II. EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS
Réunie le mercredi 6 septembre 2006 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Nicolas About sur le projet de loi n° 433 (2005-2006) relatif à la prévention de la délinquance .
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a rappelé que la commission des affaires sociales a souhaité se saisir du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui comprend un important volet sanitaire et social organisé autour de quatre thèmes : l'action sociale en faveur des familles en difficulté, la sécurité en matière d'habitat et d'urbanisme, la prise en charge des personnes présentant des troubles mentaux dangereux et la lutte contre la toxicomanie.
Les dispositions relatives au soutien aux familles en difficulté ont d'abord pour objectif de mieux coordonner l'intervention des professionnels de l'action sociale, d'une part en confiant au maire la charge de désigner celui qui assurera la cohérence des actions menées auprès d'une même famille, d'autre part, en autorisant le partage d'informations entre les travailleurs sociaux concernés par une même situation et la révélation de certaines de ces informations au maire.
Il s'agit également d'améliorer le repérage et l'accompagnement des familles en difficulté grâce, notamment, à la mise en place d'un fichier automatisé permettant de croiser les informations relatives à l'absentéisme scolaire dont disposent les services municipaux, les caisses d'allocations familiales et l'inspection d'académie. En outre, le maire est incité à soutenir les parents dans leurs missions éducatives en proposant un accompagnement parental, destiné à mobiliser des mesures de soutien individualisé ou d'aide à domicile, en consultant un conseil des droits et des devoirs des familles sur les mesures les plus appropriées aux situations étudiées et en adressant des rappels à l'ordre verbaux aux mineurs dont le comportement trouble l'ordre public.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , s'est interrogé, à cet égard, sur la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités, rappelant que la coordination de l'action sociale relève, depuis les premières lois de décentralisation, du département. Il a fait part de sa crainte que le texte ne conduise, de fait, à une confusion des rôles entre le maire, mieux placé pour coordonner les actions relatives à la sécurité au niveau local, et le conseil général dont dépendent les moyens d'intervention en matière d'action sociale.
Il a estimé que le meilleur moyen d'associer le maire, qui est souvent le premier informé et le premier sollicité pour remédier aux situations difficiles, pourrait être d'avoir recours aux nouvelles modalités de délégation de compétences : le président du conseil général aurait alors la mission de désigner le coordonnateur, mais pourrait déléguer à une commune cette compétence.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a ensuite observé, le contrat de responsabilité parentale créé par la loi du 31 mars 2006 relative à l'égalité des chances n'ayant pas encore eu le temps de faire ses preuves, que le projet de loi institue un dispositif d'accompagnement parental identique qui relève du maire. Estimant ce doublon inutile, il a considéré préférable d'encourager la montée en charge du contrat de responsabilité parentale, en prévoyant la possibilité pour le président de conseil général de déléguer au maire le soin de proposer et de conclure ces contrats.
Il a enfin proposé de ne pas rendre obligatoire la création des conseils des droits et des devoirs des familles, facteurs de lourdeurs administratives, mais de laisser cette option ouverte aux communes qui souhaiteraient y avoir recours.
Concernant l'organisation des règles de partage d'informations entre travailleurs sociaux, il a fait valoir que ce partage doit se faire dans l'intérêt des familles. Il a relevé plusieurs difficultés posées par le texte : une ambiguïté sur la nature des informations susceptibles d'être partagées, l'association de professionnels non soumis au secret professionnel et une incompatibilité avec le dispositif plus satisfaisant retenu dans le cadre du projet de loi relatif à la protection de l'enfance, ce qui risque de semer la confusion dans l'esprit des travailleurs sociaux.
Sur le volet du texte qui concerne la sécurisation des espaces collectifs et des logements, il a indiqué qu'il y est prévu que certains projets d'urbanisme de grande ampleur soient soumis à une étude préalable de sécurité publique et à un avis d'une commission compétente en la matière. Il a souhaité, à cet égard, qu'il puisse être dérogé aux seuils fixés par décret, si les caractéristiques particulières d'un projet le justifient. Par ailleurs, les conditions de majorité des décisions des copropriétés pour la réalisation de travaux de sécurité dans les parties communes et les modalités d'ouverture des halls d'immeubles sont modifiées, revenant ainsi sur certaines dispositions récemment adoptées dans la loi portant engagement national pour le logement.
