C. LE RÔLE DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DES ORGANISMES DE RECHERCHE
La loi du 22 juillet 2013 renforce la part prise dans les missions des établissements d'enseignement supérieur et des organismes de recherche par « la diffusion de la culture humaniste, en particulier à travers les développements des sciences humaines et sociales et de la culture scientifique, technique et industrielle ». En outre, l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation prévoit désormais que la commission de la recherche du conseil académique des universités « adopte les mesures de nature à permettre aux étudiants de développer les activités de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. »
L'article L. 114-3-1 du code de la recherche confie au Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) la mission de « s'assurer de la valorisation des activités de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle dans la carrière des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche ». À cet égard, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) indique qu'elle a inclus le sujet de la valorisation des activités de partage de la culture scientifique, technique et industrielle dans son référentiel d'évaluation externe des établissements d'enseignement supérieur. Le domaine 4 de ce référentiel porte ainsi sur « la valorisation et la culture scientifique ». Deux champs d'évaluation sont distingués en son sein : le premier, sur « la valorisation des résultats de la recherche » ; le second, sur « la diffusion, l'enrichissement du patrimoine et le développement de la culture scientifique et technique ». S'agissant de l'évaluation des organismes de recherche, le sujet est aussi toujours inclus dans le référentiel d'évaluation.
Il en résulte que, sauf exception, les rapports d'évaluation des établissements comprennent un chapitre consacré à cet ensemble de sujets. La place donnée aux activités de partage de la culture scientifique, technique et industrielle est cependant variable. Elle dépend à la fois de l'importance de ces activités dans l'établissement et de la problématique construite par les experts eux-mêmes. Les rapports récents d'évaluation du Museum national d'histoire naturelle (2013), des universités de Montpellier-I et -II (2014, évaluation concomitante par le même comité) et du CEA (2014) sont des exemples qui illustrent de façon pertinente la démarche.
S'agissant de l'évaluation des entités de recherche, la modification du référentiel effectuée au début de l'année 2012 a permis d'identifier qu'un des six critères (critère 3) est consacré au thème de l'interaction avec l'environnement social, économique et culturel. Parmi les faits observables, sont identifiées les actions contribuant, notamment, à l'organisation d'événements culturels ou à la collaboration avec des institutions culturelles, à la diffusion de la culture scientifique et au débat public. Des indices de qualité sont aussi définis pour ce critère.
Votre rapporteure pour avis est convaincue que le rapport des universités avec la CSTI et l'enjeu de son partage aura toutes les chances d'être développé dans le cadre de la politique de site.
En ce qui concerne l'implication des chercheurs, des universitaires et des doctorants dans le partage de la CSTI, les remarques de l'atelier 7 « Comment élargir la pratique de la médiation culturelle scientifique » du 3 e Forum national de la CSTI de janvier 2014 sont éclairantes :
« D'autres voies de démultiplication ont été évoquées, avec leurs difficultés inhérentes et leur degré de réussite variable selon les régions, comme notamment le recours aux chercheurs et doctorants. Expérience réussie à la canopée des Sciences puisque sur 80 chercheurs, 50 d'entre eux font de la diffusion ( Experimentarium ), moins ailleurs où inciter des doctorants à s'orienter vers de la diffusion des sciences semble une véritable gageure alors que ces actions ne sont pas valorisées, ni prises en compte dans leurs cursus de carrière. Il existe une très grande disparité entre universités sur la prise en compte de la CST alors que les doctorants ont normalement une formation obligatoire en CST via les écoles doctorales. Par ailleurs se repose toujours la question des objectifs pour ces chercheurs et futurs chercheurs : communication de leur recherche ou des sciences en général avec un aspect promotionnel ou médiation des sciences avec prise en compte des enjeux sociétaux et des points de vue et inquiétudes des publics et de leur formation ? Être un expert d'un domaine scientifique ne fait pas forcément quelqu'un d'apte à interagir avec des publics, d'autres compétences sont en jeu (adaptabilité des discours au public, construction d'outils et de démarches pédagogiques, changement de posture...) et sont à acquérir. » C'est bien la question de l'interaction des sciences avec la société dans son ensemble qui est en jeu.
Votre rapporteure pour avis tient à rappeler que nombre de collections scientifiques universitaires sont vouées à disparaître si rien n'est fait pour favoriser leur récolement et leur entretien. À ce titre, elle plaide pour une intervention coordonnée de l'OCIM et du MNHN auprès des universités qui nécessiteraient un soutien logistique et technique pour l'élaboration d'inventaires de leurs collections. Pour mémoire, un rapport d'information de 2003 de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat estimait que les universités constituaient l'un des secteurs de l'État qui enregistraient les pertes les plus importantes en matière de récolement : en 2001, 157 oeuvres y ont été contrôlées ainsi que 1 233 objets et 20 lots archéologiques, mais 118 biens n'avaient pu être localisés dans les universités visitées, soit 75,2 % de pertes, 20 oeuvres étant, en outre, présumées détruites ; à ces oeuvres non retrouvées, il faut ajouter 198 objets et 13 lots non retrouvés pour les universités 42 ( * ) .
Comme l'a rappelé la secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche lors du 3 e Forum national de la CSTI des 29 et 30 janvier 2014 consacré aux « Cultures scientifiques, technique, industrielle et de l'innovation dans les territoires », la CSTI doit également irriguer les hautes sphères de l'État et le monde de l'entreprise, qui n'ont encore qu'une expérience très marginale de la recherche. Elle souligne, à juste titre, que « la France est marquée par la familiarité limitée de ses élites à la recherche : seuls 2 % des cadres de la haute fonction publique sont titulaires d'un doctorat, contre 35 % en Allemagne ou aux États-Unis. Les entrepreneurs ont rarement l'expérience de la recherche. Les journalistes ont majoritairement suivi des cursus en sciences humaines et sociales et sont souvent moins au fait des sciences dites exactes. La promotion des cultures scientifiques, technologiques et industrielles réclame pourtant le concours actif de ces groupes professionnels influents. Des programmes de sensibilisation adaptés seront déployés à leur intention. C'est aussi valable pour les décideurs, institutionnels et politiques. » C'est pourquoi elle recommande de s'appuyer sur l'Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST), avec le soutien des académies et de l'OPECST, pour sensibiliser les principaux acteurs du débat public aux enjeux de la CSTI, « à l'image de ce que fait la Royal Society au Royaume-Uni ».
Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans leur rapport produit au nom de l'OPECST, intitulé Faire connaître et partager les cultures scientifiques, techniques et industrielles : un impératif et publié en janvier 2014 43 ( * ) , nos collègues Maud Olivier et Jean-Pierre Leleux ont formulé une série de recommandations tendant à favoriser le partage des cultures scientifique, technique et industrielle. Ils soulignent, en particulier, la nécessité de « développer les actions de médiation des chercheurs », notamment en les valorisant dans les carrières des scientifiques et dans les parcours des doctorants. En matière de gouvernance, ils préconisent une simplification et une amélioration de la gouvernance , aux niveaux national, par la désignation au sein chaque ministère d'un référent CSTI sous la coordination du ministre chargé de la recherche , et territorial, par l'identification et le renforcement de têtes de réseau régionales chargées d'articuler les acteurs et les interventions sur le terrain .
* 42 Rapport d'information n° 379 (2002-2003) de M. Philippe Richert, fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 3 juillet 2003.
* 43 Rapport n° 274 (2013-2014) de M. Jean-Pierre Leleux, sénateur et Mme Maud Olivier, députée, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 9 janvier 2014.