II. ANTICIPER LES OPPORTUNITÉS ET LES TRANSFORMATIONS RAPIDES DE L'ÉCONOMIE MONDIALE

Le contexte général : l'évolution de la conjoncture internationale et du commerce mondial.

? La croissance mondiale devrait rester assez modeste en 2013 (+2,9 %), proche de son niveau de 2012 (+3,2 %). Elle est marquée par la divergence entre les économies développées, où l'activité a accéléré progressivement, et les économies émergentes et en développement, qui ont connu un ralentissement.

En zone euro , l'activité a tendance à se contracter (- 0,5 %), en raison des trois principaux freins qui pèsent encore sur la croissance : l'effort de désendettement public et privé ; les problèmes de financement de l'économie, en particulier dans les pays du Sud et l'incertitude qui conduit les acteurs économiques à reporter leurs dépenses.

Dans le reste du monde, l'activité reste plus dynamique :

- aux États-Unis , elle continue de progresser, quoiqu'à un rythme modéré (+1,4 %, après +2,8 % en 2012). La reprise des dépenses des ménages et des entreprises, en raison d'un désendettement plus avancée qu'en Europe, est encore limitée par les mesures de consolidation budgétaire qui affectent leur revenu et la demande publique ;

- au Japon , la croissance en 2013 (+1,5 % après +2,0 % en 2013) est principalement tirée par la politique économique expansionniste menée depuis le début de l'année en matière monétaire et budgétaire. Celle-ci a provoqué un regain de confiance des agents économiques, une hausse des valeurs mobilières et la dépréciation de la devise nippone, favorisant ainsi la demande intérieure ainsi que les exportations ;

- dans les économies émergentes , les signes de ralentissement depuis le printemps confirment une croissance nettement inférieure à celle des années antérieures à 2008. L'activité progresse de 4,8 % en 2013, dans l'ensemble des économies émergentes et en développement, alors qu'entre 2004 et 2007 ce chiffre évoluait entre 7,3 % et 8,8 %.

? Le commerce mondial , reste lui aussi peu dynamique en 2013.

À l'image de la croissance mondiale, il progresse en 2013 à un rythme modéré, proche de celui de 2012 : +2,3 % en volume. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) affiche une prévision proche, +2,5 %, en lien avec une reprise moins vive que prévue des importations en provenance des pays émergents et en développement, tandis que les économies développées - notamment l'Union européenne - demeurent fragiles.

En termes géographiques, la contribution des économies développées à la progression du commerce mondial est faible (+0,6 %) ; les échanges dans les économies émergentes et en voie de développement, moins dynamiques qu'avant la crise de 2008, y contribuent à hauteur de 1,7 % (contre +2,9 % avant la crise).

La croissance mondiale reste toutefois soumise à des aléas. La reprise pourrait être plus rapide si le surplus d'épargne dans les pays disposant de marges de manoeuvre était mobilisé. A contrario, un regain d'incertitude en zone euro, une sortie mal négociée des mesures de politique monétaire non-conventionnelles aux États-Unis, un ralentissement plus marqué de la croissance dans les économies émergentes ou une montée des tensions géopolitiques au Moyen-Orient sont de nature à entraver la reprise en cours.

A. LE « REBOND TECHNIQUE » DE NOTRE SOLDE COMMERCIAL ET LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LA PERTINENCE DES INDICATEURS

? Apparu en 2002, notre déficit commercial , après un montant record de 73 milliards d'euros en 2011 a été réduit à 67 milliards en 2012 et avoisinera probablement 60 milliards d'euros en 2013.

Cette séquence chiffrée, a priori plutôt rassurante, s'explique par des mécanismes sous-jacents qui le sont moins : c'est, en effet, la contraction de la demande intérieure et de nos importations qui explique la réduction du déficit, et non pas la hausse de nos exportations.

Un phénomène similaire est observé dans de nombreux pays : par exemple, au premier semestre 2013, l'Allemagne a enregistré l'un de ses plus importants excédents commerciaux semestriels de ces dix dernières années avec un recul plus prononcé de ses importations (-2 %) que des exportations (-1 %). Le repli des exportations allemandes a été particulièrement prononcé en direction de la zone euro et surtout de la France (-5 %), ce qui confirme l'analyse précédente.

? Les principaux secteurs excédentaires et déficitaires du commerce extérieur français sont globalement stables sur les 5 dernières années.