Puis M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a présenté le troisième volet du projet, consacré à la prise en charge sanitaire des individus atteints de troubles psychiatriques, déplorant qu'il s'inscrive dans un texte consacré à la délinquance, même si son contenu est satisfaisant.
Rappelant qu'il existe trois catégories de placements - le placement d'office, décidé par le préfet pour les individus dont les troubles affectent l'ordre public ou la sûreté des personnes, le placement à la demande d'un tiers et le placement volontaire - il a estimé que le système peine à trouver son équilibre entre une logique purement sanitaire et les impératifs d'ordre public. Il peut, en effet, y avoir confusion dans l'application des procédures d'urgence et certaines personnes dangereuses sont trop souvent prises en charge en hospitalisation libre ou à la demande d'un tiers, ce qui est moins contraignant. Par ailleurs, les informations parfois lacunaires transmises par les Ddass n'aident pas les préfets à exercer leurs missions en matière d'hospitalisation d'office. Enfin, la psychiatrie actuelle est peu favorable à l'internement.
Partant de ce constat, le projet de loi reconnaît le maire, ou le commissaire de police à Paris, en tant qu'autorité responsable de la décision initiale d'internement, après avis d'un médecin, alors que son rôle est actuellement limité aux cas d'urgence. Sa décision devra toutefois être confirmée dans les soixante-douze heures par le préfet après expertise médicale, celui ci pouvant également décider lui-même de l'internement en cas de nécessité.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a fait valoir que le texte ne fait que traduire la réalité puisque dans les faits, 65 % des décisions d'hospitalisation d'office sont prises aujourd'hui par le maire.
Une deuxième série de propositions vise à mieux définir le dispositif de l'hospitalisation sans consentement. Les régimes existants seront plus strictement séparés : les individus dont les troubles portent atteinte à la sécurité des personnes ou à l'ordre public ne pourront ainsi plus être hospitalisés à la demande d'un tiers. Il s'agit d'éviter que des malades dangereux relèvent d'un régime trop souple, notamment en termes de sortie de l'établissement.
Il s'agit enfin, dans une troisième série de propositions, d'améliorer la sécurité du dispositif d'hospitalisation d'office tant pour les malades, qu'il convient de protéger contre les internements abusifs et préparer à réintégrer la société que pour la population toute entière. En conséquence, il est proposé de mieux encadrer les sorties d'essai dont bénéficient les patients en vue de préparer leur réinsertion sociale et de renforcer le suivi médical du patient.
En outre, le texte prévoit de créer un fichier national rassemblant, pendant six ans à compter de la date de l'hospitalisation, les informations administratives relatives aux personnes internées d'office dont l'accès sera réservé aux personnes autorisées et qui devrait permettre d'améliorer le suivi des mesures et de renforcer le contrôle de la détention d'armes. Le rapporteur a souhaité, à cet égard, que soit précisées les modalités d'utilisation du fichier national des personnes hospitalisées d'office, conformément à l'avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) du 13 juin 2006, que les règles de procédures applicables au préfet qui prononce une mesure initiale d'hospitalisation d'office soient alignées sur celles qu'aurait dû respecter le maire qui s'est abstenu d'intervenir et que soit rétabli l'avis que la Ddass donne utilement aujourd'hui sur la sortie définitive des personnes hospitalisées d'office après abandon des poursuites en raison de leur état mental.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a abordé le thème de l'injonction thérapeutique. Rappelant que cette mesure existe depuis une loi de 1970, mais qu'elle est tombée en désuétude en raison des réticences du corps médical à soigner sous la contrainte, il a indiqué que le texte propose de la réhabiliter à chaque niveau de la procédure judiciaire en lui donnant plus de solennité (l'intéressé devra donner son accord écrit, y compris lorsqu'il est mineur), plus de rigueur (l'injonction sera valable six mois renouvelables, alors qu'aucun délai n'est aujourd'hui prévu) et plus de souplesse (son champ sera explicitement élargi aux récidivistes). Un médecin relais est en outre créé pour constituer l'interface entre le patient et l'autorité judiciaire en lieu et place de la Ddass.
