N° 299
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 janvier 2017 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi relatif à la sécurité publique (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),
Par M. Philippe PAUL,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Émorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall, Bernard Vera . |
Voir le numéro :
Sénat : |
263 (2016-2017) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi comprend une série de mesure destinées à renforcer la mobilisation des forces de l'ordre pour la sécurité de nos concitoyens, en améliorant leur sécurité juridique et en renforçant leurs moyens d'action. Votre commission a décidé de se saisir pour avis de ce texte en raison de la présence de deux articles qui concernent les militaires et les forces armées : l'article premier, relatif à l'usage des armes par les forces de l'ordre ainsi que par les militaires engagés sur le territoire national ou employés pour la protection des installations militaires, et l'article 10, relatif à la poursuite de l'expérimentation du service militaire volontaire (SMV).
I. UN NOUVEAU RÉGIME JURIDIQUE UNIFIÉ ET ÉTENDU DE L'USAGE DES ARMES PAR LES FORCES DE L'ORDRE
Pour la seconde fois en moins d'un an 1 ( * ) , le Parlement est appelé à examiner un projet de loi comportant une réforme des conditions de l'usage des armes par les forces de sécurité.
Tandis qu'il s'agissait, lors de l'examen du projet de loi de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, de permettre aux policiers, aux gendarmes et aux militaires engagés sur le territoire national de mettre fin au « périple meurtrier » de terroristes, tout en préservant la spécificité du régime applicable aux gendarmes pour l'ouverture du feu, le présent texte vise à opérer une réforme plus globale des conditions de licéité de l'usage des armes, en instaurant un régime juridique complet et harmonisé pour l'ensemble des forces qui concourent à la sécurité intérieure de notre pays .
Ainsi, alors que les agents de la police nationale et les militaires des armées en mission sur le territoire national étaient jusqu'à présent dans la même situation que tous les autres citoyens en ce qui concerne l'usage de la force, les gendarmes bénéficiant pour leur part de dispositions spécifiques, désormais tous ces agents seront soumis au même régime juridique. Celui-ci se justifie par la nécessité de traduire la situation particulière des agents chargés de faire respecter la loi, ayant l'obligation dans certains cas de faire usage de la force pour ce faire et soumis à des risques particuliers dans l'exercice de leurs missions.
Dès lors, de manière cohérente avec cette approche, le présent projet de loi propose de conserver les dispositions relatives à la légitime défense et à l'état de nécessité au sein du code pénal, tout en ajoutant un nouvel article L. 435-1 dans le code de la sécurité intérieure, spécifiquement consacré à l'usage des armes par les forces de sécurité .
Ce nouvel article reprend pour l'essentiel les éléments de l'article L. 2338-3 du code de la défense applicable aux militaires de la gendarmerie, à savoir la possibilité de faire usage de l'arme non seulement pour défendre sa vie ou celle d'autrui en cas d'atteinte directe ou de menace imminente, mais aussi, après sommation, pour défendre un poste ou des personnes placées sous protection des forces de l'ordre, pour empêcher une personne appréhendée de fuir ou pour arrêter un véhicule. Toutefois, l'ensemble des cas ainsi recensés sont subordonnés, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de cassation, au respect des principes d' « absolue nécessité » et de « stricte proportionnalité ». Il s'agit ainsi de garantir que, dans une société démocratique, les forces de l'ordre puissent remplir efficacement leurs missions, sans exposer pour autant les citoyens ordinaires aux risques qui résulteraient d'une libéralisation excessive de l'usage des armes par ces forces de l'ordre.
Depuis janvier 2015, l'opération Sentinelle mobilise entre 7 000 et 10 000 militaires pour la protection de nos concitoyens sur le territoire national. Ce déploiement est exceptionnel par son ampleur et par sa durée. Votre commission avait notamment pu approfondir les questions posées par un tel engagement lors de son déplacement au Fort de Vincennes auprès des soldats de l'opération, le 27 janvier 2016. En particulier, de par leur présence importante dans nos villes, près de lieux sensibles qui nécessitent une protection particulière ou en patrouille à l'occasion d'événements attirant du public, enfin du fait du symbole qu'ils représentent, ces militaires sont particulièrement exposés à la menace terroriste ou aux agressions de déséquilibrés 2 ( * ) . Outre les risques dirigés contre eux-mêmes, les militaires ont été conduits à s'interroger sur la protection juridique dont ils bénéficient lorsqu'ils sont amenés à faire usage de la force contre des assaillants et risquent ainsi de blesser ou de tuer ceux-ci avec, parfois, des dommages collatéraux, et qu'ils doivent alors, à la suite d'une plainte des assaillants ou des personnes ayant subi le dommage collatéral, répondre de leurs actes devant la justice.
La loi du 3 juin 2016 a apporté une première réponse à ces interrogations en permettant l'usage de la force contre des terroristes dans le cas d'un « périple meurtrier ».
Le présent texte (article premier) va plus loin en étendant non seulement aux militaires déployés sur le territoire national pour la lutte contre le terrorisme, mais aussi à ceux chargés de la protection des installations militaires , le nouveau cadre juridique décrit ci-dessus. Ce faisant, il améliore indéniablement la sécurité juridique de nos militaires , qui disposent désormais d'une liste précise des cas dans lesquels la loi leur permet de faire usage de leurs armes.
En conséquence, votre commission a approuvé ce dispositif, qui permettra aux militaires d'accomplir leurs missions difficiles avec davantage de sérénité.
* 1 Le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, a été déposé le 3 février 2016 à l'Assemblée nationale. Il est devenu la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016.
* 2 Ainsi à Nice le 3 février 2015, deux militaires du 54ème régiment d'artillerie ont été blessés à la suite d'une agression au couteau, ou encore à Valence en janvier 2016, un automobiliste a tenté de percuter quatre soldats.