de trois semaines ?

Enfin, nous savons que la réforme des retraites constitue un sujet de préoccupation majeur pour les gendarmes.

Pourriez-vous nous expliquer la manière dont vous abordez ce sujet, qui est piloté par le ministère des armées dans la mesure où il concerne l'ensemble des personnels de statut militaire ?

Cette audition est filmée et retransmise sur le site internet du Sénat. Nous avons 1h15 au total, merci de laisser du temps pour les échanges.

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale. - Voici quelques chiffres clefs concernant le T2 hors CAS, avec la partie réserve qui est importante, nos 30 000 réservistes étant un élément indispensable et déterminant pour faire face aux pics d'activité mais aussi au quotidien, renforçant les unités chaque jour. En 2017, nous avions 2758 réservistes/jour ; l'objectif est d'arriver au même niveau d'emploi en 2019. Pour cela nous avons, dans le budget qui vous est proposé, les crédits prévus : un peu plus de 98 millions d'euros, avec deux compléments. Le premier concerne le changement de l'outil de solde à partir du 1 er janvier 2019, qui permettra de payer plus vite nos réservistes. Jusqu'à présent nous avions deux mois de décalage, nous étions en année glissante, de sorte qu'avec le nouvel outil, nous serions amenés à payer 14 mois en 2019. Cela aurait un impact sur l'emploi, c'est pourquoi le budget a prévu 17 millions d'euros de mesures techniques pour résoudre ce problème et enclencher la dynamique vertueuse. Nous avons également 19 millions d'euros pour payer en 2019 les missions intervenues à partir de septembre 2018, puisque le ministre m'a demandé de mettre en place à partir de cette date le même niveau d'emploi de réservistes qu'en 2017, alors que, du fait de la régulation budgétaire, nous étions à 900 réservistes de moins depuis le début de l'année. Ces mesures techniques nous permettront donc d'avoir, tout au long de l'année, un niveau d'emploi de la réserve identique à celui de 2017. Pour la partie recrutements, le schéma d'emploi prévoit des renforts pour la police de sécurité du quotidien (PSQ), le renseignement et la formation ; la quasi-totalité des effectifs a vocation à être engagée au profit des unités territoriales car c'est sur le terrain que nos effectifs doivent être engagés, notamment dans les brigades territoriales le plus sous tension. Le plafond d'emploi s'élève à un peu plus de 100 760 ETPT. Enfin, les mesures diverses se rapportent à la nouvelle bonification indiciaire (NBI) des personnels civils et à des mesures au bénéfice des différentes catégories de personnel.

En ce qui concerne la partie transformations de poste, le ministre m'a demandé de transformer 300 postes par an d'officiers ou sous-officiers de gendarmerie en 150 postes de militaires du corps de soutien et 150 personnels civils. Ce processus est enclenché depuis l'année dernière et va se poursuivre tous les ans pendant 5 ans.

En ce qui concerne le hors T2, nous avons un budget satisfaisant qui nous permet de mettre en place un certain nombre de moyens : est notamment prévu le fonctionnement pour les réserves, avec le paquetage des réservistes. Il nous faut en effet acheter des gilets pare-balles, afin de tendre vers un équipement individuel pour chacun. En ce qui concerne l'immobilier, les rénovations de logement et sécurisations de casernes, pour 15 millions d'euros, sont importantes, car il y a de plus en plus d'agressions et d'attaques contre les casernes de gendarmerie. S'agissant de la partie mobilité, sont prévus 2800 véhicules, les hélicoptères et le maintien en condition opérationnelle (MCO) de Néogend. Tels sont les grands agrégats.

Mon sentiment est qu'il s'agit d'un budget satisfaisant qui nous permet de mettre en place un certain nombre de moyens au profit des militaires de la gendarmerie. Ce budget est satisfaisant mais nous oblige malgré tout à faire des choix. Nous avons donc fait le choix, depuis quelques temps, de la modernisation et de la numérisation, avec la mise en place de Néogend mais aussi, sous la houlette du ministère de l'intérieur, une réforme créant une direction du numérique, dans laquelle nous nous inscrivons résolument, l'objectif étant d'avoir une modernisation partagée du numérique pour l'ensemble des directions et des services du ministère, de manière à avoir des dispositifs interopérables et qui permettent de gagner du temps. Il s'agit à la fois de simplifier le service pour les usagers et citoyens, mais aussi de faire gagner du temps au gendarme afin qu'il puisse investir davantage dans le contact, qui constitue un axe prioritaire. Nous avons encore des marges de progression. Dans le cadre de la PSQ, nous avons mis en place plusieurs dispositifs. Le dispositif des brigades de contact a été pérennisé ; nous avons développé des groupes contact... Nous avons aujourd'hui 250 dispositifs qui correspondent à cette vision de la proximité physique et du contact individuel ; nous avons également des dispositifs qui nous permettent dans le cadre de la PSQ de contacter au quotidien les élus - j'attends votre retour à ce sujet -  : nous avons mis en place un référent personnalisé pour chaque maire, qui doit l'informer systématiquement de ce qui se passe dans sa commune. Nous avons mis en place une réunion, chaque semestre, au niveau de chaque gendarmerie départementale, lors de laquelle le commandant de compagnie et ses commandants de brigade rendent compte aux élus de l'action de la gendarmerie. Il s'agit d'une réunion de travail d'au moins une demi-journée, qui a vocation à rendre compte de l'activité de la gendarmerie et à travailler à l'amélioration du service rendu. C'est un dispositif important sur lequel nous allons continuer à travailler, car c'est ce contact avec la population et avec les élus qui me paraît être le meilleur moyen pour que le service public de la gendarmerie s'adapte bien au biotope local. C'est le sur-mesure : quelque chose qui s'est fait dans tel département ne peut pas nécessairement l'être dans un autre. L'intelligence locale doit l'emporter et celle-ci résulte du travail conjoint entre les gendarmes et les élus.

