B. LES MESURES RELATIVES À LA GOUVERNANCE
1. L'association de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (UNOCAM) aux négociations conventionnelles (article 31)
L'article 31 du présent projet de loi de financement propose :
- d'une part, d'associer l'UNOCAM aux négociations conventionnelles liant les professionnels de santé et l'assurance maladie ;
- d'autre part, de modifier certaines dispositions de l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 relatives à la mise en place d'expérimentations de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé et de financement de la permanence de soins.
Ces deux mesures, ainsi que celle visant à majorer la taxe versée par les organismes complémentaires au Fonds de financement de la CMU (article 12 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale), sont la traduction de la convention d'accord signée le 28 juillet 2008 entre le gouvernement et la Fédération nationale de la mutualité française .
a) La participation de l'UNOCAM aux négociations conventionnelles
(1) La part de l'assurance maladie complémentaire dans le financement des soins et des biens médicaux
Selon les données de la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2008, l'assurance maladie complémentaire contribuait, en 2006, à hauteur de 13 % au financement des dépenses de soins et de biens médicaux , contre 77 % pour l'assurance maladie obligatoire et 8,6 % pour les ménages.
Très faible s'agissant des soins hospitaliers (4,1 %) et des transports (3,2%), la part de financement supportée par les organismes complémentaires d'assurance maladie est, en revanche, importante en matière de soins dentaires (34,71 %), de soins optiques et de prothèses (30 %).
(2) Le rôle de l'UNOCAM
Créée par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, l'UNOCAM regroupe les représentants des mutuelles, des institutions de prévoyance et les sociétés d'assurance qui offrent des prestations d'assurance maladie complémentaire.
Les missions de l'UNOCAM sont définies aux articles L. 182-2 et L. 182-3 du code de la sécurité sociale. Elles visent à renforcer le dialogue entre l'assurance maladie et les organismes complémentaires. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 les a élargies, en prévoyant notamment une meilleure association de l'UNOCAM, en cas de déclenchement de la procédure d'alerte.
Le rôle de l'UNOCAM Article L. 182-2 du code de la sécurité sociale - L'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) peut, en accord avec les organisations syndicales représentatives concernées, associer l'UNOCAM à la négociation et à la signature de tout accord, contrat ou convention liant les professionnels de santé et l'assurance maladie. Article L. 182-3 du code de la sécurité sociale - L'UNOCAM rend un avis motivé et public sur les projets de loi relatifs à l'assurance maladie et de financement de la sécurité sociale ; - Elle émet des avis sur les propositions de décisions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) relatives au « ticket modérateur », à la participation forfaitaire des assurés, aux franchises médicales et à l'admission au remboursement d'un acte ou d'une prestation ; - Elle examine conjointement avec l'UNCAM les programmes annuels de négociations avec les professionnels et les centres de santé. Elles déterminent annuellement les actions communes menées en matière de gestion du risque. Article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale - Le comité d'alerte notifie à l'UNOCAM tout risque de dépassement de l'ONDAM ; l'UNOCAM propose des mesures de redressement. Article L. 162-15 du code de la sécurité sociale - L'UNCAM soumet pour avis à l'UNOCAM, avant transmission aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, toute mesure conventionnelle ayant pour effet une revalorisation des tarifs des honoraires. |
S'agissant plus précisément de l'association de l'UNOCAM à la négociation et à la signature des conventions liant les professionnels de santé et l'assurance maladie , il est à noter que les conditions de sa mise en oeuvre sont restrictives : cette association est à la seule initiative de l'UNCAM et est soumise à l'accord des organisations syndicales représentatives concernées. Elle n'a jamais été mise en oeuvre.
(3) Le dispositif proposé
Le I de l'article 31 tend à pallier cette situation en prévoyant désormais l'association systématique de l'UNOCAM à la négociation des conventions avec les professionnels de santé dès lors que celle-ci en émet la demande auprès de l'UNCAM qui est, quant à elle, dans l'obligation de la tenir informée de son intention d'ouvrir une négociation.