Les principaux excédents sont enregistrés dans les secteurs suivants :

- le secteur aéronautique et spatial (17 milliards d'euros en moyenne entre 2008 et 2012), qui reste notre premier excédent, porté principalement par les ventes d'Airbus mais aussi par celles de satellites ;

- la chimie, les parfums et les cosmétiques (8 milliards d'euros) ;

- les industries agroalimentaires (6 milliards d'euros) et les produits agricoles bruts (3 milliards d'euros) ; les boissons représentent à elles seules près du quart de nos exports agroalimentaires (23 %) et portent une grande part de l'excédent du secteur, en dégageant un solde positif de 10,7 milliards d'euros.

- la pharmacie (4 milliards d'euros).

Les équipements pour automobile sont également excédentaires, de même que l'électricité et les gaz manufacturés.

Nos principaux déficits concernent :

- l'énergie, qui constitue de loin le premier poste, avec 56 milliards d'euros de déficit ;

- l'informatique et l'électronique (15 milliards d'euros) ;

- les textiles et le cuir (11 milliards d'euros) ;

- l'automobile (7 milliards d'euros), qui enregistre un solde négatif depuis 2007 ;

- ainsi que la plupart des autres secteurs manufacturiers.

PRINCIPAUX EXCÉDENTS ET DÉFICITS DE LA FRANCE PAR PRODUIT EN 2012
COMPARÉ À 2011

?A travers les multiples analyses chiffrées de l'évolution du commerce extérieur de la France, le paramètre essentiel à prendre en compte est l'évolution de nos parts de marché au niveau mondial. Or ces dernières ont à nouveau décliné en 2012 prolongeant une baisse continue, de 5,1 à 3,1 %, entre 2002 et 2011. Si ces tendances venaient à se prolonger, la France qui occupe aujourd'hui le sixième rang mondial pourrait rétrograder dans les prochaines années derrière la Corée, la Russie, voire Hong Kong. Dans le classement des pays exportateurs, le Royaume-Uni a connu une telle évolution, puisqu'il ne figure plus parmi les dix premiers, mais sa place financière, dominante en Europe, lui assure des revenus solides, ce qui n'est pas le cas dans notre pays.

ÉVOLUTION DES PARTS DE MARCHÉ DES PRINCIPAUX EXPORTATEURS MONDIAUX DANS LE COMMERCE MONDIAL DES BIENS

? S'agissant des indicateurs de notre commerce extérieur, l'avis budgétaire de l'an dernier avait évoqué l'un des principaux « combats » de M. Pascal Lamy, ancien directeur général de l'OMC, pour une mesure plus intelligente du solde des échanges. Pour prendre un exemple emblématique, on rappellera, en effet, que l'achat d'un Iphone par un américain aggrave le déficit de son pays, car les douanes enregistrent un transfert entrant en provenance de la Chine où sont fabriqués ces objets. Pour autant, cet achat est bénéfique pour les entreprises américaines qui capturent la valeur ajoutée du produit. Dans leur rapport précité publié en juillet dernier, les députés ont placé cette suggestion à la première place de leurs recommandations, en prenant l'exemple allemand de la Porsche Cayenne dont 90 % des composants sont importés.

Dans le même sens, votre rapporteur pour avis renouvelle le souhait formulé auprès du Gouvernement d'adaptation de nos indicateurs pour qu'ils donnent une image plus fidèle de la réalité des échanges 16 ( * ) , même si cela vient nuancer ou contredire un certain nombre d'idées reçues. Les stratégies de progrès adaptées au monde d'aujourd'hui et de demain ne peuvent plus se contenter d'instruments de mesure du dix-neuvième siècle.

Il convient en outre de rappeler qu'au cours des quinze dernières années, l'un des effets les plus clairement établis de la mondialisation a été de contenir l'inflation, même dans la période récente marquée par une augmentation vertigineuse de l'injection de liquidités pour éviter une crise financière mondiale. En France, l'impact de la mondialisation commerciale sur les prix des biens importés est significativement baissier et profite aux consommateurs. Une étude du Trésor montre qu'en France, un panier constitué des biens les plus échangés internationalement a connu une inflation de l'ordre de 0,6 % alors que l'indice des prix à la consommation totale a augmenté de 21 % entre 1998 et 2008. Parallèlement, les producteurs nationaux bénéficient également de cette baisse de prix en captant une part prépondérante de la demande supplémentaire libérée par les gains de pouvoir d'achat des consommateurs. Alors que les chaînes de production sont de plus en plus fragmentées internationalement, les producteurs bénéficient, en outre, d'un coût de leurs intrants plus faible ce qui leur permet de gagner en compétitivité et d'accroître ainsi leurs parts de marché domestiques et à l'export.