Les défis sont les mêmes que l'année dernière : nous sommes toujours dans une logique de lutte contre le terrorisme et de prévention de la radicalisation, en liaison avec l'ensemble des services partenaires. Je dois me féliciter de l'amélioration de ces partenariats, en particulier avec les services de la police nationale. Sur la partie renseignement territorial, nous avons développé et allons continuer à développer notre participation. L'année prochaine, 54 personnels de la gendarmerie vont ainsi aller abonder le renseignement territorial, puis 27 personnels supplémentaires tous les ans pour renforcer ce dispositif. Depuis cet été, grâce à l'action du Directeur général de la sécurité intérieure, nous avons des militaires de la gendarmerie au sein de la DGSI, ce qui est une nouveauté. Nous avons des fiches de postes pour en affecter davantage. C'est symbolique mais cela montre surtout que nous faisons face en commun à ce défi de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme : nous sommes tous en ligne pour combattre ce fléau.

Bien entendu, nous poursuivons le travail de lutte contre la délinquance, dans lequel nous obtenons aujourd'hui des résultats intéressant, notamment en ce qui concerne les atteintes aux biens, avec une diminution des cambriolages d'environ 7% depuis le début de l'année. Un gros travail a été fait sur le terrain en matière de prévention, mais aussi un travail de police judiciaire sous l'égide, notamment, de l'office central de lutte contre la délinquance itinérante, qui nous permet de lutter contre les grands groupes criminels internationaux. Jusqu'à présent les cambriolages étaient considérés comme de la petite délinquance ; en réalité aujourd'hui, le plus souvent, une organisation criminelle internationale utilise le cambriolage pour alimenter une chaîne pyramidale. C'est une criminalité organisée qu'il nous faut combattre, qui vient souvent d'Europe de l'Est. L'office central de lutte contre la délinquance itinérante est leader d'un projet « Empact » (European multidisciplinary platform against criminal threats) européen, ce qui nous permet d'avoir un réseau européen pour lutter contre ces phénomènes. L'année dernière, nous avons démantelé 50 groupes criminels internationaux, et cette année nous en sommes déjà à 38. C'est vraiment une menace très forte, avec une organisation pyramidale : des donneurs d'ordre qui sont à l'étranger ; les exécutants, qui sont souvent des mineurs, qui sont sur notre territoire, avec une chaîne de responsables intermédiaire : c'est une organisation quasi militaire qu'il nous faut combattre. Le travail se poursuit également contre la délinquance quotidienne et de proximité, notamment à travers la police technique et scientifique (PTS), où nous avons continué les efforts de modernisation. Cela va de la PTS de proximité - dans chaque brigade il y a un technicien d'investigation criminelle de proximité-, à toute la chaîne de PTS qui remonte jusqu'à l'institut de recherche, lui-même en liaison avec beaucoup de partenaires. Nous avons ainsi mis en place un conseil scientifique qui nous permet de développer un certain nombre de techniques en liaison avec la police nationale, avec laquelle nous travaillons aussi sur une rationalisation et une mutualisation des dispositifs de PTS de chaque département. Aujourd'hui, dans chaque département, il peut y avoir une plate-forme police et une plate-forme gendarmerie : l'idée est de rapprocher ces structures afin de rationaliser l'emploi de ces outils. Nous avons aussi lancé depuis deux ou trois ans une logique de dépôt de brevets. Nous en avons déjà déposé cinq et valorisé deux en liaison avec des industriels, ce qui nous permet d'avoir une participation aux bénéfices (des royalties) et aussi un prix plancher pour les produits que nous développons sur la base de ces brevets. Ainsi, la lutte contre la délinquance du quotidien et les outils que nous y consacrons permettent aussi de valoriser les innovations de nos personnels.

Nous poursuivons également nos activités en matière de police de la route et de police administrative. Un gros travail est accompli en matière de police de l'environnement, sous l'égide de l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, lui aussi leader d'un projet « Empact » européen. Il s'agit d'une criminalité sur laquelle se positionnent de plus en plus de groupe criminel, notamment sur le trafic de déchets. Jusqu'à maintenant cette délinquance était moins sanctionnée que la délinquance traditionnelle : nous devons investir ce champ nouveau. Autre champ important, le cyber et le numérique, sur lequel nous avons déjà investi depuis un certain temps et dans lequel nous continuons à agir. Nous mettons en place, dans chaque unité territoriale, des personnels spécialisés sur ce sujet. Nous avons actuellement 4 000 personnels sensibilisés et formés, l'objectif étant d'arriver à 6 000 afin d'apporter un service au citoyen qui vient nous voir après avoir été victime d'une escroquerie sur Internet. Ce n'est pas forcément le gendarme de brigade qui va répondre, mais il va savoir vers qui adresser l'usager : ce chaînage entre le citoyen et la personne qui pourra lui apporter une réponse est essentiel.