S'agissant plus particulièrement des accords, conventions ou avenants concernant des professions ou des prestations pour lesquelles la participation de l'assurance maladie à ces dépenses est minoritaire - notamment les soins dentaires et optiques -, ils ne pourront être valides que s'ils sont également conclus par l'UNOCAM.
Afin d'éviter un éventuel blocage dans les négociations conventionnelles, deux dispositions sont prévues :
- d'une part, la décision de signer ou non un accord sera soumise à un vote à la majorité de 60 % des voix exprimées au sein du conseil de l'UNOCAM, afin de faciliter l'émergence de solutions communes ( IV ) ;
- d'autre part, en cas de refus de l'UNOCAM de conclure un accord, l'UNCAM en informe les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale , dans un délai minimal fixé par décret s'agissant des conventions nécessitant une signature de l'UNOCAM.
Par coordination, le II et le III de l'article 31 prévoient de :
- dispenser, d'une part, l'UNCAM de son obligation de soumettre pour avis à l'UNOCAM toute mesure conventionnelle ayant pour effet une revalorisation tarifaire lorsque l'UNOCAM a décidé, par le nouveau dispositif proposé, de pendre part à la négociation ;
- d'abroger, d'autre part, l'article L. 132-2 du code de la sécurité sociale, qui régissait jusqu'alors la procédure d'association de l'UNOCAM aux négociations conventionnelles.
Outre deux amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie au nom de la commission des affaires culturelles, un amendement qui tend à prévoir que l'UNOCAM transmet, avant le 15 juin de chaque année, au Parlement et au ministre chargé de la sécurité sociale un bilan des négociations auxquelles elle a décidé de participer en vertu du dispositif introduit par l'article 31, ainsi que sur la mise en oeuvre des accords et conventions qu'elle a signés.
(4) La position de votre rapporteur pour avis
Votre rapporteur pour avis est favorable à cette mesure qui tend à mieux associer, à la maîtrise des dépenses de santé, les organismes d'assurance complémentaire, acteurs importants de la couverture de celles-ci, notamment dans les domaines des soins dentaires ou de l'optique.
De façon plus générale, à travers cette disposition - qui s'articule avec celle visant à majorer la taxe versée par les organismes complémentaires au Fonds de financement de la CMU prévue à l'article 12 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale -, se sont les fondements de notre système de protection sociale qui sont interrogées : son mode de financement et son périmètre.
C'est pourquoi, votre rapporteur pour avis souhaite que l'examen de ces mesures soit l'occasion de clarifier le débat sur la refonte envisagée du système de prise en charge des dépenses de santé , et notamment sur l'articulation entre les interventions du régime obligatoire et des assureurs complémentaires.
b) Les expérimentations de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé et de financement de la permanence des soins
L'article 31 propose, par ailleurs, de modifier certaines dispositions de l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 relatives à la mise en place d'expérimentations de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé et de financement de la permanence de soins.
Ces dispositions traduisent un autre point de la convention d'accord précitée du 28 juillet 2008, conclue entre le gouvernement et la fédération nationale de la mutualité française . Cet accord prévoyait en effet que « la logique du parcours de soins et du médecin traitant sera confortée par le développement de modes de rémunération plus adaptés au suivi des pathologies chroniques, auxquels la Mutualité sera associée ».
(1) L'expérimentation de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé
L'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 permet la mise en oeuvre, à compter du 1 er janvier 2008 et pour une période n'excédant pas cinq ans, l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé et des centres ou maisons de santé. Ces nouveaux modes de rémunération pourront compléter ou se substituer au paiement à l'acte. Selon l'annexe 3 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, le démarrage de l'expérimentation sera effectif à partir du mois de janvier 2009.
L'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit que ces expérimentations doivent donner lieu à une évaluation annuelle. Ce rapport est transmis au Parlement.
