N° 727

SÉNAT

SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, portant réforme des retraites ,

Par M. Jean-Jacques JÉGOU,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2760 , 2767 , 2768 , 2770 et T.A. 5 27

Sénat :

713 , 721, 733 et 734 (2009-2010)

INTRODUCTION

« La prévision est un art difficile surtout lorsqu'elle concerne l'avenir » (Marc Twain). Mais il est pourtant un domaine où l'avenir semble largement écrit et où rien ne paraît pouvoir infléchir la tendance des prochaines années : nous vieillissons.

Si ce vieillissement n'est que la contrepartie de l'augmentation de l'espérance de vie, il n'en reste pas moins qu'il est source de tensions pour notre système de retraite, durablement fragilisé par la crise. Le présent projet de loi est donc, comme les mesures de gestion de la dette sociale, dicté par l'urgence , ce qui se traduit par la mise à l'écart, pour l'instant, d'une réforme systémique. Le long terme ne doit cependant pas être perdu de vue.

Votre rapporteur pour avis a choisi de construire son rapport autour de quatre thèmes qui sont au coeur des préoccupations de votre commission des finances : l'équilibre financier de la réforme, les régimes de retraite des fonctions publiques et des régimes spéciaux, la politique de l'emploi et l'épargne retraite.

1- La redéfinition du financement de notre système de retraite répond à un impératif. En 2011, le besoin de financement de l'ensemble des régimes devrait s'élever à 32,2 milliards d'euros, soit un montant équivalent à un tiers des prestations légales « vieillesse » versées par le régime général.

La présente crise de financement a conduit le Gouvernement à privilégier une révision paramétrique des modalités traditionnelles de financement, et notamment l'augmentation de la durée d'assurance. Ceci constitue « un premier pas » indispensable.

Les autres éléments du volet financier de la réforme reposent sur une redéfinition de la contribution de l'Etat au financement des retraites, un basculement des cotisations chômage sur les cotisations vieillesse, une augmentation des recettes fiscales affectées à la sécurité sociale et un refinancement des déficits cumulés du système entre 2011 et 2018. Ces aspects ne sont pas concrètement traités par le présent projet de loi : pour certains d'entre eux, ils relèvent prioritairement du projet de loi de finances pour 2011 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ; pour d'autres, ils dépendent de l'évolution de notre environnement économique. Le retour à l'équilibre des comptes de notre système de retraite à l'horizon 2018 reste donc, aux yeux de votre rapporteur pour avis, un pari particulièrement ambitieux. Il souligne par ailleurs que la recherche de l'équilibre ne permet pas d'éviter des « dépenses connexes », qui, si elles ne concernent pas à proprement parler le système de retraite, touchent les finances publiques.

Le présent projet de loi présente plusieurs mesures de solidarité. Votre rapporteur pour avis se félicite de ces propositions car l'équilibre entre les logiques assurantielle et distributive est plus difficile à atteindre en période de crise. Il souhaite à ce titre que la clarification des dépenses contributives et non contributives soit poursuivie. Le financement de la solidarité est d'autant mieux accepté que le lien contributif est préservé et lisible.

2- La réforme des systèmes de retraite de la fonction publique apparaît aujourd'hui doublement nécessaire :

- d'une part, par mesure d'équité car si la réforme de 2003 a permis une amorce de la convergence entre les secteurs public et privé, des spécificités demeurent encore dans la fonction publique ;

- d'autre part, pour des raisons de soutenabilité financière : les projections actualisées du COR font en effet apparaître un besoin de financement pour les régimes de retraite de la fonction publique de près de 20 milliards d'euros en 2015, soit environ la moitié du besoin de financement total des systèmes de retraites (régime général, fonction publique et indépendants). L'augmentation continue de la part financée par l'Etat ne peut, à elle seule, constituer une réponse soutenable pour les finances publiques.

Les mesures proposées par le titre II (mesures d'âge) et le titre III (mesures de rapprochement entre régimes) du présent projet de loi apportent des éléments de réponse à ces deux problématiques. Cependant, des marges d'amélioration en vue d'une plus grande équité entre assurés demeurent. En particulier, votre rapporteur pour avis regrette, d'une part, que les catégories dites « actives » de la fonction publique ne fassent pas l'objet d'un réexamen et, d'autre part, que la présente réforme ne doive s'appliquer que de façon différée aux régimes spéciaux de retraite.

