EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 18 NOVEMBRE 2015
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M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines » . - Les crédits du programme 175 « Patrimoines », après deux ans de recul et une année de stabilisation, progressent pour 2016 : les autorisations d'engagement (AE) gagnent 166 millions d'euros, à 912 millions d'euros (+18%) et les crédits de paiement (CP) 122 millions d'euros, à 873 millions d'euros (+16%). Cependant, cette hausse tient essentiellement à la budgétisation de 118 millions d'euros pour la redevance pour l'archéologie préventive (RAP). En fait, la hausse des crédits budgétaires est en trompe-l'oeil, les missions des opérateurs sont élargies et les défis demandent une mobilisation bien plus forte de politiques publiques, en particulier pour l'entretien et la valorisation de notre patrimoine. Ceci est d'autant plus vrai qu'en deuxième délibération, le 13 novembre 2015, l'Assemblée nationale a diminué de 10 millions d'euros les crédits de la mission « culture », dont 5 millions d'euros pour le seul programme 175.
Les crédits de l'action 1 « Patrimoine monumental » progressent de 11,32 millions d'euros en autorisations d'engagement, à 352,72 millions d'euros (+3,32%) mais perdent 1,5 million d'euros en crédits de paiement, à 327,35 millions d'euros (-0,47%). En outre, ces chiffres ne tiennent pas compte du « rabot » de 5 millions d'euros sur le programme 175 qui, d'après ce que m'a dit hier Mme la ministre, pourrait toucher principalement l'action 1.
Cette stagnation des crédits de paiement est inquiétante face à l'ampleur de la tâche à accomplir pour entretenir et valoriser notre patrimoine historique. Je rappelle que la France compte 43 609 immeubles protégés au titre des monuments historiques, dont 14 135 classés et 29 474 inscrits et que s'y ajoutent de très nombreux bâtiments ni classés ni inscrits mais qui présentent un intérêt historique indéniable et pour lesquels nos concitoyens attendent un certain entretien.
Les crédits de l'action 1 vont financer de « grands chantiers » l'an prochain : la restauration et l'aménagement du Grand Palais - projet de 130 millions d'euros de travaux encore soumis à des arbitrages - ; la restauration du château de Fontainebleau, d'un montant global de 114 millions d'euros sur douze ans, lancée l'an passé et qui devrait s'échelonner jusqu'en 2026 ; la construction d'un centre de conservation et d'études en Lorraine (CCEL), commencée l'an passé et qui doit s'achever l'an prochain ; la restauration de l'ancien hôpital Jean Martial à Cayenne ; la nouvelle reconstitution de la grotte de Lascaux et la création d'un centre international d'art pariétal à Montignac, en Dordogne ; la modernisation du musée de Cluny, à Paris et la restauration des thermes gallo-romains.
Les crédits de l'action 2 « Architecture » progressent de 987 000 euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, à 28,8 millions d'euros (+3,5%) ; ils vont pour plus de moitié à la Cité de l'architecture et du patrimoine (16,46 millions d'euros), pour 12,6% au cofinancement des études pour la constitution des AVAP et pour 12% aux réseaux de promotion de la qualité architecturale, comme les CAUE et les 184 « Villes et Pays d'art et d'histoire ».
Les crédits de l'action 3 « Patrimoine des musées de France » progressent de 13,15 millions d'euros en autorisations d'engagement, à 344,44 millions d'euros (+3,97%) mais ils reculent de 323 000 euros en crédits de paiement, à 339,38 millions d'euros. C'est important, mais nous devons prendre en compte l'élargissement des missions des musées : ils sont sous pression et c'est bien pourquoi l'annonce d'une ouverture 7 jours sur 7 a suscité de vives réactions parmi les personnels.
L'action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » gagne 20 millions d'euros en autorisation d'engagement, à 43,75 millions d'euros. Ce bond spectaculaire (+83%) tient à ce que les crédits d'investissements passent de 6,51 à 25,70 millions d'euros, dont 17,45 millions d'euros pour l'aménagement du site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine.
Les crédits de l'action 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » gagnent 500 000 euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, à 8,85 millions d'euros, c'est 6% de mieux que l'an passé. Je signale au passage les vertus du mécénat, qui dépasse les subventions pour l'achat d'oeuvres d'art, puisqu'il a atteint 13 millions d'euros en 2013.
Les crédits de l'action 9 « Patrimoine archéologique » passent de 11,29 à 131 millions d'euros en autorisation d'engagement et de 19,7 à 137,8 millions d'euros en crédits de paiement du fait qu'ils intègrent désormais la redevance d'archéologie préventive (RAP), provisionnée à hauteur de 118 millions d'euros.
La budgétisation de la RAP est une bonne nouvelle ; elle va permettre à l'Institut national pour l'archéologie nationale, l'Inrap, d'en finir avec l'incertitude permanente sur le montant de son budget, situation que nous déplorons depuis de nombreuses années. Cependant, il nous faut résister à la tentation de revenir au monopole de l'Inrap, les pressions sont évidentes, nous le verrons en examinant le projet de loi « liberté de création, architecture et patrimoine » (LCAP) : rappelons-nous, mes chers collègues, ce qu'il en était au temps du monopole, pour les délais, les coûts et les retards, et sachons défendre les apports de la concurrence, qui a permis aux collectivités territoriales d'organiser des services archéologiques et à des entreprises privées - la plupart créées par d'anciens de l'Inrap - de proposer également leurs services, au bénéfice de l'archéologie préventive. Gardons-nous de revenir en arrière !
