B. L'ACHÈVEMENT DE L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE ET SES CONSÉQUENCES
1. Un bilan plus que mitigé de l'ouverture
Depuis le 1 er juillet 2007, le marché français de l'électricité est totalement ouvert à la concurrence, tout comme celui du gaz naturel. En pratique, les 26 millions de consommateurs d'électricité peuvent quitter EDF ou leur distributeur non nationalisé (DNN) et choisir un opérateur alternatif pour leur fourniture électrique.
Avant cette date, seuls les consommateurs professionnels s'étaient vus reconnaître, de manière progressive en fonction de seuils de consommation, cette faculté (exercice de l'éligibilité) à partir de mai 2000.
Conformément aux directives européennes, la France a procédé, par étapes, à l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité : - en mai 2000, 30 % du marché étaient ouverts (pour les clients dont la consommation était supérieure à 16 GWh par an) ; - en février 2003, 37 % du marché étaient ouverts (pour une consommation supérieure à 7 GWh par an) ; - au 1 er juillet 2004, 70 % du marché étaient ouverts (pour tous les consommateurs autres que les ménages). Enfin, la totalité du marché (près de 450 TWh) est ouverte à la concurrence depuis le 1 er juillet 2007. |
En ce qui concerne les consommateurs professionnels, au 1 er avril 2007, 766.300 sites de consommation, soit 16,3 % de l'ensemble des sites éligibles avant le 1 er juillet 2007, avaient quitté le tarif réglementé pour s'approvisionner librement sur le marché. Sur ce total, 295.700 sites de consommation sont approvisionnés par un opérateur alternatif, ce qui signifie que la grande majorité des clients ayant quitté les tarifs sont restés chez EDF.
L'ouverture à la concurrence pour les particuliers est en revanche bien plus limitée . Selon les derniers chiffres communiqués par le gestionnaire du réseau de distribution 40 ( * ) , au 1 er novembre 2007, 12.819 clients particuliers avaient changé de fournisseur. Par ailleurs 9.557 demandes de changement de fournisseur ont été formulées pour le 1 er décembre 2007. Au total, au 1 er décembre 2007, soit cinq mois après l'ouverture à la concurrence, un peu plus de 22.000 consommateurs auront quitté les tarifs réglementés pour une offre commerciale libre .
A l'instar de nombreux observateurs du marché de l'électricité, votre rapporteur pour avis chargé du programme « énergie » estime que la libéralisation du secteur électrique, conformément aux directives européennes, est loin d'avoir fait ses preuves, notamment en termes d'évolution des prix offerts aux consommateurs. En effet, le marché libéralisé présente d'évidents dysfonctionnements , au nombre desquels un alignement du prix de l'électricité sur le coût du moyen de production le plus cher, c'est-à-dire une centrale à gaz ou à charbon.
Ces dysfonctionnement ont ainsi conduit le législateur à intervenir à deux reprises pour alléger les contraintes économiques pesant sur les consommateurs professionnels durement frappés par l'envolée des prix libres sur les marchés, avec la création d'Exeltium et du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM).
Exeltium Exeltium est un consortium d'achat d'électricité à long terme, dont la création a été autorisée par la loi de finances rectificative (LFR) pour 2005. Cette structure, fondée par sept groupes fortement électro-intensifs (Air Liquide, Arkema, Solvay, Alcan, Rhodia, Arcelor et UPM) s'est constituée en mai 2006. Afin d'assurer l'alimentation électrique de ses membres, Exeltium a lancé un appel d'offres auprès de dix-sept producteurs européens sur la base des besoins de ces sept groupes, mais également de tous les consommateurs éligibles au dispositif au terme de la LFR 2005 susceptibles de rejoindre par la suite le consortium. En définitive, Exeltium a signé un protocole d'accord avec EDF le 15 janvier 2007 et finalise actuellement les conditions contractuelles de cet approvisionnement. Le cadre de cet accord vise à permettre à ces industriels de participer au financement de capacités de production nucléaires moyennant un prix de fourniture basé sur un prix compatible avec leurs contraintes économiques. Il obligera les groupes participant à cette initiative à massivement lever des fonds. Ces engagements porteraient sur des durées allant de 15 à 24 ans pour des volumes atteignant un maximum, à l'horizon de 2012, de 18 TWh. La mise en oeuvre finale de cet accord est néanmoins pour le moment suspendue à l'accord de la Commission européenne. Le TaRTAM Le TaRTAM a été créé par la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie. Le bénéfice de ce tarif est ouvert à tout consommateur final d'électricité ayant exercé son éligibilité qui en a fait la demande à son fournisseur avant le 1 er juillet 2007. Il s'applique de plein droit aux contrats en cours à compter de la date à laquelle la demande est formulée. Il s'applique également aux contrats conclus postérieurement à cette demande écrite, y compris avec un autre fournisseur. Dans tous les cas, la durée de fourniture au niveau du TaRTAM est limitée à deux ans à compter de la date de la première demande d'accès à ce tarif. La loi ayant précisé que le niveau du TaRTAM ne pouvait excéder de 25 % le niveau du tarif réglementé de vente hors taxes applicable à un site de consommation présentant les mêmes caractéristiques, l'arrêté du 3 janvier 2007 fixe les taux de majoration dans une fourchette allant de 10 à 23 % par rapport aux tarifs réglementés « classiques ». Il en résulte un prix de vente de l'électricité se situant à mi-chemin entre les tarifs réglementés et les prix de marché. Pour l'application de ce mécanisme, les fournisseurs qui alimentent leurs clients au niveau du TaRTAM et qui établissent qu'ils ne peuvent produire ou acquérir les quantités d'électricité correspondantes à un prix inférieur à la part correspondant à la fourniture de ces tarifs bénéficient d'une compensation couvrant la différence entre le coût de revient de leur production ou le prix auquel ils se fournissent et les recettes correspondant à la fourniture de ces tarifs. Cette compensation est financée par : - une contribution prélevée sur les producteurs d'électricité exploitant des installations d'une puissance installée totale de plus de 2.000 MW et assise sur le volume de leur production d'électricité d'origine nucléaire et hydraulique au cours de l'année précédente ; - la contribution au service public de l'électricité. Sur proposition du Sénat, la loi du 7 décembre 2006 a prévu la présentation au Parlement, avant le 31 décembre 2008, d'un rapport sur la formation des prix sur le marché de l'électricité et dressant le bilan d'application du TaRTAM. Ce rapport doit analyser les effets de ce dispositif et envisager, s'il y a lieu, sa prolongation. |
A titre personnel, votre rapporteur pour avis considère que l'instauration de ces deux dispositifs démontre, s'il en était besoin, l'échec de la politique de libéralisation du secteur de l'électricité. En effet, compte tenu des spécificités de ce bien, le marché électrique nécessite, pour fonctionner de manière optimale et au bénéfice des consommateurs, une forte maîtrise publique. Vitre rapporteur pour avis ne peut donc que regretter le choix qui a été fait par les Etats membres de l'Union européenne en 2002 de prévoir la libéralisation totale, c'est-à-dire également pour les particuliers au 1 er juillet 2007. Le franchissement de cette étape supplémentaire aurait nécessité de disposer d'un bilan exhaustif des effets de l'ouverture à la concurrence pour les consommateurs professionnels et de démontrer solidement les bienfaits de cette politique de libéralisation.
* 40 EDF Réseau Distribution (ERD).