CHAPITRE IV -
OPTIMISER LE SOUTIEN AUX EXPORTATEURS ET ANTICIPER LES MUTATIONS DE L'ECONOMIE MONDIALE

Ce chapitre est présenté par Mme Elisabeth Lamure, rapporteure pour avis.

Les crédits de la mission économie consacrés au commerce extérieur dans le projet de lois de finances pour 2014 appellent deux principales séries d'observations.

Tout d'abord, il convient d'analyser ces crédits de façon précise et réaliste tout en essayant de mieux cadrer leurs enjeux et leurs limites. Cela débouche sur un premier constat : au moment où notre appareil de soutien aux exportateurs fait l'objet de critiques assez sévères, il se réforme pour optimiser des moyens en contraction.

En second lieu, le commentaire de ces crédits s'accompagne d'un diagnostic sur notre commerce extérieur et de recommandations.

Le rapprochement de ces deux sujets - l'analyse des crédits et la situation générale du commerce extérieur - permet de souligner une évidence qui n'apparaît pas avec suffisamment de clarté dans le flot des informations budgétaires : l'accompagnement des exportateurs est certes important, en particulier au plan humain, mais il convient de ne pas surestimer son impact puisque les quelques 100 millions d'euros de crédits examinés par la commission et alloués à Ubifrance représentent entre un et deux millièmes de notre déficit extérieur, qui s'élève à 67 milliards d'euros (soit environ 3,5 % du PIB) et de l'ordre du dix millième du volume des exportations (environ 20 % de notre PIB).

Par ailleurs, les périodes de restriction budgétaire ont le mérite de stimuler la réflexion sur les moyens pour la France d' anticiper la nouvelle donne économique mondiale qui se profile dans les années à venir . Tel est le principal message de la seconde partie du rapport qui concerne l'évolution de notre déficit et les stratégies pour mieux anticiper les mutations de l'économie mondiale. Votre rapporteur pour avis souligne que l'Etat doit ici pleinement jouer un rôle de stratège et de soutien 13 ( * ) .

I. L'OPTIMISATION DE L'APPAREIL DE SOUTIEN AUX EXPORTATEURS

A. LA CONTRACTION DES CREDITS

? Les deux tableaux suivants donnent une vue générale des crédits budgétaires d'Etat relatifs au soutien aux exportations. Ces derniers s'élèvent à 342 millions d'euros pour 2014, contre 354 en 2013, ce qui correspond à une baisse de 3,5 %. Par ailleurs, les régions consacrent à ce même objectif environ 65 millions d'euros chaque année.

Cette dépense reste, dans l'ensemble, maîtrisée puisque, comme l'ont confirmé à votre rapporteur pour avis les représentants de la Coface, ce coût est plus que compensé par des recettes non fiscales, à hauteur de 650 millions d'euros, correspondant à la récupération des créances détenues par la Coface et Natixis.

? Dans cet ensemble, les crédits de la mission économie consacrés au commerce extérieur , faisant, stricto sensu, l'objet du présent rapport, se limitent à deux actions du programme 134 intitulé « Développement des entreprises et du tourisme ».

Leur montant total - identique en autorisations d'engagement et en crédits de paiement - s'élève, dans le projet de loi de finances pour 2014, à 123,9 millions d'euros qui se décomposent en :

- 97,8 millions d'euros (contre 103,9 en 2013) au titre de l' action 07 « Développement international des entreprises », qui couvre les dépenses de l'Agence française pour le développement international des entreprises, Ubifrance ;

- et 43,7 millions d'euros (dont 18,9 à périmètre comparable à mettre en regard de 19,7 millions en 2013) pour l' action 20 « Financement des entreprises et de l'attractivité du territoire ». En 2014, cette action contient, en plus d'une fraction de la subvention pour charges de service public versée à l'Agence française pour les investissements internationaux, une dotation du budget général d'un montant de 25 millions d'euros destinée à abonder les fonds de garantie gérés par Bpifrance financement. S'y ajoutent également, à hauteur de 5 millions d'euros, des moyens destinés à financer des bonifications accordées à des prêts en faveur des PME (0,1 million d'euros) et la dotation au fonds de garantie DOM (4,7 millions d'euros).

