C. LA RELANCE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE REPOSE SUR LA MOBILISATION DES CRÉDITS DE DROIT COMMUN
1. Les réformes attendues du pilotage local et du financement des associations
L'année dernière, votre commission avait suggéré au Gouvernement, à l'occasion de l'élaboration du plan « Espoir banlieues », de réformer la politique de la ville selon deux principes complémentaires : mettre en place un pilotage local unique et garantir un financement triennal à l'ensemble des acteurs, et notamment aux associations.
Votre commission se réjouit d'avoir été au moins partiellement entendue.
a) L'espoir d'une meilleure coordination locale
Le plan « Dynamique espoir banlieues » et le budget 2009 prévoient en effet la création, par redéploiement d'effectifs, de trois cent cinquante postes de délégués du préfet qui seront chargés de coordonner l'action des services de l'Etat au niveau local et constitueront l'interlocuteur unique des collectivités territoriales en matière de politique de la ville.
Ceci étant, si cette initiative va dans le bon sens, on peut se demander si elle sera suffisante pour faire contrepoids à l'éclatement des projets locaux que révèle la prolifération des Cucs.
Les contrats urbains de cohésion sociale (Cucs)
Définis par le comité interministériel des villes du 9 mars 2006, les contrats urbains de cohésion sociale (Cucs) ont pris la suite des contrats de ville à compter du 1 er janvier 2007. Ils sont signés entre l'Etat et les communes ou les EPCI, pour une durée de trois ans reconductible après évaluation. Les départements et les régions sont normalement associés à leur élaboration. Les Cucs doivent constituer le cadre contractuel unique pour la mise en oeuvre des interventions de l'Etat en faveur des territoires les plus en difficulté.
Le Cucs est le document d'action stratégique, élaboré par les partenaires locaux, définissant un projet urbain et social qu'ils s'engagent à mettre en oeuvre pour réduire les écarts de développement entre les territoires prioritaires et leur environnement. Ce contrat doit s'adosser à un diagnostic établi par l'ensemble des partenaires, préciser les objectifs à atteindre assortis d'indicateurs et définir les programmes d'actions au service de ces objectifs.
Les programmes d'intervention s'articulent autour de cinq
priorités : l'accès à l'emploi, le
développement économique, la réussite éducative, la
prévention de la délinquance, ainsi que l'accès à
la culture et à la santé.
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Alors que le Cucs est censé être le document unique définissant les objectifs de la politique de la ville impliquant l'ensemble des acteurs d'un territoire, votre commission avait déjà fait observer l'année dernière que certaines agglomérations peuvent être divisées en plusieurs Cucs. Trois Cucs règlent ainsi la seule communauté d'agglomération de Clichy-Montfermeil : un pour Clichy, un pour Montfermeil et un pour l'intercommunalité. Cet exemple ne fait pas figure d'exception, puisqu'au 15 novembre 2008, 495 Cucs étaient déjà programmés, alors qu'il n'y a eu que 247 contrats de ville entre 2000 et 2006.
Dans ces conditions, on peut penser que la mission de coordination du délégué du préfet sera très difficile, au moins dans les agglomérations éclatées en plusieurs Cucs .
b) Des financements assurés sur trois ans
Il faut, en revanche, saluer l'instauration des conventions triennales entre l'Etat et les associations , qui devraient permettre d'assurer à ces dernières la stabilité budgétaire nécessaire à la mise en place de projets de moyen terme plus ambitieux que les précédents, qui souffraient justement du caractère chaotique des financements publics. En outre, votre commission se félicite que la géographie des zones prioritaires soit révisée l'année prochaine, conformément à l'article 140, dont elle est à l'origine, de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.
c) Une clarification du rôle des structures inachevée
Il est très regrettable, enfin, que la clarification des compétences entre la délégation interministérielle à la ville (Div) et l'Acsé, que votre commission avait demandée et à laquelle le Gouvernement s'était engagé l'année dernière, ne soit toujours pas terminée .
