EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le 23 novembre 2016, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine le rapport pour avis de M. Philippe Mouiller sur le projet de loi de finances pour 2017 (mission Solidarité, insertion et égalité des chances »).
M. Alain Milon , président . - Nous examinons le rapport pour avis de M. Philippe Mouiller concernant la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis . - Les crédits de la mission budgétaire « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 2017 à près de 18 milliards d'euros. Cette mission comprend quatre programmes.
Le programme 157 « Handicap et dépendance » concentre près de 11 milliards d'euros et finance essentiellement l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Vient ensuite le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » qui s'élève à plus de 5,7 milliards d'euros et qui a, cette année, subi une modification importante entraînée par l'instauration de la prime d'activité. Je reviendrai en détail sur les contours et les objectifs de ce nouveau dispositif qui fait l'objet d'une analyse plus poussée dans mon rapport. Le programme 124 rassemble, pour un peu plus de 1,5 milliard d'euros, divers crédits de support qui viennent en soutien de politiques sanitaires et sociales. Enfin, le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », s'il ne représente qu'un peu moins de 30 millions d'euros, n'est pas celui dont l'action est la moins importante car il valorise autant les initiatives menées dans le monde professionnel pour une plus grande égalité des sexes, que les mesures de prévention et de lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains.
Ainsi, 92 % des crédits de la mission sont consacrés à deux programmes visant, pour l'un, nos concitoyens frappés de handicap et, pour l'autre, nos concitoyens menacés d'exclusion sociale.
Par rapport à la loi de finances initiale pour 2016, la mission « Solidarité » enregistre une baisse d'environ 500 millions d'euros de ses crédits. Une baisse cependant essentiellement faciale dans la mesure où elle découle de transferts importants de dépenses de l'État au budget de l'assurance maladie. Les deux principaux transferts en question sont la gestion des établissements et services d'aide par le travail (Esat) pour plus de 1,5 milliards d'euros et la dotation nationale aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), pour environ 60 millions d'euros.
Cette dernière mesure n'est pas des plus lisibles et a légitimement provoqué l'inquiétude de plusieurs acteurs de terrain, surpris de voir une dotation jusqu'ici clairement identifiée au sein de la mission budgétaire, transférée sans garantie de maintien à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Malgré cela, ce transfert a tout de même le mérite de donner plus de cohérence au financement de la politique du handicap, désormais intégralement assuré par l'assurance maladie.
Ainsi, en tenant compte de ces transferts, la baisse faciale de 500 millions d'euros se traduit en fait par une hausse de 1 milliard d'euros pour 2017 par rapport à 2016. Sur ces 2 milliards, 300 millions viennent en appui de la nouvelle prime d'activité dont le succès dépasse les pronostics initiaux et 700 millions d'euros renforcent la dotation de l'AAH.
Les crédits de la mission pour 2017, en affichant une progression aussi importante, révèlent ainsi des besoins particulièrement croissants de nos concitoyens les plus en difficulté.
Le dépôt, mercredi dernier, du projet de loi de finances rectificative pour 2016 conforte mon jugement sur ce point. La mission « Solidarité » arrive cette année en troisième position des missions pour lesquelles l'État demande des ouvertures de crédits supplémentaires.
Ces crédits demandés s'élèvent à près de 800 millions d'euros dont 430 millions abonderont le programme « Handicap » - autrement dit l'AAH - et 370 millions, le programme « Inclusion sociale » - autrement dit la prime d'activité. Si l'on retranche ces 800 millions d'euros de la hausse observée de 2 milliards sur l'étendue de l'exercice, on conclut à une hausse nette, pour 2017, de 1,2 milliard d'euros des crédits de la mission.
Ces deux prestations ont donc connu, durant l'exercice 2016, un recours particulièrement dynamique qui a contraint le Gouvernement à fortement réajuster à la hausse le montant des crédits qui leur sont alloués.