Les opérateurs du programme 175, ensuite, en ont trop souvent été la variable d'ajustement : ce n'est pas le cas cette année, semble-t-il, même si je note qu'un million d'euros est retiré au Musée d'Orsay et deux millions au Louvre, du fait de leur capacité d'autofinancement, c'est-à-dire de leur réussite...
Le Centre des monuments français (CMN) demande plus de souplesse dans la gestion des emplois de manière à élargir l'amplitude horaire d'ouverture de certains monuments. Le président du CMN m'a donné l'exemple de l'Arc-de-Triomphe, qui n'ouvre qu'à 10 heures du matin alors que des touristes, arrivés d'Asie dès l'aube à Roissy, pourraient apprécier d'y petit-déjeuner. De façon également regrettable, des musées du sud de la France ferment l'été en fin d'après-midi, à l'heure où des touristes demandent à s'y rendre : pourquoi ne pas adapter davantage les horaires à la demande, de façon saisonnière ? Ne pourrait-on pas, puisque le plafond d'emplois est intouchable, en exclure l'emploi saisonnier, qui représente tout de même 82 équivalents temps-plein au CMN ? La ministre m'a dit, hier, qu'elle y travaillait. Je suivrai ce dossier et j'espère que nous trouverons une solution, utile à la valorisation de notre patrimoine et, finalement, à l'attractivité de notre pays.
Mes chers collègues, je m'apprêtais à vous proposer un avis de sagesse à l'adoption des crédits du programme, mais le « rabot » de 5 millions d'euros sur le programme 175 me fait pencher pour un avis défavorable : la ministre m'a répondu hier que ces économies seraient faites plutôt sur de grands chantiers de l'État, pas sur des opérations conjointes avec les collectivités territoriales, ce n'est guère satisfaisant pour autant. L'inquiétude des professionnels est manifeste, ils me l'ont dit en audition, des entreprises ferment, 300 emplois auraient été perdus l'an passé, déjà 230 cette année : c'est chaque fois un drame économique, social, mais c'est aussi une perte très difficile à réparer pour nos savoir-faire, il ne faut pas que les crédits baissent pour les monuments historiques !
Je m'inquiète, également, que Bercy annonce pour 2015 une diminution de moitié pour le produit des successions en déshérence car, - depuis un amendement de notre collègue Yann Gaillard à la loi de finances pour 2005 -, c'est une source très importante de financement pour la Fondation du patrimoine, pour les milliers de rénovations qu'elle aide chaque année, le plus souvent conduites par des propriétaires privés sur leur patrimoine vernaculaire, non classé ni inscrit. Les successions en déshérence rapportent entre 8 et 11 millions d'euros par an depuis dix ans, mais 4 millions d'euros seulement en 2015, voire moins les années suivantes, ces moyens vont nous manquer cruellement, il faut en tenir compte.
L'argent public manque, nos collectivités territoriales doivent faire des arbitrages, trop souvent au détriment du patrimoine, je crois que nous devons trouver de nouvelles solutions de financement. Notre collègue Vincent Eblé vient de publier un rapport d'information sur « la dépense fiscale et la préservation du patrimoine historique bâti », je crois qu'il présentera des amendements en séance, nous pourrons lui apporter notre soutien. Nous devrons examiner toutes les pistes, y compris celles d'un élargissement des possibilités d'implantation de bâches publicitaires, d'un Loto affecté au patrimoine, d'un élargissement du mécénat : les idées ne manquent pas !
En attendant, je vous propose de donner un avis défavorable aux crédits de la mission « culture ».
M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis des crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation culturelle » . - Les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », représentent un peu plus d'un milliard d'euros dont les deux-tiers vont aux « fonctions supports » du ministère, c'est-à-dire principalement aux personnels, aux locaux et aux équipements du ministère de la culture et de la communication.
Je commencerai par les points de satisfaction. D'abord une hausse d'ensemble des crédits de programme : pour 2016, ce programme gagne 38 millions d'euros en autorisations d'engagement, ce qui représente +3,4%, et 21 millions en crédits de paiement (+2%). Cette hausse est concentrée sur la transmission des savoirs et la démocratisation culturelle : les crédits des fonctions support du ministère progressent de 1,2%, alors que le reste du programme, c'est-à-dire les subventions aux écoles d'art et d'architecture, les actions ciblées en matière de démocratisation culturelle, gagnent 29,3 millions d'euros, soit + 7,7%. Cette augmentation est continue depuis trois ans, il faut le signaler : en trois ans, les crédits ciblés sur la transmission des savoirs et la démocratisation culturelle ont progressé de 30%.
Deuxième point de satisfaction, le retour de l'État dans le soutien aux conservatoires. Nous n'avons pas ménagé nos efforts, et tout particulièrement notre présidente, pour que le Gouvernement revienne sur sa décision de se désengager complètement ; je rappelle que, l'an passé, nous n'avions pas voté le budget « culture » précisément pour dénoncer ce désengagement de l'État vis-à-vis des conservatoires. La ministre a fait un virage à 180 degrés, elle a reconnu que ce désengagement était une erreur et elle présente cette année un « plan conservatoires » doté de 13,5 millions d'euros : c'est 8 millions de plus que le « plancher » atteint l'an passé. Cependant, ce plan ne représente que la moitié des 27 millions d'euros que l'État consacrait aux conservatoires à rayonnement régional et départemental il y a trois ans.