Des sanctions renforcées sont, par ailleurs, instituées pour les usagers de drogues qui exercent des responsabilités professionnelles particulières - transport de voyageurs et mission de service public notamment - ou qui commettent cette infraction dans un établissement d'enseignement ou un local administratif.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a estimé nécessaire de rétablir l'obligation, pour la Ddass, de faire procéder à une enquête sur la vie familiale, professionnelle et sociale du toxicomane, pour disposer de tous les éléments permettant d'apprécier la situation du patient, de clarifier le rôle du médecin relais, d'exiger l'accord écrit des représentants légaux du mineur et l'avis favorable de celui-ci pour l'application de la mesure et de supprimer le délai de six mois pour la mise en oeuvre de l'injonction thérapeutique. Il a également proposé d'apporter plus de rigueur aux peines applicables en cas d'usage de stupéfiants lorsque le trafic a lieu dans un établissement scolaire ou administratif, ou aux alentours, et en cas de suspension du permis de conduire des transporteurs publics qui contreviennent à la législation sur la drogue.
M. Louis Souvet , soulignant que le projet de loi fait du maire le pilier du dispositif de prévention de la délinquance, s'est déclaré opposé à ce qu'il devienne une sorte de « shérif ». Certains élus pourraient avoir du mal à assumer les nouvelles missions qui leur sont confiées, dans la mesure où les moyens à leur disposition sont souvent faibles et leur savoir-faire en matière de prévention de la délinquance limité. Il s'est inquiété, en outre, des conditions dans lesquelles la sécurité des élus pourrait être garantie, leurs nouvelles responsabilités pouvant, en effet, les exposer à un risque de représailles accru. Il a également jugé que le texte est susceptible d'introduire une confusion entre les compétences du maire et celles du président du conseil général.
M. Alain Gournac s'est déclaré très favorable au texte, estimant qu'il permettra aux maires d'obtenir des informations qui leur font actuellement défaut. Le maire est, à son sens, le mieux placé, en raison de sa proximité avec ses administrés, pour exercer une mission de coordination des actions de prévention de la délinquance. Dans le même ordre d'idées, il a demandé que les parents assistent obligatoirement aux rappels à l'ordre adressés aux mineurs. Il a précisé que, étant attaché au rôle central du maire dans ce dispositif, il ne pourrait soutenir l'orientation préconisée par le rapporteur, consistant à confier davantage de responsabilités au président du conseil général.
M. Jean-Pierre Michel a estimé que le projet de loi ne comporte aucune mesure véritable de prévention de la délinquance, mais procède, au contraire, d'une logique de surveillance et de contrôle généralisés de la population, qui rappelle les analyses de Michel Foucault dans son ouvrage « Surveiller et punir », et fait de chaque individu un suspect en puissance, tout en encourageant la délation et en favorisant la multiplication des fichiers.
Il a indiqué que la gauche avait confié un rôle de coordination aux maires dès 1982 et jugé positif qu'ils puissent à l'avenir disposer d'informations auxquelles ils n'ont pas aujourd'hui accès. En revanche, il s'est opposé à ce que le maire devienne, comme le texte le prévoit, un acteur de la chaîne pénale et s'est inquiété du risque de chevauchement entre ses compétences et celles du président du conseil général.
Il s'est étonné, ensuite, que le texte aborde la question de l'internement des malades mentaux, jugeant que cette question n'avait pas sa place dans un texte relatif à la prévention de la délinquance. Il s'est inquiété du fait que le projet de loi donne au maire la possibilité de prononcer un internement d'office sur la base, non plus d'un certificat médical, mais d'un simple « avis médical » et a souhaité obtenir des éclaircissements sur ce point. Il a dénoncé une dérive dans le recours à l'internement d'office, qui serait utilisé, selon lui, à l'encontre de personnes qui ne sont pas malades, mais qui créent simplement un trouble dans leur quartier.
Sur la toxicomanie, il a d'abord estimé que ce sujet mériterait d'être traité dans un projet de loi spécifique, qui permettrait de mettre fin à l'ambiguïté actuelle, qui conduit à traiter le consommateur de drogues comme un délinquant, au même titre que le trafiquant. Le consommateur doit être soigné, ce qui suppose d'établir une relation de confiance avec le personnel soignant ; or, cette confiance est altérée si la loi oblige le personnel médical à transmettre des informations à la police.