Depuis quelques mois, nous avons mis en place deux dispositifs intéressants dans le domaine du numérique : d'abord une brigade numérique, en place depuis quelques mois et qui a déjà été saisie environ 40 000 fois, installée à Rennes avec une vingtaine de militaires de la gendarmerie. C'est un service supplémentaire par rapport aux brigades classiques et qui, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, délivre au citoyen des renseignements dans différents domaines. Cela soulage aussi les brigades territoriales. Cette brigade numérique servira de plate-forme d'accueil des futures plaintes en ligne, ainsi que pour les violences sexuelles et sexistes. Elle servira ainsi de matrice du développement des relations avec les victimes et les usagers.

Nous travaillons par ailleurs actuellement avec la chancellerie sur la procédure pénale numérique. Il s'agit de travailler sur une dématérialisation de la procédure jusqu'au procès pénal. Cela devrait permettre de dégager des marges de manoeuvre, à l'horizon 2021-2022, pour nos personnels.

Enfin, la plate-forme Perceval permet, depuis le mois de mai, d'agréger tous les signalements de fraude à la carte bancaire sur Internet. Ceci nous permet de faire des rapprochements. Nous avons ainsi pu initier 58 enquêtes à Pontoise sous l'égide du procureur de la République. Un certain nombre d'auteurs ont été repérés. L'escroquerie moyenne est de 500 euros, le contentieux total qui nous a été signalé se monte à 17 millions d'euros. Nous étions jusqu'alors un peu démunis face à cette criminalité qui se développe : nous aurons maintenant un temps d'avance.

Nous allons également être encore davantage présents pour diminuer la mortalité routière.

Pour atteindre ces objectifs, je souhaite que nos ressources humaines progressent quantitativement mais aussi en qualité, c'est pourquoi nous avons inclus dans le périmètre de la formation initiale la fonction contact. Nos jeunes gendarmes sont souvent des citadins qui n'ont pas toujours la culture du contact. Il est important de leur expliquer qu'ils doivent aller à la rencontre des élus dans les circonscriptions. Nous avions un peu perdu cette culture au cours des dernières années en devenant une gendarmerie d'intervention. À cet égard, l'outil Néogend est formidable car il nous permet, et nous permettra encore davantage demain, de gagner du temps. L'outil comprend une cinquantaine d'applications et nous travaillons sur une quarantaine supplémentaire.

Nous travaillons également sur la formation de nos officiers, dans une logique d'ouverture et de mobilité. J'estime qu'un officier appelé à exercer des responsabilités importantes au sein de la gendarmerie doit avoir occupé un poste à l'extérieur de la « maison ». Nous avons cette année deux officiers supérieurs qui sont directeurs de cabinet de préfet. C'est une nouveauté. Des officiers sont à la Cour des comptes, au Conseil d'Etat, dans les services habituels du ministère des armées ou du ministère de l'intérieur. Cinq officiers sont en stage à l'école nationale d'administration, en lieu et place de l'école de guerre : c'est une logique d'ouverture qui me semble très importante. Quelqu'un qui sort de la maison et qui revient, revient meilleur !

S'agissant des enseignements que je tire des grandes opérations (Irma, Notre-Dame-des-Landes), il me semble que le « modèle gendarmerie » est adapté à ces crises, car c'est un modèle intégré. J'ai dans la main la totalité des leviers nécessaires : l'outil opérationnel, l'outil de soutien, l'outil de projection et l'outil budgétaire. Dans l'opération Irma, la réactivité a été un élément majeur. Il fallait projeter rapidement des troupes. Nous avons notamment envoyé deux compagnies de réserve territoriale, soit 150 réservistes à qui je rends hommage car ils ont passé trois mois dans des conditions extrêmement difficiles, parfois au détriment de leur emploi, ce qui est remarquable. Je les ai décorés récemment. L'opération Irma, c'est aussi l'engagement des militaires du corps de soutien, qui ont démontré toute leur pertinence. Deuxième enseignement, l'intérêt du commandement unique des opérations. À Notre-Dame-des-Landes, nous avions certes eu le temps de nous préparer, mais le commandement des opérations sur le terrain a été essentiel, avec la totalité des partenaires sur zone. J'avais un PC opérationnel avec les militaires de la gendarmerie, le corps préfectoral, les deux procureurs de la République en personne, les sapeurs-pompiers du SDIS 44 dont les personnels étaient au sein des escadrons, l'ensemble des partenaires privés comme Vinci, les personnels du renseignement territorial et de la DGSI, des formations militaires de la sécurité civile et de la police nationale dont j'ai engagé des engins lanceurs d'eau. Commandement unique et unicité de lieu nous ont donc permis de monter une opération bien préparée deux ou trois mois à l'avance, sous la houlette du ministre de l'intérieur et de son directeur de cabinet, notamment. La composante blindée a été déterminante. C'est la première fois que les véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) ont été utilisés pour une opération de maintien de l'ordre en métropole, ce qui a nécessité une réquisition du Premier ministre.

S'agissant de la directive temps de travail, depuis la mise en place de l'instruction provisoire au 1 er septembre 2016, nous avons absorbé la réforme ; nous sommes dans la dynamique des armées ; les discussions se poursuivent avec la Commission européenne mais aucun changement futur n'est prévu en ce qui concerne le travail des gendarmes.

Les retraites sont effectivement un sujet de préoccupation. J'ai désigné un chef de projet au sein de la direction générale ; nous n'avons pas encore suffisamment de visibilité mais nous sommes attentifs à ce que les personnels aient les réponses adaptées.