Ensuite et surtout, comme pour d'autres politiques culturelles, l'État veut « redéfinir » les modalités de l'aide ; on nous parle de « refondre les procédures de classement » pour « ouvrir les conservatoires à la diversité », on nous dit qu'il faut « moderniser » la pédagogie et l'offre des conservatoires, pour « être au plus près des aspirations de nos concitoyens ». En réalité, les conservatoires s'ouvrent depuis longtemps à leur environnement ; les musiques, la danse et le théâtre actuels y ont leur place. La réalité de terrain, c'est que le retrait de l'État et sa focalisation sur « la professionnalisation des artistes » a provoqué des dégâts : des postes ont été supprimés, les tarifs ont dû être augmentés, c'est plutôt cela qui éloigne nos concitoyens des conservatoires ! La réalité, c'est que les conservatoires sont le plus souvent disposés à coopérer avec leur environnement, en particulier l'Éducation nationale : il faut développer ces coopérations, je pense en particulier à des classes de pratiques artistiques où des collégiens viennent deux fois par semaine au conservatoire, cela demande des instructions interministérielles.
Je sors du cadre strictement budgétaire, mais c'est nécessaire parce que c'est la toile de fond : nous avons besoin d'une mobilisation bien plus importante pour les enseignements artistiques, je le précise dans mon rapport écrit, en particulier pour soutenir la proposition de notre présidente pour une véritable décentralisation, avec transfert des crédits correspondants.
Autre mesure mise en avant par le ministère, le plan d'éducation artistique est renforcé, pour des actions avec les scolaires, avec des publics et des territoires prioritaires. Les crédits augmentent, c'est une bonne chose même s'ils restent très en-deçà des besoins pour rattraper les écarts au sein de la population comme entre territoires. Ainsi, le plan d'éducation artistique gagne 45% : c'est une belle affiche, mais on parle là de 4,5 millions d'euros supplémentaires à l'échelle du territoire national et pour des objectifs ambitieux...
Même chose pour les bourses sur critères sociaux, dont les crédits augmenteront de 7% l'an prochain -ils auront progressé d'un tiers en quatre ans. C'est appréciable mais là encore, on parle de 8 millions d'euros supplémentaires sur quatre années, qu'il faut comparer à l'augmentation des frais scolaires et hors scolaires des étudiants qui sont eux-mêmes en nombre croissant... Surtout, les étudiants en art accèdent moins facilement aux bourses que dans les autres matières, c'est un héritage dont il faut se défaire, les Assises de la jeune création ont évoqué le sujet et nous devrons y revenir.
S'agissant de l'enseignement supérieur, je salue l'effort d'investissement dans les établissements : plusieurs rénovations importantes ont eu lieu ces dernières années, elles se poursuivent et cet effort d'investissement est significatif. En revanche, je m'inquiète pour le développement de la recherche dans les écoles d'art et d'architecture : c'est une obligation pour l'intégration au schéma Licence Master Doctorat du processus de Bologne, mais les moyens ne suivent pas et le « bleu budgétaire » n'est pas clair du tout : il mentionne 1 million d'euros, mais l'appel à projet pour les écoles territoriales ne dépasse pas 600 000 euros : les associations m'ont alerté, il faut plus de transparence.
La ministre a annoncé la création d'un statut pour les professeurs des écoles supérieures d'art territoriales, c'est un véritable sujet pour que nos écoles territoriales ne décrochent pas et je crois que l'État doit davantage les aider à se mettre aux nouveaux standards.
Un mot sur les fonctions support, c'est-à-dire les quelque 760 millions d'euros que ce programme réserve aux équipes, aux équipements et aux locaux du ministère : la hausse est contenue à 1,3% et les marges vont servir, grâce à des économies internes, à revaloriser une partie des carrières, c'est important pour le ministère de la culture où les rémunérations sont moindres que dans les autres ministères. On m'a dit qu'à responsabilités égales, les écarts pouvaient atteindre jusqu'au tiers de la rémunération d'ensemble, entre la culture et les finances. Cela m'a surpris et je m'interroge sur la légitimité de tels écarts entre administrations centrales.
Voilà, mes chers collègues, il y a certes un léger mieux par rapport à l'an passé, mais je crois que nous devons marquer clairement que nous attendions davantage pour les conservatoires et pour les enseignements artistiques en général : c'est pourquoi je vous propose un avis défavorable sur ces crédits.
M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits du programme « Création » et du soutien public au cinéma . - « A la barbarie, nous devons opposer l'invincible humanité de la culture » : c'est ainsi que le Président de la République a conclu son propos hier à l'Unesco et c'est dans cette perspective que nous devons examiner les moyens que nous mettons dans la culture. Je sais que nous en sommes tous convaincus, que nous partageons tous, ici, cet engagement pour la culture - mais aussi que ce n'est pas le cas de tous nos collègues, que nous devons nous battre pour que cet engagement se traduise en actes, en moyens.
