B. L'INDISPENSABLE RECONNAISSANCE JURIDIQUE DES RÉDACTIONS

En déposant, en décembre 2010, une proposition de loi relative à l'indépendance des rédactions, votre rapporteur pour avis entendait renforcer :

- les garanties en matière d'indépendance des médias en France en procédant à la reconnaissance de l'existence juridique des rédactions ;

- les obligations de transparence sur l'actionnariat des entreprises éditrices de média.

Contrairement à ce qui avait été prétendu par le Gouvernement et la précédente majorité sénatoriale qui a rejeté le texte en janvier 2011, les actuels dispositifs visant à garantir l'autonomie des rédactions vis-à-vis de la direction et des propriétaires du titre de presse, à savoir la clause de conscience et la clause de cession exercées à titre individuel par les journalistes, ne permettent pas de garantir l'indépendance des rédactions dans un environnement professionnel profondément précarisé.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis recommande de modifier la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse en reprenant les dispositions de la proposition de loi précitée afin de prévoir la mise en place de droit au sein de toute entreprise éditrice de média d'une équipe rédactionnelle permanente et autonome ou d'une association de journalistes qui se verraient reconnaître des prérogatives substantielles dans le fonctionnement du titre de presse, la nomination du responsable de la rédaction, la fixation de la ligne éditoriale du titre de presse et la conduite des projets de modification de l'actionnariat :

- l'équipe rédactionnelle permanente et autonome est appelée à participer à l'élaboration d'une charte éditoriale et déontologique propre au titre et à veiller au respect des chartes de déontologie de la profession. Elle est consultée aussi bien sur la nomination du responsable de la rédaction et sur les projets de changement de politique éditoriale ou rédactionnelle envisagés par la direction, et peut s'y opposer. Elle est également habilitée à se prononcer sur des changements importants dans la composition du capital ou dans l'équipe de direction, le cas échéant par la voie d'un scrutin de défiance ou la saisine du comité d'entreprise pour faire jouer le droit d'alerte ;

- l'association des journalistes ou la société des rédacteurs sont appelées à être représentées au conseil d'administration ou de surveillance dans le cas de publications d'information politique et générale, et à voter sur la désignation du responsable de la rédaction. Dans le cas où la direction déciderait de passer outre un avis contraire de l'association des journalistes exprimé à la majorité qualifiée sur le candidat envisagé par la direction comme responsable de la rédaction, la décision serait constitutive d'un changement notable permettant aux journalistes de faire jouer la clause de conscience.

Votre rapporteur pour avis regrette que Le Monde soit aujourd'hui le seul quotidien national à disposer d'une société des rédacteurs dotée de pouvoirs substantiels lui permettant de veiller à la préservation de l'indépendance rédactionnelle du titre. Compte tenu des difficultés financières de l'entreprise, les négociations avec les actionnariats successifs sont susceptibles de conduire à un émiettement progressif de ses prérogatives, en l'absence de dispositions législatives protectrices.

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