EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le mardi 23 janvier 2018 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission des affaires sociales procède à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants.
Mme Frédérique Gerbaud , rapporteure pour avis . - Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants, pour l'examen au fond de l'article 3 qui supprime le régime de sécurité sociale des étudiants. Notre examen s'étend à l'article 3 bis inséré par l'Assemblée nationale.
Ces dernières années, notre commission a conduit de nombreux travaux sur le régime étudiant : fin 2012, le rapport d'information de nos collègues Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon a mis en avant la complexité de gestion de ce régime et envisagé plusieurs scénarii d'évolution. Ces travaux ont débouché sur l'adoption par le Sénat, en novembre 2014, d'une proposition de loi de Catherine Procaccia mettant fin au régime de sécurité sociale étudiant. Ce texte n'a toutefois jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Les constats posés alors restent en grande partie d'actualité.
Le régime institué en 1948, suivant une revendication des organisations étudiantes, consiste à ce que la gestion de la couverture obligatoire maladie et maternité des étudiants soit assurée par des mutuelles dédiées, via une délégation de gestion du régime général. Si le système est inspiré de celui mis en place pour les fonctionnaires, il est singulier à plusieurs égards. D'une part, il ne se retrouve pas dans les autres pays européens, ce qui incite à penser que la prise en compte de l'autonomie des jeunes et de leurs besoins, philosophie fondatrice d'un régime géré par et pour les étudiants, ne passe pas forcément par leur rattachement à un régime autre que celui de droit commun. D'autre part, depuis la création d'un réseau de sociétés mutualistes régionales au début des années 1970 mettant fin au statut d'opérateur unique de la MNEF -devenue La Mutuelle des étudiants (LMDE)-, il offre aux étudiants le choix entre deux caisses concurrentes, pour un niveau de cotisation et de prestations strictement identiques.
Cette situation peut être source de confusion ; elle entraîne des coûts de gestion et une complexité pour les jeunes et leurs familles. Par définition, il s'agit d'un régime transitoire. L'entrée et la sortie des études emportent des mutations inter-régimes, c'est-à-dire des changements d'affiliation ; les étudiants qui travaillent au-delà d'un certain volume horaire font des allers-retours entre le régime étudiant et le régime professionnel. Comme l'ont mis en avant de nombreux rapports ou enquêtes, ce sont autant de sources potentielles de dysfonctionnements, au détriment de l'accès des jeunes à la santé : les délais d'affiliation en début d'année universitaire peuvent entrainer des périodes de rupture de droits ; des transmissions lacunaires d'information, par exemple le nom du médecin traitant, sont aussi régulièrement relevées.
Ce n'est pas tant la qualité du service rendu par les mutuelles étudiantes qui pose aujourd'hui question que l'organisation du système : c'est pourquoi notre commission avait opté, entre les diverses pistes possibles, pour une évolution structurelle semblable à celle engagée par le projet de loi.
Les critiques sur la qualité du service, cristallisées sur la LMDE qui a rencontré dans le passé de nombreuses difficultés, se sont nettement atténuées avec son adossement au régime général engagé en octobre 2015. La LMDE n'a conservé que l'affiliation des étudiants et les actions de prévention : la gestion des prestations des étudiants affiliés à cette mutuelle est assurée directement par l'assurance maladie.
Dans le prolongement des réflexions de notre commission et de cette évolution plus récente du paysage des mutuelles étudiantes, le projet de loi engage une simplification bienvenue. La suppression du régime de sécurité sociale étudiant à compter de septembre 2018 va s'opérer en deux temps. À la rentrée 2018, les nouveaux étudiants demeureront rattachés au régime du parent dont ils dépendent, en qualité d'assuré autonome, sans démarche particulière à effectuer. Avec la mise en place de la protection universelle maladie (PUMA) en 2016, la notion d'ayant-droit majeur a disparu : toute personne résidant en France de manière stable et régulière est assurée à titre individuel dès sa majorité ou dès 16 ans à sa demande. Au plus tard d'ici septembre 2019, les actuels affiliés au régime étudiant intégreront le régime général.
Plus d'1,8 million d'étudiants sont aujourd'hui affiliés au régime étudiant, dont 1 million sont gérés par les mutuelles régionales. Le projet de loi prévoit le transfert de droit des personnels des mutuelles étudiantes assurant la gestion du régime obligatoire aux caisses du régime général. Les discussions ont débuté en fin d'année dernière entre la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et les mutuelles étudiantes, dans un climat qui s'est a priori apaisé. Elles se poursuivront sur ce volet « ressources humaines », pour recenser les effectifs à transférer, et sur d'autres sujets comme les systèmes d'information, la communication en direction des jeunes et des familles...
Plus de 600 salariés seraient concernés, principalement issus des mutuelles régionales puisque 436 salariés de la LMDE ont déjà intégré le régime général en 2015. Ce précédent est rassurant car l'intégration des personnels s'est déroulée dans d'excellentes conditions, sans licenciement ou mobilité géographique imposée, avec maintien des salaires et en proposant un accompagnement individuel.