Le cas de l'AAH est le plus manifeste. Le chiffre de la budgétisation pour 2017 (9 milliards d'euros) est à peine plus élevé que celui de l'exécution 2016 (8,9 milliards d'euros) et semble ne pas prendre suffisamment en compte les mesures prises par le Gouvernement pour faciliter et élargir l'accès à cette prestation.
Je pense notamment à la possibilité pour les bénéficiaires de l'AAH 1 d'augmenter de 10 ans leur durée d'éligibilité à l'aide, mais surtout à la possibilité qu'ont les salariés de cumuler l'AAH et leur revenu d'activité, nécessairement plus coûteuse du fait de la revalorisation du Smic. Pour bénéfiques qu'elles aient été auprès des publics concernés, force est de constater que ces mesures sont aujourd'hui particulièrement coûteuses et contraignent le Gouvernement à flécher, sur le programme 157, l'essentiel de l'effort budgétaire supplémentaire demandé. On peut à ce stade remarquer qu'au prix d'une meilleure anticipation de l'impact de ces mesures, le Gouvernement aurait pu s'épargner une telle augmentation des crédits de ce programme, qui ne manque pas d'étonner dans une période budgétaire tendue.
Le cas de la prime d'activité est différent. Initialement budgétée à un peu plus de 5 milliards d'euros, avec une hypothèse d'un taux de recours à 50 %, elle s'est trouvée en quelque sorte victime de son succès et a nécessité que le Gouvernement nous demande en urgence un financement supplémentaire de 370 millions d'euros. C'est certes indispensable. Mais, contrairement à l'AAH, cela rapproche le niveau de l'exécution 2016 du niveau de budgétisation pour 2017. Et contrairement à l'AAH, qui est une prestation ancienne dont le recours peut être aisément projeté, la prime d'activité est un dispositif tout neuf dont le succès n'avait été prévu par personne et qu'on peine encore à estimer.
À la fin 2016, 5,4 milliards d'euros y auront donc été consacrés, alors qu'on en prévoit « seulement » 5,7 milliards pour 2017. J'exprimerai à cet égard une inquiétude. Je ne peux que constater un décalage préoccupant entre les facilités offertes par le Gouvernement pour l'accès à cette prime - ouverte dès l'âge de 18 ans, accessible en quelques minutes grâce à une dématérialisation totale, dépouillée de tous les effets stigmatisants qu'avait le RSA activité, cumulable depuis la loi Travail avec l'AAH - et l'apparente modestie des moyens qui lui sont consacrés dans le PLF pour 2017. Tous les acteurs que j'ai pu rencontrer durant mes auditions préconisaient une rallonge nécessaire, en fin d'année 2016, d'au moins un milliard d'euros pour faire face au recours croissant de la prime. Le Gouvernement estime qu'un tiers seulement de cette somme suffira. J'émets, pour ma part, de très sérieux doutes sur la capacité des crédits 2017 à absorber les demandes de tous les éligibles.
La prime d'activité constitue une indéniable avancée en comparaison des dispositifs auxquels elle se substitue. Pour réjouissante que cette nouvelle soit, elle doit être financièrement assumée et intégrée dans le dernier budget du quinquennat pour des montants conformes à la réalité. En effet, le sérieux budgétaire, qui aurait normalement exigé que soit davantage respecté l'impératif de maîtrise des dépenses, se doit néanmoins d'anticiper les besoins futurs avec fidélité.
De façon générale, j'observe que l'inflation importante subie par les crédits de la mission « Solidarité » est essentiellement due à l'ouverture de nouveaux dispositifs dont tout porte à penser, en cette période électorale, qu'elle n'a été ni suffisamment anticipée, ni correctement contrôlée.
Je terminerai par un motif de satisfaction, que je ne pouvais passer sous silence : les crédits du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » connaissent une augmentation de 8 %, pour atteindre quasiment les 30 millions d'euros.
Après ce tour d'horizon très général des crédits de la mission, je souhaiterais, avant de conclure, évoquer plus précisément le dispositif de la prime d'activité, sur lequel j'ai cette année porté mon attention.