En conclusion, M. Jean-Pierre Michel a souligné que son groupe est favorable à une véritable politique de prévention de la délinquance, et aussi de répression, chaque fois que nécessaire, mais qu'il ne pourrait approuver le projet de loi présenté par le Gouvernement, qui s'inscrit dans un contexte de réduction des moyens affectés aux actions de prévention, notamment dans le milieu associatif.
Mme Isabelle Debré a fait part de ses quinze années d'expérience en matière de protection de l'enfance et estimé que la répression est parfois indispensable. Elle a considéré que le maire est l'élu qui connaît le mieux les réalités de terrain. Elle a ajouté qu'un jeune de seize ans ne peut plus être considéré comme un enfant et souhaité que les rappels à l'ordre soient prononcés par le maire en présence des parents. Elle a approuvé les mesures contenues dans le texte en matière de partage de l'information, même si on ne peut totalement exclure tout risque de dérive. Elle a indiqué que beaucoup de faits graves sont liés à la consommation d'alcool, de drogue ou au chômage de longue durée.
M. Michel Esneu s'est déclaré favorable à une action menée au plus près du terrain, mais a jugé que la prévention de la délinquance représente une lourde responsabilité pour les élus, qui disposent de peu de moyens. Citant les dispositifs de réussite éducative, il a souligné que des instances de coordination ont déjà été mises en place au cours des dernières années.
M. Alain Vasselle a tout d'abord déploré que ce texte soit examiné au cours de la session extraordinaire, faisant valoir que certains parlementaires ne pourront prendre part au débat en raison d'obligations contractées de longue date. Il a ensuite regretté de ne pas disposer de plus d'informations sur l'impact financier du texte.
Approuvant l'idée de faire du maire le pivot du dispositif de prévention de la délinquance, il a suggéré de prévoir, néanmoins, une procédure de codécision entre le maire et le président du conseil général dans certains domaines. Il a demandé des précisions sur les différences existant entre « l'accompagnement parental », visé par le texte, et le « contrat de responsabilité parentale », introduit par la loi pour l'égalité des chances. Abordant la question de l'internement d'office, il a jugé qu'il s'agit là d'une lourde responsabilité pour le maire et qu'il serait préférable de l'exercer collégialement. Il a proposé que les rappels à l'ordre soient prononcés par le maire en présence des parents et regretté que les menaces et les outrages à magistrat, dont peuvent être victimes les élus, soient rarement sanctionnés par des tribunaux déjà surchargés.
Enfin, il a également critiqué la lourdeur des procédures administratives en matière de construction de logements sociaux et estimé que la proposition de rendre obligatoire une étude de sécurité publique avant la délivrance du permis de construire va encore ralentir l'avancement des projets d'urbanisme.
M. Bernard Cazeau a souhaité que le législateur oeuvre à la clarification des textes et des compétences des différentes collectivités ; or, a-t-il estimé, les sept premiers articles du projet de loi ne sont pas cohérents avec les orientations arrêtées dans le cadre du projet de loi réformant la protection de l'enfance. Par ailleurs, s'il est vrai que le maire est l'élu le plus proche du terrain, il ne dispose que de moyens très limités : 80 % des travailleurs sociaux relèvent en effet des conseils généraux. La communication des informations confidentielles détenues par les travailleurs sociaux doit, de plus, être strictement encadrée, sans quoi la nécessaire confiance entre les familles et les travailleurs sociaux risque de s'en trouver altérée.
Mme Marie-Thérèse Hermange a jugé que le deuxième alinéa de l'article 5 du projet de loi, qui organise la coordination des interventions des travailleurs sociaux, est un texte fondateur. Actuellement, les différents services, au sein d'un même conseil général, travaillent souvent de manière trop cloisonnée et la coopération avec les services de l'Etat et des communes est trop peu développée. Elle a fait part de l'action qu'elle a menée, en tant qu'élue locale, pour constituer des équipes pluridisciplinaires dans les maternités parisiennes, en s'inspirant d'une expérience conduite dans le Var. L'enjeu principal est désormais de travailler autrement, de manière plus coordonnée, et non de disposer de moyens supplémentaires.
