B. UN IMPACT DIFFÉRENCIÉ SELON LES RÉGIMES DE RETRAITE
L' impact financier de la réforme proposée par le Gouvernement est différent selon les régimes de retraite . Les mesures de financement de court terme ont principalement pour but de résorber les déficits du régime général, du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et des autres régimes de retraite de base non équilibrés par une subvention de l'Etat 38 ( * ) .
Toutefois, les régimes spéciaux de retraite , qui couvrent pour l'essentiel les fonctionnaires de l'Etat et les salariés des entreprises publiques, ne sont pas exclus de la réforme . En particulier, les fonctionnaires civils et militaires de l'Etat sont concernés par la hausse des cotisations sociales ainsi que par l'allongement de la durée d'assurance.
En revanche, les régimes de retraite complémentaire obligatoires tels que l'association pour le régime de retraite des salariés (ARRCO), et l'association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) n'entrent pas dans le champ de la réforme . Bien que les résultats de ces régimes, financés par des prélèvements obligatoires, soient inclus dans le déficit et la dette des administrations publiques (APU) au sens de Maastricht, il s'agit de régimes conventionnels dont la gestion a un caractère paritaire et privé. A ce titre, il appartient en premier lieu aux partenaires sociaux de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur équilibre. Néanmoins, l'allongement de la durée d'assurance à compter de 2020 aura un impact indirect sur ces régimes.
1. L'impact financier de la réforme sur les régimes de retraite de base non subventionnés par l'Etat
Tandis que la réforme de 2010 tendait à négliger le régime général d'assurance vieillesse, la présente réforme concentre son action sur les régimes de base non subventionnés par l'Etat, dont le régime général.
Grâce aux mesures de financement de court terme prévues par la réforme 39 ( * ) , le déficit global de la CNAV, du FSV et des autres régimes de base devrait être presque intégralement comblé, passant de 8,8 milliards d'euros en 2014 à 300 millions d'euros en 2020 .
Tableau n° 32 : Impact financier de la réforme sur l'ensemble des régimes de base non subventionnés par l'Etat
(en milliards d'euros 2011)
2014 |
2020 |
2030 |
2040 |
|
Solde avant réforme |
- 8,8 |
- 7,6 |
- 8,7 |
- 13,0 |
Solde après réforme |
- 5,0 |
- 0,3 |
0,9 |
0,0 |
Source : étude d'impact du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
L'impact financier de la réforme est particulièrement important pour le régime général : les mesures de financement de court et moyen terme devraient permettre de ramener le déficit de la CNAV de 3,3 milliards d'euros en 2013 à 1,2 milliards d'euros en 2014 et de rétablir l'équilibre de ses comptes en 2016.
Tableau n° 33 : Solde du régime général et du FSV
(en milliards d'euros 2011)
2012 |
2013 |
2014 avant réforme |
2014 après réforme |
2015 |
2016 |
2017 |
|
CNAV |
- 4,8 |
- 3,3 |
- 3,7 |
- 1,2 |
- 0,6 |
0,0 |
0,6 |
FSV |
- 4,1 |
- 2,7 |
- 3,7 |
- 3,2 |
- 3,0 |
- 2,6 |
- 1,9 |
Total |
- 8,9 |
- 6 |
- 7,4 |
- 4,4 |
- 3,6 |
- 2,6 |
- 1,3 |
Source : dossier de presse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Le choix de réduire en priorité le déficit du régime général d'assurance vieillesse présente l'avantage de dégager des marges de manoeuvre pour réduire le déficit global de la sécurité sociale . L'amélioration des soldes de la CNAV et du FSV à partir de 2014 devrait en effet permettre d'intégrer les déficits de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs (CNAMTS) et de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) dans le champ de la reprise annuelle de dette de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) 40 ( * ) . Cette mesure sera examinée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.
2. L'impact financier de la réforme sur les régimes spéciaux de retraite
Les principaux régimes spéciaux de retraite correspondent au régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat (FPE) et aux régimes spéciaux subventionnés par l'Etat - principalement les régimes de retraite de la RATP, de la SNCF, des mines et des marins. La réforme devrait permettre de réduire le déficit global de ces régimes de 300 millions d'euros dès 2014 et de 800 millions d'euros en 2020 , grâce à la hausse des cotisations et à l'allongement de la durée d'assurance.