L'Acsé, établissement public à caractère administratif, a été créée par la loi du 31 mars 2006 à la suite des émeutes urbaines de l'automne 2005. L'agence est opérateur de l'Etat au titre du programme 147. Elle a été conçue comme le pendant de l'Anru : son rôle est de piloter les crédits d'intervention, tandis que l'Anru a pour objet de mobiliser les crédits d'investissement. Cinq missions principales lui sont confiées, dont quatre reprennent des politiques existantes : - le financement des aides aux populations des quartiers sensibles, assuré auparavant par la Div ; - l'intégration et la lutte contre les discriminations, qui comprend les missions conduites par l'ex-fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Fasild), à l'exception de l'accueil des primo-arrivants, qui est transféré à l'agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (Anaem) ; - la lutte contre l'illettrisme ; - la gestion du fonds interministériel de prévention de la délinquance ; - la mise en place du service civil volontaire, mission nouvelle instituée par la loi du 31 mars 2006 qui a pour objectif de proposer à moyen terme une formule de service civil à 50 000 jeunes volontaires. Le conseil d'administration comprend quarante-huit membres, dont vingt-quatre représentants de l'Etat.
L'organisation interne de l'agence repose sur une structure
territoriale. L'agence est représentée par des directeurs
régionaux, nommés par le directeur général
après avis du préfet de région, qui gèrent des
dotations distinctes de celles confiées aux préfets. Ces
directeurs s'appuient sur des comités régionaux pour la
cohésion sociale et l'égalité des chances, qui adoptent
les programmes régionaux de l'agence. Les préfets de
département sont les délégués territoriaux de
l'agence et ses ordonnateurs secondaires pour les programmes et crédits
délégués par le directeur général.
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A la suite de la création de l'Acsé, la Div aurait dû retrouver sa fonction d'administration de mission en exerçant sa tutelle sur les deux opérateurs de la politique de la ville que sont l'Anru et l'Acsé.
Un délai d'un an avait été jugé nécessaire pour assurer la transition dans de bonnes conditions : en 2007, la Div a donc conservé des crédits d'intervention théoriquement destinés à l'Acsé. Cependant, le budget 2008 a reconduit cette situation en réservant 24 millions de crédits d'intervention à la Div, sans aucune justification. De nouveau, le budget 2009 confie à la Div, hormis les compensations des exonérations ZFU-ZRU, plusieurs dépenses d'intervention : financement de la politique de la ville en outre-mer (4,5 millions d'euros), subventions aux associations tête de réseaux (3 millions), communication des services déconcentrés et formation des acteurs locaux (1,6 million).
La Div conserve donc toujours sans raison plus de 9 millions d'euros de crédits d'intervention, qui pourraient pourtant être mieux utilisés s'ils étaient gérés par l'Acsé, qui les intégreraient dans la logique des projets qu'elle subventionne.
Par ailleurs, s'il est essentiel de garder une structure interministérielle comme la Div, assurant la coordination de l'ensemble des acteurs ainsi que la mutualisation et la diffusion des bonnes pratiques, ce rôle ne requiert pas les investissements en personnel actuels. Beaucoup d'agents de la Div, forts de leur expérience interministérielle, pourraient au contraire être redéployés sur le territoire vers des fonctions plus opérationnelles.
2. Le plan « Dynamique espoir banlieues »
a) Une politique principalement interministérielle
Annoncé par le Président de la République le 8 février dernier, le plan « Dynamique espoir banlieues » ne se traduit pas, d'un point de vue budgétaire, par l'augmentation des crédits du programme « Politique de la ville ». Il repose au contraire sur une utilisation plus efficace des crédits de droit commun d'autres missions budgétaires .