La réforme proposée entraînera toutefois un profond bouleversement pour les mutuelles régionales, puisque près des trois quarts de leurs personnels gèrent la couverture obligatoire et ont donc vocation à rejoindre le régime général. Leur activité va se recentrer sur la couverture complémentaire, à ce jour relativement restreinte car elle ne concerne qu'environ 15 % des étudiants, la plupart étant couverts par la complémentaire santé de leurs parents.
Parallèlement, dès la rentrée 2018, la cotisation annuelle forfaitaire au régime étudiant -qui était de 217 euros, payée à partir de 20 ans par les étudiants non boursiers- sera supprimée pour l'ensemble des étudiants, ce qui représente un impact, non compensé, de près de 200 millions d'euros.
La réforme permettra probablement de réaliser à terme des économies -plus de 20 millions d'euros d'après la Cnam- avec la suppression des remises de gestion versées aux mutuelles étudiantes -54 millions d'euros-, la simplification et les économies d'échelles.
Si je vous propose d'approuver le principe de cette réforme, plusieurs dispositions résultant des discussions à l'Assemblée nationale me conduisent à vous proposer quelques ajustements, d'abord sur la représentation étudiante au sein du conseil de la Cnam. En séance publique, à l'initiative du rapporteur et de députés de plusieurs groupes, l'Assemblée nationale a introduit la participation au conseil de la Cnam, avec voix délibérative, d'un représentant des associations étudiantes, en remplacement d'une personnalité qualifiée. C'est un précédent, car un choix différent a été fait pour assurer la représentation des travailleurs indépendants consécutivement à la suppression du régime social des indépendants (RSI). Dès lors que ce principe est acté, je vous proposerai toutefois d'augmenter à deux le nombre de représentants, afin de garantir un nécessaire pluralisme compte tenu du paysage syndical très divers.
Un autre enjeu essentiel est celui de la prévention en santé. Le projet de loi confie aux organismes gestionnaires du régime obligatoire le soin d'assurer des actions de prévention pour les jeunes de 16 à 25 ans. Ne distinguons pas la population des étudiants de celle des autres jeunes, dès lors que de nombreux sujets de santé publique concernent cette classe d'âge, indifféremment de son statut.
Toutefois, lors des auditions, de nombreux interlocuteurs ont souligné que les modes d'intervention en direction des étudiants devaient leur être adaptés, et que les actions de terrain, relayées par les pairs, étaient importantes. Les mutuelles étudiantes revendiquent leur expertise en ce domaine.
Le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale a introduit dans le texte le principe de la concertation des parties prenantes, tant au niveau national, en associant les associations d'étudiants à la définition d'un programme annuel, qu'au plan local, pour la programmation et l'organisation des actions menées au niveau des universités et de leurs services de prévention. Si je partage l'objectif, le dispositif prévu suscite des interrogations, car il laisse subsister un flou sur le pilotage des actions. Je vous proposerai donc de préciser le texte afin d'expliciter l'articulation des orientations de la stratégie nationale de santé et des spécificités de la vie étudiante, au sein d'une « conférence de prévention étudiante ».
L'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative du groupe Gauche démocrate et républicaine, un article 3 bis qui prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur l'accès aux soins des étudiants, portant notamment sur leur couverture complémentaire et les moyens de la favoriser. Cette question est bien sûr importante, quand, d'après les enquêtes, près de 30% d'entre eux déclarent renoncer à des soins et plus de 13% pour des raisons purement financières. À cet égard, saluons l'engagement du Gouvernement d'augmenter, d'ici fin 2019, de 24 à 34 le nombre de services de santé universitaires constitués en centres de santé. Leurs moyens sont à l'heure actuelle très clairement insuffisants. Toutefois, les réflexions générales sur l'accès aux soins, et dans ce cadre l'accès à une couverture complémentaire, ne me semblent pas devoir être spécifiques au public étudiant.
Je vous proposerai donc de supprimer cet article, au-delà des raisons habituelles qui conduisent généralement notre commission à limiter les demandes de rapports, au demeurant rarement produits.
Sous réserve de ces observations et de l'adoption de mes amendements, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de l'article 3 de ce projet de loi.
Mme Nadine Grelet-Certenais . - Ayant rencontré les représentants des mutuelles, je me permets d'insister sur la prévention. Où le Gouvernement trouvera-t-il les fonds nécessaires pour assurer ces actions, alors que la cotisation sera supprimée ? Vous ne souhaitez pas différencier les actions menées dans les universités et globalement auprès des jeunes, mais des actions spécifiques sont menées dans les universités. Soyons vigilants. De nombreux étudiants ne se font pas soigner et sont dans une situation sociale très précaire.
M. Michel Forissier . - Félicitations pour cet excellent rapport qui correspond totalement à la réalité. Cela améliorera les choses.
Mme Patricia Schillinger . - L'Alsace-Moselle a un régime différent. Les étudiants sont-ils assurés différemment ? Avez-vous réalisé une enquête ?
