EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 novembre 2011, sous la présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente, la commission examine le rapport pour avis de M. Jacques Legendre sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles - Programme Livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2012.

Un débat s'engage après l'exposé du rapporteur pour avis.

Mme Marie-Christine Blandin , présidente . - Lorsque nous avons des auditions de ministres ou des présentations de rapport, je vous propose de donner la parole d'abord aux rapporteurs sur la thématique concernée, puis une parole par groupe ; ensuite, si nous avons le temps, nous ouvrirons plus largement un débat. Si cette méthode vous convient, nous pourrons entendre un maximum de personnes et aussi tenir le temps.

M. Claude Domeizel . - J'ai écouté avec beaucoup d'attention le rapport de notre collègue. Il est vrai qu'il s'agit d'un rapport concernant la loi de finances pour 2012. Je pense que votre rapport devrait mentionner l'effort considérable réalisé par les collectivités territoriales en matière d'accès à la lecture. Je découvre que des sommes importantes y sont consacrées dans le budget de l'État et qu'elles n'arrivent pas dans nos communes. Il serait intéressant de faire le point sur les sommes consacrées par nos collectivités aux médiathèques, bibliothèques, bibliobus... Elles doivent être considérables.

Mme Colette Mélot . - Je voudrais m'associer au satisfecit évoqué concernant le cheminement de la proposition de loi relative au prix du livre numérique, notamment à propos de la clause d'extraterritorialité. En fait, nous avons eu raison de batailler. Cette clause est importante pour nos éditeurs et nos libraires.

Vous avez évoqué le label « libraire de référence ». Disposez-vous d'information sur le portail 1001 libraires.com ? Y-a-t-il beaucoup de libraires qui y adhéré ? Est-ce que ce site a pu avoir le succès qu'il méritait ?

M. André Gattolin . - Vous avez évoqué la question des jeux vidéo. Ils sont considérés comme un produit culturel nouveau émergeant. Je me dois de vous faire remarquer que lorsqu'on regarde les budgets engagés par les industries du jeu vidéo on se situe dans des niveaux comparables aux plus grands films américains. La France a eu depuis les années 1980, tant en termes de fabrication de supports que de contenus, une industrie extrêmement riche, mais on a toujours négligé cette industrie. On s'intéresse beaucoup au cinéma, à la lecture, mais très peu, en termes d'aide, à l'industrie du jeu vidéo. Il existe en France plusieurs écoles privées ou aidées publiquement par les chambres de commerce qui sont considérées d'excellence dans le monde. Un tiers à la moitié des étudiants qui en sortent partent travailler à l'étranger, notamment aux États-Unis et au Canada. Les grandes industries françaises ont l'essentiel de leurs activités à New York ou à Montréal. Notre pays n'a pas en matière d'investissement industriel une politique forte, ce qui se traduit par des contenus assez critiquables alors que cette industrie se diversifie dans ces apports. Elle est essentielle aujourd'hui en termes de diffusion auprès de la jeunesse. On reste dans les meilleures ventes avec des jeux de guerre, dans des univers totalement américains.

Il est regrettable qu'il n'y ait pas de véritable levier au niveau de la puissance publique pour orienter cette industrie qui a mon sens en est au passage de l'équivalent de ce qui s'est produit entre le cinéma muet et le cinéma parlant. En termes de chiffre d'affaires, d'investissement dans les produits, c'est colossal. J'ai l'impression que les pouvoirs publics français sont encore très en deçà de cette nouvelle réalité. Malheureusement, nos génies nationaux en la matière tant entrepreneuriale que créative partent à l'étranger.

Mme Françoise Cartron . - Je voudrais inscrire ce rapport dans une vision globale et cohérente d'une politique.

Redonner le goût de la lecture est une très belle ambition que nous partageons. Il faut cependant élargir le champ de notre regard. Cela passera par une politique éducative très ambitieuse. Ce goût de la lecture se donne très jeune.