3- Tout en reconnaissant que le débat sur la pénibilité soulève des questions importantes, votre rapporteur pour avis s'interroge sur son interaction avec le débat sur l'avenir de notre système de retraites. La problématique de la pénibilité ne relève en effet pas prioritairement des systèmes de retraite, mais davantage des conditions de travail. L'orientation des mesures proposées par le présent projet de loi, considérablement enrichies par nos collègues députés, en atteste d'ailleurs indirectement : l'accent est mis sur la prévention et la santé au travail ; la prise en compte de la pénibilité dans le calcul des droits à la retraite est partielle ; son financement sera assuré par la branche accidents du travail - maladies professionnelles, par le biais des cotisations employeurs AT-MP.

4- S'agissant enfin de l'épargne retraite , votre rapporteur pour avis a souhaité poursuivre la démarche de soutien engagée par l'Assemblée nationale en précisant les modalités d'application de certaines dispositions du texte, et en cherchant à « restaurer » un certain équilibre entre les deux branches de l'épargne retraite que sont les produits de type assurantiel d'une part, et ceux de l'épargne salariale, d'autre part. Il est essentiel que le dispositif législatif propose des contrats d'épargne retraite les plus diversifiés possible aux épargnants afin de leur permettre d'arbitrer de manière optimale entre les différents produits existants. Toutefois, votre commission des finances appelle de ses voeux une réflexion globale portant sur l'articulation cohérente des différents produits d'épargne retraite et corrélativement sur leur fiscalité, en soulignant que cette dernière ne devrait en aucun cas constituer l'unique objectif de la souscription de tels produits.

***

Votre commission des finances a souhaité se saisir pour avis des articles 1 ( * ) des titres II (dispositions applicables à l'ensemble des régimes, mesures d'âge), III (mesures de rapprochement entre les régimes), IV (pénibilité du parcours professionnel), V (mesures de solidarité), V bis (emploi des seniors) et V ter (épargne retraite).

Compte tenu du calendrier retenu au Sénat pour l'examen du présent projet de loi, votre rapporteur pour avis n'a pas été en mesure de travailler sur le texte adopté par la commission des affaires sociales du Sénat saisie au fond. Par conséquence, les références, sauf mention expresse, correspondent au texte voté par l'Assemblée nationale.

L'encadré ci-dessous présente les principaux amendements adoptés par la commission des affaires sociales lors d'une réunion concomitante à celle de votre commission sur le présent projet de loi.

Les principales modifications introduites

par la commission des affaires sociales du Sénat

Réunie les 28 et 29 septembre 2010, la commission des affaires sociales a adopté le projet de loi portant réforme des retraites, auquel elle a apporté 113 amendements.


Afin de renforcer les dispositifs de solidarité en faveur des personnes les plus fragiles , elle a :

- élargi l'accès à la retraite anticipée pour handicap, actuellement réservée aux personnes atteintes d'une incapacité permanente au moins égale à 80 % ayant accompli une durée minimale d'activité, à celles reconnues en qualité de travailleurs handicapés ( article 29 sexies ) ;

- permis aux demandeurs d'emploi actuellement titulaires de l'allocation équivalent retraite (AER) d'en conserver le bénéfice jusqu'à l'âge de leur départ en retraite, afin d'éviter que certains d'entre eux se retrouvent sans autres ressources que le RSA dans l'attente de pouvoir liquider leur pension ( article 32 bis B ).


Sur les dispositions relatives à la pénibilité , la commission a :

- réorganisé le dispositif pour distinguer clairement ce qui relève de la prévention et ce qui justifie une réparation ;

- prévu que le président du conseil d'administration du service de santé au travail sera élu alternativement parmi les représentants des employeurs et parmi ceux des salariés ( article 25 sexies ) ;

- institué un lissage du versement des allocations de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ( article 27 sexies A ) afin d'éviter un effet de seuil consécutif au relèvement des bornes d'âge.


Afin de renforcer l'effectivité du projet de loi en matière de pilotage des régimes , la commission a :

- inscrit dans le code de la sécurité sociale les principes essentiels de l'assurance vieillesse, confirmant ainsi son attachement à la retraite par répartition et au droit de tout retraité de bénéficier d'une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité ( article 1 er A ) ;

- donné au comité de pilotage des régimes de retraite un rôle d'alerte en cas de dérapage des comptes entraînant un risque sérieux pour la pérennité financière du système de retraite ( article 1 er ) ;

- supprimé l' article 1er bis du projet de loi, qui prévoyait le dépôt d'un rapport sur les redéploiements futurs de ressources et de charges entre régimes de retraite.


* 1 Les articles font l'objet d'un commentaire global, sauf ceux du titre V ter sur l'épargne retraite, qui concentrent la totalité des huit amendements adoptés par votre commission des finances et sont analysés en détail.

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