? Deux principales observations peuvent être faites sur ces crédits pour 2014.

D'une part, on constate pour 2014, une contraction des crédits de ces actions à périmètre constant, alors même que la priorité affichée pour le commerce extérieur dans le projet de loi de finances pour 2013 n'était déjà pas aisément démontrable en raison d'un certain éparpillement des crédits budgétaires.

D'autre part, le bleu budgétaire pour 2014 souligne que l'aide au développement international des PME se renforce grâce aux interventions d'Ubifrance, l'agence française pour le développement international des entreprises, qui bénéficie de la dévolution des moyens issus du réseau international de la direction générale du Trésor. Il précise qu' Ubifrance est désormais le principal interlocuteur des PME françaises partout dans le monde, via ses implantations locales ou ses partenariats locaux, ce qui leur permet de mieux tirer parti des opportunités associées à la croissance observée notamment dans les pays émergents. Il a en outre été décidé à l'occasion du CIMAP du 17 juillet 2013 de rendre plus cohérent et plus lisible le dispositif français de soutien à l'internationalisation de l'économie française.

Cependant, d'après ce même document budgétaire, l' « efficience du dispositif d'Ubifrance » de soutien aux entreprises à l'exportation est mesurée par un indicateur qui a progressivement décliné : 19 en 2011, 15,7 en 2012 et 13,6 en 2013, les prévisions pour 2014 s'établissant à 13,86. Cet indicateur d'efficacité se définit comme le rapport du nombre annuel d'interventions d'Ubifrance sous forme d'accompagnements d'entreprises sur les marchés extérieurs ainsi que de départs de volontaires internationaux en entreprise(VIE) 14 ( * ) par le nombre d'agents d'Ubifrance.

Ce système de mesure est critiquable puisqu'une explosion du nombre de réunions ferait mécaniquement grimper l'indicateur vers des sommets quelqu'en soit l'efficacité ultérieure en matière économique. Votre rapporteur pour avis s'est interrogée sur cette méthode et l'audition des représentants d'Ubifrance a permis de préciser que des sondages réalisés par des organismes indépendants permettent également de mesurer si, selon l'entreprise, l'accompagnement par Ubifrance a déclenché ou favorisé un courant d'affaires nouveau.

En tout état de cause, il semble peu cohérent de maintenir un indicateur qui pourrait favoriser une certaine « réunionite » au moment même où les entreprises ont fait savoir qu'elles attendent des dispositifs publics des résultats et pas seulement un déploiement de moyens . Par ailleurs, Ubifrance, tout en restant fidèle à sa vocation initiale de soutien aux petites PME pour les aider à grandir et à exporter, doit aussi tenir compte de l'objectif qui consiste à faire émerger 1 000 nouveaux acteurs de l'exportation, ce qui incite à mieux cibler les accompagnements.

De façon plus générale, on ne peut que constater la place modeste dans la nomenclature budgétaire de ce volet consacré au commerce extérieur. Toutefois, ce dernier est pris en charge par un ministère de plein exercice, ce qui est en adéquation avec l'importance de l'enjeu.

B. LES CRITIQUES ADRESSÉES AUX DISPOSITIFS DE SOUTIEN DES EXPORTATIONS

Les modalités du soutien à l'exportation sont nombreuses et couvrent les différentes étapes économiques et financières du processus d'exportations.

? Toutefois, ce dispositif est faiblement utilisé par les entreprises exportatrices qui se plaignent de sa complexité et de son inadéquation à leurs besoins. La synthèse la plus récente de ces critiques a été établie en juillet 2013 par le rapport d'information n° 1225 (AN) de MM. Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat au nom du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation du soutien public aux exportations.

Seulement 10 % des entreprises exportatrices utilisent des mécanismes de soutien pilotés par l'État 15 ( * ) : il s'agit, pour l'essentiel des accompagnements Ubifrance, avec 9 295 nouvelles entreprises aidées en 2012, et du recours à l'assurance prospection, qui a également bénéficié à 1 873 nouvelle entreprises en 2012.

