B. L'ÉVOLUTION DU PÉRIMÈTRE ET DES CRÉDITS DU PROGRAMME « DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES ET DU TOURISME » EN 2016
Votre rapporteur relève deux changements de périmètre importants, n'ayant pas cependant d'impact financier lourd sur le programme.
D'une part, les crédits de l'économie sociale et solidaire qui relevaient jusque-là du programme n° 304 « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire » seront transférés en 2016 sur programme n° 134 « Développement des entreprises et de l'emploi », pour un montant d'un peu plus de 4 millions d'euros, presque exclusivement des crédits d'intervention.
D'autre part, dans la perspective de la création auprès des ministères économiques et financiers d'une nouvelle structure interministérielle pour les questions d'intelligence économique , les crédits et les effectifs de la délégation interministérielle à l'intelligence économique, rattachée au Premier ministre, et du service de coordination à l'intelligence économique, rattaché au secrétaire général des ministères économiques et financiers, seront transférés en 2016 respectivement des deux programmes n° 139 « Coordination du travail gouvernemental » et n° 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » vers le programme n° 134.
Ces modifications de périmètre représentent quelques millions d'euros supplémentaires seulement pour le programme. Elles n'ont pas pour effet de masquer une baisse beaucoup plus importante des crédits à périmètre constant. Votre rapporteur se félicite donc de cette relative stabilité du périmètre du programme pour 2016 .
1. L'architecture du programme
Par rapport aux exercices précédents, le programme « Développement des entreprises et du tourisme » comporte quatorze actions dans le projet de loi de finances pour 2016, au lieu de treize depuis 2013, du fait de la création d'une nouvelle action « économie sociale et solidaire ».
En dehors de la création de cette nouvelle action qu'il juge pertinente, compte tenu de la compétence du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique dans ce domaine, votre rapporteur constate la relative stabilité de l'architecture globale du programme cette année, laquelle assure une meilleure lisibilité et permet de mieux apprécier l'évolution de ses crédits.
Les crédits affectés au programme sont désormais répartis en quatorze actions (nouvelle action n° 22) :
- fonctionnement des services chargés de la mise en oeuvre des dispositifs réglementaires et fiscaux destinés à améliorer l'environnement des entreprises, interventions financières en faveur des commerçants et artisans (notamment le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, FISAC) (action n° 2 : commerce, artisanat et services) ;
- fonctionnement des services chargés de soutenir le développement et la compétitivité des entreprises industrielles, interventions financières en faveur de ces entreprises et contrôle métrologique (action n° 3 : actions en faveur des entreprises industrielles) ;
- fonctionnement des services et des organismes chargés du cadre réglementaire des postes et télécommunications, compensation du coût des missions de service public postal de La Poste (action n° 4 : développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information) ;
- fonctionnement de Business France, chargé à la fois de soutenir le développement international des entreprises françaises et de favoriser l'accueil des investissements internationaux (action n° 7 : développement international des entreprises et attractivité du territoire) 13 ( * ) ;
- fonctionnement du conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (action n° 8 : expertise, conseil et inspection) ;
- fonctionnement de trois autorités administratives indépendantes : l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, la Commission de régulation de l'énergie et l'Autorité de la concurrence (actions n os 13, 14 et 15 : régulation des communications électroniques et des postes, régulation et contrôle des marchés de l'énergie et mise en oeuvre du droit de la concurrence) ;
- fonctionnement de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), chargée du contrôle des règles de concurrence et de la protection et de la sécurité du consommateur (actions n° 16, 17 et 18 : régulation concurrentielle des marchés, protection économique du consommateur et sécurité du consommateur), et soutien aux organismes ou associations dans le domaine de la consommation (Institut national de la consommation et mouvement consumériste) ;
- interventions financières en faveur des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (interventions en garantie et en fonds propres, notamment par l'intermédiaire de Bpifrance) (action n° 20 : financement des entreprises) ;
- politique en faveur du tourisme (action n° 21 : développement du tourisme) ;
- subventions au profit des chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS) et des organismes nationaux et locaux de ce secteur, le cas échéant par voie d'appel à projet (action n° 22 : économie sociale et solidaire).