Le document de politique transversale « Ville » montre que la politique de la ville est soutenue par vingt-neuf programmes relevant de quatorze missions budgétaires pour un montant total, en crédits de paiement, de 4,3 milliards d'euros . A ces crédits s'ajoutent des ressources extra-budgétaires apportées par les agences et les partenaires publics nationaux de ministère du logement et de la ville, et qui représentent 2,2 milliards d'euros.
Evaluation des crédits consacrés à la politique transversale « Ville » |
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(en euros) |
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Exécution 2007 |
LFI 2008 |
PLF 2009 |
|
Politique de la ville
|
862 344 543 |
1 020 019 317 |
769 263 674 |
Développement et amélioration de l'offre de logement |
167 832 276 |
173 023 615 |
99 651 967 |
Aide à l'accès au logement |
666 801 344 |
686 059 840 |
684 009 600 |
Accès et retour à l'emploi |
318 515 286 |
204 389 248 |
236 945 086 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
4 783 857 |
||
Accès au droit et à la justice |
13 627 794 |
17 404 553 |
17 920 463 |
Protection judiciaire de la jeunesse |
17 320 005 |
17 955 115 |
16 341 393 |
Administration pénitentiaire |
2 314 012 |
2 544 489 |
2 725 265 |
Police nationale |
1 269 171 925 |
1 307 261 874 |
1 317 082 340 |
Gendarmerie nationale |
25 495 888 |
26 210 658 |
26 999 216 |
Enseignement scolaire public du premier degré |
417 737 906 |
432 050 381 |
443 423 394 |
Enseignement scolaire public du second degré |
442 091 795 |
447 184 509 |
466 884 584 |
Vie de l'élève |
85 028 788 |
150 090 634 |
183 894 588 |
Enseignement privé du premier et du second degrés |
2 300 000 |
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Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables |
2 904 022 |
3 240 000 |
3 128 000 |
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
10 427 784 |
12 925 505 |
13 168 319 |
Sport |
5 960 000 |
5 700 000 |
9 200 000 |
Jeunesse et vie associative |
15 871 188 |
18 019 072 |
16 929 500 |
Prévention et sécurité
sanitaire
|
7 800 000 |
7 800 000 |
7 800 000 |
Administration territoriale |
22 775 007 |
16 308 096 |
15 978 688 |
Administration territoriale : expérimentations Chorus |
1 014 896 |
1 015 396 |
|
Totaux |
4 358 803 420 |
4 549 201 802 |
4 334 661 473 |
Source : document de politique transversale « Ville » |
Au total, d'après le document de politique transversale, la politique de la ville bénéficierait d'une dotation globale de 5,5 milliards d'euros. Il convient de noter que ce montant est en baisse de 4,7 % par rapport à l'année dernière.
Au-delà de ces chiffres, la démarche novatrice du plan « Dynamique espoir banlieues » a consisté à obtenir des différents ministères des engagements précis de mobilisation sur trois ans de leurs effectifs dans les quartiers en difficulté .