Mme Valérie Létard s'est interrogée sur l'articulation à trouver entre les dispositifs existant aujourd'hui, tels les équipes de réussite éducative et le contrat de responsabilité parentale, et ceux introduits par le projet de loi. Considérant que le président du conseil général doit conserver un rôle central en matière d'action sanitaire et sociale, dans la mesure où il est le seul à disposer des moyens d'action appropriés, elle a approuvé les modifications proposées par le rapporteur.
Elle a ensuite déploré que l'institution des « délégués du procureur », mise en place dans le Valenciennois afin de procéder à des rappels à l'ordre en cas d'incivilité, soit aujourd'hui menacée, faute de crédits suffisants inscrits au budget de la Justice. Elle a jugé que le projet de loi risque d'être peu efficace s'il ne s'accompagne d'aucun moyen supplémentaire.
M. Paul Blanc a rappelé que la plupart des 36.000 communes françaises disposent de moyens très modiques et que les maires risquent, en conséquence, de rencontrer des difficultés pour mettre en oeuvre les nouvelles responsabilités qui leur sont confiées. Il a fait part des hésitations des maires de son département pour décider, par exemple, des mesures d'internement d'office. Il s'est cependant déclaré réservé sur la proposition du rapporteur de confier au président du conseil général le pouvoir de nommer un coordonnateur, le maire ne pouvant alors procéder à une telle nomination que par délégation. Il a en effet fait valoir qu'il peut exister des conflits politiques, ou personnels, entre un maire et un président de conseil général, qui rendent impossible une délégation de compétence d'une collectivité à une autre. Il est donc préférable que le maire puisse agir de sa propre initiative. Enfin, il a estimé que la psychiatrie française est véritablement sinistrée et souhaité une prise de conscience en ce domaine.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a indiqué que la proximité du maire avec ses administrés le place, certes, dans une position idéale pour repérer les situations difficiles et engager les actions adaptées, mais que la modestie des moyens à sa disposition lui impose aussi, pour être efficace, de saisir immédiatement des services extérieurs à la commune, dépendant le plus souvent de l'Etat ou du département. Le fait d'être à l'origine d'une procédure ne fait donc pas nécessairement du maire l'élu le mieux placé pour assumer un rôle de coordination. Il convient, de plus, d'être cohérent avec les actuelles dispositions législatives, que le présent projet de loi ne propose d'ailleurs pas d'abroger, qui confèrent au président du conseil général un rôle de coordination de l'action sociale sur son territoire.
Soulignant qu'une politique de prévention efficace suppose une coopération étroite entre le maire et le président du conseil général, M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a proposé que ce soit le président du conseil général qui désigne le coordonnateur, car celui-ci sera souvent un travailleur social placé sous son autorité, mais après consultation du maire. Il pourra également déléguer cette compétence au maire si ce dernier apparaît, au vu des circonstances locales, le mieux placé pour l'exercer. Certes, il peut arriver que les relations entre élus soient conflictuelles et sources de dysfonctionnements, mais le maire sera, en tout état de cause, contraint de travailler avec le conseil général, qui dispose seul de moyens significatifs en matière d'action sociale. Les informations nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de prévention de la délinquance doivent, en conséquence, être adressées non seulement au maire, mais aussi au président du conseil général.
Abordant la question des moyens, il a fait part de la préoccupation de l'Association des maires de France (AMF) qui redoute de voir les communes assumer de nouvelles missions sans disposer de moyens correspondants.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a ensuite fait observer que les maires procèdent déjà à des rappels à l'ordre, en dehors de toute base juridique. C'est la raison pour laquelle il considère inutile d'inscrire cette faculté dans la loi, car les maires risquent d'être excessivement sollicités, voire contestés s'ils ne font pas systématiquement usage de cette possibilité, et pourraient également faire l'objet de menaces.
Puis il a indiqué que le nombre d'internements d'office correspond à 3 % du total des personnes hospitalisées en milieu psychiatrique, contre 1 % il y a quinze ans. Il a considéré que la procédure suivie est plus satisfaisante aujourd'hui qu'elle ne l'était à l'époque.
En matière de partage des informations, il a proposé, pour respecter la ligne de conduite retenue par la commission elle-même, de reprendre la formule définie dans le projet de loi réformant la protection de l'enfance examiné par le Sénat, en première lecture, il y a quelques mois.