Votre commission des lois, au titre du suivi de ses compétences dans les domaines du droit des affaires et du droit de la consommation, s'intéresse prioritairement aux cinq actions suivantes, qui recouvrent une partie des crédits de la direction générale des entreprises (DGE) et l'intégralité des crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de l'Autorité de la concurrence :
- action n° 2 : commerce, artisanat et services ;
- action n° 15 : mise en oeuvre du droit de la concurrence ;
- action n° 16 : régulation concurrentielle des marchés ;
- action n° 17 : protection économique du consommateur ;
- action n° 18 : sécurité du consommateur.
Par ailleurs, cinq opérateurs de l'État sont associés à ce programme, dont l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), qui intéresse votre commission plus particulièrement, compte tenu de ses missions de protection des droits de propriété industrielle.
2. Les dépenses fiscales associées au programme
Outre les crédits budgétaires affectés au programme, des dépenses fiscales estimées à 12,8 milliards d'euros en 2014 et 20 milliards d'euros en 2015 et 2016 sont associées au programme, correspondant à de nombreux avantages fiscaux, exonérations, réductions ou crédits de divers impôts et taxes d'État.
La forte progression du montant de ces dépenses fiscales résulte de la montée en puissance du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE), qui représente presque les deux tiers du montant estimé des dépenses fiscales totales associées au programme en 2015 et en 2016. Une part importante de ce montant résulte aussi de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée dans divers secteurs 14 ( * ) , pour un total estimé à 3,2 milliards d'euros en 2016.
Peuvent également être mentionnées l'exonération partielle de droits de succession sur les transmissions d'entreprises 15 ( * ) , la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des investissements au capital des petites et moyennes entreprises 16 ( * ) ou encore le dispositif temporaire de suramortissement pour les investissements réalisés entre avril 2015 et avril 2016 17 ( * ) .
L'ensemble des dépenses fiscales associées au programme concerne au total 70 dispositifs, transversaux ou sectoriels, visant à soutenir les entreprises, avec des montants financiers extrêmement variables d'un dispositif à l'autre.
3. L'évolution des crédits des actions du programme
La répartition par action des crédits du programme est celle figurant dans l'annexe au projet de loi de finances déposé par le Gouvernement. Elle ne tient pas compte de la réduction des crédits votée par l'Assemblée nationale.
La baisse des crédits du programme « Développement des entreprises et du tourisme » n'affecte pas de la même façon toutes les actions, comme l'illustrent les tableaux ci-après.
Autorisations d'engagement du programme
« Développement des entreprises et du
tourisme »
(en euros)
18
(
*
)
LFI 2015 |
Part du programme dans la LFI 2015 |
PLF 2016 déposé |
Part du programme dans le PLF 2016 |
Évolution |
|
Action n° 2 :
|
76 664 993 |
8,92 % |
68 065 681 |
7,99 % |
- 11,22 % |
Action n° 3 :
|
149 945 385 |
17,44 % |
150 501 131 |
17,67 % |
+ 0,37 % |
Action n° 4 :
|
172 524 266 |
20,07 % |
162 140 346 |
19,04 % |
- 6,02 % |
Action n° 7 :
|
108 770 209 |
12,65 % |
103 848 129 |
12,19 % |
- 4,53 % |
Action n° 8 :
|
18 930 127 |
2,20 % |
18 966 725 |
2,23 % |
+ 0,19 % |
Action n° 13 :
|
22 349 881 |
2,60 % |
21 552 772 |
2,53 % |
