B. UNE NÉCESSITÉ SANITAIRE ET SOCIALE
Historiquement, sinon en droit, l'existence de l'AME repose sur les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. La maladie peut même, dans certains cas, amener à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » en application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Celui-ci dispose que le titre de séjour est accordé « à l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ». La délivrance de la carte donne accès à la CMU-c. L'AME n'a donc bien qu'un caractère résiduel. Elle tend à permettre à ceux dont l'état de santé ne met pas immédiatement en cause l'espérance vitale d'être soignés. L'existence de ce dispositif se justifie tant par des considérations sanitaires que par des considérations sociales.
1. Soigner les malades qui sont en France
La question de l'AME est indépendante de celle de la politique française d'immigration. S'il est possible de regretter la présence d'immigrés clandestins en France et de préconiser des mesures tendant à réguler les flux migratoires vers notre pays, l'Etat ne peut se désintéresser de la situation sanitaire des personnes présentes, avec ou sans titre, sur le territoire national.
Les obligations internationales de la France consacrent tout d'abord l'obligation de l'AME. Le Conseil d'Etat a ainsi jugé 10 ( * ) que l'article 97 de la loi de finances rectificative pour 2003 qui subordonnait le bénéfice de l'AME à une résidence d'au moins trois mois sur le territoire national ne pouvait être appliqué aux mineurs. L'article 3-1 de la Convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant interdit en effet que les enfants connaissent des restrictions dans l'accès aux soins nécessaires à leur santé.
Surtout, au-delà même du devoir d'humanité et du respect des règles internationales, le risque de contagion impose le traitement des malades. L'analyse des soins dispensés par le centre médical du comité médical pour les exilés (Comede) fait ainsi apparaître que 25 % des personnes soignées le sont pour des maladies infectieuses ou parasitaires, et 46 % pour des affections chroniques comme l'hépatite B (les 29 % restant étant soignés pour névrose traumatique ou dépression) 11 ( * ) . Une étude conduite par Médecins du monde 12 ( * ) tend également à indiquer que les difficultés d'entrée dans le dispositif d'AME jouent un rôle important dans la renonciation aux soins et contribuent à l'aggravation des pathologies avant traitement, ce qui n'est de l'intérêt ni du patient, ni de la collectivité.
Au cours de ces auditions, votre rapporteur a pu constater l'inquiétude des soignants face à la perspective d'une limitation de l'accès aux soins. Un point en particulier a été soulevé par l'agence de la biomédecine qui rappelle que dans le cadre d'un don d'organe, le donneur vivant ne doit, dans le respect des lois de bioéthique, se voir imposer aucun frais. Or certains donneurs sont des étrangers qui viennent en France pour faire don d'un organe à un membre de leur famille. Ils disposent de la possibilité de bénéficier de l'AME à titre dérogatoire mais il est essentielle que celle-ci puisse continuer à couvrir l'ensemble de leurs frais sous peine de remettre en cause le caractère éthique du don en lui imposant des contraintes financières.
* 10 Décision n° 225576 CE sous-sections réunies du 7 juin 2006, association Aides et autres.
* 11 « La Santé des exilés », Rapport d'activité et d'observation 2009 du Comité médical pour les exilés (COmede).
* 12 Référence