B. UN ÉTAT CONFORTÉ DANS SON RÔLE DE STRATÈGE, DES RÉGIONS CONSACRÉES DANS LEUR RÔLE DE COORDINATION ET D'ANIMATION TERRITORIALES
En application du principe de subsidiarité, l'article 19 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a modifié l'article L. 214-2 du code de l'éducation afin de confier aux régions le soin de « coordonne [r] , sous réserve des missions de l'État et dans le cadre de la stratégie nationale de recherche, les initiatives territoriales visant à développer et diffuser la culture scientifique, technique et industrielle, notamment auprès des jeunes publics » et de « participe [r] à leur financement. » Il est précisé que « l'État transfère aux régions les crédits qu'il accordait à ces initiatives. » Le Parlement a ainsi pris acte du fait que c'est au niveau régional et local qu'est pensée et mise en oeuvre la majorité des actions de CSTI, et a transféré la responsabilité de la gestion des crédits de soutien aux centres de CSTI (CCSTI) de l'établissement public Universcience vers les régions.
L'État est appelé à se recentrer sur sa mission de stratège. Il lui appartient de donner le cap à suivre et de définir, en concertation avec les organismes de recherche, les universités et les régions, les grandes priorités nationales. Il lui revient ainsi de veiller à l'établissement d'une cohérence solide entre stratégie nationale et stratégies régionales et à la mise en synergie des initiatives et des moyens en matière de CSTI sur l'ensemble du réseau national. En effet, l'article 15 de la loi du 22 juillet 2013 précise que « la culture scientifique, technique et industrielle fait partie de la stratégie nationale de recherche et est prise en compte dans sa mise en oeuvre. »
Le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche indique que, après quelques années de mise en retrait, l'État est désormais déterminé à s'impliquer à nouveau directement dans la coordination des acteurs. L'ensemble des ministères concernés, soit en raison de leur champ de compétence, soit en raison du public visé, ont entrepris de coordonner leurs efforts, dans un souci de cohérence et d'efficience.
C'est à l'initiative de la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche qu'un département de la culture scientifique et des relations avec la société a été créé au sein du service de la performance, du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche au début de l'année 2014 39 ( * ) . En outre, le service de la stratégie de la recherche et de l'innovation au sein de la direction générale de la recherche et de l'innovation du ministère comporte un secteur « Sciences et société », doté d'une directrice scientifique. Ces personnes sont placées sous l'autorité du directeur général de la recherche et de l'innovation qui a confié à sa directrice de cabinet la mission d'animer et de coordonner les efforts du ministère et de ses opérateurs en faveur de la CSTI.
Le département de la culture scientifique et des relations avec la société du ministère est, en particulier, chargé de l'évolution et du suivi de la gouvernance nationale de la CSTI, qui a été modifiée afin de tenir compte des nouvelles compétences des collectivités territoriales en matière de partage de la CSTI et de les accompagner dans l'exercice de leurs missions de coordination et d'animation territoriales dans ce domaine.
Cette évolution de la gouvernance nationale est envisagée sans continuité avec celle qui a été instituée en 2012. En effet, le fait qu'un établissement public fût chargé de la gouvernance d'un domaine qui était habituellement celui de l'État a été d'autant plus mal ressenti par les acteurs qu'Universcience disposait non seulement de la maîtrise de la gouvernance mais aussi du pouvoir de déléguer des crédits, et que l'opérateur était de surcroît, en tant qu'acteur lui-même de la CSTI, éligible aux projets au même titre que les autres, ce qui le plaçait à la limite du conflit d'intérêt. La mise en place des pôles territoriaux de référence sous l'impulsion d'Universcience a d'abord été difficilement perçue, mais, au final, les acteurs sont aujourd'hui plutôt satisfaits d'un système de coordination et de mutualisation d'expériences et de moyens dont ils avaient besoin.
Le dispositif de gouvernance, qui restait centralisé sous la houlette d'un opérateur national, accordait une reconnaissance insuffisante aux musées et aux CCSTI situés en région, de même qu'aux organismes de recherche. Or, la très grande majorité des actions de diffusion de la CSTI se fait au plus près du terrain et est le fait quotidien des chercheurs, des animateurs, des médiateurs... Le Conseil national de la CSTI offrait une très petite place aux musées (à l'exception du Muséum national d'histoire naturelle et du Conservatoire national des arts et métiers) et une assez petite place aux CCSTI. Cet organe n'était donc pas reconnu comme véritablement représentatif de la communauté des acteurs, et surtout de leur diversité. Son rôle purement consultatif n'a pas été déterminant dans la structuration de la gouvernance nationale.