Il a enfin précisé que l'accompagnement parental et le contrat de responsabilité obéissent à des règles quasiment identiques, à cette nuance près que le premier serait mis en oeuvre par la commune, tandis que le second relève déjà de la compétence du conseil général. En cas d'échec de l'accompagnement parental, les familles risquent de se voir proposer un contrat de responsabilité parentale, ce qui retardera d'autant la mise en place de mesures plus énergiques. Il a donc jugé préférable, dans un souci de simplification, de donner au maire la possibilité de conclure d'emblée, par délégation, des contrats de responsabilité parentale.
Après cette discussion générale, la commission a examiné les amendements présentés par son rapporteur.
A l'article 5 (coordination des actions et partage d'informations en matière d'action sociale en faveur des familles en difficulté), le rapporteur a proposé de modifier le dispositif du texte sur deux points : d'abord pour prévoir que le président du conseil général sera informé, conjointement avec le maire, des difficultés d'une famille et qu'il pourra désigner un coordonnateur des interventions des travailleurs sociaux à titre principal sauf s'il souhaite déléguer cette compétence au maire ; ensuite pour sécuriser les règles applicables en matière de partage d'informations entre travailleurs sociaux intervenant auprès d'une même famille sur le modèle précédemment retenu par le projet de loi relatif à la protection de l'enfance.
La question du choix de l'autorité qui sera chargée de désigner le coordonnateur de l'action sociale a fait l'objet d'un large débat. Mme Bernadette Dupont a considéré que la compétence de désignation du coordonnateur entre les différents travailleurs sociaux doit être attribuée à la collectivité territoriale qui finance les actions. M. Alain Vasselle a plaidé pour une procédure de codécision avec l'intervention du préfet en cas de conflit. M. Alain Gournac s'est dit opposé au choix du président de conseil général, souhaitant que le maire soit au centre du dispositif. Mme Isabelle Debré a proposé une rédaction du texte qui prévoirait une compétence alternative du président du conseil général « ou » du maire. M. André Lardeux s'est félicité de la rédaction actuelle de l'amendement, estimant que c'est celle qui correspond le mieux à la réalité et que toute autre répartition des compétences ne pourrait pas fonctionner. Mme Bernadette Dupont a considéré que la désignation du coordonnateur par le président du conseil général pourrait être soumise à l'accord du maire plutôt qu'à sa simple consultation. M. Bernard Cazeau a estimé nécessaire qu'in fine, il y ait un seul responsable, la compétence du président du conseil général étant naturelle à son sens. M. Jean-Pierre Godefroy a indiqué que son groupe voterait cet amendement qui se rapproche de la rédaction qui avait été adoptée lors de l'examen des textes précédents, notamment du projet de loi relatif à la protection de l'enfance. Il a toutefois annoncé que son groupe défendrait son propre amendement en séance publique. M. Paul Blanc a souhaité que l'on maintienne la compétence du maire, estimant que, politiquement, c'est finalement lui qui sera considéré comme responsable en cas de difficulté.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a fait observer qu'en optant pour la consultation du maire sur le choix du coordonnateur, on n'engage pas sa responsabilité, alors que requérir son accord ou une codécision le rendrait juridiquement responsable. Dans ce cas, la rédaction proposée aurait un résultat inverse à l'effet recherché.
A l'issue de ce débat, la commission a adopté les deux modifications proposées par son rapporteur.
A l'article 6 (dispositif d'accompagnement parental et conseil pour les droits et les devoirs des familles), elle a adopté un amendement qui vise à assurer la coordination du dispositif proposé par le projet de loi avec le contrat de responsabilité parentale.
Puis le rapporteur a proposé de supprimer l'article 7 (désignation du tuteur aux prestations familiales), considérant que la faculté de désigner le coordonnateur de l'action sociale en qualité de gestionnaire des prestations familiales mises sous tutelle est une mesure d'ordre réglementaire et que le dispositif prévu est, en outre, incompatible avec les dispositions adoptées dans le cadre du projet de loi relatif à la protection de l'enfance. M. Alain Vasselle a proposé que cette faculté soit donnée au maire sans en faire une obligation légale. M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a indiqué que l'octroi d'une simple faculté étant sans portée juridique, il n'est pas utile de le préciser dans la loi. M. Alain Gournac s'est dit opposé à la suppression de l'article 7, spécifiant qu'il voterait donc contre l'amendement proposé. Mme Isabelle Debré s'est déclarée favorable au fait que le maire puisse désormais saisir le juge des enfants afin de lui demander de désigner le coordonnateur de l'action sociale pour gérer les prestations mises sous tutelle. M. André Lardeux a fait observer que si cette disposition du texte était maintenue en l'état, elle serait en contradiction avec la rédaction du projet de loi relatif à la protection de l'enfance, telle qu'elle a été adoptée en juin dernier.
