D. VERS UNE NÉCESSAIRE REFONDATION DU SYSTÈME DE PRESTATIONS SOCIALES

1. L'esprit des débats parlementaires autour de la discussion du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi

Au cours de la discussion du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, qui portait création de la prime d'activité, plusieurs de nos collègues ont souhaité redéfinir la logique de l'incitation financière à l'emploi, afin de la rendre plus compatible avec son objectif.

C'était notamment l'objet d'un amendement déposé par nos collègues du groupe écologiste 41 ( * ) , qui visait à individualiser le versement de la prime d'activité . La philosophie animant cet amendement pousse de façon plus générale à l'individualisation des aides , aux motifs précédemment évoqués par votre rapporteur que le versement familialisé des prestations entraîne la désincitation du conjoint au travail.

La discussion en séance de cet amendement a mis en exergue deux éléments fondamentaux :

- l'avis défavorable exprimé par le Gouvernement ne s'appuyait pas sur l'inopérabilité d'une telle proposition, mais sur son caractère jugé inéquitable 42 ( * ) . Cette position revenait à refuser de déconnecter la prime d'activité de la logique redistributive, au risque de neutraliser une partie de ses effets en matière de lutte contre le chômage ;

- les débats ont abouti à une forme de consensus entre les différentes tendances politiques sur la nécessaire marche vers l'individualisation des aides, dont la plupart des orateurs ont reconnu qu'elle ne pouvait dans l'immédiat s'effectuer à la faveur d'un amendement.

2. La nécessité d'individualiser le versement des revenus

Votre rapporteur estime qu'il est à présent temps de rouvrir le débat et de s'engager sans frilosité dans la voie de l'individualisation des aides. La plupart des auditions qu'il a menées ont en effet confirmé que la familialisation des prestations sociales présentait un caractère quelque peu archaïque, dans la mesure où elle découle d'une conception du foyer qui n'intègre pas ou peu la bi-activité du couple.

Cette individualisation des aides doit non seulement toucher en priorité les versements qui tendent à l'incitation financière au retour à l'emploi, mais à terme devra aussi concerner les prestations sociales qui servent l'objectif de lutte contre la pauvreté, au premier rang desquelles le revenu de solidarité active (RSA). Tout versement de revenu, qu'il soit d'incitation ou de subsistance, doit à terme relever d'une logique individuelle . Il s'agit d'abord de faire correspondre le système socialo-fiscal aux mutations que connaissent les mécanismes de recomposition des foyers. Il s'agit ensuite de lutter contre tout effet collatéral désincitatif et, par conséquent, contreproductif.

Votre rapporteur reste cependant attaché au principe fondamental de la subsidiarité de la solidarité nationale par rapport à la solidarité familiale . C'est pourquoi il préconise que soient maintenus et renforcés les deux instruments principaux de redistribution et de lutte contre la pauvreté qui reposent sur une logique familialisée : le quotient familial et le versement des allocations logement . La politique du logement et la politique familiale ayant des parentés avec la politique de lutte contre la pauvreté sans épouser tout à fait ses contours, il semble cohérent de conserver leur vocation à considérer le foyer et non l'individu comme la cible prioritaire de leur action.

3. La réflexion sur le revenu universel

La mission d'information, présidée et rapportée par nos collègues Jean-Marie Vanlerenberghe et Daniel Percheron, sur l'intérêt et les formes possibles de mise en place d'un revenu de base en France a posé les termes de la définition du revenu de base :

- un revenu versé inconditionnellement , sans aucune exigence de ressource, d'âge ou d'aptitude,

- un revenu universel et individuel , qui ne tiendrait pas compte de la situation familiale.

Les réflexions menées en Europe et dans le monde sur l'opportunité du revenu de base s'appuient sur les liens entre l'attribution d'un revenu universel et la progressivité de l'impôt, qui intègrerait ce revenu dans l'assiette fiscale.

Votre rapporteur trouve ces travaux d'un très grand intérêt, surtout pour le regard renouvelé qu'ils portent sur les modalités d'attribution des minima sociaux. En effet, la déconnection de l'attribution des minima de la situation familiale s'inscrit pleinement dans la démarche que votre rapporteur appelle de ses voeux. Par ailleurs, le rapport rendu en 2016 sur la réforme des minima sociaux 43 ( * ) pointait judicieusement les difficultés liées à la pluralité des prestations et des conditions d'éligibilité en fonction de la situation particulière des bénéficiaires (pauvreté, vieillesse et handicap).

De façon générale, il est fondamental que le Gouvernement fasse évoluer le système d'organisation de l'aide sociale en France.

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Suivant la proposition de son rapporteur, et compte tenu des réserves émises sur la fiabilité de certains crédits demandés, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2017.


* 41 Amendement n° 65.

* 42 D'après le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, « cette solution aurait pu être retenue, mais elle présentait l'inconvénient de faire des perdants. La familialisation d'une partie de cette prime permet au contraire de l'éviter ».

* 43 Christophe SIRUGUE, « Repenser les minima sociaux, vers une couverture socle commune », avril 2016.

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