C'est pourquoi je veux souligner l'importance politique de la progression des crédits du programme 131 « Création » et du soutien public au cinéma : la tendance amorcée l'an passé se confirme avec ce projet de loi de finances, c'est un acte politique fort. L'an passé, j'avais été soulagé de voir cesser la baisse des crédits culturels, nous avions marqué un palier ! Cette année, le budget de la culture augmente, nous devons d'autant plus nous satisfaire de cette hausse qu'elle se produit au moment où les dépenses publiques diminuent. Et c'est d'autant plus utile que nous allons débattre très bientôt de la LCAP : sans cette hausse des crédits, nos débats législatifs auraient été virtuels, nos grandes ambitions laissées sans moyens.
La question se pose dans des termes très proches pour les collectivités territoriales. Comme l'État, elles doivent s'adapter aux contraintes nouvelles, mais alors que l'État fait le choix de maintenir ses crédits à la culture, elles ne peuvent pas toujours s'abriter derrière la baisse des dotations pour justifier le recul de leur participation à des projets culturels. C'est même précisément en période de crise et quand les moyens baissent, que les choix deviennent plus aigus et que celui de la culture devient plus important - car la culture c'est d'abord l'expérience positive d'être ensemble, d'être autre, c'est du lien social.
J'en viens aux crédits du programme 131 « Création » : les autorisations d'engagement gagnent 16 millions d'euros (+2,25 %), les crédits de paiement progressent de 9,7 millions d'euros (+1,3 %). Cette augmentation d'ensemble est un premier motif de satisfaction.
Je déplore depuis plusieurs années que les arts plastiques, avec à peine 10 % des crédits, soient le « parent pauvre » du programme « création » - même s'il faut prendre en compte, au-delà de la nomenclature, les apports des grands équipements dont les budgets figurent au spectacle vivant. Cette année, il y a un mouvement de rattrapage, puisque les deux-tiers des crédits supplémentaires vont aux arts plastiques, au parent pauvre : l'action 2 progresse même de 11,5 % en autorisations d'engagement.
Troisième point de satisfaction, l'accent mis sur l'accès à la culture, sur le soutien à la jeune création et au renouvellement des esthétiques, sur l'aménagement culturel du territoire et sur des mesures très utiles dans la vie des artistes, comme les résidences pour les plasticiens ou le soutien aux « scènes de musiques actuelles » (SMAC) ou encore aux festivals, j'y reviendrai.
La stratégie de l'État est claire, bien formulée, en particulier l'intention de faire mieux avec des moyens très contraints : le ministère est plus exigeant avec ses opérateurs, il leur demande des contrats d'objectifs, d'accueillir des artistes en résidence, de développer la co-production et la co-diffusion, de renforcer l'éducation artistique et culturelle : tout ceci se retrouve dans la politique des labels dont nous allons reparler dans la loi prochaine. L'intention est très bonne également, quand on parle de soutenir des outils de création mutualisés, des « tiers lieux et lieux intermédiaires », des « foyers de jeunes créateurs », quand on encourage, comme les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) le font à une échelle expérimentale, la diffusion de spectacles vivants et d'expositions dans toutes sortes de lieux : les idées ne manquent pas et le ministère est à l'écoute, c'est le sens des Assises de la jeune création qu'il a lancées au printemps dernier et qui ont été fructueuses.
Nous nous saisirons de tous ces sujets lors de l'examen de la LCAP mais le mouvement a déjà commencé : dans les « pactes culturels » que le ministère signe avec les collectivités, dans les contrats d'objectifs en cours de négociation, et y compris dans la mise en oeuvre de la réforme territoriale. Le Gouvernement se mobilise pour la culture, nous l'avions vu sur le dossier des intermittents, cette loi de finances le confirme..
Nous devons également nous assurer que les progrès de méthode et les intentions se traduisent en actes conséquents et pas seulement en expérimentations ponctuelles : notre rôle est bien de conforter la réforme, de la faire aller aussi loin que possible.
C'est pourquoi, au-delà de cette satisfaction d'ensemble, je pose dans mon rapport quelques jalons et quelques questions utiles à notre travail dans le projet de loi à venir.
S'agissant des moyens nouveaux dédiés aux arts plastiques, attention aux effets d'annonce : sur trois millions d'euros d'actions nouvelles pour les arts plastiques, un million va au déménagement du Centre national des arts plastiques (CNAP), un autre au projet de la « tour Médicis » à Montfermeil... si bien qu'il ne reste qu'un million d'euros supplémentaire à partager entre les 22 Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), les 48 centres d'art conventionnés, le réseau des résidences et l'ensemble de la commande publique. Le CNAP doit probablement déménager, la « tour Médicis » est certainement un bon projet, mais comment la mobilisation annoncée pour les artistes sera-t-elle perçue si les moyens vont majoritairement au déménagement d'une institution et à un projet qui ne verra pas le jour avant quelques années ?
Autre sujet sur lequel nous devons avancer, la protection sociale des artistes plasticiens, la structuration de leurs professions au sens large. Je le souligne depuis plusieurs années : beaucoup de plasticiens vivent en dessous du seuil de pauvreté, leurs droits d'auteur sont bafoués, y compris par les établissements publics, leurs droits sociaux sont mal gérés, il n'existe toujours pas de convention collective spécifique car le ministère du travail ne répond pas aux demandes du ministère de la culture pour négocier. Il est grand temps d'avancer ces sujets, ou bien nos progrès budgétaires sur le programme « création » paraîtront dérisoires.
