B. LA RÉFORME DU SYSTÈME DE RETRAITES ET LA CONSOLIDATION DES FINANCES PUBLIQUES

En plus d'assurer la pérennité du système de retraites, la réforme portée par le projet de loi garantissant l'avenir du système de retraites participera pleinement à la consolidation des finances publiques . Par des mesures de court-moyen terme, elle contribuera au respect de la trajectoire des finances publiques sur la période de programmation 2012-2017. En outre, les mesures de long terme permettront une meilleure soutenabilité des finances publiques à long terme .

1. Une pleine participation au respect de la trajectoire des finances publiques
a) La trajectoire des finances publiques sur la période 2012-2017

La trajectoire des finances publiques est définie dans le cadre des engagements européens de la France : elle doit respecter tout à la fois les règles du pacte de stabilité et de croissance (PSC) et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

(1) Le retour du déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2015

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC), dont les modalités sont précisées dans le protocole n° 12 annexé au traité sur l'Union européenne (TUE) relatif aux déficits excessifs, interdit aux Etats membres d'avoir un déficit public supérieur à 3 % du PIB et une dette publique excédant 60 % du PIB . A cet effet, il comporte un volet dit « préventif » - qui impose aux Etats membres de poursuivre un objectif de moyen terme (OMT) défini en termes de solde structurel - et un volet dit « correctif » 27 ( * ) .

Aussi est-ce dans le cadre du volet « correctif » que la France fait l'objet, sur décision du Conseil de l'Union européenne, d'une procédure de déficit excessif (PDE) depuis 2009 . Au titre de cette dernière, il était prévu que la France ramène son déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2013. Toutefois, compte tenu de la « forte détérioration de la position budgétaire due à une position globale de l'économie moins favorable que celle sur laquelle se fonde la recommandation du Conseil de 2009 », la Commission a proposé le 29 mai dernier d'accorder à la France une prolongation jusqu'à 2015 du délai pour corriger son déficit excessif 28 ( * ) . Cette position a été validée par le Conseil de l'Union européenne le 21 juin 2013.

Ce report de deux années de la procédure de déficit excessif s'est accompagné de recommandations du Conseil s'agissant de la trajectoire de solde public de la France jusqu'à 2015 . Elles comprennent des cibles de déficit effectif ainsi que des objectifs d'ajustement du solde structurel.

Tableau n° 24 : Recommandations du Conseil concernant la trajectoire des finances publiques dans le cadre de la procédure de déficit excessif

(en % du PIB)

2013

2014

2015

Cibles de déficit excessif

3,9

3,6

2,8

Objectifs d'ajustement structurel

1,3

0,8

0,8

Source : Conseil de l'Union européenne (2013)

Ainsi, la France devra s'attacher à respecter les cibles de déficit excessif préconisées par le Conseil de l'Union européenne . Si ces dernières n'étaient pas atteintes et que les objectifs d'ajustement structurel n'étaient pas remplis, la France s'exposerait à l'application de sanctions pouvant atteindre 0,2 % du PIB ; à cet égard, il faut rappeler que, depuis l'adoption du « six-pack », les sanctions sont généralement adoptées à la majorité qualifiée inversée (MQI) du Conseil de l'Union européenne 29 ( * ) .

(2) La trajectoire de solde structurel définie pour la période 2012-2017
(a) Le solde structurel, nouvelle « norme » des finances publiques

En dépit du maintien de la « règle des 3 % » concernant le déficit public effectif, les évolutions récentes du cadre budgétaire européen ont fait du solde structurel la nouvelle norme des politiques budgétaires . Ainsi, même dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance (PSC), un Etat faisant l'objet d'une procédure de déficit excessif ne saurait être sanctionné dès lors qu'il a réalisé les ajustements du solde structurel recommandés par le Conseil de l'Union européenne.

