B. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : QUELLES ÉCOLES D'ART POUR DEMAIN ?
1. Une réforme d'ensemble pour les établissements « culture »
Cette année encore, un effort conséquent est réalisé pour la centaine d'établissements d'enseignement supérieur culturel, pour les accompagner dans les nouveaux standards définis par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (ESR).
À la suite de cette loi, le ministère de la culture et de la communication a accéléré la réforme déjà en cours, visant à donner plus d'autonomie aux établissements d'enseignement supérieur culturel (élection du président, désignation du directeur après avis du conseil d'administration, composition du conseil d'administration, recherche de nouveaux outils contractuels avec les établissements). La question se pose, surtout, des modalités par lesquelles ces établissements vont pouvoir répondre à leurs obligations nouvelles en matière de formation et de recherche.
Leur adaptation au schéma licence-master-doctorat (LMD) et de dialogue avec des partenaires universitaires et de recherche dans les réponses à différents appels à projets témoignent de leur engagement dans la réforme. Des ponts existent aussi à l'échelon ministériel, puisque le ministère de la culture et de la communication participe à la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) confiée par la loi au ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Dans les éléments communiqués à votre rapporteur pour avis, le ministère de la culture et de la communication met en exergue les points suivants :
- la délivrance d'un diplôme de second cycle conférant grade de master pour les écoles d'art (réforme opérée en 2012, après évaluation positive par l'AERES en 2010) ;
- la transformation des écoles territoriales en EPCC, pour bénéficier de l'autonomie juridique et pédagogique nécessaire à la reconnaissance de leurs diplômes à bac + 5 au grade de master ;
- l'étude d'un alignement du statut des enseignants des écoles territoriales d'art sur celui des enseignants des écoles nationales d'art (rapport au Parlement d'avril 2015). Les conclusions du rapport privilégient la création d'un cadre d'emplois spécifique des professeurs territoriaux d'enseignement supérieur d'arts plastiques dont l'échelonnement indiciaire serait identique à celui de la fonction publique d'État.
- la possibilité ouverte aux écoles d'art par le projet de loi « création, architecture et patrimoine » : 1/de créer des troisièmes cycles avec des écoles doctorales et des diplômes d'école de niveau post-master et 2/de rejoindre la procédure d'accréditation des établissements d'enseignement supérieur et de recherche généralisée par la loi « ESR » du 22 juillet 2013 et qui se substitue au régime d'habilitation des diplômes ;
- la reconnaissance prochaine au grade de licence du nouveau diplôme de 1 er cycle en arts plastiques refondé en 2014 (instruction en cours au ministère chargé de l'enseignement supérieur), pour une délivrance des premiers diplômes en 2018.
Cette vaste réforme, cependant, doit se faire dans une période particulièrement contrainte sur le plan budgétaire et votre rapporteur pour avis constate des différences de traitement entre les écoles d'architecture et les écoles d'art, d'une part, et entre les écoles nationales et territoriales, d'autre part.
2. Quelle réforme pour les écoles d'art ?
Les 45 écoles d'art publiques regroupent deux catégories d'établissements :
- 10 établissements publics nationaux , auparavant sous tutelle du ministère de la culture, et désormais sous tutelle conjointe du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
- 35 écoles territoriales constituées soit sous forme d'établissement public de coopération culturelle (EPCC), sous tutelle des collectivités territoriales et accompagnées par le ministère de la culture qui les autorise à délivrer des diplômes nationaux, soit sous forme de régie municipale (deux écoles) soit encore sous forme d'établissement public local ou d'association (Le Fresnoy).
Alors que près de la moitié de ces établissements avaient adhéré aux Pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) créés par la loi Recherche de 2006, l'instauration des communautés d'universités et établissements (ComUE) qui leur succèdent (loi ESR de 2013) aurait pu être l'occasion de les ancrer davantage dans leurs territoires ; or, comme l'a constaté le ministère de la culture, les établissements n'ont pas été associés aux processus de regroupements ou n'ont pas eu la possibilité de négocier un statut de membre à part entière des ComUE, préférant souvent s'en tenir au statut d'associé, moins engageant.
Votre rapporteur pour avis déplore les disparités entre les catégories d'écoles d'art , sources d'inégalités pour les étudiants et pour les équipes pédagogiques qui doivent faire face à des contraintes matérielles et statutaires différentes, avec des conséquences pratiques importantes.
Ces différences ont été soulignées tant par l'Association nationale des écoles supérieures d'art (ANdÉA) que par le ministère de la culture, elles concernent :
- le statut des enseignants : ceux des écoles territoriales sont insuffisamment rémunérés (échelon professeur certifié, pour un niveau d'études de BAC+5 voire Doctorat) et leur activité de recherche n'est pas assez reconnue, faute de pouvoir bénéficier d'une mobilité comme ceux des écoles nationales ;
- le traitement inégalitaire des étudiants en école d'art : le ministère ne prenant pas en charge l'exonération des droits d'inscription pour les boursiers échelon zéro des écoles territoriales, les étudiants ne peuvent compter que sur leur école elle-même pour cette mesure sociale très largement répandue dans les autres secteurs de l'enseignement ; ensuite, le ministère de la culture n'octroie l'aide à la mobilité internationale sur critères sociaux qu'aux étudiants des écoles d'architecture, pas à ceux en école d'art ; enfin, faute de disposer du statut d'étudiant, les étudiants en 3e cycle et en post-diplôme professionnel des écoles d'art ne peuvent pas bénéficier des bourses sur critères sociaux.
- les écoles territoriales qui bénéficient du soutien des collectivités territoriales ont plus de moyens pour recruter des contractuels et faciliter le rayonnement international de l'établissement, ainsi que pour réaliser les investissements qui font souvent cruellement défaut dans les établissements publics nationaux, à l'image de l'école nationale supérieure des beaux-arts de Paris (ENSBA).
Votre rapporteur pour avis estime qu'une réforme est nécessaire pour que l'enseignement supérieur artistique ne soit plus organisé sur un modèle à deux vitesses dans lequel ne se retrouvent ni les directeurs, ni les enseignants, ni les étudiants. Une conférence des directeurs d'écoles d'art , envisagée aujourd'hui par le ministère de la culture, semble indispensable pour que ces sujets soient sérieusement pris en compte. En outre, une réorganisation du ministère apparaît urgente pour pallier la carence de pilotage de l'ESR, éclaté entre plusieurs directions générales, le secrétariat général n'ayant qu'une mission de coordination, sans pouvoir décisionnaire.
Enfin votre rapporteur pour avis souhaite relayer l'inquiétude des écoles d'art territoriales qui s'interroge de la pérennité des crédits consacrés à la structuration de la recherche dans les EPCC (soit 1 million d'euros) afin de répondre aux recommandations de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) et du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). Sans cette aide de la part de l'État, il leur serait impossible de continuer à financer la recherche qu'ils sont pourtant tenus de développer.
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Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis du programme 224 propose à votre commission de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2016.
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La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2016 .