Deux mots, enfin, sur la situation des festivals, après une année que la « cartocrise », sur internet, a fait paraître particulièrement sombre. Je fais un point dans mon rapport, le diagnostic est plus nuancé que dans la « cartocrise » mais il faut savoir que les festivals, même les plus grands, sont fragiles, et que quand ils sont annulés, parfois pour un manque de quelques milliers d'euros seulement, il est très difficile de faire machine arrière, nous devons y faire très attention.
J'en viens au soutien public en faveur du cinéma. Son niveau élevé, via les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et les différents dispositifs de crédit d'impôt au bénéfice des producteurs, constitue un cas d'école que l'Europe nous envie, d'autant que leur efficacité ne cesse de progresser. Le succès de nos productions ne cesse de conforter ce choix politique : le cinéma français a encore brillé dans les salles en 2014. Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? , Supercondriaque et Lucy ont attiré des millions de spectateurs. À l'affiche, plus de 340 oeuvres originales françaises ont continué à faire vivre l'industrie culturelle la plus populaire, ses milliers d'entreprises et ses 250 000 emplois directs. Le succès de notre cinéma bénéficie à la renommée et à l'image de la France de par le monde.
Dans son rapport d'avril 2014 relatif aux soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle, la Cour des comptes soulignait d'ailleurs les résultats indéniables d'une politique conduite en France avec vigueur et constance depuis plus de soixante-cinq ans, toutes majorités politiques confondues.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement - en cohérence avec des engagements pris par le Premier ministre au Festival de Cannes en faveur de la culture - fait le choix de poursuivre son effort budgétaire à destination du cinéma : comme je l'avais proposé l'an passé, le crédit d'impôt cinéma est sensiblement renforcé, tandis que, pour la deuxième année consécutive, l'affectation des taxes au fonds de soutien du CNC est intégralement préservée.
L'opérateur n'est toutefois pas à l'abri d'une nouvelle offensive contre ces ressources. Je ne puis, à cet égard, souscrire à la proposition de nos collègues de la commission des finances de plafonner le niveau des taxes dont bénéficie le CNC, alors même que leur moindre rendement, année après année, oblige l'opérateur à puiser dans ses réserves pour maintenir son niveau d'intervention.
Par ailleurs, les difficultés de la majorité des films français à l'exportation, la délocalisation trop fréquente des tournages et l'échec relatif de la lutte contre le piratage, qui constitue un manque à gagner réel pour l'industrie du cinéma, représentent autant d'ombres au tableau du satisfecit général apporté au système français de soutien au cinéma.
Des aménagements sont nécessaires, afin d'adapter les outils, notamment fiscaux, et les règles applicables aux évolutions de l'écosystème du cinéma. Il en va du maintien d'une production aussi qualitative que diversifiée, qui constitue aujourd'hui un objet de fierté nationale.
C'est pourquoi, je salue le dispositif proposé à l'article 44 du présent projet de loi de finances, qui, pour tenter de relocaliser les tournages d'oeuvres cinématographiques sur le territoire national, améliore sensiblement les modalités d'application du crédit d'impôt cinéma. Ainsi, le plafond des dépenses éligibles par films et porté de 4 millions d'euros à 30 millions d'euros ; les films en langue étrangère pourront bénéficier du dispositif sous certaines conditions ; l'ensemble des oeuvres se verra attribuer un taux de 30 % de crédit d'impôt.
Le pari est audacieux mais nécessaire : nous ne pouvons tolérer éternellement que tant de producteurs français, pour des raisons économiques, tournent leurs oeuvres à l'étranger, où, à l'instar de la Belgique ou de la Grande-Bretagne, les pouvoirs publics n'hésitent nullement à proposer une fiscalité favorable à l'industrie cinématographique. Il en va du maintien de nos emplois et de nos savoir-faire.
Se satisfaire de ce nouvel aménagement du crédit d'impôt cinéma serait toutefois oublier un peu vite que la délocalisation des tournages concerne également un nombre croissant de fictions audiovisuelles, genre coûteux mais dans lequel la France peine à s'imposer comme une grande nation de production. C'est pourquoi, mes chers collègues, j'avais envisagé de vous proposer de porter le crédit d'impôt les concernant de 20 à 25 % des dépenses éligibles, c'est-à-dire à un taux équivalent à celui qui s'applique aux fictions audiovisuelles d'animation. Toutefois, et je ne peux que saluer cette initiative, l'Assemblée nationale a adopté vendredi dernier en séance publique un dispositif identique doublé d'une augmentation des plafonds applicables aux dépenses éligibles. Vous comprendrez que je vous invite à maintenir l'article 44 dans sa rédaction issue des travaux de nos collègues députés.
Compte tenu de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Création», au sein de la mission « Culture ».
Mme Sylvie Robert .- L'augmentation du budget de la culture est une bonne nouvelle, qui prend un relief tout particulier dans le contexte actuel et qui nous permettra d'aborder l'examen du projet de loi « Liberté de la création, architecture et patrimoine » dans de bonnes conditions.
Je me réjouis tout particulièrement de l'augmentation des crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle ainsi que de la signature de pactes culturels entre l'État et des collectivités territoriales. Nous assistons toutefois à une légère diminution des crédits déconcentrés de l'État : restons vigilants !