- 3,57 % |
Action n° 14 :
|
18 688 870 |
2,17 % |
18 881 324 |
2,22 % |
+ 1,03 % |
Action n° 15 :
|
20 006 747 |
2,33 % |
32 219 805 |
3,78 % |
+ 61,04 % |
Action n° 16 :
|
73 833 795 |
8,59 % |
73 908 315 |
8,68 % |
+ 0,10 % |
Action n° 17 :
|
122 336 755 |
14,23 % |
120 107 333 |
14,10 % |
- 1,82 % |
Action n° 18 :
|
45 507 622 |
5,29 % |
43 704 298 |
5,13 % |
- 3,96 % |
Action n° 20 :
|
26 436 355 |
3,08 % |
26 427 295 |
3,10 % |
- 0,03 % |
Action n° 21 :
|
3 552 495 |
0,41 % |
7 020 749 |
0,82 % |
+ 97,63 % |
Action n° 22
(nouveau)
:
|
4 369 347 |
0,51 % |
|||
Total du programme |
859 547 500 |
100,00 % |
851 713 250 |
100,00 % |
- 0,91 % |
Crédits de paiement du programme
« Développement des entreprises et du
tourisme »
(en euros)
19
(
*
)
LFI 2015 |
Part du programme dans la LFI 2015 |
PLF 2016 déposé |
Part du programme dans le PLF 2016 |
Évolution |
|
Action n° 2 :
|
74 306 823 |
8,50 % |
63 065 681 |
7,52 % |
- 15,13 % |
Action n° 3 :
|
166 019 062 |
18,98 % |
155 423 284 |
18,54 % |
- 6,38 % |
Action n° 4 :
|
172 524 266 |
19,73 % |
162 140 346 |
19,34 % |
- 6,02 % |
Action n° 7 :
|
108 770 209 |
12,44 % |
103 848 129 |
12,39 % |
- 4,53 % |
Action n° 8 :
|
18 930 127 |
2,16 % |
18 966 725 |
2,26 % |
+ 0,19 % |
Action n° 13 :
|
22 349 881 |
2,56 % |
21 552 772 |
2,57 % |
- 3,57 % |
Action n° 14 :
|
18 688 870 |
2,14 % |
18 881 324 |
2,25 % |
+ 1,03 % |
Action n° 15 :
|
20 006 747 |
2,29 % |
22 021 489 |
2,63 % |
+ 10,07 % |
Action n° 16 :
|
73 833 795 |
8,44 % |
73 908 315 |
8,82 % |
+ 0,10 % |
Action n° 17 :
|
122 336 755 |
13,99 % |
120 107 333 |
14,33 % |
- 1,82 % |
Action n° 18 :
|
45 507 622 |
5,20 % |
43 704 298 |
5,21 % |
- 3,96 % |
Action n° 20 :
|
26 436 355 |
3,02 % |
26 427 295 |
3,15 % |
- 0,03 % |
Action n° 21 :
|
4 840 380 |
0,55 % |
3 936 628 |
0,47 % |
- 18,67 % |
Action n° 22
(nouveau)
:
|
4 369 347 |
0,52 % |
|||
Total du programme |
874 550 892 |
100,00 % |
838 352 966 |
100,00 % |
- 4,14 % |
La diminution importante des crédits de l'action n° 2, qui regroupe une partie des crédits de la direction générale des entreprises (DGE), traduit entre autres la poursuite de la baisse des crédits alloués au fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), engagée depuis de nombreuses années. En outre, la DGE connaîtra une nouvelle réduction de ses effectifs, de l'ordre d'une trentaine comme les années précédentes.
En revanche, les crédits affectés à l' Autorité de la concurrence (action n° 15) devraient fortement progresser en 2016, pour soutenir financièrement les nouvelles compétences qui lui ont été attribuées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques à l'égard des professions réglementées du droit - que votre rapporteur analyse infra - et pour prendre en compte, s'agissant des autorisations d'engagement, le montant des loyers des baux renouvelés des locaux loués par l'Autorité pour la totalité de leur durée, soit neuf ans 20 ( * ) . Cette augmentation fait suite à plusieurs années de baisse progressive des crédits et des emplois.
Enfin, les crédits alloués à la DGCCRF (actions n os 16, 17 et 18) devraient connaître une légère diminution, pour atteindre près de 238 millions d'euros, constitués à 93 % de dépenses de personnel. Les seules dépenses de personnel de la DGCCRF devraient elles aussi connaître une diminution pour 2016, sans remettre en cause la stabilisation des effectifs depuis 2014, ainsi que l'ont indiqué les représentants de la DGCCRF entendus par votre rapporteur.