M. Philippe Paul . - Le général, toujours très précis, a répondu par avance à presque toutes mes questions !

N'y a-t-il pas eu quelques difficultés s'agissant des réserves depuis le mois de mai, qui se sont traduites sur le terrain ? Qu'en est-il des éventuels problèmes de carburants depuis quelques semaines ? S'agissant les véhicules, on en voit qui on l'âge d'un très bon whiskey, et peu de neufs : avez-vous pu acheter ceux qui devaient l'être en 2018 ? S'agissant de la directive européenne, certains ont dit que la gendarmerie était allée un peu vite, mais je crois que ce n'est pas fondé ? S'agissant de la brigade numérique, cela marche tellement bien qu'il y aurait des velléités de la regrouper au sein d'une grande direction du ministère. Qu'en est-il ? La spécificité de la gendarmerie dans ce domaine est importante !

M. Yannick Vaugrenard . - Je m'associe aux propos du Président de la commission sur Irma et sur Notre-Dame des landes. En tant que sénateur de la Loire Atlantique, je peux témoigner de l'énorme patience et du grand sang-froid de la gendarmerie nationale en cette occasion, en coopération avec d'autres services de l'Etat ou départementaux, les services de lutte contre les incendies, la justice, la préfète. L'action a été menée de manière remarquable, sans qu'il y ait de mort.

Je souhaiterais par ailleurs que vous puissiez détailler l'application de la directive européenne temps de travail.

Il y a récemment eu un rapport sénatorial sur l'état des forces de sécurité intérieure. Il semble qu'il existe un certain un mal-être, notamment parce que la Nation ne fait pas assez d'efforts en termes, par exemple, de carburant ou de remplacement de véhicules. Une partie de cette lassitude est due aux réformes successives de la procédure pénale, qui ont rendu le travail des enquêteurs de plus en plus complexe. Il y a des espoirs d'amélioration, notamment en ce qui concerne la dématérialisation des procédures. Le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice comprend un certain nombre de mesures dans ce domaine. Pensez-vous que ces réformes sont de nature à rendre son attractivité à la fonction d'officier de police judiciaire au sein de la gendarmerie ? Quel est l'état d'avancement du dossier de la dématérialisation des procédures ?

En 2015 ont été créées au sein des armées les associations professionnelles de militaires (APNM). Pourriez-vous faire un bilan de cette réforme à ce jour, en nous indiquant notamment si certaines de ces APNM ont atteint le seuil de représentativité nécessaire pour participer au dialogue organisé au niveau national, par les ministres des armées et de l'intérieur ainsi que par les autorités militaires, sur les questions générales intéressant la condition militaire ?

Pour finir, je voudrais revenir sur la perquisition dans les locaux de la France Insoumise et sur des images dérangeantes pour tout le monde. Face aux vociférations et à l'agressivité de M. Mélenchon, il s'est trouvé un capitaine de gendarmerie, en poste à l'office central de lutte contre la corruption de Nanterre, qui fut d'un calme remarquable, d'un grand stoïcisme et je considère que ce capitaine de gendarmerie de Nanterre a fait honneur à la République par son comportement au moment ou un représentant élu au suffrage universel la déshonorait.

M. Pascal Allizard . - La Gendarmerie concourt à l'innovation, en particulier sur le Big data, puisque vous avez développé un logiciel d'analyses prédictives. Vos moyens sont-ils suffisants et avez-vous recours à des entreprises françaises ?

M. Cédric Perrin . - Depuis la fin du drone Harfang qui était utilisé par les forces de sécurité intérieure pour surveiller le territoire national, nous n'avons plus de moyens car le drone Reaper n'a pas vocation à remplir cette mission. Comment voyez-vous, à l'avenir, la surveillance des grands événements ? Concernant les mini-drones, ils ont aujourd'hui une utilisation très restreinte puisque centralisée dans le cadre des sections aériennes. Il y a aussi le problème de la lourdeur du processus d'acquisition de ces drones qui fait que les coûts sont exponentiels. Quel est l'avenir de ce type de matériel? S'agissant de la formation des nouveaux gendarmes, les maires me disent qu'il n'y a pas de contact ...

M. Jacques Le Nay . - Je suis sensible au message que vous adressez aux gendarmes pour qu'ils aillent vers les autres et, en particulier, vers les élus. Les collectivités, par leurs investissements, ont largement contribué à la présence de la gendarmerie sur l'ensemble du territoire et, notamment, dans les zones rurales. Quelle est la situation du parc immobilier mis à disposition par les collectivités ? La volonté de maintenir un maillage, tant dissuasif qu'opérationnel, sur l'ensemble de la zone gendarmerie est-elle toujours clairement affichée ?

M. Hugues Saury . - J'avais la même question que mon collège Philippe Paul mais je vais la préciser. Cela concerne la faible augmentation des crédits de fonctionnement du quotidien, crédits qui servent notamment à l'achat de carburant. On entend que les gendarmes ont des difficultés, que certaines patrouilles ne peuvent avoir lieu faute d'une dotation suffisante et que certains gendarmes sont même obligés d'acquérir des équipements et du carburant sur leurs propres deniers. Je ne sais pas si ces informations sont exactes ou s'il s'agit d'une rumeur. Quelles actions envisagez-vous pour régler ce problème ou mettre fin à cette rumeur ?

M. Gilbert-Luc Devinaz . - Ma question porte sur les moyens de la gendarmerie. Nous nous félicitons de la création nette de 643 postes. En revanche, le budget du titre III du projet de loi de finances pour 2019 est reconduit à périmètre constant. Comment l'expliquez-vous, alors que la demande d'amélioration des conditions d'exercice du métier a été formulée à de nombreuses reprises, au cours de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure, à laquelle j'ai participé, comme bon nombre de mes collègues de cette commission ?