Je suis également satisfaite des moyens alloués aux résidences d'artistes ainsi qu'aux lieux intermédiaires. Ces crédits permettront d'accompagner le développement de projets pluridisciplinaires et hybrides.
Enfin, s'agissant des arts plastiques qui demeurent le « parent pauvre » de nos politiques culturelles, je rejoins les réserves émises par notre collègue David Assouline.
Le groupe socialiste et républicain donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Mme Marie-Christine Blandin . - Après plusieurs années de baisse ou de stagnation, l'augmentation du budget de la culture va apporter de l'oxygène au secteur. Nous resterons toutefois vigilants aux éventuels glissements budgétaires et nous regarderons de près ce qu'il en deviendra du « rabot » qui vient tout juste de s'abattre sur cette mission : la ministre nous a dit hier que l'éducation artistique et cultuelle ne serait pas touchée, c'est déjà une bonne chose.
Les moyens du CNC sont constamment rognés soit par le ministère des finances soit par la commission des finances de notre assemblée. Je propose que ses missions soient étendues à la mise en accessibilité des petites salles « Art et Essai ».
Il faut aussi que le dossier des droits sociaux des artistes plasticiens avance auprès du ministère du travail. J'encourage notre Présidente à se rapprocher de son homologue de la commission des affaires sociales afin de suivre, de concert, cet important dossier et de tâcher d'y apporter plus de clarté. Des associations nous alertent que des mutuelles se seraient enrichies, alors que les bases des droits sociaux ne seraient pas garanties, par manque de financements de l'État ; il faudrait au s'en assurer.
Enfin, je suis très inquiète d'une forme de myopie du ministère de la culture et de la communication, qui dialogue avec les grandes institutions culturelles de notre pays, sans prêter l'oreille à ce qui se passe dans bien des quartiers et des territoires. Il ne voit pas non plus que les droits culturels de millions d'individus ne sont pas reconnus. Nous avons, au Sénat, fait inscrire dans la loi que sur chaque territoire, les droits culturels des citoyens sont garantis par l'exercice conjoint de la compétence en matière de culture, par l'État et les collectivités territoriales : les droits culturels, c'est la reconnaissance de chacun dans son égale dignité ; cela donne les meilleurs résultats, je pourrais vous en citer beaucoup d'exemples.
Le groupe écologiste donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Mme Françoise Férat . - Je partage les inquiétudes de notre rapporteur Philippe Nachbar sur l'organisation actuelle de l'archéologie préventive. Savez-vous si l'Inrap a pris des engagements en contrepartie de la budgétisation de la RAP ?
M. Jean-Claude Carle. - Le financement des conservatoires est un sujet cher à notre Présidente : quelles pistes de financement sont envisageables ? Par ailleurs, d'où proviennent les écarts de rémunération entre agents de différents ministères ?
Mme Françoise Laborde . - Le budget qui nous est présenté est plutôt satisfaisant, que ce soit sur l'éducation artistique, l'amélioration de la vie des étudiants ou les crédits consacrés aux conservatoires. Nous resterons cependant vigilants à ce que des coupes sombres n'interviennent pas en dernière minute.
Le groupe RDSE donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Mme Brigitte Gonthier-Maurin .- Ce budget en hausse constitue un signe positif. Je m'interroge cependant sur son caractère suffisant au regard des enjeux auxquels nous faisons face et de nos ambitions. En particulier, la revalorisation des droits sociaux des artistes plasticiens ou encore la nécessaire poursuite de l'amélioration du statut des intermittents du spectacle nécessiteront des moyens supplémentaires. J'appelle donc une nouvelle fois de mes voeux notre sortie du pacte de stabilité européen.
Le groupe CRC s'abstiendra lors du vote sur l'avis à donner sur les crédits de la mission « Culture ».
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis . - À ma connaissance, Madame Férat, il n'y a pas de contrepartie de l'Inrap à la budgétisation de la RAP ; il s'agit surtout de mettre fin à une situation anormale, où l'Institut était incapable de payer ses 2100 salariés et d'assurer ses missions de service public. La budgétisation, cependant, représente un effort public incontestable : l'examen de » la LCAP sera l'occasion de demander des contreparties à l'Inrap.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis . - Les crédits augmentent, c'est une réalité, mais nous devons examiner les choses comme elles sont : le plan d'éducation artistique et culturelle voit ses moyens bondir de 45%, c'est une belle affiche, mais cela représente en fait 4,5 millions d'euros à l'échelle nationale, à diviser entre la centaine de départements, cela ne fait pas beaucoup pour chacun.
Même chose pour les conservatoires : le retour de l'État est une bonne chose, mais avec 8 millions d'euros supplémentaires, on en reste à une aide très ponctuelle, surtout après la régression des dernières années. Des postes ont été supprimés, les tarifs augmentés, des familles ont dû renoncer à inscrire leurs enfants au conservatoire. Le Gouvernement revient sur son erreur, c'est un fait, mais il ne nous donne pas pour autant satisfaction puisqu'il ne rétablit pas les moyens qu'il a supprimés depuis 2012.
La différence de revenus entre les fonctionnaires des ministères des finances et de la culture tient essentiellement aux primes. Je ne m'explique pas qu'il puisse y avoir de telles disparités entre fonctionnaires, elles posent des difficultés de recrutement à la culture et c'est certainement dommageable.
