IV. LE VOLET SOCIAL ET ÉCONOMIQUE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
A. L'AGENCE NATIONALE POUR LA COHÉSION SOCIALE ET L'ÉGALITÉ DES CHANCES
1. Le principal opérateur de la politique de la ville en 2009
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, l'ACSé devient le premier opérateur de la politique de la ville en matière économique et sociale à travers les deux premières actions 29 ( * ) du programme n° 147 dont son activité relève désormais uniquement. Ainsi selon le projet annuel de performances 58,2 % des crédits du programme n° 147 30 ( * ) sont directement gérés par l'ACSé .
L'Agence a été créée par la loi n° 2006-396 pour l'égalité des chances du 31 mars 2006 31 ( * ) , le décret n° 2006-945 du 28 juillet 2006 en fixant l'organisation administrative et financière. Jusqu'en 2008, l'ACSé était placée sous la tutelle du ministre chargé du logement et de la ville et du ministre chargé de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Dans le cadre des orientations arrêtées par le comité pour la modernisation des politiques publiques, elle sera désormais placée sous la tutelle unique du ministre chargé du logement et de la ville . Par ailleurs, comme l'a déjà indiqué votre commission pour avis, un nouvel opérateur chargé des politiques d'immigration sera constitué à partir des structures de l'ANAEM qui reprendra les missions exercées antérieurement par l'ACSé au bénéfice des primo-arrivants.
Pour permettre la mise en place des dispositifs spécifiques dont la gestion est confiée à l'ACSé, la loi a prévu une organisation fortement déconcentrée. Le préfet, qui est le délégué de l'agence dans la région et le département, décide de l'attribution des subventions, suit l'exécution et évalue les résultats. A cet effet il dispose en propre d'une enveloppe de crédits délégués dont il est l'ordonnateur secondaire. En 2009, conformément aux décisions du comité de modernisation des politiques publiques, les services régionaux de l'ACSé seront intégrés aux directions régionales chargées de la cohésion sociale, sous l'autorité des préfets.
Les crédits alloués à l'ACSé s'élèvent à 433 millions d'euros en 2009 selon le projet annuel de performance, sont principalement dédiés au financement d'actions territorialisées , en particulier inscrites dans les CUCS, qu'il s'agisse des crédits destinés aux programmes phares, coordonnés au niveau national 32 ( * ) ou de crédits d'utilisation plus diversifiée en fonction des projets locaux. Il convient de préciser qu'en 2009 une partie de ces crédits sera destinée à des projets spécifiques 33 ( * ) décidés dans le cadre du plan « Espoir banlieues ». L'agence assure en outre la gestion du service civil volontaire.
Pour une présentation plus lisible des interventions de cet opérateur, votre commission pour avis privilégiera leur examen à travers les actions auxquelles elles se rattachent au sein du programme n° 147.
2. Les interventions de l'ACSé au titre de l'action « Prévention et développement social »
a) Education et accès aux savoirs de base
Dans le projet de loi de finances pour 2009, 112 millions d'euros sont prévus au titre de ces interventions. Le volet éducation comprend d'abord le dispositif de réussite éducative pour 90 millions d'euros, destiné à prévenir les situations de rupture ou d'échec scolaire et accompagner dans des parcours individualisés les enfants et en situation de fragilité. L'aide moyenne de l'État est d'environ 180.000 euros par projet. En 2009, environ 485 projets et 38 internats labellisés, soit 800 places seront financés. Ce volet comprend également les mesures d'accès à l'éducation et à l'excellence pour 3 millions d'euros, dont l'objectif est de permettre aux élèves issus des territoires de la politique de la ville et de l'éducation prioritaire de développer, par un tutorat, une ambition scolaire et éducative 34 ( * ) . Il comprend par ailleurs les mesures d'accès à l'éducation des populations vulnérables pour 9,1 millions d'euros, dans le cadre notamment des contrats locaux d'accompagnement à la scolarité (CLAS) et de l'opération « école ouverte ». Enfin, dans le cadre du plan « Espoir banlieues », plusieurs dispositifs seront financés par l'ACSé : le « busing », les internats d'excellence, les écoles de la deuxième chance et l'accompagnement en classes préparatoires aux grandes écoles.