Le 1° du V de l'article 31 propose que, dès lors que cette évaluation conclut à l'opportunité et à la possibilité de généraliser ces expérimentations , le gouvernement transmet au Parlement , après avis de l'UNCAM, des organisations syndicales représentatives des professionnels concernés et de l'UNOCAM, un rapport comportant des propositions sur les conditions, les modalités et le calendrier de généralisation, ainsi qu'une étude d'impact.
L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie au nom de la commission des affaires culturelles, un amendement visant à supprimer cette disposition .
Votre rapporteur pour avis, qui avait été à l'initiative de la transmission au Parlement du rapport annuel d'évaluation de ces expérimentations, s'interroge sur la nécessité de prévoir un rapport spécifique relatif aux modalités de généralisation de ces expérimentations , estimant que les propositions du gouvernement en la matière pourront trouver leur place dans le rapport annuel d'évaluation. Il note, néanmoins, que la disposition proposée dans le présent article tendait également à inscrire dans la loi, l'obligation pour le gouvernement, de consulter, préalablement à une généralisation du dispositif, l'UNCAM, les organisations syndicales et l'UNOCAM.
(2) L'expérimentation de nouveaux modes de financement de la permanence de soins
L'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 permet, de même, aux missions régionales de santé de mettre en place, à titre expérimental, de nouvelles modalités d'organisation et de rémunération de la permanence de soins. Cette disposition visait à répondre, en partie, aux difficultés rencontrées dans l'organisation de celle-ci.
Le 2° du V de l'article 31 vise à modifier le mode de financement de ces expérimentations dont le coût ne serait plus pris en charge par le Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination (FIQCS), mais inscrit au titre des soins de villes , comme c'est le cas pour les expérimentations prévues au I de l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Cependant, contrairement à ces dernières, dont le coût mis à la charge des régimes obligatoires d'assurance maladie est pris en compte dans l'ONDAM, et ne fait donc pas l'objet d'une enveloppe limitative, l'article 31 tend à prévoir que le montant alloué aux missions régionales de santé pour l'expérimentation de nouveaux modes de financement de la permanence de soins sera plafonné . Il est, en effet, proposé qu'un arrêté détermine les limites dans lesquelles les missions régionales de santé fixent les montants des rémunérations des médecins assurant la permanence de soins, ainsi que le montant maximal de dépenses au titre des ces rémunérations pour chaque mission volontaire.
Par coordination, le 3° du V de l'article 31 prévoit que les missions régionales de santé transmettent leur rapport annuel d'évaluation de ces expérimentations, non plus au FIQCS, mais aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
Votre rapporteur pour avis est favorable à cette mesure qui prévoit désormais une enveloppe plafonnée de financement de ces expérimentations, ce qui en permettra une meilleure maîtrise.
Il s'interroge, néanmoins, sur la modification du mode de prise en charge de ces expérimentations - qui ne seront plus financées par le FIQCS mais au sein des dépenses de soins de ville. Tout en notant qu'hors expérimentation, les rémunérations des médecins libéraux dans le cadre de la permanence de soins sont financées sur les dépenses de soins de ville , il rappelle néanmoins que l'une des vocations du FIQCS est de financer des « actions et expérimentations concourant à l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins dispensés en ville, par l'octroi d'aides à des professionnels de santé exerçant en ville » 33 ( * ) . Votre rapporteur pour avis a pu constater la diminution de la dotation allouée au FIQCS pour 2009 34 ( * ) .
2. La prise en charge par l'assurance maladie d'une part des cotisations des chirurgiens-dentistes (article 31 bis)
A l'initiative de notre collègue député, Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie au nom de la commission des affaires culturelles, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du gouvernement, un article 31 bis visant à prévoir, à titre temporaire et dérogatoire - pour les cotisations dues au titre de 2009 - que le directeur général de l'UNCAM détermine la part, prise en charge par l'assurance maladie, des cotisations d'assurance maladie des chirurgiens-dentistes.