M. Gilbert Bouchet . - J'ai suivi avec un grand intérêt trois jours de stage « gendarmerie » dans la Drôme. Je confirme la mise en place du référent sûreté de la gendarmerie dans la Drôme. Cela fonctionne très bien. Effectivement, on entend beaucoup parler des problèmes de carburant mais surtout de la vétusté des équipements et des bâtiments. Pouvez-vous nous indiquer l'âge moyen des véhicules de gendarmerie utilisés sur le territoire ?

M. Olivier Cadic . - Vous avez parlé de la cyber-délinquance. Il y a des arnaques en tous genres, arnaques aux sentiments, à l'héritage, à la loterie, à la commande de matériels avec paiement par carte bancaire ou virement, sur les sites de ventes aux particuliers et le comble, l'arnaque aux dédommagements des victimes d'abus de confiance. Tout cela est détaillé sur le site du Consulat de France à Abidjan, pays où l'on a beaucoup d'imagination dans ce domaine. Avez-vous le top 10 des arnaques les plus utilisées en France ? Pourriez-vous les médiatiser pour sensibiliser la population à cette problématique ?

Mme Isabelle Raimond-Pavero . - Suite au congrès national de la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie, il y a eu une consultation sur la police de sécurité du quotidien (PSQ) qui a fait apparaître plusieurs points : manque de moyens juridiques et de personnels, souhait que le travail des gendarmes soit recentré sur le coeur de métier. Les retraités souhaiteraient être davantage associés à l'indispensable effort des habitants pour leur propre sécurité, mais dans un cadre juridique précis. J'ai reçu une motion à ce sujet ce matin même. Il y a donc une proposition. Qu'en pensez-vous ?

M. Ladislas Poniatowski . - Merci de bien vouloir nous montrer à nouveau ce que vous appelez « le triangle de proximité » qui montre l'effort budgétaire en faveur de l'hébergement et des conditions de travail des gendarmes. Il faut savoir qu'en France, il y a des brigades domaniales, départementales mais aussi municipales. Les budgets des départements, des municipalités et des intercommunalités consacrés à ces brigades sont importants aussi. À l'avenir, j'aimerais que vous les fassiez apparaître pour montrer les efforts réalisés, notamment en faveur de la rénovation et de la construction des logements et bureaux.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Pourriez-vous nous parler de la présence des gendarmes à l'étranger, notamment pour surveiller les ambassades ? En 2006, le Quai d'Orsay a voulu confier le gardiennage des ambassades à des entreprises privées avec les conséquences négatives que l'on sait. Existe-t-il une possibilité pour que les gendarmes présents à l'étranger puissent aider à l'organisation des journées défense et citoyenneté (JDC) sur place, si nous arrivons à obtenir du Quai qu'il revienne sur sa décision de les supprimer ?

M. Jean-Marc Todeschini . - Je m'associe à l'hommage rendu à la gendarmerie. Je veux également rendre hommage au jeune gendarme Sébastien Turin, mort lors d'une opération de sécurisation d'un accident sur l'autoroute A1. J'assisterai à ses obsèques à Longeville-lès-saint-Avold vendredi prochain. Je veux revenir sur la réserve. Je voudrais savoir si vous parvenez à recruter des réservistes, conformément aux besoins, dans tous les départements, y compris dans les départements ruraux ? Mon collègue Jean-Marie Bockel et moi-même, avons travaillé sur le service national universel (SNU). Avez-vous des pistes sur l'engagement de la gendarmerie dans ce dispositif ?

M. Christian Cambon, président . - Je donne maintenant la parole à notre collègue Gisèle Jourda et je lui renouvelle le témoignage de solidarité de la commission pour les événements que l'Aude vient de connaître.

Mme Gisèle Jourda . - Merci beaucoup Monsieur le Président. Lorsque j'ai entendu les hommages rendus à la gendarmerie, je n'ai pas pu m'empêcher, en tant qu'élue et citoyenne de l'Aude, ainsi qu'en tant qu'ancienne première adjointe au maire de Trèbes, d'avoir une pensée pour Arnaud Beltrame, mort en service, le 24 mars dernier, et au lourd tribut payé par la gendarmerie, notamment, dans la lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, je suis en zone gendarmerie et je peux dire que si l'on pouvait avoir des doutes au début lors de la répartition entre les deux zones, cela fonctionne très bien aujourd'hui. La gendarmerie accomplit parfaitement sa mission.

M. Michel Boutant . - Je veux faire un lien entre innovation et prospective ainsi qu'avec les enquêtes scientifiques qui sont conduites par la gendarmerie comme on a pu le voir dans l'affaire Maëlys et Nordhal Lelandais, dans laquelle vos services ont accompli un travail remarquable. Après avoir complétement désossé la voiture, ils ont trouvé la preuve qui a permis d'inculper Nordhal Lelandais. Quelle évolution est prévue pour ce laboratoire de recherches scientifiques ? Allez-vous bénéficier d'une partie des crédits réservés à l'innovation ? Pendant six mois, j'ai présidé la commission d'enquêtes sur l'état des forces de sécurité intérieure à la fois sur la gendarmerie et la police nationale. Nous avons entendu un grand nombre de témoignages, dont le vôtre et celui du Directeur général de la police nationale. Quand on voit l'état du parc immobilier et automobile, des équipements, je me demande, si à l'instar de ce qui se fait pour les armées, il ne serait pas judicieux de lancer une loi de programmation pour les forces de sécurité intérieure avec une planification annuelle régulière, en termes d'amélioration des conditions de travail, des bâtiments, des véhicules, des équipements ainsi que des actions scientifiques.

