III. UNE AUTRE POLITIQUE DE L'EMPLOI EST POSSIBLE À CONDITION DE REMETTRE EN CAUSE CERTAINES NICHES FISCALES ET SOCIALES
Si votre commission considère que les crédits de la mission ne sont pas à la hauteur des besoins, elle est également soucieuse de la bonne gestion des finances publiques. Toute augmentation des dépenses doit donc s'accompagner d'une action sur les recettes, en privilégiant la remise en cause de niches fiscales et sociales qui n'ont pas, ou peu, d'effets positifs sur l'emploi.
A. DES MONTANTS CONSIDÉRABLES SONT EN JEU
Pour réduire le coût du travail peu qualifié, l'Etat a multiplié les mesures d'exonérations fiscales et sociales . Certaines exonérations sont d'application très générale tandis que d'autres sont ciblées sur un territoire ou un secteur d'activité. Une petite partie seulement de cet effort financier trouve une traduction budgétaire dans les crédits de la mission : les exonérations de cotisations sont, en effet, majoritairement compensées par l'affectation à la sécurité sociale de recettes fiscales, voire ne donnent lieu, pour certaines, à aucune compensation.
1. Les dépenses fiscales
Les dépenses fiscales qui ont pour finalité l'emploi ou l'amélioration des conditions de travail sont recensées dans le projet annuel de performance. Leur montant global atteint 10,8 milliards d'euros , soit un montant supérieur à celui des crédits de la mission.
Près de 2,9 milliards de dépenses fiscales sont associés au programme 102 « Accès et retour à l'emploi » : la prime pour l'emploi (PPE), qui incite ses bénéficiaires à reprendre un emploi plutôt qu'à vivre des minima sociaux, occasionne, à elle seule, une dépense de 2,8 milliards.
Près de 6,3 milliards sont rattachés au programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » : on y trouve notamment les diverses mesures destinées à favoriser le développement des services à la personne (pour un total de 4 milliards d'euros) et l'exonération d'impôt sur le revenu applicable aux heures supplémentaires, qui prive l'Etat d'1,4 milliard d'euros de recettes.
Le solde, soit 1,6 milliard d'euros, est rattaché au programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » : il s'agit, pour l'essentiel, de mesures destinées à aider les employeurs à prendre en charge une partie des frais de restauration et des frais de transport de leurs salariés.
2. Les exonérations de cotisations
a) Les exonérations générales
L'allègement général de cotisations sociales et l'exonération sur les heures supplémentaires sont compensés à la sécurité sociale par l'affectation de recettes fiscales et n'apparaissent donc pas dans les crédits de la mission. Compte tenu du montant des sommes en jeu, il paraît néanmoins justifié dan faire mention dans le présent rapport.
Depuis 2003, toutes les entreprises bénéficient d'un allégement de cotisations sociales sur les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic. Cet allégement, dégressif, est égal à vingt-six points de cotisations sociales patronales pour un salaire égal au Smic. Depuis le 1 er juillet 2007, il a été porté à 28,1 points de cotisations dans les entreprises de moins de vingt salariés. Son coût devrait s'élever, en 2012, à 20,1 milliards d'euros.
Depuis le 1 er octobre 2007, les rémunérations versées au titre des heures supplémentaires sont exonérées de cotisations sociales salariales et se voient appliquer une réduction forfaitaire sur les cotisations patronales. Le coût de cette exonération devrait atteindre 3,5 milliards l'an prochain.
A l'heure actuelle, le bénéfice de l'allègement général et de l'exonération sur les heures supplémentaires se cumulent. La loi travail, emploi et pouvoir d'achat (Tepa) du 10 août 2007 a en effet explicitement prévu la neutralisation des heures supplémentaires dans le calcul de l'allègement général. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 16 ( * ) envisage cependant d'intégrer la rémunération afférente aux heures supplémentaires dans le calcul de l'allégement général de cotisations. Cette mesure devrait rapporter 600 millions d'euros en 2012.
b) Les exonérations territorialisées
Demeurent dans le budget de l'Etat les crédits destinés à compenser les pertes de recettes supportées par la sécurité sociale en raison de mesures d'exonération territorialisées. Trois dispositifs ont un impact significatif sur le plan budgétaire.
Le projet de loi de finances prévoyait, initialement, une dotation de près de 44 millions d'euros au titre de l'exonération de cotisations sociales applicable dans les zones de restructuration de la défense (ZRD).
Les ZRD sont situées dans des territoires affectés par le départ d'installations militaires dans le cadre de la réorganisation des armées. L'exonération, qui vise à favoriser l'arrivée de nouveaux employeurs, consiste en une franchise de cotisations patronales maladie, vieillesse et famille, pendant cinq ans, dans la limite de 1,4 Smic ; au-delà de ce seuil, l'exonération devient dégressive et s'annule pour une rémunération égale à 2,4 Smic.
Il existe également une exonération de cotisations sociales en faveur des bassins d'emploi à redynamiser (BER).
Il n'existe actuellement que deux BER, le premier en Champagne-Ardennes (vallée de la Meuse), le second en région Midi-Pyrénées (zone de Lavelanet). Pour financer ce dispositif, 5,5 millions de crédits sont prévus dans le projet de loi de finances.
Deux dispositifs s'appliquent dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) :
- en premier lieu, les entreprises installées dans une ZRR qui emploient moins de cinquante salariés ont droit à une exonération pour chaque salarié embauché en CDI ou en CDD pour une durée supérieure à douze mois. L'exonération consiste en une franchise de cotisations dans la limite de 1,5 Smic puis dans une exonération dégressive jusqu'à 2,4 Smic ;
- en second lieu, les organismes d'intérêt général (associations reconnues d'utilité publique, fondations, établissements d'enseignement supérieur...) établis en ZRR bénéficient d'une franchise de cotisations patronales dans la limite de 1,5 Smic.
Les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour financer ces dispositifs s'élèvent, respectivement, à 17,67 millions et 151 millions d'euros.
c) Les exonérations pour inciter à la création d'entreprise
Deux exonérations destinées à encourager la création d'entreprise donnent lieu à une compensation à la sécurité sociale financée par les crédits de la mission.
La première, instituée par la loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique, concerne les salariés ou les parents isolés titulaires du RSA qui créent ou reprennent une entreprise. Les crédits prévus en 2012 (9,46 millions) sont au même niveau que ceux votés en 2011.
La deuxième s'applique aux micro-entreprises, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 80 000 euros en activités commerciales et à 32 000 euros en prestations de services. Les auto-entrepreneurs sont nombreux à bénéficier de ce régime, qui ne renvoie cependant pas à un statut juridique particulier.
Pour 2012, le projet de loi finances prévoyait initialement une dotation de 156,6 millions.
*
Comme cela a été indiqué dans l'introduction du présent rapport, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition du Gouvernement, un amendement qui a réduit de 70 millions les crédits alloués à la compensation des exonérations de cotisations sociales liées au régime de la micro-entreprise et à la revitalisation des zones de défense, ce qui correspond tout de même à une diminution de ces crédits à hauteur de 35 %. Le Gouvernement n'a pas précisé comment la réduction se répartirait entre ces deux dispositifs. Il a seulement indiqué qu'elle avait été décidée sur la base des dernières données actualisées communiquées par la sécurité sociale concernant les dépenses de 2011, ce qui conduit à en déduire que les dotations avaient été, au départ, fortement surévaluées. A défaut, ces deux dispositifs risquent de se révéler sous-financés l'an prochain.
* 16 Cf. le rapport Sénat n° 74, tome VII (2011-2012), fait par Yves Daudigny, rapporteur général, au nom de la commission des affaires sociales.