Ministère |
Eléments de l'engagement triennal |
Ecologie, énergie, développement durable et aménagement du territoire |
Réservation de 500 millions d'euros pour les transports urbains de désenclavement des quartiers prioritaires |
Renforcement du dispositif du « permis à un euro par jour » en direction des jeunes des quartiers |
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Recensement des points noirs « bruit » 2008 et priorisation des quartiers |
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Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales |
Donner un nouvel élan aux groupes d'intervention régionaux |
Tripler, en le portant à 60 000, le nombre de caméras de surveillance de la voie publique |
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Développer l'utilisation de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation |
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Généraliser, pour la police nationale, les stages d'adaptation aux affectations territoriales et les porter à trois semaines |
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Créer des délégués à la cohésion police-population en utilisant les réservistes de la police nationale |
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Améliorer la communication de proximité sur l'action de la police |
|
Recruter des intervenants sociaux en commissariat |
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Aménager les règles d'affectation, de recrutement et d'avancement |
|
Développer le dispositif des citoyens volontaires de la police nationale |
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Economie, industrie et emploi |
Fixer des objectifs de création de structures d'insertion par l'activité économique (SIAE) dans les Zus |
Justice |
Création de trente points d'accès au droit supplémentaires |
Création de cinq mille contrats Civis dont 50 % pour les quartiers prioritaires |
|
Travail, relations sociales et solidarité |
Expérimentations de gardes d'enfants adaptées aux besoins des familles des quartiers populaires |
Education nationale |
Procéder au repérage individuel des élèves déscolarisés |
Proposer, aux élèves des écoles élémentaires de l'éducation prioritaire, un accueil éducatif de deux heures par jour |
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Enseignement supérieur et recherche |
Création de « cordées de la réussite » entre les établissements de l'enseignement supérieur et ceux de l'enseignement secondaire pour chacun des lycées des 215 quartiers prioritaires |
Culture et communication |
Conclusion d'une convention entre la direction de l'architecture et du patrimoine (Dapa) et l'agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) |
Source : délégation interministérielle à la ville |
b) Quatre mesures nouvelles financées par le programme « Politique de la ville »
Hormis les actions entreprises par les ministères participant à la politique de la ville, le programme éponyme financera l'année prochaine quatre mesures nouvelles.
Près de 3 millions d'euros seront d'abord mobilisés pour mettre en place, dans cinquante quartiers appartenant à des communes bénéficiant d'un Cucs, une expérimentation sur trois ans visant à scolariser des enfants résidant dans ces zones dans une école du centre-ville .
Ensuite, afin de permettre à 5 % des élèves inscrits dans des lycées en zone d'éducation prioritaire d'accéder aux classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), 10 000 lycéens et 1 000 élèves de CPGE ayant obtenu leur baccalauréat avec une mention « très bien » bénéficieront d'un accompagnement scolaire renforcé . La mesure représente un investissement de 4,3 millions d'euros.
Par ailleurs, 1 500 places supplémentaires seront financées dans les internats d'excellence , pour un montant de 3 millions d'euros 4 ( * ) .
Enfin, 3 millions d'euros seront consacrés aux écoles de la deuxième chance 5 ( * ) .
3. Un budget à la baisse dans les trois prochaines années
La programmation pluriannuelle prévoit une diminution des crédits du programme « Politique de la ville » de l'ordre de 90 millions d'euros en trois ans, soit une baisse de près de 12 % .
Programmation pluriannuelle des crédits du programme 147 |
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(en euros) |
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Mission/programme |
PLF 2009 |
2010 |
2011 |
|
Politique de la ville (libellé modifié) |
AE |
744 263 674 |
701 263 674 |
688 263 674 |
CP |
769 263 674 |
688 263 674 |
680 263 674 |
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Source : PLF mission 2009 « Ville et logement » |
Certes, un tiers de ce fléchissement intègre la réforme des exonérations de charges sociales dans les ZRU et les ZFU, à laquelle votre commission est opposée. Néanmoins, quel que soit le sort de cette mesure, les crédits du programme baisseront a minima de 9 %.
On peut s'interroger sur la légitimité de cette évolution au moment où le Président de la République et le secrétaire d'Etat en charge de la politique de la ville ont affirmé leur volonté commune de réaliser un effort sans précédent pour les quartiers en difficulté.
* 4 Les internats d'excellence ont été créés par le plan de cohésion sociale en 2004. Ils offrent un accompagnement éducatif renforcé aux écoliers et collégiens issus des quartiers sensibles. Actuellement, 680 élèves sont scolarisés dans les vingt-huit internats labellisés.
* 5 Les écoles de la deuxième chance sont des associations qui s'adressent aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Financées essentiellement par les régions, le fonds social européen, la taxe d'apprentissage et les entreprises partenaires, elles proposent une formation de neuf à douze mois visant l'acquisition des savoirs de base : lecture, écriture, calcul mental. Elles prévoient également plusieurs stages en entreprise. On en dénombre actuellement quarante.