M. Christian Cambon, président . - Je voudrais savoir, même si c'est un peu aux limites de notre compétence, si vous avez un premier bilan de la mise en oeuvre de cette mesure, très contestée, d'une vitesse maximale de 80 km/h sur les routes à double sens sans séparateur, mesure qui a été mise en place sans grande concertation avec les élus. Trouvez-vous une justification technique à l'application de cette mesure ?

Général Richard Lizurey . - S'agissant des réserves, la régulation budgétaire qui a été mise en oeuvre a pour objectif de respecter la loi de finances initiale en matière de T2. Nous possédons aujourd'hui deux leviers : les réserves et les dates d'incorporation. Nous avons fait usage des deux leviers en 2018 : j'ai enlevé de la partie « réserve » les 28 millions d'euros nécessaires pour rester dans l'enveloppe T2, ce qui explique les 19 millions d'euros de 2019, permettant d'enclencher un cycle vertueux - nous faisons en sorte que l'ensemble de l'année soit harmonisé pour qu'on puisse engager nos réservistes au quotidien au profit de nos unités. Je suis raisonnablement optimiste sur l'emploi des réservistes et sur le budget, qui est aujourd'hui satisfaisant à cet égard. Notre objectif est de diminuer au maximum le dégât collatéral qu'une régulation pourrait éventuellement occasionner.

Pour ce qui est des carburants, les rumeurs vont bon train, mais je n'ai pas connaissance, et je pense que je le saurais si c'était arrivé, qu'un gendarme ait acheté du carburant à titre personnel pour le service. Rien, à aucun moment, ne m'est remonté à ce stade. De plus, je n'ai pas connaissance non plus de limitations de kilométrage pour les patrouilles en circulation. Cependant, nous avons évidemment donné des conseils et des directives pour que nos patrouilles ne soient pas des patrouilles « kilométriques ». Faire 300 ou 500 kilomètres dans la nuit n'a aucun sens. Notre objectif ne consiste pas à faire des kilomètres, mais à sortir de la voiture et à rencontrer nos concitoyens. Pour autant, puisque le carburant est un paramètre important, nous avons injecté 3 millions d'euros sur les crédits des régions de gendarmerie de sorte que nous puissions terminer l'année sans problème à ce niveau. Mais à ce stade, je n'ai pas connaissance d'unités qui seraient en rupture de carburant ou qui ne pourraient pas mener leurs activités en raison d'un défaut de carburant.

Concernant les véhicules, les achats prévus pour l'année prochaine ne prennent pas en compte la mise en réserve. En 2018, nous avions prévu d'acheter 2 700 véhicules : à ce stade, nous en avons commandé 1 700, qui seront livrés dans l'année ; nous avons positionné la mise en réserve sur un certain nombre d'items, dont 1 000 véhicules, la marge de manoeuvre étant limitée. À ce stade, la mise en réserve n'est pas levée ; je n'ai pas encore commandé les 1 000 véhicules supplémentaires.

Si l'âge moyen des véhicules à 4 roues est d'environ 7,4 ans, celui des véhicules à 2 roues est d'environ 6 ans. Au total, nous possédons 31 000 véhicules, dont 24 000 opérationnels. L'objectif serait d'arriver à commander un maximum de véhicules l'année prochaine, l'objectif étant de 3 000 véhicules par an.

Sur la directive temps de travail, le Président de la République avait dit qu'elle n'avait à s'appliquer ni aux forces armées, ni à la gendarmerie nationale. Nous ne bougeons plus sur ce sujet. C'est la direction des affaires juridiques du ministère des armées qui est leader pour la négociation avec la Commission européenne. À la suite d'un contentieux porté devant le Conseil d'Etat par une association nationale professionnelle de militaires (APNM) contre l'instruction alors en vigueur s'agissant des rythmes de travail, le Conseil nous a demandé de manière informelle d'abroger cette instruction afin d'éviter une sanction et une injonction de transposition immédiate. Nous avons, à la faveur des discussions menées avec la direction des affaires juridiques du ministère des armées et avec nos personnels, mis en place, au 1 er septembre 2016, l'instruction provisoire « 36 132 », qui intègre quelques items de la directive sur le temps de travail, sans que ce soit considéré comme une transposition. Nous avons notamment intégré les 11 heures de repos physiologique journalier par tranche de 24 heures, conduisant à une diminution du temps de travail global de l'ensemble de la gendarmerie, d'à peu près 4 000 ETP selon l'inspection générale de l'administration. C'est totalement intégré, nous avons fait toute l'année 2017 et l'année 2018 avec ce système. Aucune étape supplémentaire n'est prévue. Enfin, nous considérons que la disposition des 48 heures maximales de travail hebdomadaire pondérées sur l'année n'a pas vocation à s'appliquer aux forces armées, encore moins à la gendarmerie, car notre objectif au quotidien est d'être à la disposition de nos concitoyens.