Sur les coupes qui seront réalisées dans le programme 224 pour trouver les 5 millions du « rabot », la ministre m'a seulement répondu, hier, qu'elle y travaillait et qu'elle nous tiendrait informés.
Ce projet de loi de finances apporte donc un petit bol d'oxygène au programme 224, c'est évidemment mieux que les années précédentes mais ce n'est pas satisfaisant pour autant, surtout dans le contexte présent où les problèmes vont être aggravés par la réforme territoriale : les DRAC ne savent pas comment elles vont fonctionner, les associations sont dans le flou le plus total, les collectivités territoriales vont devoir suppléer les retraits de l'État, les familles fournir davantage d'efforts encore ; dans ces conditions, notre devoir politique est de dire que ce n'est pas satisfaisant !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - J'ajoute que la baisse des dotations aux collectivités territoriales se répercute sur les conservatoires, y compris sur ceux qui sont prioritaires.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis . - Effectivement, les collectivités territoriales n'ont souvent pas d'autre choix que de répercuter la baisse des moyens.
M. David Assouline, rapporteur pour avis . - Vous êtes dans la posture politique ! Nous pouvons comprendre que l'exigence pousse à vouloir toujours mieux, mais en venir à voter contre un budget de la culture qui augmente alors que la plupart des autres budgets sont en baisse, c'est tout à fait inédit et nous prenons date. L'État fait des économies budgétaires, le Gouvernement en préserve la culture, parce qu'il fait le choix politique de la culture, mais vous votez contre - et vous qui demandez davantage pour la culture, j'espère que vous serez cohérents avec ceux qui proposent aujourd'hui de diminuer les dépenses publiques de 130 milliards d'euros ! Comme rapporteur pour avis, y compris sous un Gouvernement de droite, je n'ai jamais donné un avis défavorable à budget de la culture en augmentation.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Veuillez répondre précisément aux questions qui vous ont été posées...
M. David Assouline, rapporteur pour avis . - Je ne m'écarte pas davantage du budget que mes collègues ne l'ont fait, ils ont donné un fort accent politique à leur avis, je me devais de leur répondre.
Les crédits déconcentrés, Madame Robert, sont en augmentation et les DRAC les distribuent, sur l'ensemble des territoires, à l'ensemble des structures et lieux, pas seulement à ceux qui sont labellisés.
Effectivement, Madame Blandin, les droits sociaux des plasticiens sont mal gérés. La ministre m'a répondu hier qu'elle allait saisir la nouvelle ministre du travail de ce sujet, nous pouvons espérer des progrès et je veillerai de près sur l'état d'avancement de ce sujet.
S'agissant du financement des travaux d'accessibilité des salles de cinéma évoqué par Marie-Christine Blandin, il pourrait être utilement envisagé une participation du CNC sous forme d'une subvention aux établissements. Un système d'aides leur avait déjà bénéficié au profit de leurs investissements numériques : unique au monde et particulièrement efficace, le dispositif a permis de moderniser le parc de salles français sans le réduire. A contrario , en Espagne, où la mise en place d'un système d'aide tel qu'il en existe en France est désormais réclamée, le processus de numérisation, coûteux, a conduit les établissements cinématographiques les plus fragiles à la fermeture. La numérisation de notre parc étant achevée, une partie des crédits qui y était destinée pourrait dès lors être consacrée aux travaux d'accessibilité. À cette fin, les distributeurs, dont l'assise financière est conséquente, pourraient être mis à contribution. Membre du conseil d'administration du CNC, je m'engage à étudier de plus près avec l'opérateur l'opportunité de mettre en oeuvre un tel dispositif.
Mme Marie-Annick Duchêne . - Nous nous réjouissons tous de l'augmentation de ce budget mais il ne fait que retrouver son niveau de 2012...
Je m'inquiète de la baisse des ressources issues du mécénat pour le château de Versailles, qui a obligé l'État à réabonder ses crédits, alors que les besoins sont immenses.
Je m'interroge aussi sur l'élargissement des horaires et des jours de visite de Versailles, du Louvre et du musée d'Orsay : est-ce le bon moment pour y procéder ?
Enfin, je déplore le désengagement de la DRAC du financement du conservatoire de Versailles : celui-ci avait reçu plus de 312 000 euros en 2011, et rien en 2015. A ce désengagement de l'État, s'ajoute celui des départements en raison de la baisse des dotations en provenance du budget de l'État.
Mme Marie-Pierre Monier. - . - L'augmentation du budget de la culture, qui permet de lutter contre le repli sur soi et l'obscurantisme, est un signe très positif. Je m'en réjouis, tout particulièrement en ce qui concerne le patrimoine.
Je suis tout à fait favorable au principe de l'ouverture 7 jours sur 7 de certains établissements, avec une journée dédiée aux publics scolaires ; 65 créations d'emplois ont été annoncées par la ministre pour permettre ces ouvertures élargies, c'est une très bonne chose.
Je me réjouis de la décision de budgétisation de la RAP qui permettra à l'Inrap de disposer de ressources plus stables et d'apurer progressivement les dettes qu'il a contractées auprès d'autres opérateurs.
Même chose pour les crédits dédiés au patrimoine monumental : leur augmentation permettra de développer l'activité et l'emploi sur les territoires.
Nous avions l'occasion de donner un avis favorable, pour saluer cette hausse, je regrette que vous n'ayez pas pris cette voie.
