IV. L'ANALYSE DU RAPPORTEUR DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

Soumis à l'examen du Conseil d'État qui a inauguré à cette occasion la nouvelle règle de publicité des avis qu'il rend sur les projets de loi 32 ( * ) que lui soumet le Gouvernement, remanié par la commission des lois de l'Assemblée nationale avec la contribution de la commission de la défense et des forces armées, puis retravaillé en séance publique pour ajuster certaines dispositions, le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale et transmis au Sénat a d'ores et déjà posé les principes de l'équilibre à trouver entre protection des droits et efficacité des services. Le travail du Sénat consistera donc à parfaire le projet de loi, en gardant une grande sérénité et en faisant preuve de responsabilité.

Responsabilité à l'égard de nos concitoyens qui doivent à la fois bénéficier d'une politique efficace du renseignement en mesure, par un travail de prévention, de les protéger contre des risques graves de déstabilisation ou d'attentats sans mettre en place un système intrusif susceptible de porter une atteinte excessive à leur vie privée ou à leurs libertés fondamentales.

Responsabilité à l'égard des services de renseignement, des fonctionnaires et militaires qui les servent et qui effectuent un travail remarquable, parfois dangereux, dans des conditions toujours difficiles et dont les succès sont par construction voués à rester dans l'ombre et les dysfonctionnements à être critiqués sans merci. Ces agents aspirent à oeuvrer pour la France dans un cadre juridique stable, solide, légitime, mais qui garantisse aussi l'efficacité et la confidentialité des opérations qu'ils conduisent.

C'est au perfectionnement de cet équilibre et en veillant tout particulièrement au renforcement des garanties, à l'efficacité des services, à la dimension internationale de leurs activités, à la préservation du secret de la défense nationale dans la mise en oeuvre de ses dispositions et au renforcement de la légitimité et de l'efficacité des instances de contrôle, qu'il s'agisse de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, du Conseil d'État et de la délégation parlementaire au renseignement, que votre rapporteur s'est attaché dans le cadre de cet avis.

A. LA PRISE EN COMPTE DES INTERÊTS FONDAMENTAUX DE LA NATION DANS LA DÉFINITION DES MISSIONS ET DES FINALITÉS

Votre rapporteur a constaté que la rédaction de l'article L. 811-3 relatif aux finalités permettant aux services spécialisées de renseignement dans l'exercice de leurs missions de recourir aux techniques mentionnées au titre V gagnerait à être précisée.

? Le texte prévoit que les services peuvent y recourir pour le recueil des renseignements relatifs « à la défense et à la promotion des intérêts publics » figurant dans la liste. Cette rédaction reste imprécise, le terme « intérêts fondamentaux de la Nation », plus restrictif que la simple notion d'intérêts publics et utilisé à l'article 410-1 du code pénal, serait préférable. Il traduirait à l'évidence la volonté de ne pas banaliser l'emploi des techniques spéciales, mais d'en réserver l'emploi aux risques et menaces les plus grave et à la promotion de intérêts les plus importants.

? La rédaction du 2° les intérêts majeurs de la politique étrangère et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère suscite également des interrogations.

D'abord, sur la qualification des intérêts. Sauf à exposer dans un document de référence émanant de l'exécutif ce que sont les intérêts majeurs de la politique étrangère, il paraît en effet très incertain de laisser à la jurisprudence, fût-elle celle d'une Haute juridiction comme le Conseil d'État, le soin de les définir.

On rappellera que sous la V e République, en application des articles 5 et 52 de la Constitution, l'implication du président de la République dans la définition de la politique étrangère marque, dès l'origine, une prééminence de l'exécutif qu'il convient de respecter

Il convient dès lors de supprimer le qualificatif « majeurs » .

En outre, votre rapporteur considère qu'il conviendrait de maintenir, comme dans le projet de loi déposé par le Gouvernement, la référence aux engagements internationaux et européens de la France, ce qui éviterait de créer par ailleurs une finalité particulière, la « prévention de la prolifération des armes de destruction massive » , certes très importante, mais qui n'épuise pas les sujets de préoccupation. Les domaines couverts par des engagements internationaux souscrits par notre pays sont nombreux et il conviendrait alors de les citer tous sans en oublier aucun, ce qui obligerait le législateur à mettre à jour régulièrement le texte en fonction des nouveaux traités ratifiés par la France.

? Par cohérence, le même traitement pourrait être appliqué à l'adjectif « majeurs » dans le 3° concernant les intérêts économiques et scientifiques et la mention des intérêts industriels, qui sont compris dans les intérêts économiques sauf à devoir citer d'autres secteurs économiques tout aussi stratégiques. Enfin, la prévention de la prolifération des armes de destruction massive est incluse dans les engagements internationaux et européens de la France et ne justifie donc pas un alinéa particulier.

A l'initiative du rapporteur, votre commission a adopté plusieurs amendements en ce sens.


* 32 Conseil d'Etat, Assemblée générale, section de l'intérieur et section de l'administration, 12 mars 1995, avis sur le projet de loi relatif au renseignement, n°389.754, p.3. http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Renseignement

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page