MESURER LES DÉFICITS OU EXCÉDENTS DE LA FRANCE EN VALEUR AJOUTÉE

La fragmentation des chaînes de production à l'échelle de plusieurs pays n'est pas un phénomène nouveau, mais sa croissance est telle que la mesure en flux bruts du commerce international apparaît aujourd'hui insuffisante à l'analyse des dynamiques de spécialisation des processus de production. En effet, ce mode de mesure ne permet pas d'appréhender directement la valeur ajoutée créée par un pays, puisque la totalité de la valeur commerciale d'un produit est imputée au dernier pays d'origine, alors que les exportations d'un pays sont composées d'une part croissante de biens importés. La mesure du commerce en termes de valeur ajoutée permet ainsi de mieux illustrer les effets de la mondialisation de l'économie. C'est pourquoi l'OCDE a travaillé avec la Commission européenne ainsi qu'avec l'OMC pour l'élaboration d'une base de données cartographiant les chaînes de valeurs mondiales (CVM).

Pour autant, cette mesure du commerce en valeur ajoutée laisse inchangé le solde commercial agrégé de chaque pays, elle ne modifie ni l'ampleur ni le signe (positif ou négatif) des soldes commerciaux nationaux au niveau global : le solde commercial français tous pays et tous secteurs confondus demeure le même, que l'on considère les échanges via leur mesure traditionnelle (brute) ou en valeur ajoutée.

En revanche, la ventilation des flux bilatéraux (France - autre Etat) et les soldes associés peuvent différer. Ainsi, le déficit commercial de la France avec les Etats-Unis (-2 milliards d'euros environ) devient un excédent (approximativement +1,5 milliard d'euros) en valeur ajoutée. Inversement avec le Japon le solde français, légèrement excédentaire en mesure classique devient déficitaire en valeur ajoutée (-2,5 milliards d'euros).

L'interprétation des échanges bilatéraux est donc transformée : bien que la quantité des exportations et importations demeure inchangée, la mesure en valeur ajoutée fait par exemple apparaître que la France importe des produits à forte valeur ajoutée du Japon (et exporte davantage de produits intermédiaires), alors que ses exportations destinées aux Etats-Unis intègrent une forte valeur ajoutée. Le solde commercial avec l'Allemagne diminue peu si on le mesure en valeur ajoutée tandis que déficit commercial français avec la Chine baisse d'environ 30 % mesuré en valeur ajoutée.

La modification de l'ampleur des soldes bilatéraux par la lecture en valeur ajoutée explique l'intérêt croissant de certains gouvernements pour ce type d'analyse. Par exemple, mesuré en termes de valeur ajoutée, le déficit commercial américain vis-à-vis de la Chine diminuerait de 20 à 40 %, selon les estimations, tandis que les déficits américains avec le Japon, Taiwan, la Corée du Sud et l'Allemagne augmenteraient.

En ce qui concerne la France, le commerce mesuré en valeur ajoutée révèle à la fois une forte orientation vers l'Asie et l'Amérique du Nord et une spécialisation dans les services. D'après les résultats préliminaires de l'OCDE, la France apparaît quant à elle intégrée dans des chaînes de valeur mondiales relativement sophistiquées et internationalisées (matériel de transport, chimie, équipement électronique et d'optique, métallurgie et agroalimentaire) et davantage spécialisée dans les services. Selon cette approche, des filières comme les matériels de transport (y compris l'automobile), l'agroalimentaire, les transports aériens ou les services aux entreprises, se révèlent ainsi particulièrement compétitives.

Toutefois, contrairement aux données de commerce brutes directement observées au niveau douanier, les mesures en valeur ajoutée doivent faire l'objet d'une estimation statistique qui ne présente pas les mêmes garanties de précision. De plus, elles ne portent que sur des secteurs d'activité agrégés, limitant l'analyse des échanges de nombreux produits de consommation courante et ne sont, pour l'instant, disponibles qu'avec beaucoup de retard : en juillet 2013, la dernière année exploitable est ainsi l'année 2009.

Source : réponse au questionnaire budgétaire pour le PLF 2014


* 16 «En ciblant les valeurs brutes des exportations et des importations, les statistiques du commerce traditionnelles nous donnent une image déformée des déséquilibres commerciaux entre les pays. (...) Le tableau serait différent si nous prenions en compte la part de valeur ajoutée nationale qui est incorporée dans ces flux» (http://www.wto.org - initiative «fabriqué dans le monde»)

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