S'agissant de la brigade numérique, nous allons développer son champ d'action et nous envisageons d'en augmenter les effectifs. Le besoin s'en fait sentir. Cette démarche a d'ailleurs été inscrite dans une logique interministérielle, avec la création d'une direction du numérique au sein du ministère de l'intérieur. L'objectif consistera à rationnaliser la totalité des dispositifs numériques existants dans les diverses directions et les regrouper au sein d'une gouvernance unique, à l'instar de ce qui se fait au ministère des armées. Nous n'en sommes qu'au début. Une réunion du comité stratégique se tiendra la semaine prochaine ; le dispositif de préfiguration sera mis en place en 2019 pour une mise en oeuvre au 1 er janvier 2020. L'ambition du ministère à ce stade est d'améliorer le fonctionnement et de n'avoir aucune régression fonctionnelle.

Concernant la simplification de la procédure pénale, nous agissons dans deux domaines. D'abord, la procédure pénale à droit constant, où un certain nombre de simplifications ont déjà été introduites (par exemple un procès-verbal de garde à vue unique, sur lequel nous avons travaillé avec le directeur des affaires criminelles et des grâces) ; nous envisageons de diffuser une circulaire commune justice/intérieure pour rappeler les mesures déjà mises en oeuvre et insuffisamment utilisées. Ensuite, il y a un travail de réflexion sur la dématérialisation de la procédure pénale ; nous possédons aujourd'hui un logiciel de rédaction de procédures qui permet à chaque gendarme de rédiger de manière numérique sa procédure, mais il est ensuite obligé d'imprimer cette procédure pour la transmettre au magistrat. Compte tenu de la perte de temps et de papier que cela représente, le processus mérite d'être industrialisé, ce qui est le but du groupe projet intérieur/justice, visant une poursuite de la dématérialisation déjà existante à travers les logiciels de rédaction de procédure et la création d'un « puits » de données qui servirait ensuite à alimenter la procédure numérique à destination des magistrats et des avocats, pour arriver enfin au procès pénal. Un tel changement est envisagé à l'horizon 2021-2022, puisqu'il faut recréer toute une architecture informatique, notamment au ministère de la justice, afin que nos procédures puissent être déclinées au niveau national mais aussi au niveau de chaque juridiction. Par ailleurs, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice est en cours d'examen. Nous y avons été associés ; il y a un certain nombre de mesures de simplification. Celles qui étaient contenues dans le texte initial, en tout cas, nous paraissent aller dans le bon sens.

Pour ce qui est des APNM, nous en avons deux, qui ne sont pas représentatives au sens règlementaire du terme. Je les ai déjà reçues une première fois l'année dernière et je vais les recevoir à nouveau dans le cadre d'un travail sur la lutte contre les suicides. Ces associations existent et il serait inopportun de les ignorer ; nous savons besoin d'avis, d'éclairages et de critiques.

Je prends notamment note de la question liée au contact avec les élus et la population, sur lesquelles nous devrons travailler davantage. Cela représente un apprentissage régulier, une culture à bâtir, un terreau. Cette culture s'est dégradée pour nombre de raisons : la mise en place de communautés de brigade qui nous a éloignés du terrain, la mise en place de centres opérationnels qui avait constitué un choc culturel assez important, enfin un travail important sur le délai d'intervention en détriment du contact. Il s'agit d'une nouvelle culture qu'il faut réimplanter. Nous avons effectivement ici ou là, dans les unités, des marges de progression. Je réunis, le 14 novembre et pour la première fois, la totalité des commandants de région, de groupement et de compagnie à l'école polytechnique. Il est essentiel de leur transmettre un message unique sur la priorité absolue du contact, dont tout le reste découle. J'espère que, l'année prochaine, nous aurons répondu davantage à cette problématique.

Je tiens à vous remercier pour l'hommage qui a été rendu aux gendarmes à propos de Notre-Dame-des-Landes et pour Trèbes. Nous avons été témoins d'un élan de solidarité exceptionnel, international. Merci pour votre soutien pour le capitaine ; je l'ai félicité. Sans mettre en cause qui que ce soit, cela montre les difficultés auxquelles les forces de l'ordre font face. Ça arrive tous les jours. Tous les jours des gendarmes se font insulter, agresser, filmer, et en général on ne voit qu'un bout du film, la fin, quand le gendarme riposte...Je rends hommage à tous ces gendarmes qui, au quotidien, subissent ces outrages et ces agressions et qui font face. Leur réponse est souvent, pas toujours peut-être et pas assez, mais très souvent adaptée aux situations rencontrées, comme à de Notre-Dame-des-landes. Nous apprenons à nos personnels la résilience, la résistance, la sérénité : nous sommes dépositaires de la puissance publique, et c'est l'honneur de l'autorité de maîtriser cette puissance. J'ai donc félicité ce capitaine qui a eu une réaction parfaitement adaptée et remarquable.

Sur les outils d'analyse prédictive, nous utilisons un logiciel entièrement développé en interne par un de nos officiers. Ce dernier a développé un algorithme qui nous a permis de mener une expérimentation sur 11 départements, visant la création d'une « météorologie » de la délinquance et des cambriolages. Au bout d'un an, c'est dans ces 11 départements que nous avons les meilleurs résultats ! Il s'agit d'un dispositif pertinent qui a réussi à prévoir 81% des occurrences et que, de ce fait, il faudra généraliser. Début 2019, le dispositif d'analyse prédictive sera disponible pour la totalité de la métropole, exclusivement en tant qu'aide à la décision, ne remplaçant pas la fonction décisionnelle du chef mais l'éclairant pour le choix des patrouilles. Nous n'avons pas fait appel à une entreprise. On nous reproche parfois de faire les choses en interne. Mais Néogend a été fait en quatre ans ; si nous l'avions sous-traité, je ne vous en parlerais probablement pas encore.