Il s'agit de mieux concilier consolidation budgétaire et maintien de l'activité économique . En effet, les réductions de déficits publics sont susceptibles d'avoir des effets importants sur la croissance. A ce titre, il faut rappeler que la stagnation de l'activité économique constatée en 2012 avait résulté en grande partie d'une réduction rapide et simultanée des déficits publics des pays de la zone euro.

C'est pourquoi il a été jugé préférable de définir une règle d'équilibre définie en termes de solde structurel 30 ( * ) . Cette évolution a été consacrée avec l'adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union économique et monétaire européenne, entré en vigueur le 1 er janvier 2013.

En application de ce traité, les Etats doivent se doter d'un objectif de moyen terme (OMT) de déficit structurel et, à cette fin, s' engager à suivre une trajectoire de solde structurel .

De manière à garantir le respect de cette trajectoire, le TSCG leur impose d'instituer un mécanisme de correction qui « est déclenché automatiquement si les écarts importants sont constatés par rapport à l'objectif à moyen terme ou à la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation ». La notion d'« écart important » est définie par le volet préventif du pacte de stabilité comme correspondant à un écart d'au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée, ou d'au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives .

En France, le traité a été transposé par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 31 ( * ) qui précise le contenu des lois de programmation des finances publiques , celles-ci devant notamment définir la trajectoire de solde structurel ( cf . infra ), et les modalités d'application du mécanisme de correction .

Ainsi, l'article 23 de la loi organique précitée prévoit qu'en vue du dépôt du projet de loi de règlement , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants 32 ( * ) « que font apparaître la comparaison des résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques ». Lorsque de tels écarts sont identifiés, le Gouvernement doit en exposer les raisons dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement. Puis il doit présenter les mesures de correction envisagées dans le rapport remis dans la perspective du débat d'orientation des finances publiques (DOFP) et tenir compte de l'écart important ainsi constaté au plus tard dans le prochain projet de loi de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale de l'année.

(b) La trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

La trajectoire de solde structurel retenue par la France a été précisée par la loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 33 ( * ) .

L'objectif à moyen terme (OMT) retenu par la France est l'équilibre structurel ( cf . tableau ci-après).

Tableau n° 25 : Evolution du solde effectif et du solde structurel prévue par la LPFP 2012-2017

(en points de PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde effectif

-4,5

-3,0

-2,2

-1,3

-0,6

-0,3

Solde structurel

-3,6

-1,6

-1,1

-0,5

0,0

0,0

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

Toutefois, la forte dégradation de la conjoncture au cours de l'année 2012 a rendu nécessaire une révision des hypothèses macroéconomiques pour les années 2013 à 2015 . Ces hypothèses révisées ont été précisées dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2014.

Tableau n° 26 : Principales hypothèses du scénario macroéconomique du projet de loi de finances pour 2014

(évolution, en %)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PIB en volume

0,0

0,1

0,9

1,7

2,0

2,0

Déflateur du PIB

1,5

1,6

1,4

1,7

1,7

1,7

Inflation

1,9

0,8

1,3

1,75

1,75

1,75

Masse salariale privée

1,7

1,3

2,2

3,5

4,0

4,0

PIB potentiel

1,3

1,4

1,5

1,5

1,6

1,6

Source : RESF annexé au PLF pour 2014

En conséquence, les prévisions d'évolution du solde effectif et du solde structurel pour la période de programmation ont également été revues dans le cadre du PLF pour 2014.

Tableau n° 27 : Evolution du solde effectif et du solde structurel prévue dans le cadre du PLF pour 2014

(en points de PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde effectif

-4,8

-4,1

-3,6

-2,8

-1,7

-1,2

Solde structurel

-3,9

-2,6

-1,7

-0,9

-0,2

0,0

Source : RESF annexé au PLF pour 2014

Force est donc de constater que la révision de la trajectoire des finances publiques - imposée par les évolutions de la conjoncture économique - n'a pas conduit à une remise en question de l'atteinte de l'objectif de moyen terme (OMT) de solde structurel sur laquelle la France s'est engagée , à savoir l'équilibre structurel à la fin de la période de programmation. Par ailleurs, la nouvelle trajectoire répond aux obligations découlant de la procédure de déficit excessif (PDE) et permet un retour du déficit public effectif en deçà de 3 % du PIB en 2015.

