III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS »
A. UN COMPTE RÉCENT DONT LE VOLUME S'ACCROIT
Ce compte d'affectation spéciale a été créé l'an dernier afin d'assurer la pérennité des lignes ferroviaires d'équilibre du territoire . L'ouverture progressive à la concurrence en Europe, la difficulté pour la SNCF de poursuivre la péréquation interne entre les lignes rentables et celles déficitaires, et l'entrée en vigueur du règlement communautaire dit « OSP » 21 ( * ) du 23 octobre 2007, ont rendu nécessaire la création de ce compte d'affectation spéciale, qui externalise les coûts d'exploitation et de maintenance du matériel roulant sur ces lignes. La direction de la SNCF souhaite désormais que chaque secteur d'activité du groupe parvienne à terme à l'équilibre financier. Or, l'exploitation des trains d'équilibre du territoire s'élève à 1 milliard d'euros environ en 2010. La plupart des lignes Corail - trains Téoz, Lunéa, Corail Intercités et autres trains Corail - étant déficitaires, les recettes tirées de la vente des billets de train ne représentent que 80 % du coût de fonctionnement de ces trains, les 20 % restants étant attribués sous forme de compensation versée par l'État à la SNCF à travers le présent compte d'affectation spéciale.
Les recettes du CAS augmentent d'un tiers (+ 70 millions d'euros) pour s'établir à 280 millions . Elles répondent à une double logique. D'une part, la « route finance le rail » à travers la fraction de la taxe d'aménagement du territoire payée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes (35 millions d'euros en 2012 comme en 2011). D'autre part, le « rail finance le rail » car les activités des entreprises ferroviaires de transport de voyageurs rentables sont taxées à travers la contribution de solidarité territoriale (CST) et la nouvelle taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF). La première passera de 100 à 90 millions d'euros l'an prochain. En contrepartie, la TREF connaîtra une hausse significative, de 75 à 155 millions d'euros.
Il existe deux différences majeures entre la CST et la TREF . Premièrement, la CST est assise sur le chiffre d'affaires des activités de transport conventionnées effectuées entre deux gares du réseau ferré national, tandis que l'assiette de la TREF est le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés. Deuxièmement, la TREF est acquittée par les entreprises qui paient déjà au moins 300 millions d'euros au titre de la CST. Le Gouvernement avait annoncé l'an dernier sa volonté de créer la TREF pour alléger le montant de la CST et faire participer l'ensemble des activités bénéficiaires du système ferroviaire au financement des trains d'équilibre du territoire. La hausse de la CST aurait en effet pesé sur l'activité TGV déjà fragilisée par les hausses des péages, même si in fine , c'est bien la SNCF qui paie seule ces deux taxes.
C'est pourquoi l' article 19 de la première partie du projet de loi de finances pour 2012 ajuste les fourchettes de taux de la CST et de la TREF et augmente le plafond du produit pour cette dernière taxe 22 ( * ) .
Le CAS comprend deux programmes : le programme 785 « Exploitation des services nationaux de transport conventionnés » 23 ( * ) , doté de 187,7 millions d'euros (contre 127,5 millions l'an passé) , et le programme 786 « Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés » 24 ( * ) qui bénéficie de 92,3 millions d'euros (contre 82,5 millions d'euros en 2011) . L'essentiel du programme 785 est dédié à l'exploitation proprement dite des services nationaux de transport, seuls 200 000 euros étant affectés aux enquêtes, études et conseils. De même, la quasi-intégralité du programme 786 se concentre sur le renouvèlement du matériel roulant, les enquêtes, études et autres conseils ne représentant qu'une enveloppe de 300 000 euros.
La hausse du programme 785 découle directement de l'avis de l'Autorité de régulation de l'activité ferroviaire du 2 février 2011 sur le document relatif au document de référence du réseau ferré national pour 2012 25 ( * ) . L'Autorité a en effet obligé RFF à aligner ses redevances de circulation (ou péages) sur les lignes classiques dues par les trains de voyageurs nationaux ou internationaux, qu'ils soient « aptes à la grande vitesse » ou non, car elle a estimé que cet écart n'était pas « cohérent avec les charges d'exploitation et de maintenance » en cause. Ramené au train kilomètre et sur la base du document de référence du réseau publié par RFF, la redevance de circulation passera ainsi de 1,88 euro en 2011 (catégorie des trains autres sur grandes lignes périurbaines) à 3,54 euros en 2012 (catégorie des autres trains non aptes à la grande vitesse circulant sur ligne classique), soit un quasi doublement. Par conséquent, les redevances payées par les trains d'équilibre du territoire augmenteront de 70 millions d'euros en 2012. Il a donc fallu revoir à la hausse la part de la compensation couvrant le déficit courant d'exploitation établi contractuellement entre l'État et SNCF sur la base d'un audit réalisé conjointement en 2010 26 ( * ) . Le Gouvernement assure toutefois que le relèvement des péages n'aura aucune incidence sur le prix du billet payé par les voyageurs.
* 21 Cf. le règlement européen n° 1370/2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route. Ce texte indique que l'organisation de dessertes ferroviaires qu'une entreprise normale, considérant uniquement son intérêt commercial, refuserait d'exploiter, ou accepterait d'exploiter sous réserve de contreparties financières, est assimilable à une obligation de service public.
* 22 Plus secondairement, cet article harmonise les échéances de déclaration et de recouvrement de ces deux taxes et rend éligibles au compte d'affectation spéciale les dépenses relatives aux enquêtes, études et missions de conseil.
* 23 Le libellé de ce programme était l'an passé : « contribution à l'exploitation des services de transport conventionnés ».
* 24 Le libellé de ce programme a également changé depuis l'année dernière, puisque l'on parlait alors de « contribution au matériel roulant des services nationaux de transports conventionnés ».
* 25 Cf. l'avis n° 2011-002 du 2 février 2011 de l'ARAF, et plus particulièrement le point IV. 5.
* 26 Pour mémoire, cette compensation couvre, d'une part, le déficit d'exploitation entre la somme des produits et les charges d'exploitation (charge de circulation des trains, dont les péages, charges au sol, charges de maintenance courante des matériels roulants, charges de structures, etc...) et, d'autre part, le bénéfice raisonnable qu'est en droit d'attendre l'exploitant.