La commission a adopté la suppression de cet article.
A l'article 8 (possibilité, pour le maire, d'adresser un rappel à l'ordre aux mineurs qui troublent l'ordre public), le rapporteur a présenté un amendement de suppression, estimant que la disposition proposée ne fait que donner une base légale à une pratique largement répandue, alors qu'elle est sans réelle portée juridique.
M. Jean-Pierre Godefroy a indiqué que son groupe voterait cet amendement, la faculté de rappel à l'ordre par le maire étant sans réelle garantie de résultat étant donné qu'il ne possède aucun moyen d'en assurer l'efficacité. Il s'est inquiété que le maire perde son crédit en faisant des rappels à l'ordre inopérants, avec le risque supplémentaire qu'ils soient portés à charge de la personne avertie, ce qui impliquerait le maire dans une procédure juridique dans laquelle il n'a pas vocation à intervenir.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a confirmé le risque encouru par les maires du fait de cette procédure, ajoutant que cette disposition peut être source de confusion avec celle relative au rappel à la loi fait par le procureur de la République.
Mme Isabelle Debré a souligné les avantages de la solennisation d'une pratique courante, souhaitant que cette faculté accordée au maire soit inscrite dans la loi. Mme Raymonde Le Texier , rappelant sa longue expérience en tant que maire et son expérience professionnelle avec les jeunes délinquants, s'est étonnée que l'association des maires de France réclame ce type de responsabilité. Faire de cette faculté souple une quasi-obligation décrédibiliserait sans doute l'intervention du maire. Elle s'est dite favorable à des rappels à l'ordre effectués, sur délégation du maire, par les maisons de la justice et du droit, dont elle a déploré le manque de moyens financiers. M. Jean-Pierre Michel a souligné le caractère imprécis du champ d'application de cette mesure qui ne concerne, à son sens, pas seulement les mineurs et peut traiter de sujets aussi divers que les conflits de voisinage ou les atteintes portées à l'environnement. Il a souligné en outre les problèmes qui peuvent résulter de l'éventuelle partialité du maire.
La commission a adopté l'amendement proposé.
A l'article 9 (traitement automatisé de données concernant les enfants soumis à l'obligation scolaire), la commission a adopté deux amendements :
- le premier vise à supprimer la précision selon laquelle les établissements d'enseignement contribuent à la prévention de la délinquance. M. Alain Gournac s'est déclaré hostile à cet amendement, considérant qu'il pourrait être mal interprété par les professeurs, alors qu'à son sens, ils jouent un rôle décisif dans la socialisation des élèves.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a précisé n'être en aucun cas opposé à l'implication des professeurs dans la prévention de la délinquance, mais que ce type d'action ne relève pas, selon lui, de la vocation première des enseignants ;
- le second supprime la précision selon laquelle les plans régionaux de développement de la formation professionnelle incluent des formations relatives à la prévention de la délinquance.
A l'article 10 (études de sécurité publique relatives aux projets de construction ou d'aménagement urbains), elle a adopté un amendement précisant que le préfet, à la demande ou après avis du maire, peut déroger aux seuils fixés par décret, si les caractéristiques particulières d'un projet le justifient.
A l'article 11 (sécurisation des parties communes des copropriétés), la commission a adopté un amendement visant à harmoniser les conditions de majorité de certaines décisions des copropriétés.
Elle a adopté l'article 17 (protection des mineurs contre la pornographie et lutte contre la pédophilie sur Internet) sans modification.
A l'article 18 (renforcement du contrôle des sorties d'essai des établissements psychiatriques), la commission a adopté un amendement visant à renvoyer au règlement la définition du contenu de la décision de sortie d'essai.
M. Jean-Pierre Godefroy a indiqué que son groupe s'abstiendra sur les amendements proposés aux articles 18, 21, 23 et 24, considérant que l'ensemble de ces articles devrait faire l'objet d'un texte spécifique dans le cadre d'une réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation.