b) Santé et accès aux soins
Les financements des actions dans le domaine de la santé sont dotés de 19,5 millions d'euros pour 2009 et sont d'abord destinés aux ateliers santé-ville 35 ( * ) (ASV) pour 13 millions d'euros. Il s'agit d'instances de coordination associant des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et des professionnels de santé afin de développer, dans les quartiers prioritaires, des programmes locaux de santé adaptés aux soins spécifiques des habitants. Les financements sont également destinés à des projets visant à réduire la vulnérabilité sociale des habitants pour 1,5 million d'euros, ainsi qu'à des actions de prévention des toxicomanies 36 ( * ) pour 5 millions d'euros.
c) Culture et promotion de la diversité
Les interventions de l'ASCé pour la culture et la promotion de la diversité mobilisent 22,8 millions d'euros pour 2009. 10 millions d'euros sont destinés à valoriser les apports culturels réciproques par le financement de projets qui favorisent l'égalité des chances par l'information et la sensibilisation de tous les publics. L'accès des populations des quartiers prioritaires aux pratiques artistiques et culturelles mobilise pour sa part 10 millions d'euros. Le développement et à la pérennisation d'une offre culturelle diversifiée pour des populations qui en sont souvent éloignées pour des raisons sociales, économiques ou territoriales est aussi un facteur de cohésion sociale. Ainsi 2,2 millions d'euros sont consacrés à l'opération « Intégration républicaine par la culture ».
d) Lien social, citoyenneté et participation à la vie publique
Les crédits en faveur du lien social et de la citoyenneté constituent, avec 160 millions d'euros budgétés en 2009, le premier poste de dépense de l'action « Prévention est développement social » . Ils se répartissent entre différents dispositifs :
• le programme
«
adultes-relais
», pour un montant de
88,5 millions d'euros, répond à un double objectif. Il
s'agit, d'une part, de mettre en oeuvre des actions de médiation portant
sur des aspects sociaux, sanitaires ou culturels mais aussi de
prévention de la délinquance et de la tranquillité de
l'espace public, et, d'autre part, de fournir une solution d'insertion sociale
et professionnelle aux bénéficiaires des contrats adultes-relais.
Selon le projet annuel de performances, 4.225 conventions devraient être
actives au 31 décembre 2008.
• le programme «
ville, vie,
vacances
», pour un montant de 10 millions d'euros,
permet aux jeunes les plus en difficulté de bénéficier
d'activités culturelles, sportives et de loisirs pendant les vacances
scolaires. A cet égard, ce programme apparait comme un dispositif
intégré de la prévention de la délinquance dont les
opérateurs sont les associations, les centres sociaux et les maisons de
jeunes ou les services municipaux. L'Etat, à travers les crédits
de la mission « Ville et logement » consacre en moyenne,
chaque année, une enveloppe de 750 euros par projet. Leur nombre
qui s'est élevé en 2008 à 13.500 fait l'objet d'une
reconduction en 2009.
• le financement de
500 postes
d'animateurs associatifs
pour un montant de 5,6 millions d'euros,
dont la gestion est confiée à l'association « fonds
jeunesse éducation populaire » (FONJEP
37
(
*
)
).
• le dispositif du «
service civil
volontaire
», pour un montant de 9,5 millions d'euros,
qui permet à chaque jeune âgé de 16 à 25 ans
qui le souhaite de s'engager dans une mission en faveur de
l'intérêt général pour une période de six ou
neuf mois avec pour objectif, au-delà de l'accomplissement de sa
mission, de développer le sens civique et de faciliter l'insertion
professionnelle. Les structures d'accueil
38
(
*
)
agréées par l'ACSé
39
(
*
)
s'engagent à assurer un
tutorat personnalisé à travers une formation aux valeurs
civiques, et un accompagnement à l'insertion professionnelle. Le projet
annuel de performances indique que le coût mensuel de cette mesure est
d'environ 920 euros par poste. L'année passée, 2.700 jeunes
ont ainsi accompli leur service civil. Ce dispositif, dont le
développement quantitatif a été freiné par
la faiblesse des financements et non par le manque de candidatures
a
montré à la fois son impact très positif sur les jeunes et
l'utilité sociale des missions d'intérêt
général qu'ils accomplissent.