b) La part de la réforme du système de retraites dans le respect de la trajectoire

Afin de respecter cette trajectoire vers l'équilibre structurel en 2017, le Gouvernement a prévu un ajustement structurel - soit une réduction du déficit structurel - à hauteur de 0,9 point de PIB en 2014 . Celui-ci repose sur un effort structurel 34 ( * ) de même niveau comprenant un effort en recettes de 0,2 point de PIB et un effort en dépenses de 0,7 point de PIB.

Il apparaît que les mesures prévues dans le cadre de la réforme du système de retraites représentent une part substantielle de l'effort structurel prévu au titre de l'exercice 2014 .

Ainsi l'effort en recettes de 2,7 milliards d'euros programmé en 2014 repose-t-il en grande partie sur les mesures nouvelles entrant dans le périmètre de la réforme 35 ( * ) - à savoir principalement les hausses des cotisations de retraite et la suppression de l'exonération d'impôt sur le revenu des majorations de pensions - dont l'impact est évalué à 3,4 milliards d'euros ( cf. tableau ci-après).

Tableau n° 28 : Impact des dispositions en recettes pour l'année 2014

(en milliards d'euros)

Mesures en recettes prévues pour 2014

2,7

Pérenniser notre modèle social

5,9

Réformer les retraites

3,4

Hausse des cotisations de retraite (salariés)

1,05

Hausse des cotisations de retraite (employeurs)

1,05

Suppression de l'exonération d'impôt sur le revenu des majorations de pensions

1,2

Mesures agricoles

0,1

Rénover la politique familiale et éducative

1,5

Financer la généralisation des complémentaires santé

1,0

Encourager la croissance, la compétitive et l'emploi

-3,4

Soutenir le pouvoir d'achat et l'accès au logement

-1,5

Réussir la transition écologique

0,5

Lutter contre la fraude et l'optimisation fiscale

1,8

Autres

-0,6

Source : RESF annexé au PLF pour 2014

De même, s'agissant de l'effort en dépenses, sur les 15 milliards d'euros d'économies prévus en 2014, 800 millions d'euros résulteront du report du 1 er avril au 1 er octobre de la date de revalorisation des pensions en fonction de l'inflation .

Au total, les mesures en recettes et en dépenses prévues dans le cadre de la réforme du système de retraites devraient contribuer à hauteur de 4,1 milliards d'euros environ à l'ajustement des finances publiques en 2014 . En outre, cette dernière continuerait à participer à l'effort de consolidation budgétaire au cours de la période de programmation ; à cet égard, l'impact des mesures de redressement atteindrait 8,1 milliards d'euros à l'horizon 2020 ( cf. tableau ci-après).

2. Une meilleure soutenabilité des finances publiques à long terme

Enfin, la réforme du système de retraites permettrait de renforcer la soutenabilité des finances publiques à long terme . L'impact du vieillissement de la population sur les finances publiques devrait être, sur le long terme, plus faible pour la France que pour la plupart des États membres de l'Union européenne - le coût actualisé du vieillissement devrait être de 0,9 point de PIB en France, contre une moyenne de 2,2 en moyenne dans l'Union européenne ( cf. graphique ci-après) -, en raison notamment d'une fécondité élevée et de la montée en charge progressive des réformes des retraites déjà engagées. Pour autant, les projections réalisées à partir des travaux du COR présentées précédemment mettent en évidence les besoins importants de financement à long terme du système de retraites 36 ( * ) .