M. Jean-Pierre Leleux . - Effectivement, mieux vaut une augmentation que la baisse que nous avons connue en en 2013 et 2014, ou que la stagnation de l'an passé. La sincérité oblige cependant à dire que dans les 2,7% d'augmentation pour la culture, une part non négligeable vient de la budgétisation de la RAP. Et finalement, nous sommes tout juste au niveau de 2012...
Monsieur Nachbar, les crédits aux études pour les aires de valorisation du patrimoine (AVAP), aux conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ainsi qu'aux villes d'art et d'histoire, vont-ils augmenter l'an prochain, ou diminuer ?
Je soutiens notre collègue David Assouline dans ses combats en faveur de l'élargissement du champ du crédit d'impôt ainsi qu'en faveur du financement du CNC. Les avancées sur ces sujets me rendraient presque enclin à voter les crédits de la mission « Culture », tant nous nous sommes battus, unanimement, pour les obtenir. Je n'ai donc pas de posture politicienne sur ce budget.
M. Christian Manable . - Si ce budget n'est certes pas la Symphonie héroïque , nous sommes cependant encore loin de La mort du cygne : il augmente dans un contexte de disette budgétaire, il ne faut pas le dire mezza voce ! Je suis d'avis de suivre l'appel plein de sagesse de notre collègue Jean-Pierre Leleux et je voterai les crédits de la mission « Culture ».
M. Jacques Grosperrin . - On pourrait être tenté, effectivement, après trois années de baisse ou de surplace, de voter des crédits qui augmentent. Mais rappelons-nous qu'en mai dernier, le Premier ministre a publiquement reconnu que « cela avait été une erreur de baisser le budget de la culture au-delà des nécessité de la lutte contre l'endettement et de la lutte contre les déficits publics ». « Au-delà », cela veut donc dire que le chemin parcouru dans le mauvais sens n'est peut-être pas rattrapé... Avec ce budget, le Gouvernement fait-il vraiment machine arrière ? Est-il même sincère, quand un « rabot » arrive à la dernière minute ? Je crois qu'il est prudent, dans ces conditions, de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.
Mme Françoise Cartron. - . - Dans le contexte difficile qui est le nôtre aujourd'hui, nous avons besoin d'un message d'espoir. Ce budget en est un : c'est par la culture que nous remporterons nos victoires contre l'obscurantisme.
Nous avons également un nouveau défi à relever, celui de la sécurisation des salles de cinéma, en particulier des petites salles qui, dans nos territoires ruraux, sont parfois le principal lieu de culture et de rencontre.
Mme Colette Mélot. - . - Je voudrais profiter de cette occasion pour évoquer la remarquable campagne de restauration du château de Fontainebleau, engagée par Renaud Donnedieu de Vabres lorsqu'il était ministre de la culture, poursuivie par son successeur Frédéric Mitterrand et désormais achevée.
S'agissant des crédits du budget de la culture pour 2016, je constate qu'ils n'ont pas encore atteint le niveau qui était le leur en 2012.
M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis . - Le soutien de l'État aux conservatoires était de 27 millions d'euros en 2012, le Gouvernement parle aujourd'hui d'un « plan conservatoires » de 13,5 millions d'euros, c'est la moitié et les conditions d'accès en sont plus sévères ! Ceci après plusieurs années de recul, qui ont fait des dégâts : les conservatoires ont subi la double peine, avec le retrait de l'État et des collectivités territoriales contraintes par la baisse des dotations, il est de notre devoir de le dire. Je m'inquiète, en plus, de la mise en place des schémas départementaux, car des intercommunalités pourraient ne pas reconduire leur compétence sur les conservatoires : que se passera-t-il, alors, pour les conservatoires ?
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis . - L'ouverture 7 jours sur 7 me paraît une bonne chose, Madame Duchêne, et la ministre a répondu à mes inquiétudes hier en annonçant la création de 65 postes : c'est une condition à cette ouverture, tout le monde en est bien conscient et je suivrai ce dossier.
Les crédits aux études pour les AVAP, aux CAUE et au label « Villes d'art et d'histoire », Monsieur Leleux, sont stables, à 3,5 millions d'euros.
La restauration du château de Fontainebleau, lancée l'an passé, est une grande opération d'un montant global de 114 millions d'euros prévue sur douze ans, donc jusqu'en 2026.
M. David Assouline, rapporteur pour avis . - Comme Mme Cartron, je pense que la sécurisation des salles de spectacle requiert une aide spécifique, nous ne sommes pas dans le registre de la mise aux normes. Je crois aussi qu'il faut prêter la plus grande attention aux décisions de fermer les salles, eu égard à leur rôle dans la vie sociale de notre pays.
Je vous remercie, Monsieur Leleux, d'avoir distingué le sort que vous réserviez au programme 131 « Création » en précisant que vous souhaiteriez donner un avis favorable, parce que, sans me mêler de l'opinion des autres rapporteurs pour avis, je crois très important de manquer notre satisfaction quand les crédits de la culture progressent : les chiffres sont là, ces crédits augmentent de manière sûre et certaine.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - L'avis de la commission porte sur la mission « Culture » dans son ensemble, pas sur les programmes.
M. Jean-Pierre Leleux . - Dans le fond, je suis d'accord avec chacun des rapporteurs pour avis et je fais miens leurs arguments : pour en donner un signal, je m'abstiendrai.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2016.