J'ai eu l'occasion de mener une série d'auditions variées, auxquelles certains d'entre vous ont participé et de rencontrer des économistes, des responsables administratifs et des acteurs associatifs. Leur regard sur la prime d'activité confirme, pour une large part, l'accueil favorable qui est fait à cette nouvelle prestation mais nombreux sont ceux à m'avoir averti que cette approbation risquait de reposer partiellement sur un malentendu. Les réjouissances qui entourent la création de la prime d'activité pourraient davantage être liées à la communication gouvernementale réussie qui l'a entourée, plutôt qu'à de véritables vertus intrinsèques qui inciteraient à la reprise d'un emploi.
Je viens d'évoquer le succès rencontré par cette prestation qui se substitue au RSA activité et à la prime pour l'emploi (PPE), succès dont il y a tout lieu de se réjouir, même si on peut en déplorer l'impréparation.
Alors que le RSA activité n'était demandé que par 30 % des personnes qui y étaient éligibles, les dernières estimations de la direction du Budget donnent un recours anticipé de la prime d'activité à environ 65 %.
Par ailleurs, la prime d'activité constitue pour les travailleurs pauvres, à n'en point douter, un outil efficace de lutte contre la pauvreté. Davantage ciblée que la PPE, elle permet d'élever pour un montant moyen mensuel de 160 euros les revenus compris entre 0,3 et 0,8 Smic.
Construite sur la même logique que les prestations de solidarité, elle est un dispositif dont la composante principale est familialisée, ce qui signifie que les montants versés sont en proportion plus importants pour les personnes seules que pour les personnes vivant en couple. Elle tente néanmoins d'éviter l'écueil de la désincitation au travail du conjoint en introduisant une dimension individualisée de la prestation : le bonus individuel mensuel pouvant aller jusqu'à 70 euros par mois.
La prime d'activité présente donc une innovation intéressante apportée à la lutte contre la pauvreté, qui s'inspire en partie de la réflexion récente menée sur la rationalisation des minima sociaux et qui doit être croisée avec les conclusions de la mission d'information sénatoriale sur le revenu de base, présidée par M. Vanlerenberghe et rapportée par M. Percheron.
Mon opinion est que la prime d'activité n'est cependant pas allée suffisamment loin dans la réforme et qu'un immense chantier s'ouvre encore devant nous en la matière. Je suis d'avis, pour ma part, qu'en matière de solidarité, si l'on veut aller au-delà de la simple logique compassionnelle, et véritablement donner aux personnes en situation de précarité les moyens de s'en sortir, il nous faut dépasser la familialisation des prestations sociales et aller vers plus d'individualisation. Pour être plus clair : rationaliser les aides, mieux cibler les éligibles, individualiser le versement.
Il va de soi qu'une telle opinion entraînerait une redéfinition profonde des minima sociaux dans leur globalité et concernerait, au premier rang d'entre eux, le revenu de solidarité active.
Je ne désire pas rallumer un débat qui ne rentre pas stricto sensu dans les contours de la mission dont j'assure le rapport, mais je regrette que les négociations menées entre l'ADF et le Gouvernement n'aient pas abouti à un accord qui aurait pu aider au soulagement des finances départementales dont on sait qu'elles sont accablées par le fardeau du RSA. Au moins peut-on espérer, dans les années à venir, qu'une prestation redéfinie, mieux ciblée et individualisée, pèsera moins sur les budgets de ceux qui sont chargés de son versement.
Pour conclure sur la prime d'activité, j'émettrai un dernier bémol qui porte moins sur les modalités de sa construction que sur la communication gouvernementale qui l'a accompagnée. Cette prime se revendique de la grande et extensible famille des dispositifs visant l'incitation financière au retour à l'emploi. Mes chers collègues, je veux l'affirmer devant vous, toutes les études et toutes les auditions que j'ai menées ont pu me le confirmer : l'incitation financière au retour à l'emploi ne s'est jusqu'ici traduite que par des échecs.