De son côté, le réseau CCI International , constitué à partir des services internationaux des chambres de commerce et d'industrie et piloté par les chambres régionales, revendique 20 000 contacts de PME différentes pour un appui à l'export en France en 2012 et l'accompagnement annuel de 3 000 primo exportateurs ainsi que 3 000 entreprises à fort potentiel qui font partiellement doublon avec les bénéficiaires des dispositifs étatiques.

En revanche, l' assurance-crédit ne concerne que quelques centaines d'entreprises par an et sa concentration financière est particulièrement élevée puisque trois entreprises mobilisent 46 % des encours à échoir soit 27,6 milliards d'euros.

Cette proportion minime est d'autant plus notable que le nombre d'entreprises exportatrices françaises (119 000 en 2012) est faible par rapport à l'Allemagne (de l'ordre de 300 000) ou à l'Italie (200 000).

Interrogés sur les raisons de ce relatif désintérêt, par voie de sondage réalisé pour l'OSCI (opérateurs spécialisés du commerce international) en février 2013, les chefs d'entreprise qui exportent répondent qu'ils jugent le système français de soutien à l'export peu ou pas efficace (61 %), peu ou pas compréhensible (66 %) et peu ou pas adapté au contexte économique actuel (67 %). En conséquence, 78 % d'entre eux se chargent eux-mêmes de la commercialisation de leurs produits à l'exportation. De même, les chefs d'entreprise estiment inefficace à 58 % le soutien à l'exportation dans une enquête d'Ernst Young de février 2013 consacrée aux aides publiques aux entreprises, à la différence du soutien à l'innovation jugé efficace à 71 %, le soutien à l'investissement étant pour sa part jugé inefficace à 74 %.

? Votre rapporteur pour avis, sur la base des nombreux entretiens qu'elle a pu conduire au-delà des auditions budgétaires, souligne que ces sondages et ces diagnostics rejoignent les remontées de terrain.

Cependant, il parait ici important de rappeler non seulement que les quelques 400 millions d'euros de crédits de soutien en question représentent moins d'un millième de la valeur des exportations de notre pays, mais aussi que les montants les plus importants sont concentrés sur quelques opérations de grande ampleur. Il serait donc peu pertinent de rechercher une corrélation solide entre notre déficit commercial et les crédits d'accompagnement à l'exportation. Nos difficultés sont, en effet, avant tout le révélateur d'une compétitivité insuffisante, ce qui relève de facteurs bien plus puissants que les dispositifs spécifiques de soutien à l'exportation.


* 13 Par exemple, nos entrepreneurs confrontés à la concurrence chinoise en Afrique témoignent qu'ils ont eu l'impression de lutter non pas seulement contre d'autres entreprises mais également contre le déploiement du pouvoir d'influence du Gouvernement chinois.

* 14 Le volontariat civil international (volontariat international en administration - VIA - et volontariat international en entreprise - VIE -) est inclus dans le dispositif du service civique mis en place par la loi du 10 mars 2010. Il présente cependant deux particularités qui le distinguent du service civique. Le volontariat civil international n'est pas de nature contractuelle ; c'est une « mission temporaire de service public » et sa gestion relève du code du service national. Par ailleurs, l'âge limite est fixé à 28 ans pour le dépôt d'une candidature (article L. 122-1 du code du service national) et à 29 ans pour le recrutement (article 11 du décret n° 2000-1159 du 30 novembre 2000). Le volontaire en entreprise est souvent présenté comme un stagiaire professionnel (ou en formation professionnelle). Fin 2012, 8 574 VI étaient en poste : 7 402 VIE et 1 172 VIA (dont 94 pour la Direction générale du Trésor, 115 pour UBIFRANCE et 963 pour le ministère des Affaires étrangères). L'âge moyen des VIA est de 26/27 ans ; celui des VIE est de 25 ans.

* 15 Ce chiffre ne prend donc pas en compte les dispositifs régionaux.

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