La place d'Universcience dans le dispositif a été complètement revue dans le nouveau dispositif de gouvernance nationale de la CSTI : l'établissement public se recentre désormais sur ses missions propres, il n'est désormais plus considéré comme le pôle national de référence en matière de CSTI et n'a donc plus en responsabilité les crédits d'État (3,6 millions d'euros) dévolus aux régions pour leurs actions de CSTI 40 ( * ) .
Le rôle d'Universcience au sein du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle (CNCSTI) 41 ( * ) et dans le pilotage des outils de la gouvernance a été également modifié, notamment par le décret n° 2014-761 du 2 juillet 2014 portant modification du décret n° 2012-572 du 24 avril 2012 relatif au Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle, afin de prendre en compte la place accordée aux territoires et aux acteurs de terrain dans le dispositif. La capitalisation des acquis du travail de structuration efficacement mené par Universcience depuis 2012 à la demande et avec les moyens de l'État est un atout dont les collectivités territoriales sauront se saisir pour la mise en place de leur stratégie et de leur action. Ainsi, les pôles territoriaux de référence, qui ont fait la preuve de leur efficacité en matière de structuration et de mise en synergie des moyens et des initiatives dans 19 des 22 régions où ils ont été créés (selon une enquête menée auprès des délégations régionales à la recherche et à la technologie - DRRT -), sont un outil sur lequel ces collectivités pourront continuer de s'appuyer. Cette enquête fait apparaître que 17 pôles territoriaux de référence fonctionnaient globalement de manière satisfaisante, dont une dizaine qui fonctionnait très bien.
Article 3 du décret modifié
n° 2012-572 du 24 avril 2012
« Le président du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle est nommé par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture et de la recherche. « Le conseil comprend, outre son président, vingt-deux membres, répartis de la façon suivante : « 1° Huit représentants de l'État et des établissements publics, répartis comme suit : « a) Le directeur général de la recherche et de l'innovation, ou son représentant ; « b) Le secrétaire général du ministère chargé de la culture, ou son représentant ; « c) Le directeur général de l'enseignement scolaire, ou son représentant ; « d) Le président de l'Établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie, ou son représentant ; « e) Le président du Muséum national d'histoire naturelle, ou son représentant ; « f) L'administrateur du Conservatoire national des arts et métiers, ou son représentant ; « g) Le président du musée du quai Branly, ou son représentant ; « h) Le président de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie, ou son représentant ; « 2° Trois représentants de l'Association des régions de France désignés par son président ; « 3° Un député et un sénateur désignés par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ; « 4° Deux représentants du monde associatif dont : « a) Un représentant des centres de sciences et des musées ; « b) Un représentant d'associations d'éducation populaire ; « 5° Sept personnalités qualifiées désignées en raison de leur compétence en matière de culture scientifique, technique et industrielle, dont deux sur proposition de l'Association des régions de France, une sur proposition du Centre national de la recherche scientifique et une sur proposition de la conférence des présidents d'université. « Les deux représentants du monde associatif et les sept personnalités qualifiées sont nommés par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture et de la recherche. « Le conseil est composé en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes. » |
En outre, le projet « ESTIM » pour l'égalité d'accès aux sciences, aux technologies, à l'innovation et aux multimédias, financé par le PIA, qui court jusqu'en 2015, préserve les moyens financiers d'Universcience en ce qui concerne la mise en place du portail numérique ESTIM-SCIENCES, outil majeur pour la diffusion des actions de CSTI dans l'ensemble des régions. Comme le rappelle l'ANRU, le projet ESTIM comporte trois volets :
- un premier programme, intitulé ESTIM--Gouvernance, doté de 4,1 millions d'euros, qui visait à accompagner la mise en place d'une nouvelle organisation des acteurs et accélérer leur mise en réseau afin d'impulser au niveau national et territorial une politique commune de CSTI, augmenter sa visibilité, son impact et optimiser la gestion des ressources et favoriser les co-productions ;
- un deuxième programme, intitulé ESTIM--Numérique, doté de 13,2 millions d'euros, qui consiste en la création d'un dispositif de soutien à la production audiovisuelle et multimédia de CSTI et la mise en place d'une plateforme numérique de services aux professionnels de la culture scientifique et de support à la diffusion des ressources numériques de la CSTI
- un troisième programme, intitulé « École de la médiation », doté d'1,4 million d'euros, qui vise à développer de nouveaux modes d'apprentissage et de médiation scientifique fondés sur l'expérimentation, l'interdisciplinarité et les nouveaux usages notamment en matière numérique.
Toutefois, votre rapporteure pour avis estime particulièrement regrettable qu'à la différence du ministère de la culture et de la communication, qui exerce la tutelle principale d'Universcience, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche n'ait jamais été représenté au comité de pilotage de l'appel à projets du PIA « ESTIM », et ne dispose donc pas d'informations sur la réalisation et la consommation de l'enveloppe qui lui a été dévolue.