Autant il me paraît souhaitable de permettre aux travailleurs pauvres de cumuler leur revenu d'activité avec différentes aides, autant il est fallacieux de faire croire à la population que ce cumul contribuera à la résorption du chômage. Le seul outil véritablement efficace en la matière est simple : la création d'emplois et le soutien à ceux qui sont à leur origine. Sans emplois proposés, vous aurez beau inciter les bénéficiaires de minima sociaux, il leur sera bien impossible de se réinsérer sur le marché du travail. C'est donc prendre le problème dans le mauvais sens que de penser que la prime d'activité servira la diminution du nombre des demandeurs d'emplois.
Sur ces considérations, et malgré les réserves que l'on peut légitimement formuler sur l'augmentation notable des crédits de la mission, je recommande, en cohérence avec l'avis émis par la commission des finances, que notre commission donne un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. Jean-Pierre Godefroy . - Je souhaite exprimer quelques inquiétudes quant aux crédits du programme 137, et plus particulièrement à l'action relative à la lutte contre le système prostitutionnel. En effet, j'observe que le fonds pour la prévention de la prostitution, prévu par la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, est supprimé par l'article 17 du projet de loi de finances. Malgré le dynamisme des crédits consacrés au programme, cette suppression est préoccupante dans la mesure où ce fonds dédié devait servir à pérenniser la concentration de ressources fléchées vers la lutte contre la prostitution et l'aide apportée aux anciennes personnes prostituées. Parmi ces ressources, figurait notamment le produit des amendes acquittées par les clients, que je ne retrouve pas, non plus, dans le texte du PLF.
Ensuite, je tiens à faire remarquer que, même si le produit des subventions aux associations d'aide aux personnes prostituées augmente, il reste polarisé sur les trois mêmes associations de grande envergure. Ne pourrait-on envisager d'en faire également profiter celles de taille plus modeste ?
Mme Catherine Procaccia . - Je rejoins totalement les propos de notre rapporteur relatifs à la prime d'activité. En tant que rapporteure de la loi relative au dialogue social qui portait création de cette prime, j'avais déjà émis quelques doutes quant au faible taux de recours anticipé et aux risques de sous-budgétisation pour les exercices à venir.
Je suis également du même avis que le rapporteur concernant l'échec de l'incitation financière en matière de retour à l'emploi. Il nous faut apporter l'aide nécessaire aux personnes qui le requièrent mais bien garder à l'esprit que des budgets trop importants concentrés sur l'objectif de reprise d'activité seraient dépensés en pure perte.
M. René-Paul Savary . - Je remercie, à mon tour, notre rapporteur pour avis de ce travail qui nous éclaire bien sur la place des minima sociaux et la nécessaire redéfinition de leur rôle. Il y a une véritable urgence à repenser notre modèle de protection sociale et à bien déconnecter les actions de lutte contre la pauvreté des actions de réinsertion dans l'emploi.
Il nous faut également bien prendre conscience que la plupart des minima sociaux sont versés à crédit par les départements. La recentralisation du versement du RSA, un temps envisagée par le Gouvernement, a été proposée aux départements dans des conditions inacceptables qui revenaient à pénaliser à vie des départements qui avaient engagé des dépenses sociales particulièrement lourdes. Belle façon de récompenser leur engagement ! Concernant la primé d'activité, son succès s'explique aussi par le mécanisme de l'instruction déclarative dématérialisée. J'y vois un signe de la bonne disposition de nos concitoyens à l'égard de la société numérique.
Enfin, je souhaite faire part de mes inquiétudes quant au financement des MDPH : le PLF pour 2017 prévoit que soit réduite la part nationale de leur financement et il est fort à craindre que la compensation de cette perte se fasse une nouvelle fois au détriment des départements.
M. Dominique Watrin . - Nous voulons d'abord souligner les baisses des crédits du programme 124, qui concentre les dépenses de personnels, qui mettent en oeuvre les politiques sanitaires et sociales.
Le rapporteur a raison de soulever le débat sur la redéfinition des minima sociaux mais évoque des pistes qui ne manquent pas de nous inquiéter. Pour moi, le véritable problème est celui de l'accessibilité et du non-recours qui, malgré le succès de la prime d'activité, reste élevé. Nous sommes très vigilants quant à la tendance actuelle, visible dans plusieurs pays européens, qui voit diminuer le niveau et le nombre des bénéficiaires de minima sociaux. Les effets de ces choix ne manqueront pas d'être catastrophiques.