Aussi, votre rapporteur pour avis s'inquiète de l'insuffisance des crédits prévus pour cette action dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 . L'enveloppe de 9,5 millions d'euros consacrée à ce dispositif permet seulement la poursuite du financement d'environ 2.000 postes recrutés dans le courant du dernier trimestre 2008. Dès lors, il faut s'attendre à un arrêt total du service civil volontaire à partir de juin 2009. Cet arrêt programmé est d'autant plus surprenant que le Président de la République a confirmé cet été sa volonté de mettre en place un service civique 40 ( * ) . Les nombreuses associations ainsi que les collectivités qui se sont engagées dans le service civil actuel s'inquiètent de l'arrêt des financements envisagé qui porterait un cou^d'arrêt à la dynamique engagée.
• le financement du
volet
« développement social » des CUCS
pour un
montant de 46,5 millions d'euros qui doit permettre d'accompagner les actions
portées par les communes et les associations.
e) Prévention des discriminations et accès aux droits
Les crédits pilotés par l'ACSé au titre de cette intervention s'élèvent à 18,7 millions d'euros. 6,11 millions d'euros sont destinés à des actions de prévention institutionnelle et médiatique des discriminations . En 2009, 70 plans triennaux de lutte contre les discriminations sur le marché du travail et le logement devraient être financés, à raison d'une aide moyenne de l'État de 10.000 euros, soit 700.000 euros au total. L'accès aux droits et aux services publics doté de 7,9 millions d'euros doit permettre de financer des projets d'amélioration de l'accessibilité aux services publics et à la justice de proximité. Les « actions citoyennes » favorisant la mise en place de projets à dimension civique en matière d'éducation au respect, de promotion de l'égalité, du vivre ensemble ou de rappel des droits et des devoirs mobilisent 4,6 millions d'euros. Elles sont notamment destinées à développer la citoyenneté chez les jeunes, en favorisant la prise d'initiatives, la participation et l'exercice des responsabilités au sein de leur cité.
f) 17 millions d'euros prévus pour prévenir la délinquance juvénile
L'ACSé pilote les crédits destinés, d'une part, au financement du volet « prévention de la délinquance » des CUCS 41 ( * ) pour 13 millions d'euros afin d'accompagner les actions portées par les communes et les associations, et, d'autre part, au financement des mesures spécifiques annoncées lors du CIV du 9 mars 2006 qui interviennent dans le champ judiciaire et la prévention de la délinquance pour 4 millions d'euros. Ces mesures 42 ( * ) concernent principalement les six départements bénéficiant d'un préfet à l'égalité des chances.
g) 5 millions d'euros budgétés pour des opérations relevant de l'amélioration de la gestion urbaine de proximité
Les opérations relevant de l 'amélioration de la gestion urbaine de proximité ont vocation à être mobilisées en complément ou en levier des interventions des collectivités territoriales ou des bailleurs sociaux ainsi qu'en soutien à des initiatives d'habitants visant à améliorer la gestion et l'entretien des espaces de vie des quartiers.
3. Les interventions de l'ACSé au titre des autres actions du programme n° 147
a) Les interventions en faveur de la revitalisation économique et l'emploi
Les crédits pilotés par l'ACSé en faveur de l'emploi et du développement économique se partagent entre :
• le financement du
volet
« développement économique et emploi » des
CUCS
pour un montant de 27 millions d'euros. Il s'agit pour
l'ACSé d'accompagner les actions portées par les communes et les
associations en déployant des dispositifs articulés avec le droit
commun permettant notamment de faciliter l'accueil de proximité des
personnes en recherche d'emploi dans les quartiers, de développer les
actions de parrainage, de renforcer les actions d'intermédiation
à l'emploi avec les entreprises (prospection, accompagnement, forums...)
et d'encourager la création d'activité. Les principaux
partenaires de l'ACSé en matière d'emploi et de
développement économique sont l'Agence nationale pour l'emploi et
la Caisse des dépôts et des consignations.
Votre commission pour avis considère que l'emploi est un des axes stratégique de la politique de la ville . L'insertion professionnelle des habitants des quartiers en difficulté les plus éloignés du marché du travail est une condition indispensable pour recréer du lien social. Aussi, elle préconise la création dans les maisons de l'emploi, pour tous les quartiers éligibles à la politique de la ville, d'un délégué chargé spécifiquement de l'emploi . Cette proposition est d'ailleurs en total cohérence avec l'objectif de mobilisation des crédits de droit commun en faveur de la politique de la ville.