A l'article 19 (création d'un fichier national des hospitalisations d'office), elle a examiné un amendement tendant à préciser que seuls les directeurs départementaux de l'action sanitaire et sociale et les agents habilités pourront disposer des codes d'accès aux fichiers relatifs aux personnes hospitalisées d'office, les préfets et les autorités judiciaires étant destinataires, à leur demande, des informations qui leur sont nécessaires pour exercer leurs compétences respectives en matière d'hospitalisation d'office.
M. Alain Gournac s'est inquiété que les informations ne soient pas accessibles au préfet pendant le week-end, les services de la Ddass étant fermés, et s'est dit par conséquent opposé à cet amendement.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis , a rappelé que le projet de loi accorde au préfet un délai de soixante-douze heures pour intervenir, ce qui devrait lui permettre d'obtenir les renseignements nécessaires, malgré les obstacles créés par les heures de fermeture des services de la Ddass. Par ailleurs, cet amendement, rédigé conformément à l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), vise à préserver le rôle des Ddass, essentiel selon lui, dans la procédure d'hospitalisation d'office. Il a fait savoir que, dans la pratique, accorder l'accès des fichiers aux préfets signifie que tous les services de la préfecture l'auront aussi, ce qui lui paraît dangereux pour la protection et les droits des personnes. Lorsque le préfet souhaite obtenir des informations, il en fait la demande à la Ddass qui est tenue, bien sûr, de les lui transmettre. C'est en tout cas ainsi que les choses fonctionnent aujourd'hui, d'une manière satisfaisante. L'amendement qu'il propose n'a pour but que de maintenir cette situation.
Mme Isabelle Debré s'est étonnée que le préfet ne puisse pas avoir un accès direct aux fichiers et qu'il soit obligé de demander les informations au directeur de la Ddass pourtant placé sous son autorité. M. Paul Blanc a également souhaité que les préfets puissent directement consulter les fichiers sans avoir à solliciter leurs services. M. Jean-Pierre Godefroy a indiqué que son groupe est favorable à l'amendement ainsi proposé.
La commission n'a pas adopté l'amendement présenté et a donc adopté l'article 19 sans modification.
Puis elle a adopté l'article 20 (séparation stricte des régimes d'hospitalisation sans consentement) sans modification.
A l'article 21 (renforcement du rôle du maire dans la procédure d'hospitalisation d'office), elle a adopté un amendement visant à préciser que la décision d'hospitalisation d'office par le préfet en remplacement du maire doit reposer sur des critères identiques et s'organiser selon les mêmes modalités.
La commission a adopté l'article 22 (confirmation des décisions d'hospitalisation sans consentement) sans modification.
A l'article 23 (expertise psychiatrique ordonnée par le préfet), elle a adopté un amendement de précision visant à réparer une omission.
A l'article 24 (régime d'hospitalisation d'office à la demande de l'autorité judiciaire), la commission a adopté un amendement ayant pour objet de rétablir l'avis de la Ddass sur les décisions de sortie des personnes hospitalisées d'office.
A l'article 27 (injonction thérapeutique pour les personnes signalées par l'autorité judiciaire), elle a adopté un amendement clarifiant les modalités de l'injonction thérapeutique.
A l'article 28 (peines applicables à l'usage illicite de stupéfiants), la commission a adopté quatre amendements, le premier d'ordre rédactionnel, le deuxième visant à renforcer les peines applicables à l'égard de l'usage et du trafic de stupéfiants aux abords des écoles et des locaux de l'administration, quel que soit le moment de la journée, le troisième renvoyant à un décret les modalités de conservation des échantillons d'analyses et d'examens médicaux pour le dépistage de drogues, le dernier précisant que la suspension du permis de conduire pour usage de stupéfiants s'applique aussi à la conduite dans le cadre professionnel.
A l'article 29 (injonction thérapeutique par l'autorité judiciaire), elle a adopté un amendement supprimant le délai de six mois pour la mise en oeuvre de l'injonction thérapeutique et conditionnant son exécution à l'accord écrit des représentants du mineur, à l'avis favorable de la personne concernée et à l'intervention du médecin relais pour en fixer les modalités.
Enfin, la commission s'est déclarée favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie pour avis, tels que modifiés par ses travaux .