Il est également soutenu très fortement par les communes, par les bibliothèques et les médiathèques, par les départements avec les opérations des bibliothèques départementales de prêt. Je voudrais connaître le niveau d'implication de l'État par rapport à celui des collectivités territoriales. La région Aquitaine a été aussi précurseur auprès de la librairie indépendante. Les régions ont choisi de la soutenir très fortement pour la sauver. Il ne faudrait pas que cette ligne budgétaire ne soit qu'une ligne d'affectation sans véritable mobilisation.

Je m'interroge aussi sur les pistes évoquées de nouveaux crédits d'impôt à l'heure où on nous demande de supprimer les niches fiscales et de muscler le budget de l'État. Cela me paraît antinomique.

Mme Maryvonne Blondin . - Redonner le goût de la lecture est essentiel. Le rôle des collectivités territoriales est important par la mise en place de schémas départementaux de la lecture publique, en créant des structures d'équipement de proximité, des médiathèques, en mettant en place les bibliobus qui circulent dans les départements, en aidant à la professionnalisation souvent de petites structures bénévoles, en affectant des catégories A spécialisées dans les équipements, ce qui impacte le fonctionnement.

L'État avait mis en place en place un Observatoire national de la lecture publique qui comprenait une dizaine de collectivités dont le département du Finistère. Avez-vous eu des résultats ? Nous n'en disposons pas en tant que collectivité.

Existe-il des échanges approfondis entre les éditeurs et les imprimeurs pour une aide à la reconversion professionnelle ?

M. Jean-Pierre Leleux . - Dans la loi que nous avons votée sur le livre numérique, nous nous sommes cantonnés au livre homothétique. Bien entendu, ces livres ne sont pas destinés à être imprimés et lus sur papier. Donc ils vont très vite évoluer. Ne faudrait-il pas anticiper sur l'évolution législative qu'il va falloir vraisemblablement engagée ?

Je suis intéressé par une étude sur l'évolution de nos bibliothèques, notamment dans les communes qui travaillent sur la création d'une nouvelle médiathèque. La rédaction du cahier des charges devient complexe voire risquée. L'évolution des modes d'accès à la lecture est telle que les structures de lecture publique vont nécessairement évoluer. Il y a vraisemblablement des études prospectives à réaliser sur ce que seront les lieux physiques de bibliothèques-médiathèques dans les années à venir. Je m'interrogerai sur l'opportunité de créer une réflexion sur le devenir des bibliothèques et des médiathèques.

M. Jacques Legendre , rapporteur pour avis - Le nombre des questions montre bien que l'on se situe pleinement dans l'actualité et que tout change très vite.

Je me suis limité à analyser le budget que nous avons à voter. Le département, voire la région, concourent fortement à la lecture publique. C'est intéressant de faire le point de l'action menée par les collectivités territoriales. Elles y jouent un rôle important.

Le portail 1001 libraires.com constituait une réponse à l'invasion de Google. Or cette réponse est ratée. Ce portail a été mal réalisé par la société prestataire. Il était trop ambitieux. Les libraires et le ministère de la culture sont convaincus qu'il faut se recentrer. Les acteurs de la librairie ciblent sur la géolocalisation des ouvrages. Je ne leur ai pas caché un certain scepticisme. Leur produit n'est pas vraiment un concurrent à Amazon dont les moyens engagés sont considérables. Je crois qu'il est difficile pour un ensemble de libraires de se rassembler. La question n'est pas réglée. J'avoue une inquiétude. L'action doit continuer à être réfléchie sur ce point. L'important est la capacité à maintenir un réseau de libraires sur notre territoire. Saluons cet effort. Le label est certes un élément important. Mais la qualité des personnels présents dans les librairies est une réponse plus déterminante. La médiation culturelle me semble être plus efficace dans ce domaine.

