N° 174
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 janvier 2007 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques (1) sur le projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (Urgence déclarée),
Par M. Dominique BRAYE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Herisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, M. Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mme Sandrine Hurel, M. Charles Josselin, Mme Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, André Vézinhet, Jean-Pierre Vial.
Voir les numéros :
Sénat : 170, 175 (2006-2007)
Logement et habitat. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Conformément aux annonces faites par le Président de la République lors de ses voeux aux Français le 31 décembre 2006, le Sénat est saisi en urgence, avant la fin de la session parlementaire, d'un projet de loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
Ce projet, dont l'adoption constituerait une novation juridique majeure dans notre droit, fait notamment suite à la mobilisation du mouvement associatif, à l'initiative des Enfants de Don Quichotte , avec l'installation de tentes sur les bords du canal Saint-Martin à Paris et dans d'autres villes de province pour héberger les sans-abris, à l'instar des opérations de même nature qu'avaient menées Médecins du monde l'an dernier.
Au delà de la sympathie suscitée dans l'opinion publique par cette mobilisation -dont votre commission pour avis ne conteste ni les bonnes intentions ni les motivations, qu'elle juge légitimes- qui a indéniablement contribué à sensibiliser les pouvoirs publics à cette question, l'idée de rendre le droit au logement opposable est une revendication ancienne d'associations oeuvrant en faveur du logement des plus démunis depuis des décennies. Elle a ainsi donné lieu à de nombreux rapports élaborés par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, le plus récent ayant été remis au Premier ministre le 3 janvier dernier.
Ces travaux, de grande qualité, ont toujours souligné que la reconnaissance du droit au logement opposable ne pouvait résulter que d'une construction progressive, supposant la mise en place d'une stratégie globale en matière de politique du logement.
Votre commission pour avis considère qu'une telle idée n'est pas dénuée de légitimité car elle vise à rendre, pour tous nos concitoyens, le droit au logement effectif. La France, qui est l'un des pays les plus développés du monde, a le devoir d'apporter une réponse à la détresse exprimée par les trois millions de ménages mal-logés et les 80.000 sans abris. Ces faits les plus palpables de la grave crise du logement que connaît notre pays, sur lesquelles votre commission pour avis s'est exprimée à de nombreuses reprises, ont conduit le Gouvernement et le législateur, au cours des cinq dernières années, à consacrer pas moins de quatre textes législatifs à ce problème. Tous ont eu pour objet de mobiliser des ressources foncières en faveur de la réalisation de logements accessibles à tous et d'instiller dans notre pays une dynamique en faveur de la construction.
Malgré ces efforts substantiels, qui ont eu pour conséquence directe de relancer la production de logements et de la porter à des niveaux historiques, notamment celle des logements locatifs sociaux, notre pays est toujours confronté à une grave pénurie de l'offre, en particulier dans les grandes agglomérations, qui pousse le niveau des loyers et les prix de l'immobilier à la hausse.
Le projet de loi qui est soumis à votre approbation, trois semaines avant la suspension des travaux parlementaires, vient redonner un nouvel élan à cette dynamique législative. En effet, la mise en oeuvre du droit au logement dans les conditions proposées par ce texte, qui n'est que la première étape d'un long processus, nécessitera obligatoirement d'autres modifications législatives à brève échéance. Surtout, la reconnaissance de ce droit ne saurait constituer, à elle seule, une solution miracle pour relever la totalité des défis auxquels notre société est confrontée dans le domaine du logement. Sa garantie par l'Etat n'est qu'un outil, parmi tant d'autres, pour rendre le droit au logement véritablement effectif.
Dans un contexte de pénurie de logements, l'objectif de permettre à tous de disposer d'un logement durable dans les plus brefs délais, tout légitime qu'il soit, suppose avant tout de poursuivre ou d'intensifier cet effort de construction afin de combler les retards accumulés au cours des années passées. Sans ce corollaire indispensable, la reconnaissance d'un droit au logement opposable permettant aux citoyens, par l'intermédiaire de voies de recours amiable et contentieux, d'obtenir un logement de la puissance publique restera lettre morte et ne pourra que contribuer à déplacer les files d'attente des personnes sans logis ou mal-logées des organismes d'habitations à loyer modéré vers les tribunaux, sans pour autant qu'une solution à long terme puisse leur être proposée.
Dans ces conditions, votre commission pour avis forme des voeux pour que le texte résultant des délibérations du Parlement retienne une solution réaliste, pragmatique et efficace, qui soit à la hauteur des espérances qu'il est de nature à susciter au sein de la population.