Graphique n° 29 : Coût actualisé du vieillissement en Europe

(en % du PIB)

Source : RESF annexé au PLF pour 2014

C'est pourquoi le présent projet de loi comporte des mesures de long terme qui permettront de préserver l'équilibre financier du système de retraites à l'horizon 2040 ; il s'agit notamment de la mesure d'allongement de la durée d'assurance après 2020, qui viendra s'ajouter aux autres mesures de redressement déjà mentionnées dont les effets seraient croissants avec le temps ( cf. tableau ci-après).

Ainsi, à l'horizon 2040, la réforme du système des retraites prévoit des économies à hauteur de 13,3 milliards d'euros et des recettes supplémentaires de 8,4 milliards d'euros 37 ( * ) . S'il est tenu compte des mesures de justice - en particulier la prise en compte de la pénibilité et de la fragilité de certains assurés -, le gain net de la réforme est estimé à 18,6 milliards d'euros en 2040 . A cet égard, le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2014 indique qu'« au total, les volets dépenses et recettes de la réforme des retraites des régimes de base présentée par le Gouvernement conduisent à améliorer la soutenabilité de 0,5 point de PIB de manière actualisée, c'est-à-dire qu'elle est équivalente à une amélioration du solde structurel immédiate et pérenne de 0,5 point de PIB ».

Tableau n° 30 : Impact de la réforme sur l'ensemble des régimes de retraite

(en milliards d'euros 2011)

2014

2020

2030

2040

Mesures de redressement à court-moyen terme

4,1

8,0

9,6

11,3


• Retraités

2,0

3,2

3,7

4,2

Report de l'indexation des pensions (1)

0,8

1,9

2,2

2,6

Fiscalisation des majorations de pension (2)

1,2

1,3

1,5

1,7


• Salariés : hausse de cotisations de 0,15 point en 2014 et de 0,05 point de 2015 à 2017 (3)

1,1

2,3

2,8

3,4


• Entreprises : hausse de cotisations de 0,15 point en 2014 et de 0,05 point de 2015 à 2017 (4)

1,1

2,3

2,8

3,4


• Economies de gestion (5)

0,2

0,3

0,3

Mesure d'allongement de la durée d'assurance après 2020 (6)

0,0

5,4

10,4

Total des mesures de redressement

4,1

8,1

15,0

21,6

dont économies (7)

0,8

2,1

7,9

13,3

dont recettes (8)

3,3

6,0

7,1

8,4

Mesures de justice et financement associé

0,0

0,0

-1,9

-3,0

Impact net des mesures

4,1

8,1

13,1

18,6

(7)=(1)+(5)+(6)

(8)=(2)+(3)+(4)

Source : calculs de la commission des finances (donnée du RESF annexé au PLF pour 2014)


* 27 Les volets « préventif » et « correctif » ont été profondément renforcés et complétés en novembre 2011 par trois règlements et une directive adoptés dans le cadre du « six-pack ».

* 28 Recommandation de la Commission du 29 mai 2013 de recommandation du Conseil pour qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France, COM(2013) 384.

* 29 Cela signifie que les sanctions sont considérées comme adoptées sauf à ce qu'une majorité qualifiée de membres du Conseil de l'Union européenne s'y oppose.

* 30 Le solde public structurel correspond au solde public corrigé des effets du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. En quelque sorte, il s'agit du solde public tel qu'il serait constaté si le PIB était égal à son potentiel.

* 31 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 32 Au titre de l'article 23 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, « un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives ».

* 33 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 34 L'effort structurel des administrations publiques représente ce qui, dans la variation du solde structurel, est imputable à l'action discrétionnaire des pouvoirs publics. Il est défini comme la somme d'un effort en dépenses et d'un effort en recettes.

* 35 Pour autant, ces différentes mesures ne sont pas inscrites dans le présent projet de loi mais seront adoptées par voie réglementaire, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2014, ou encore du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.

* 36 A titre de rappel, selon le scénario retenu par le Gouvernement dans le présent projet de loi, le déficit du système de retraites atteindrait 26,6 milliards d'euros 2011 en 2040.

* 37 Les montants sont exprimés en euros 2011.

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