Dans le champ de la politique du handicap, le ministère des affaires sociales et de la santé évoque des « résultats encourageants » dans la mise en oeuvre de l'accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées. Nous aimerions avoir confirmation de ce constat, avec également le chiffre des dérogations qui ont été accordées.
Il me paraîtrait judicieux que notre commission se charge de dresser un bilan d'étape de l'ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.
Mme Annie David . - Je voudrais remercier notre rapporteur de la qualité de ses travaux mais aussi pour avoir auditionné l'association du Forum RSA, sise dans mon département de l'Isère. J'aurais à cet égard souhaité savoir, parmi les propositions qu'ils vous ont faites concernant les modalités de versement du RSA, lesquelles susciteraient votre adhésion. J'ai bien conscience que le Sénat ayant décidé de ne pas examiner le budget de l'État cette année, nous aurons du mal à porter leurs revendications, mais il est toujours bon d'anticiper pour l'avenir.
Mme Aline Archimbaud . - Le travail du rapporteur s'est montré précis et argumenté bien que je ne vous rejoigne pas sur tous les sujets. Je me réjouis particulièrement des innovations qui ont accompagné le versement de l'AAH, désormais plus facilement accessible et cumulable avec des revenus d'activité.
Sur la prime d'activité, c'est vrai que le dispositif est surtout efficace dans la lutte contre la pauvreté. Comment pourrait-on désormais la rendre vraiment efficace en matière de reprise de l'emploi ? Il y aurait, selon moi, plusieurs réformes complémentaires, plus structurelles, à mettre en oeuvre. Parmi elles, la baisse de la durée du travail - même si je vois bien que la mesure n'est pas très à la mode - et le soutien résolu à certaines filières industrielles spécialisées dans la préservation de l'environnement. C'est là que se trouvent les véritables viviers d'emplois.
Enfin, permettez-moi de terminer par un regret, celui de ne pas trouver évoquée dans votre rapport la question de l'économie sociale et solidaire. Je vous rappelle que cette nouvelle branche de l'économie se propose de repenser l'inclusion des personnes en risque de marginalisation en créant des réseaux collectifs, ce qui change du versement de prestations individuelles. La dimension collective de ces réseaux est une véritable clef pour l'intégration dans les territoires.
M. Michel Vergoz . - Je souhaite demander au rapporteur une clarification de son sentiment à l'égard de la prime d'activité. Vous semblez vous satisfaire du succès qu'elle rencontre tout en déplorant la dérive budgétaire qui en découlerait. De même, vous évoquez la part prépondérante qu'aurait prise la communication gouvernementale dans l'approbation générale qui a accompagné la prime d'activité. Est-ce vraiment le cas ? La mesure aurait-elle été prise avec une telle légèreté ? Dans ma région, la prime d'activité a pourtant contribué au soulagement de milliers de familles.
M. Gérard Roche . - Pour commencer, il me tient à coeur de rappeler que le véritable « cancer de notre société » n'est pas le système de protection sociale, comme certains responsables politiques le prétendent, mais bien le chômage contre lequel ce système contribue à lutter.
Concernant le transfert du financement des Esat à la CNSA, on peut comprendre la logique. Mais j'émettrai une inquiétude quant aux ressources de la CNSA qui dispose, pour ce financement, de l'Ondam médico-social, augmenté de quelques ressources propres. Or, cet Ondam médico-social est déjà lourdement sollicité pour le financement du forfait-soins des Ehpad. Les plans d'aide à l'investissement relevant également de la responsabilité de la CNSA ne sont que très modestement abondés. Ajoutons à cela le remboursement de l'Apa et l'équation budgétaire devient intenable pour la CNSA. Comment pourra-t-elle assurer le bon financement des Esat qui lui sont transférés, sans menacer ses autres missions ?