Il convient de noter une spécificité importante des régimes de retraite des fonctionnaires de l'Etat, de la SNCF et de la RATP : l'Etat est dans l'obligation d'assurer l'équilibre financier de ces régimes 41 ( * ) . La constitution de déficit étant impossible, il convient de raisonner à partir du solde « apparent », c'est-à-dire avant équilibrage par l'Etat, soit par l'ajustement de sa contribution en tant qu'employeur pour les fonctionnaires, soit par le versement de subventions d'équilibre.
Tableau n° 34 : Impact financier de la réforme sur les régimes spéciaux *
(en milliards d'euros 2011)
2014 |
2020 |
2030 |
2040 |
|
Solde « apparent » avant réforme |
- 5,9 |
- 8,7 |
- 7,7 |
- 4,4 |
Solde « apparent » après réforme |
- 5,6 |
- 7,9 |
- 6,3 |
- 2,1 |
Equilibrage par contributions et subventions de l'Etat |
+ 5,6 |
+ 7,9 |
+ 6,3 |
+ 2,1 |
* Régimes de la fonction publique d'Etat, de la RATP, de la SNCF et des mines.
Source : étude d'impact du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Le présent projet de loi ne contient pas de mesure visant spécifiquement les régimes spéciaux de retraite . S'agissant du régime de la fonction publique d'Etat, la réforme de 2010 a confirmé le mouvement de convergence avec le régime général des salariés du privé, en prévoyant un alignement progressif des taux de cotisation 42 ( * ) et en supprimant plusieurs dispositifs, telle que la possibilité de départ anticipé pour les parents de trois enfants ayant effectué quinze ans de service. Ces mesures de convergence commencent seulement à produire leurs effets 43 ( * ) ; il apparaît donc prématuré de prévoir de nouvelles mesures spécifiques pour ces régimes.
Il en est de même pour les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP : les mesures d'âge prévues par la réforme de 2010 ne s'appliqueront qu'à partir du 1 er janvier 2017 afin de respecter le rythme initial de montée en charge de la réforme de 2008, qui a déjà permis une diminution notable du nombre de départs à la retraite.
3. Un impact seulement indirect sur les régimes de retraite complémentaire obligatoires
La réforme proposée par le Gouvernement aura un effet indirect, à moyen terme, sur les régimes de retraite complémentaire obligatoires . L'allongement de la durée d'assurance, à partir de 2020, pour les salariés affiliés au régime général entraînera mécaniquement un allongement de la durée d'assurance aux régimes complémentaires obligatoires et donc une progression de leurs recettes.
Tableau n° 35 : Impact financier de la réforme sur les régimes complémentaires obligatoires
(en milliards d'euros 2011)
2014 |
2020 |
2030 |
2040 |
|
Solde avant réforme |
- 4,3 |
- 4,4 |
- 7,8 |
- 9,1 |
Solde après réforme |
- 4,3 |
- 4,4 |
- 5,8 |
- 5,8 |
Source : étude d'impact du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Si des mesures courageuses ont été prises par les partenaires sociaux pour limiter les déficits des régimes complémentaires AGIRC et ARRCO 44 ( * ) d'ici 2017, votre rapporteur pour avis considère que la situation de ces régimes doit continuer de faire l'objet d'un suivi attentif par les pouvoirs publics .
* 38 Principalement le régime de base des professions libérales (CNAVPL), les régimes de base des salariés et des non-salariés agricoles (MSA), le régime de base des indépendants (RSI) et le régime de base des agents des collectivités territoriales, des élus locaux et de la fonction publique hospitalière (CNRACL).
* 39 Cf . infra.
* 40 La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 autorise une reprise annuelle de 10 milliards d'euros par la CADES, dans la limite de 62 milliards d'euros entre 2011 et 2018.
* 41 Les pensions civiles et militaires des fonctionnaires de l'Etat sont retracées au sein du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». En vertu de la LOLF, en cours d'année, le total des dépenses du CAS « Pensions » ne peut excéder le total des recettes constatées. Les subventions aux caisses de retraite de la SNCF et de la RATP sont quant à elles inscrites dans le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » du budget de l'Etat.
* 42 Situé à 7,85 % en 2010, le taux de cotisation « vieillesse » des fonctionnaires de l'Etat doit être porté progressivement à 10,55 % d'ici 2020.
* 43 Cf . Rapport sur les pensions de retraite de la fonction de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2013.
* 44 Cf . supra.