• le financement des
écoles de la
2
ème
chance
43
(
*
)
(E2C) dans le cadre de la mise en oeuvre du plan
« Espoir banlieue » pour un montant de 3 millions d'euros.
b) Les crédits affectés à l'action « stratégie, ressources et évaluation »
L'ASCé pilote les crédits destinés au financement du volet « ingénierie » 44 ( * ) des CUCS pour un montant de 18,9 millions d'euros, des frais de fonctionnement de l'agence pour un montant de 21,5 millions d'euros 45 ( * ) et de la formation et de l'accompagnement des acteurs 46 ( * ) pour un montant de 3,4 millions d'euros.
* 29 « Prévention et développement social » et « Revitalisation économique et emploi ».
* 30 Soit 92 % des crédits hors exonérations ZFU et hors EPIDE.
* 31 Articles 38 et 39.
* 32 Il s'agit notamment des dispositifs de réussite éducative, du programme adultes-relais, de l'opération ville-vie-vacances.
* 33 Il s'agit notamment du « busing », des internats d'excellence, des écoles de la deuxième chance, des classes préparatoires, de la gestion urbaine de proximité et de la qualité de services dans les transports.
* 34 Comme pour les lycéens dans l'opération « Une grande école pourquoi pas moi ? » qui concerne plus de cinquante grandes écoles et universités.
* 35 Selon le projet annuel de performances, l'Etat octroie une aide moyenne de 43.333 euros par atelier. Il est prévu qu'en 2009, 300 ASV soient en activité.
* 36 Actions d'information et de sensibilisation sur les dangers liés aux consommations de tabac, d'alcool, de produits illicites.
* 37 Comme l'indique ses statuts, l'association a pour but principal de faciliter la rétribution des personnels permanents remplissant des fonctions d'animation ou de gestion employés par des mouvements de jeunesse, des associations d'éducation populaire, des organismes de droit privé à but non lucratif concourant à l'action sociale.
* 38 Collectivités territoriales et leurs groupements, associations, établissements publics, organisations non gouvernementales, etc.
* 39 A ce jour, 475 structures proposant des missions dans des secteurs aussi variés que l'éducation, la solidarité, la promotion de la citoyenneté, la mise en valeur de l'environnement, la protection du patrimoine bénéficient d'un agrément au titre du service civil volontaire.
* 40 A la demande du Président de la République, Luc Ferry a remis un rapport intitulé « pour un service civique » recommandant sa mise en place avec une cible de 60.000 jeunes engagés dans cinq ans. Dans ce rapport, un sondage réalisé en juin 2008 indiquait que 35 % des 18/25 ans souhaitaient accomplir un service civique volontaire, soit deux millions de jeunes.
* 41 Constitué en général par les contrats locaux de sécurité.
* 42 Elles sont présentées dans les circulaires justice/ville du 17 juillet 2006 et intérieur/cohésion sociale du 1 er août 2006 et doivent faciliter les contacts entre les institutions judiciaires et la population, notamment les jeunes, en intervenant dans les quartiers, dans les commissariats et les gendarmeries, mais aussi dans les milieux hospitalier et pénitentiaire.
* 43 Les E2C sont des structures partenariales de statut privé, créées par les collectivités territoriales, dans un objectif d'insertion professionnelle de jeunes (16-25 ans) qui ont quitté le système éducatif sans qualification ou qui sont exclus du marché du travail, grâce à des formations théoriques et des stages en entreprises.
* 44 Chaque CUCS doit être doté d'un dispositif de direction et de conduite du projet, communément appelé « équipe-projet » ou « maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale ». Elle constitue un relais auprès des habitants et des associations, une interface avec les professionnels des différentes institutions et un support technique à la préparation des décisions politiques prises dans le cadre du comité de pilotage réunissant les partenaires du contrat devant lequel elle doit rendre compte.
* 45 La « subvention pour charges de service public » est destinée à couvrir l'essentiel des dépenses de fonctionnement.
* 46 Actions de formation pour professionnaliser les agents de l'ACSé ou les acteurs pris sous contrat pour diriger et animer des colloques et des réunions ou participer à des diagnostics.