Mme Frédérique Gerbaud , rapporteure pour avis . - Durant les auditions, les représentants des mutuelles étudiantes ont souligné l'intérêt de mener des actions spécifiques de prévention envers les étudiants, en priorité réalisées par leurs pairs, et ont insisté sur certains problèmes particuliers comme l'addiction à l'alcool dans les soirées. Je l'ai mentionné dans le rapport. L'Observatoire national de la vie étudiante (OVE), qui bénéficie d'un certain recul, estime que les actions de prévention indifféremment menées par les étudiants ou les services de santé ne donnent pas les résultats attendus.
Le financement de ces actions sera notamment assuré par la nouvelle contribution vie étudiante de 90 euros, instituée par le projet de loi et par les fonds de prévention de la CNAM.
Nous n'avons pas eu de données sur la situation des étudiants en Alsace-Moselle, soumis au même régime.
Une étude de l'OVE fait apparaître que les étudiants se considèrent globalement en bonne santé et attendent le dernier moment pour consulter, ce qui pose des problèmes notamment d'accès à la contraception ou en cas de grossesse. Il faudrait faire davantage d'efforts dans ces domaines.
Mme Victoire Jasmin . - Il y a une recrudescence de certaines maladies comme la rougeole ou la méningite dans certaines facultés. Certains étudiants se sont fait vacciner mais n'ont pas forcément reçu les rappels. Soyons attentifs à l'émergence de ces pathologies et faisons davantage de prévention.
Mme Frédérique Puissat . - Si la santé n'a pas de prix, à l'heure où l'on pressurise les collectivités territoriales et que 200 millions d'euros ne sont pas compensés, cela nous inquiète. Comment ces dépenses seront-elles plus globalement appréciées par la Cour des comptes ?
Mme Frédérique Gerbaud , rapporteure pour avis . - L'impact financier de la suppression de la cotisation au régime étudiant sera pris en compte dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Le Gouvernement va augmenter le nombre de centres et services de santé universitaires, ce qui aidera à une meilleure vaccination contre la rougeole notamment. Les étudiants peuvent se rendre à des visites médicales de prévention dans ces services.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Frédérique Gerbaud , rapporteure pour avis . - L'Assemblée nationale a introduit la participation, avec voix consultative, d'un représentant des associations étudiantes représentatives au sein du conseil de la Cnam. Afin d'assurer une représentation pluraliste de ces associations, compte tenu de leur diversité, l'amendement COM. 54 double ce nombre. Ces représentants seront désignés par les associations sur la base de leur représentativité.
L'amendement COM. 54 est adopté.
Mme Frédérique Gerbaud , rapporteure pour avis . - L'Assemblée nationale a complété le texte du projet de loi afin de souligner la nécessité d'associer l'ensemble des acteurs à la mise en oeuvre des actions de prévention en direction des jeunes. Si le texte adopté répond à un objectif louable, il reste imprécis sur le cadre général de cette concertation.
L'amendement COM. 55 précise ce cadre de pilotage, qui a notamment vocation à conjuguer les orientations de la stratégie nationale de santé et la prise en compte des spécificités de la vie étudiante dans la conduite des actions à destination des étudiants.
L'amendement COM. 55 est adopté.
Mme Frédérique Gerbaud , rapporteure pour avis . - L'amendement COM. 56 est de coordination. L'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a étendu à l'ensemble des étudiants internes en médecine le bénéfice du régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, supprimant d'ores et déjà la mention de leur affiliation possible au régime de sécurité sociale étudiante.
L'amendement COM. 56 est adopté, de même que l'amendement de précision rédactionnelle COM. 57.
La commission proposera à la commission de la culture, de la communication et de l'éducation, l'adoption de l'article 3 ainsi modifié.
Mme Frédérique Gerbaud , rapporteure pour avis . - L'accès aux soins des étudiants est un réel sujet de préoccupation, mais un nouveau rapport sur ce sujet n'y répondra pas efficacement. D'une part, de nombreuses données existent déjà et font apparaître que le fait de disposer ou non d'une couverture complémentaire, ciblé explicitement par l'article, n'est pas le seul motif de renoncement aux soins. D'autre part, les réflexions engagées par le ministère en charge de la santé sur les thématiques d'accès aux soins et d'accès à une complémentaire santé ne sont pas restreintes au seul public étudiant et n'ont pas lieu de l'être car elles intéressent en priorité l'ensemble des publics fragiles.
L'amendement COM. 58 est adopté.
La commission proposera à la commission de la culture, de la communication et de l'éducation, la suppression de l'article 3 bis.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 3
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Mme Frédérique GERBAUD |
54 |
Augmentation du nombre de représentants des étudiants au sein du conseil de la Cnam |
Adopté |
Mme Frédérique GERBAUD |
55 |
Précision sur le pilotage des actions de prévention en santé en direction des étudiants |
Adopté |
Mme Frédérique GERBAUD |
56 |
Amendement de coordination. |
Adopté |
Mme Frédérique GERBAUD |
57 |
Amendement rédactionnel. |
Adopté |
Article 3
bis
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|||
Mme Frédérique GERBAUD |
58 |
Suppression de l'article. |
Adopté |