L'évolution envisagée des crédits alloués à la DGCCRF permet donc de maintenir le répit ouvert en 2014 dans la diminution des emplois . Toutefois, votre rapporteur constate que les difficultés rencontrées dans l'exercice des missions , liées à la réorganisation des services déconcentrés par la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) de 2010, dans un contexte de forte baisse des effectifs sur de nombreuses années, perdurent. Le fait que les agents de la DGCCRF dans les directions départementales 21 ( * ) ne soient plus placés sous l'autorité hiérarchique de la DGCCRF, mais du préfet, pour l'exercice de leurs missions de contrôle demeure un sujet de préoccupation majeur dans cette administration, tant pour sa hiérarchie que pour ses organisations syndicales.
Ces difficultés expliquent sans doute assez largement la baisse continue d'activité de la DGCCRF année après année, plus importante que la diminution des effectifs sur la même période, comme l'illustre le tableau ci-après. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, cette baisse se poursuit en 2015 malgré la stabilisation des effectifs.
Évolution de l'activité de contrôle de la DGCCRF
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
|
Établissements contrôlés |
172 300 |
166 600 |
160 100 |
153 800 |
141 700 |
137 200 |
126 600 |
Nombre de visites |
257 200 |
253 700 |
238 300 |
231 700 |
214 700 |
206 700 |
185 900 |
Manquements constatés |
149 600 |
147 200 |
163 300 |
157 800 |
141 800 |
124 100 |
112 000 |
Source : DGCCRF
Pour la troisième année consécutive, les emplois affectés à la DGCCRF seront donc maintenus en 2016, mais la situation reste fragile. Dès lors, comme son prédécesseur, notre collègue Antoine Lefèvre, votre rapporteur demeure préoccupé par la capacité réelle des administrations concernées à assurer leur mission de contrôle , au risque d'affaiblir la protection des consommateurs. Cette préoccupation est plus forte dans certains départements aux effectifs très restreints, alors que les agents sont chargés de mettre en oeuvre de nombreuses réformes, notamment celles issues de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée dans certains secteurs, mais aussi de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui a instauré un dispositif de sanctions administratives en remplacement de sanctions pénales pour une partie des infractions en matière de consommation et de concurrence, présenté dans l'encadré ci-après.
Mise en oeuvre par la DGCCRF du nouveau dispositif de
sanctions administratives
Ce nouveau dispositif a été progressivement déployé dans les services déconcentrés à partir de l'automne 2014. Le bilan est le suivant au 26 octobre 2015 : - 1 849 sanctions administratives prononcées ; - 1 233 amendes notifiées, pour un montant de près de 3,5 millions d'euros ; - 567 titres de perception des amendes ont été émis, dont 273 ont déjà été recouvrés ; - 33 demandes de recours. |
Source : DGCCRF
Pour pallier une partie de ces difficultés, il existe aujourd'hui un enjeu de mutualisation des effectifs entre services départementaux, laquelle est à ce jour manifestement insuffisante, voire à terme un enjeu de réorganisation de ces missions de protection des consommateurs et de surveillance des marchés à l'échelon régional et plus départemental 22 ( * ) .
* 13 L'établissement public Business France est issu de la fusion au 1 er janvier 2015 de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) et d'UbiFrance.
* 14 Restauration, hôtellerie et campings.
* 15 Estimation à 500 millions d'euros pour 2016.
* 16 Estimation à 620 millions d'euros pour 2016.
* 17 Estimation à 500 millions d'euros pour 2016.
* 18 Hors fonds de concours et attributions de produits attendus en 2016.
* 19 Hors fonds de concours et attributions de produits attendus en 2016.
* 20 Le montant cumulé des loyers représente environ 10 millions d'euros pour les baux renouvelés. Cette hausse des autorisations d'engagement est donc purement technique.
* 21 Selon les départements, directions départementales de la protection des populations ou directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations, services interministériels placés sous l'autorité des préfets de département.
* 22 À cet égard, une mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration est en cours, pour évaluer les modalités d'exercice de ces missions par les services départementaux et pour proposer des évolutions, en matière notamment d'inter-départementalisation et de meilleure articulation entre échelon régional et échelon départemental, sans que soit remise en cause leur organisation actuelle issue de la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE), laquelle a été confirmée par le Premier ministre au niveau départemental.