En ce qui concerne les drones, nos besoins en la matière concernent principalement le renseignement, la police judiciaire et le maintien de l'ordre, comme à Notre-Dame-des-Landes où chaque escadron avait une équipe télépilote/drone. Il est vrai que nous utilisons majoritairement des drones classiques : il y a environ 2 ans, la gendarmerie a effectué un achat de drones Novadem, dont 80% a été financé par l'UE. Accessoirement, nous utilisons la totalité des drones que nous saisissons. Demain, l'objectif sera d'équiper chaque groupement d'un moyen drone, en mettant en place une solution propriétaire ou locative, celle-ci convenant mieux à ce type de matériel en cours de modernisation. Accessoirement, nous utilisons tous les drones que nous saisissons grâce à des saisies-attributions. Pour la surveillance du territoire nationale, de mon point de vue, il est préférable d'utiliser les matériels des armées, plutôt que d'en acheter de nouveaux pour le ministère de l'intérieur. C'est une discussion interministérielle à mener. Ce sont des moyens rares et chers et nous sommes favorables à la mise en place d'un ministère leader qui mettrait à disposition le matériel et, ainsi, éviterait la duplication de l'achat.

Concernant le parc immobilier, je voudrais remercier l'ensemble des collectivités locales pour le soutien significatif apporté aux gendarmes. Sans leur appui, nous ne pourrions pas travailler de façon efficace. En l'espèce, nous sommes dans une logique de loyer, cela ne rentre pas dans les 105 millions d'euros dont je vous ai parlé.

S'agissant des arnaques, le centre de lutte contre la cybercriminalité, dont les locaux sont à Pontoise, partagés avec l'institut de recherche criminelle et le service central de renseignement criminel, pourra vous apporter des informations ultérieurement.

Sur la PSQ et les associations de retraités, il existe aujourd'hui deux types d'encadrement : la réserve, à laquelle tous les retraités de la gendarmerie peuvent participer ; la participation citoyenne, pour tous ceux qui ne souhaiteraient pas participer à la réserve. Cette dernière, qui concerne tous les citoyens, notamment les retraités, permet aux intéressés d'apporter leur contribution à un service public de sécurité.

S'agissant du dispositif à l'étranger, nous y avons aujourd'hui à peu près 500 personnels de la gendarmerie, toutes catégories confondues, dont les gardes d'ambassades. Ces derniers sont mis à disposition du Quai d'Orsay et il appartient à l'ambassadeur concerné de les employer et de définir leur mission.

Pour ce qui est du recrutement de réservistes, il a lieu y compris dans les départements ruraux. Les réservistes sont tous employés près de chez eux, dans leur « biotope », en moyenne 27 jours par an et, globalement, il n'y a pas de difficulté de recrutement. Au total, nous sommes actuellement à 30 000 réservistes. Dans les départements ruraux, ce sont souvent des anciens de la gendarmerie, parfois des policiers nationaux, des policiers municipaux ou des pompiers.

Une réflexion est en cours au ministère de l'intérieur au sujet du service national universel (SNU). On imagine notre contribution sur le modèle mis en oeuvre pour les cadets de la réserve et de la garde nationale. La difficulté majeure, c'est de trouver les infrastructures. À ce jour, nous n'avons pas d'infrastructures disponibles et serions obligés de les construire. Cela nécessiterait des moyens budgétaires complémentaires. L'encadrement, en revanche, serait effectué en grande partie par nos réservistes.

L'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) est une pépite source d'innovations. C'est par exemple un commandant de gendarmerie qui est à l'origine du test ADN rapide, qui intéresse aujourd'hui les Américains. Nous sommes sur une logique de dépôt de brevet systématique pour protéger nos innovants. S'agissant de l'affaire Maëlys, cela a été un travail d'expert, mais aussi un travail de proximité. L'IRCGN a permis de mettre au jour l'indice, mais c'est la résultante de tout un travail qui s'initie lorsque la brigade arrive dans les lieux et constate la disparition. Il faut que chacun accomplisse sa fonction pour qu' in fine le juge considère la preuve recevable. Ce travail a été très bien fait et j'ai félicité les personnels.

Les crédits d'innovation, notamment ceux en provenance de brevets ou de crédits européens, sont systématiquement réinvestis dans la recherche et dans la création de dispositifs innovants.

Une loi de programmation donnerait effectivement de la visibilité. Une telle loi d'orientation est pertinente lorsqu'elle donne une vision, une direction.

Enfin, sur les 80 km/h : 400 000 kilomètres de routes départementales sont dans notre zone de compétence. La quasi-totalité des voies concernées par la mesure sont donc en zone de gendarmerie. À ce stade, il y a un effet mécanique : quand vous avez un accident à 10 km/h de moins, vous êtes un peu moins mort ou un peu moins blessé ! C'est la réalité. Nous enregistrons une réduction de la mortalité d'environ 9% depuis le début de l'année. Je ne saurais pas vous dire si cette variation est complétement liée aux 80 km/h, mais, techniquement, la réduction de la vitesse des véhicules entraîne une diminution de la gravité des accidents et des blessures occasionnées. Il faudra certes regarder dans le détail des axes sur lesquelles l'accidentalité a diminué. Préserver nos concitoyens de ce fléau que sont les accidents routiers fait aussi partie de notre travail.

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