S'agissant des jeux vidéo, vous avez raison de regretter que la France ait fourni les créateurs et que l'accueil soit fait dans d'autres pays. Notre commission s'est ainsi rendue au Canada pour étudier ce secteur. Nous avons constaté qu'il regroupe de nombreux emplois dont plusieurs centaines occupés par des Français. J'ai constaté un intérêt nouveau du ministre de la culture sur ce point. Il s'est rendu dans le département du Nord pour visiter l'école SupInfogame à Valenciennes et un centre de formation situé à Roubaix. Nous devons souhaiter que la France mobilise davantage ses talents dans ce secteur. Le Canada réalise un effort massif pour devenir une grande puissance : dans ce domaine, par exemple 45 % des salaires sont pris en charge par la ville de Montréal. Il faut insister auprès du ministère. C'est une forme moderne de l'expression artistique. L'univers virtuel qui est popularisé est très anglo-saxon. Il serait bien de populariser un univers plus européen avec autant d'attractivité.

Nous partageons un même souci de redonner le goût de la lecture. Vous avez raison de dire que cela ne concerne pas seulement les bibliothèques et l'action du ministère de la culture. Cela passe aussi par l'école. C'est une action d'un ensemble d'acteurs, de l'État, des collectivités territoriales.

Les maires sont souvent passionnés en France par la réalisation d'une médiathèque. Notre grande interrogation est le cahier des charges compte tenu des évolutions. Par les nouvelles technologies, les jeunes sont amenés à revenir au livre papier. L'engagement des bibliothécaires est essentiel. Les différentes actions menées en ce sens nécessitent beaucoup d'imagination des acteurs locaux. Il serait intéressant de pouvoir faire le point sur ces initiatives passionnantes, comme les villages du livre qui attirent eux un public plus classique. Tout est important dans ce domaine. Notre action doit porter en parallèle sur le livre numérique et le livre papier ; le public arbitrera.

La mise en oeuvre du site de l'Observatoire de la lecture publique est prévue pour la fin 2011. Il est donc difficile de vous dresser un bilan pour l'instant.

Je n'ai pas d'informations concernant les imprimeurs. Une association s'est créée pour soutenir le livre papier, Culturepapier. Nous les avons entendus.

Nous avons légiférer sur le livre numérique homothétique car c'était le seul qui existait à ce moment-là. Cette loi sera de ce point de vue assez vite dépassée. Nous aurons à légiférer sur le livre non homothétique. S'il le faut, il est normal qu'une nouvelle loi soit envisagée deux à trois ans après pour tenir compte des évolutions constatées. Nous ne devons pas nous laisser dépasser. Si on laisse des pratiques importées par de puissantes sociétés étrangères s'implantaient sur le marché, des mauvaises habitudes auront été éventuellement mises en place. Acceptons dans ce domaine de nous dire que nos lois ne sont pas gravées dans le marbre. C'est d'abord un appel à la vigilance qu'il faut y avoir sur ce point.

Une réflexion sur l'action des collectivités et sur ce que peut être la médiathèque du XXI e siècle pourrait être utile aux élus.

Mme Marie-Christine Blandin , présidente . - Je voudrais apporter une précision. Culturepapier est une formation de type lobbying ayant un débouché sur un groupe d'études à l'Assemblée nationale, mais rattachée à la commission des affaires économiques.

S'agissant du soutien à une véritable filière du jeu vidéo, notre commission avait soutenu et fait adopter, l'an dernier, un amendement pour maintenir le statut des jeunes entreprises innovantes, mais la commission mixte paritaire ne nous avait pas suivis.

Je souhaite insister sur la mention dans votre rapport de l'effort des collectivités territoriales dans le domaine de la lecture publique et la nécessité de muscler l'appel à une vraie politique industrielle pour les jeux vidéo. Je connais beaucoup d'étudiants qui sont devenus mondialement reconnus pour leurs talents. Ils sont partis en Australie, à Londres, ils ont des propositions pour travailler au Québec, ils ont envie de revenir ici mais ils ne trouvent pas de terrain pour exprimer leurs talents et avoir des emplois à leur hauteur.

A l'issue de cet échange de vues, le rapporteur pour avis propose, à titre personnel, de donner un avis favorable aux crédits du programme « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2012.

Cependant, le vote sur l'ensemble des crédits de la mission est réservé jusqu'au mercredi 16 novembre, date de l'examen des crédits des autres programmes de la mission.

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