III. VERS UN RENOUVELLEMENT DES INSTITUTIONS EN CHARGE DE LA TRANSPARENCE FINANCIÈRE
A. LA FIN PROGRAMMÉE DE LA COMMISSION POUR LA TRANSPARENCE FINANCIÈRE DE LA VIE PUBLIQUE
1. La disparition de la commission pour la transparence financière de la vie publique
La loi organique n° 2013-906 et la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ont renforcés les obligations déclaratives auxquels sont assujetties non seulement les ministres, les parlementaires mais également les élus, les membres de cabinet et les dirigeants publics. Outre une déclaration de patrimoine exigée de l'ensemble de ces personnes, une déclaration d'intérêts sera exigée des membres du Gouvernement et des parlementaires, ce qui jusqu'à présent ne relevait que de règles internes aux assemblées parlementaires.
Parallèlement, la commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP) a été supprimée par l'article 30 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 au profit d'une haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Dès la nomination du président de cette nouvelle autorité administrative indépendante, la HATVP se substituera à la CTFVP pour le recueil et le contrôle des déclarations ainsi requises.
Le rôle de la commission pour la transparence financière de la vie publique La commission pour la transparence financière de la vie politique a été instituée par la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. En vue d'assurer une plus grande transparence financière de la vie politique, un mécanisme permettant d'apprécier l'évolution de la situation patrimoniale des principaux élus politiques ainsi que des principaux dirigeants d'organismes publics a été instauré. Le dispositif retenu vise à assurer que les personnes assujetties n'ont pas bénéficié d'un enrichissement anormal et personnel du fait de leurs fonctions. Chaque personne assujettie à cette obligation déclarative est ainsi soumise à l'obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale au début et à la fin de son mandat ou de ses fonctions. Le dépôt de ces déclarations est soumis à de strictes conditions de délais et le non-respect de cette obligation est sanctionné par une inéligibilité d'un an pour les élus et par la nullité de la nomination pour les dirigeants. La mission de la commission pour la transparence financière de la vie politique consiste à apprécier la variation du patrimoine entre ces deux déclarations. Dans le cas où elle constate des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications satisfaisantes, elle transmet le dossier au parquet après avoir mis l'intéressé en demeure de présenter ses observations. |
À l'initiative de l'Assemblée nationale utilement complétée par le Sénat, la transition entre les deux autorités administratives indépendantes a été précisée par la loi. Au terme de l'article 30 de la loi du 11 octobre 2013, le transfert des archives et de l'ensemble des documents en possession de la commission pour la transparence financière de la vie politique à la Haute Autorité est explicitement pour assurer la continuité de l'activité L'Assemblée nationale avait souhaité donner compétence à la haute Autorité pour poursuivre avec ses nouveaux pouvoirs l'instruction des procédures en cours d'examen devant la commission pour la transparence de la vie politique, sachant que les pouvoirs de la haute autorité sont sensiblement plus importants.
Suivant une demande exprimée par l'actuel président de la commission, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, le Sénat, sur proposition de son rapporteur, le président Jean-Pierre Sueur, a préféré que les procédures d'examen entamées avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi et qui reposaient sur une obligation issue de la précédente législation soient poursuivies par la Haute Autorité avec néanmoins les pouvoirs de la commission et non ses nouvelles prérogatives. Cette précision évite que des procédures en cours -et donc antérieures à l'entrée en vigueur de la réforme- soient instruites au moyen de prérogatives accordées par cette même réforme, ce qui aurait équivalu à une forme de rétroactivité.
La disparition de la CTFVP explique ainsi qu'aucun crédit ne figure cette année au sein de ce programme pour assurer son fonctionnement.
2. Le rôle assigné à la nouvelle Haute autorité pour la transparence de la vie publique
La HATVP hérite des missions de la CTFVP avec des pouvoirs accrus ainsi que des missions nouvelles. Son organisation et son fonctionnement diffère cependant légèrement de la commission, des garanties équivalentes d'indépendance étant cependant prévues.
L'organisation et le fonctionnement de la haute
autorité
La Haute autorité sera dotée de garanties d'indépendance puisque ses membres ne pourront, d'une part, ni recevoir, ni solliciter d'instruction d'une autorité extérieure et, d'autre part, ne pourront prendre, à titre personnel, une position publique préjudiciable au bon fonctionnement de la Haute Autorité. À la différence de la CTFVP, la Haute Autorité ne comptera plus de membres de droit mais uniquement des membres désignés. Son président sera nommé par décret du président de la République après avis des commissions permanentes des assemblées parlementaires dans le cadre de la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution. La Haute Autorité comprendra : - deux conseillers d'État, en activité ou honoraires, élus par l'assemblée générale du Conseil d'État ; - deux conseillers à la Cour de cassation, en activité ou honoraires, élus par l'ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la cour ; - deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes, en activité ou honoraires, élus par la chambre du conseil. En outre, chaque président d'assemblée parlementaire désignera une personnalité qualifiée, avec l'accord de la commission permanente compétente, en l'espèce, la commission des lois, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, cette règle d'une approbation préalable à une majorité qualifiée étant conforme à la Constitution puisqu'elle s'exerce au sein d'une même assemblée 11 ( * ) . En outre, ces personnes ne pourraient pas avoir été assujetties à des obligations déclaratives que contrôle la Haute Autorité durant les trois années précédant la nomination. En outre, la composition devra respecter l'égale représentation des femmes et des hommes. Le mandat des membres sera de six ans sans possibilité de renouvellement. En cas de vacance, le siège sera pourvu pour la durée du mandat restant à courir. Le renouvellement s'effectuera par moitié tous les trois ans. La déontologie des membres de la Haute Autorité sera assurée par une série de règles empêchant ses membres de participer aux délibérations ou vérifications portant sur les organismes ou personnes à l'égard desquels ils détiendraient ou auraient détenu, au cours des trois années précédentes, un intérêt direct ou indirect. Les membres seront soumis à des obligations déclaratives, au respect du secret professionnel et à des incompatibilités avec une fonction ou un mandat qui conduit à se soumettre aux obligations déclaratives que la Haute Autorité contrôle. Dans le même esprit, il sera mis fin aux fonctions d'un membre de la Haute Autorité si la Haute Autorité constate, à la majorité des trois-quarts des membres, qu'il se trouve dans une situation d'incompatibilité, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué à ses obligations. En outre, la Haute Autorité dispose de l'autonomie financière pour la gestion de ses crédits et définit elle-même, au sein de son règlement général, les modalités d'organisation et de fonctionnement ainsi que les procédures applicables devant elle, ce qui est une prérogative notable pour une autorité indépendante dans la mesure où elle bénéficie ainsi d'une délégation conséquente du pouvoir règlementaire par la loi. |
En cas de méconnaissance par une personne de ses obligations de déclaration, d'abstention et d'information, la Haute Autorité pourra être saisie par le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ainsi que par des associations agréés dont les statuts leur confèrent comme objet social de lutter contre la corruption.
En outre, resteront passibles de sanction pénales le fait de ne pas déposer l'une des déclarations, d'omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine. Les peines afférentes sont de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende avec la possibilité pour le juge de prononcer la déchéance des droits civiques ou l'interdiction d'accéder à une fonction publique.
Votre rapporteur relève, à cet égard, que les sanctions pénales ont été unifiées pour l'ensemble des personnes assujetties à ces obligations déclaratives, ce qui rend l'arsenal répressif plus cohérent et adapté en permettant de couvrir tous les cas de manquement aux obligations déclaratives des responsables publics.
* 11 CC, 13 décembre 2012, n° 2012-658 DC.