L'assurance maladie et les chirurgiens dentistes ont, en effet, signé en 2006 une convention prévoyant une revalorisation des honoraires de ces praticiens en contrepartie d'une modification dans la prise en charge de leurs cotisations. L'assiette retenue était limitée aux montants remboursables des actes pratiqués et excluait la part des honoraires correspondant aux dépassements pratiqués.
Le Conseil d'Etat a annulé cette convention pour rétroactivité dans un arrêt du 16 juin 2008. L'équilibre de l'accord a ainsi été rompu au détriment de l'assurance maladie. L'article 31 bis charge le directeur général de l'UNCAM de fixer, par décision unilatérale, les modalités de prise en charge de ces cotisations.
3. Le contenu du rapport transmis au Parlement par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) (article 32)
a) Les insuffisances actuelles de l'information du gouvernement et du Parlement sur les résultats de la maîtrise médicalisée
En application de l'article L. 111-11 du code de la sécurité sociale, l'UNCAM doit transmettre au ministre chargé de la sécurité sociale et au Parlement des propositions relatives à l'évolution des charges et des produits des régimes obligatoires d'assurance maladie au titre de l'année suivante et aux mesures nécessaires pour atteindre l'équilibre prévu par le cadrage financier pluriannuel des dépenses d'assurance maladie.
Dans son rapport de septembre 2008 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes a indiqué que l'obligation d'information pesant sur l'UNCAM, qui repose, à titre principal, sur la transmission de ce rapport, est « insuffisante pour permettre au Parlement d'apprécier la manière dont elle a mis en oeuvre l'ONDAM ». « Les informations y demeurent lacunaires, puisqu'elles portent à titre essentiel sur les médecins et présentent un bilan déséquilibré de ces accords, en valorisant surtout les économies qui résulterait de la maîtrise médicalisée et en évoquant de manière plus laconique ou en occultant parfois les surcoûts qu'ils génèrent . »
C'est pourquoi, la Cour des comptes préconisait, dans son rapport précité, d'instaurer, dans le rapport annuel de l'UNCAM transmis en juin au Parlement et au gouvernement, une obligation d'information sur les résultats de la maîtrise médicalisée et sur le coût des revalorisations tarifaires.
L'article 32 tend à mettre en oeuvre cette préconisation.
b) L'enrichissement des données transmises
L'article 32 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale précise ainsi que l'UNCAM joindra, au rapport sur les charges et produits transmis chaque année au Parlement et au gouvernement, un bilan détaillé de la mise en oeuvre des propositions de l'année précédente qui ont été retenues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que dans le cadre des négociations avec les professionnels de santé.
A l'initiative de nos collègues députés Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie et Yves Bur, rapporteur pour les recettes et les équilibres généraux au nom de la commission des affaires culturelles, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements :
- le premier tend à prévoir que le rapport de l'UNCAM précise l'impact financier des mesures de redressemen t prises pour assurer le respect de l'ONDAM ;
- le deuxième propose que le rapport analyse également les conditions d'exécution de l'ONDAM pour l'année précédente et le risque qui en résulte pour le respect de l'objectif de l'année en cours ;
- le troisième fixe un délai d'un mois dans lequel les caisses nationales d'assurance maladie proposent des mesures de redressement en cas de déclenchement de la procédure d'alerte.
Votre rapporteur pour avis accueille favorablement l'ensemble de ces mesures qui, par une meilleure documentation de l'évolution tendancielle des dépenses d'assurance maladie et des économies sous-jacentes, devrait tendre à améliorer l'appréciation des modalités de fixation de l'ONDAM, et ainsi accroître la sincérité de l'ONDAM et du cadrage pluriannuel annexé aux lois de financement de la sécurité sociale .
* 33 Article L. 221-1-1 du code de la sécurité sociale.
* 34 Se reporter au commentaire de l'article 48 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.