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis . - Monsieur Godefroy, vous avez tout à fait raison. Le fonds dédié à la lutte contre la prostitution a dû être supprimé mais le Gouvernement nous a garanti que le produit des amendes était bien identifié comme une ressource pérenne du financement de l'aide à la réinsertion sociale des personnes prostituées. J'appuie votre volonté d'avoir un bilan plus clair de la loi du 13 avril 2016.
Monsieur Savary, vous connaissez fort bien ces sujets en tant que rapporteur pour le secteur médico-social. Nous partageons vos inquiétudes notamment sur la compensation de la dotation nationale des MDPH, antérieurement financée par l'État. Il faut savoir que le ministère de l'éducation nationale a récemment décidé d'une revalorisation du traitement de ses fonctionnaires, à l'exception de ceux mis à disposition des MDPH. Voilà qui risque de diminuer la motivation de leurs personnels et sans compensation adéquate par les pouvoirs publics, on doit s'attendre à un risque élevé de sous-effectifs. Dans les grandes mesures prises par le ministère des affaires sociales et de la santé relatives aux MDPH, il semble que ce problème particulier ne soit pas évoqué, ce qui est d'autant plus surprenant que l'on attend d'elles une redéfinition de leurs missions et une rationalisation de leur travail.
Concernant le numérique, je serai un peu plus modéré que vous. Heureusement, il existe, en zone rurale, un accompagnement physique mis en place par les caisses d'allocations familiales pour les personnes les plus âgées et les plus éloignées des équipements informatiques.
Monsieur Watrin, les baisses de crédits relatives aux personnels sont tout de même assez modérées sur un programme de 1,5 milliard d'euros. Concernant les accessibilités des bâtiments, je partage votre avis sur la nécessité d'un bilan. Notre collègue Claire-Lise Campion a été chargée d'une mission d'évaluation dont les conclusions seraient éclairantes. On peut, je pense, parler d'un succès et d'une accélération des mises en accessibilité, beaucoup plus nombreuses sur l'année qui vient de s'écouler que sur les dix dernières années.
Madame David, la plupart des sollicitations recueillies auprès des représentants de bénéficiaires du RSA n'auraient malheureusement pas résisté aux prescriptions de l'article 40 de la Constitution. C'est davantage vers le Gouvernement qu'ils devraient porter leurs revendications que je partage au moins sur un aspect : étant favorable à l'individualisation des allocations, je suis pour que la situation familiale, et notamment maritale, n'influe pas sur le versement individuel du RSA.
Monsieur Vergoz, ma position générale est claire. Sur les deux objectifs de la prime d'activité - combattre la pauvreté et faciliter le retour à l'emploi - je considère que seul le premier est atteint. On ne peut que constater un échec du retour à l'emploi, à cause de l'atonie de l'offre d'emplois.
Madame Archimbaud, l'économie sociale et solidaire a fait l'objet d'un transfert à la mission « Économie » et relève plus particulièrement du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ». Je partage tout à fait vos vues sur l'opportunité de cette nouvelle conception de l'inclusion mais nous butons toujours sur la question de l'échelon responsable de l'insertion. Devons-nous concentrer la responsabilité sur l'État ou sur les départements ? Dans la continuité de vos propos, il pourrait aussi être intéressant de conduire un bilan de la loi d'expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée, qui promet de mieux satisfaire les deux aspects de lutte contre la pauvreté et de retour à l'emploi.
Monsieur Roche, vous avez tout à fait raison d'alerter sur les ressources de la CNSA et leur capacité à absorber les dépenses supposées par leurs missions. Concernant les Esat, je voudrais vous rassurer : les crédits qui figuraient initialement au budget de l'État ont été rigoureusement transférés à l'Ondam médico-social, ce qui explique d'ailleurs l'essentiel de sa hausse, essentiellement faciale. Cependant, d'après les estimations menées par notre collègue René-Paul Savary, les réserves de la CNSA devraient être épuisées d'ici deux ans, ce qui limitera considérablement les initiatives que les gouvernements à venir pourront prendre dans le champ de la perte d'autonomie.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2017.