Temps fort de la réflexion, de la coopération et de la co-construction de projets sur les territoires, le forum annuel national de la CSTI, sera maintenu avec un pilotage modifié afin de tenir compte de la place des régions et des missions de l'État stratège.
Cette évolution est largement prise en compte dans le décret du 2 juillet 2014 qui a refondé le Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle. Le décret renforce la représentation des acteurs de terrain avec, en particulier, trois représentants de l'Association des régions de France désignés par son président, un député et un sénateur désignés par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et deux personnalités qualifiées désignées sur proposition de l'Association des régions de France. Il prévoit que son président sera une personnalité nommée par les ministres chargés de la culture et de la recherche. Le secrétariat du conseil est confié au ministère chargé de la recherche. Il sera assuré par le département de la culture scientifique et des relations avec la société chargé d'établir un lien étroit avec les régions, en relation avec l'ARF.
Le décret recentre les missions du conseil sur l'expertise de la politique nationale en matière de CSTI. Il sera chargé de valider une véritable stratégie nationale en matière de CSTI et de veiller à une coordination de l'ensemble des acteurs de la CSTI : les organismes de recherche, les universités, les régions, les associations et les établissements et opérateurs de l'État (musées, muséums, Universcience...).
La gouvernance se situe d'abord sur le terrain, la priorité étant de ne pas empêcher les acteurs de mener leurs actions. C'est pourquoi il n'a pas été retenu de mettre en place une procédure de labellisation des organismes intervenant dans le secteur de la CSTI. La gouvernance mise pleinement sur la capacité des acteurs à s'autoréguler. Le Conseil national de la CSTI aura notamment pour mission d'assurer une meilleure lisibilité de l'activité du secteur, en faisant remonter au niveau national des données concernant le nombre et les différents types d'acteurs impliqués, leur volume global d'activités et les publics concernés.
L'État s'efforcera, dans son rôle de stratège, de concilier dans son pilotage les logiques de « bottom-up », de « top-down » et de transversalité, en s'appuyant notamment sur le forum national annuel de la CSTI, chargé d'organiser le partage d'expériences sur une thématique et dont la prochaine édition est prévue pour le 18 mars 2015 et devrait être consacrée au thème « La CSTI à l'heure de l'Europe ». L'organisation de ce forum a ainsi été transférée d'Universcience, qui bénéficiait à ce titre de crédits du PIA, au ministère. Par ailleurs, le ministère réunit, tous les trois mois, les responsables des budgets dédiés à la communication des organismes de recherche en vue de l'organisation de la Fête de la science qui devrait comporter la promotion d'un nouveau projet de développement de la CSTI sur les réseaux sociaux.
Sur ses crédits propres incitatifs, d'un montant de 2,5 millions d'euros, la direction générale de la recherche et de l'innovation du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche concentre ses subventions, d'un montant minimal de 10 000 euros afin d'éviter tout saupoudrage, sur les associations proposant un projet national structurant ou sur les associations oeuvrant au renforcement de la parité ou de l'égalité sociale dans l'accès à la culture scientifique.
Enfin, l'État a confié des missions nationales à des acteurs de la CSTI. Trois personnalités ont ainsi été chargées de l'analyse des conditions du déploiement de certaines priorités stratégiques, en impliquant notamment les alliances scientifiques : le numérique, les sciences participatives et les missions éducatives en matière de CSTI. Le président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi), M. François Houllier, également président-directeur général de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), devrait ainsi se voir confier par le ministère une mission d'étude sur l'émergence des sciences participatives dans plusieurs secteurs scientifiques (oiseaux, insectes, plantes...), en portant une attention particulière à la définition de protocoles scientifiques destinés à renforcer la méthodologie des sciences participatives, à la sensibilisation des jeunes à la déontologie de la recherche et à son importance pour la crédibilité de l'étude scientifique. Leurs rapports, dont la remise est prévue pour le début de l'année 2015, éclaireront les décisions de l'État tout autant que des collectivités territoriales dans le cadre de leurs nouvelles compétences en matière de CSTI. L'Institut national des hautes études scientifiques et technologiques (IHEST) est, quant à lui, chargé de mettre en place des sessions de formation à destination des journalistes et des responsables politiques et économiques.
* 39 Arrêté du 17 février 2014.
* 40 Universcience s'est occupé de gérer, de 2011 à 2013, ces crédits de financement aux centres de CSTI en régions.
* 41 Universcience assurait jusqu'ici la présidence et le secrétariat du Conseil nationale de la CSTI.