D. LES MONTANTS PRÉVUS PAR LES PIA NE SONT QUE PARTIELLEMENT DÉCAISSÉS
Une partie des crédits annoncés en faveur de la transformation des entreprises, notamment industrielles, sont prévus dans le cadre des Programmes d'Investissements d'Avenir successifs, désormais retracés au sein de la mission « Investissements d'avenir » du projet de loi de finances. Le Secrétariat Général pour l'Investissement est chargé de la coordination de ces projets, douze opérateurs soutenant l'État dans leur mise en oeuvre.
De manière générale, votre rapporteur déplore la dispersion des actions de soutien aux entreprises, qui ne permet pas de disposer d'une vue d'ensemble sur les dispositifs existants. Elle conduit par ailleurs à une multiplication des acteurs impliqués dans ces politiques.
Si un effort d'investissement conséquent est souhaitable, votre rapporteur craint que ce qui pourrait s'assimiler à une débudgétisation ne limite l'exercice par le Parlement de sa mission de contrôle. Nombre des actions couvertes par les PIA pourraient être conduites par les ministères : par exemple, le ministère de l'Économie et des Finances a par le passé conduit des actions d'accompagnement des filières ou encore à destination des pôles de compétitivité, politiques dont les crédits sont désormais en grande partie débudgétisés vers le PIA.
Ensuite, les investissements d'avenir sont centrés sur les enjeux de l'Industrie du futur et de la transformation numérique. Il conviendra de s'assurer que la baisse marquée des crédits de la mission Économie ne conduise pas à une concentration de l'effort budgétaire sur les enjeux d'innovation, au détriment des autres problématiques auxquelles font face les entreprises industrielles. Les industries dites « traditionnelles » peuvent certes rencontrer des difficultés liées au manque d'adaptation de leur outil productif, mais l'accompagnement de ces entreprises peut leur permettre d'investir dans de nouveaux équipements et produits qui peuvent assurer leur pérennité. Le cas récent de l'usine Ascoval l'a une nouvelle fois démontré.
Enfin, un bilan provisoire de l'exécution des PIA montre que ceux-ci n'ont été qu'en partie décaissés. À titre d'exemple, les crédits gérés par Bpifrance, principal opérateur des actions des PIA consacrées aux entreprises, n'ont été décaissés sur certains postes des PIA 1 et 2 qu'à hauteur de 19 % (« Innovation de rupture ») ou de 26 % (« Projets industriels d'avenir »).
Les dépenses effectivement décaissées n'ont fait l'objet d'aucune évaluation au fond, alors même que plusieurs enveloppes du PIA 3 abonderont les actions des PIA 1 et 2 (celles relatives aux pôles de compétitivité notamment). Bpifrance ne dispose d'ailleurs pas de cellule chargée du suivi de ces investissements. La Cour des comptes avait déjà souligné cet enjeu dans son rapport de décembre 2015 « Le Programme d'Investissements d'Avenir : une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger ».
Parmi les neuf actions du programme 423 « Accélérer la modernisation des entreprises » de la mission Investissements d'avenir, cinq actions ne font l'objet d'aucune ouverture de crédits de paiement au titre du PLF 2019. C'est le cas par exemple de l'action 3 « Industrie du Futur » du programme 423 « Accélérer la modernisation des entreprises ». Elle avait pourtant été dotée de 350 millions en autorisations d'engagement au titre de la LFI 2017. L'action « Grands défis » avait également bénéficié de 700 millions d'euros en autorisations de paiement au titre de la LFI 2018, mais aucune convention n'a été prise pour lancer ces projets ni même définir la stratégie de l'action. Aucun crédit de paiement n'a donc été ouvert en 2018 ou 2019.
Cette action s'assimile donc pour l'instant à un réservoir de crédits à la disposition du Gouvernement. Votre rapporteur est d'avis qu'à défaut de mise en oeuvre de la politique associée, ces crédits mériteraient d'être rebudgétés, afin de pouvoir être réellement utilisés et contrôlés.
Malgré ces réserves, votre rapporteur accueille favorablement l'augmentation des crédits de paiement dédiés, au sein du PIA 3, à la transformation des filières. Alors que 25 millions en crédits de paiement avaient été ouverts au titre de la LFI 2018, ce montant est porté à 240 millions (+860 %). Les autorisations d'engagement à hauteur de 1 milliard, ouvertes au titre de 2017, devraient donc être couvertes à 26,5 % en cas d'exécution complète. 24 ( * )
Votre rapporteur se félicite de cette augmentation des moyens dédiés à la constitution et au développement des filières. Celles-ci permettent de développer une réflexion englobante, alliant les grandes multinationales et les PME françaises, à fins de développer une stratégie industrielle sectorielle.
L'année 2018 a d'ailleurs permis des avancées en la matière, comme en témoigne la signature du contrat de filière automobile le 22 mai 2018. Selon les informations fournies par le SGPI, ces crédits devraient être dirigés au Fonds SPI géré par Bpifrance, qui vise à financer des projets industriels partagés ou structurants pour les filières.
* 24 Chiffres issus des PAP 2018 et 2019 de la mission « Investissements d'Avenir » du PLF 2019.