N° 238
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 janvier 2010 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relatif à l' ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d' argent et de hasard en ligne ,
Par M. Ambroise DUPONT,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Michel Thiollière, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mlle Sophie Joissains, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet. |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : |
1549 , 1837 , 1838 , 1860 et T.A. 348 |
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Sénat : |
29 , 209 , 210 et 227 (2009-2010) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La commission de la culture, de l'éducation et de la communication s'est saisie pour avis du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne à plusieurs titres :
- s'agissant principalement d'une ouverture aux paris sportifs, les conséquences du texte sur l'activité et l'éthique sportives sont majeures. Votre rapporteur pour avis a donc rencontré l'ensemble des grands acteurs du monde sportif afin d'évoquer les questions de financement du sport amateur via le prélèvement institué sur les sommes misées sur les paris sportifs et du droit reconnu aux organisateurs de compétitions ou manifestations sportives de consentir à l'organisation de paris sur leurs épreuves ;
- l'ouverture du marché des paris hippiques, qui aura un impact considérable sur le financement de la filière équine à court et moyen terme. Votre commission a adopté plusieurs amendements visant à maintenir un équilibre satisfaisant entre les paris hippiques et sportifs ;
- la question des jeux en ligne soulève, en outre, des interrogations en matière de droit de la communication, tant s'agissant des médias traditionnels que d'Internet, qui rejoignent des problématiques touchant au coeur de métier de votre commission ;
- enfin la protection de la jeunesse, enjeu important du présent projet de loi est aussi un sujet de préoccupation pour votre commission.
Pour autant, elle ne s'est pas limitée aux seules questions relevant strictement de sa sphère de compétences, et a souhaité, afin que l'ouverture des paris en ligne soit une véritable réussite, proposer des amendements sur la compétence de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) ou encore sur la définition d'une période transitoire pour les opérateurs régulièrement installés en Europe entre la promulgation de la loi et la délivrance des premiers agréments par l'ARJEL.
I. UNE OUVERTURE À LA CONCURRENCE MESURÉE ET PRAGMATIQUE
A. UN CADRE JURIDIQUE STABLE MAIS INADAPTÉ AUX NOUVELLES FORMES DE JEUX ET DE PARIS EN LIGNE
1. Le déploiement d'une offre illégale minant les monopoles historiques
Le droit des paris, des courses et des jeux s'insère dans un cadre législatif stable, peu modifié depuis le XIX e siècle et fondé sur la restriction de l'offre afin de préserver la sécurité et la santé publique. Au régime de prohibition organisé par la loi du 21 mai 1836 et confirmé par la loi du 12 juillet 1983, plusieurs dérogations successives ont été cependant apportées afin de permettre l'organisation de jeux d'argent et de hasard. La loi de finances pour 1933 a autorisé la mise en place d'une loterie nationale, et la loi de finances pour 1985 les paris sportifs. La Française des jeux, société anonyme contrôlée par l'Etat en détient toutefois le monopole.
Parallèlement, la loi du 2 juin 1891 réglemente les courses de chevaux et confie l'organisation des paris, restreints à la seule forme mutuelle, aux sociétés mères du trot et du galop agréées par le ministre de l'agriculture. Concrètement, les sociétés de courses ont constitué un groupement d'intérêt économique, le Pari mutuel urbain (PMU) pour gérer les courses de chevaux. L'intégralité de son résultat est ensuite reversée aux sociétés de courses afin de financer la filière équine.
Cette organisation juridique, pensée pour le jeu en dur, est fragilisée par la prolifération de sites de paris en ligne parfaitement illégaux au regard de la législation française mais de fait très aisément accessibles. Il n'est pas rare d'être confronté sur Internet, sur des sites parfaitement courants et anodins, à des publicités pour tel ou tel opérateur de jeux et de paris. Les clients français se pressent déjà sur ces sites pour des mises annuelles estimées à deux milliards d'euros.
2. Une ouverture nécessaire sans être dictée par le droit communautaire
Des fraudes aux moyens de paiement et des opérations de blanchiment de capitaux, ainsi que le développement de l'évasion fiscale et de comportements addictifs sont avérés, si bien que la prohibition actuelle paraît inadaptée. L'adaptation de notre cadre législatif, pour tenir compte des nouvelles modalités de jeu offertes par Internet, est dictée par le souci de préserver l'ordre public et social. À bien des égards, le projet de loi, déposé par le gouvernement et adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, tente de refermer un marché de facto ouvert et soumis à la concurrence la plus sauvage.
En revanche, contrairement à ce qui a pu être avancé, le droit communautaire n'imposait pas une telle évolution . La Cour de Justice de Luxembourg a rappelé dans un arrêt Bwin contre Santa casa de Misericordia du 8 septembre 2009 que « les Etats membres de l'Union étaient libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard, et le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection recherché . » Le droit communautaire n'impose donc aucune reconnaissance mutuelle des opérateurs légalement installés dans un pays de l'Union, au nom du principe de la libre prestation de services. Il demande simplement que les mesures de régulation soient justifiées par des motifs d'intérêt général, proportionnées et exemptes de tout caractère discriminatoire.