II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mercredi 23 novembre 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Paul Blanc sur le projet de loi de finances pour 2006 (mission « Solidarité et intégration »).
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis , a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général du présent avis).
Mme Bernadette Dupont a fait part de la perplexité que lui inspirent certains mouvements contradictoires de crédits : ceux consacrés à l'accompagnement des familles diminuent, tandis que ceux relatifs à la protection de l'enfance augmentent, sans raison apparente. Elle a considéré que les études et statistiques ne nécessitaient pas une dotation si importante. Elle a par ailleurs regretté les lenteurs de mise en oeuvre de la loi « Handicap » du 11 février 2005.
Mme Janine Rozier a fait valoir que la volonté personnelle et le désir d'intégration des personnes immigrées elles-mêmes sont essentiels pour que les moyens financiers déployés par l'Etat pour faciliter leur accueil soient efficacement utilisés.
Mme Raymonde Le Texier a exprimé sa déception face à un projet de budget qui ne correspond pas, en l'état, à son titre de « Solidarité et intégration ». Elle a dit son inquiétude sur le problème de l'allongement des durées de séjour en CHRS, qui ne pourra être résolu qu'en créant davantage de logements sociaux offrant un hébergement durable, sans lequel la réinsertion des personnes en difficulté est excessivement difficile. Elle s'est également interrogée sur l'efficacité à attendre de la nouvelle aide au retour volontaire, considérant que la question financière n'est pas seule en cause. Elle a déploré les modifications apportées aux conditions de versement de la CMU-C et de l'AME, estimant que les économies attendues sont dérisoires comparées aux conséquences humaines d'un accès plus difficile aux soins. Regrettant l'absence de mesures en faveur du développement des services d'auxiliaire de vie, elle a souligné la nécessité de rester vigilant sur la mise en oeuvre de la loi « Handicap ». Si l'augmentation d'un tiers, à la rentrée 2005, du nombre d'élèves handicapés bénéficiant des services d'un auxiliaire de vie scolaire est un point positif, plusieurs centaines de dossiers d'intégration scolaire restent en attente de solution dans son département. Elle a enfin contesté le maintien des crédits alloués à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) au niveau qu'ils avaient l'an dernier, ce qui risque de pénaliser le développement de son activité.
M. Nicolas About, président , a rappelé que la Halde n'a été mise en place qu'en 2005, qu'elle n'a pas utilisé tous les crédits dont elle disposait cette année et que son activité ne devrait atteindre sa pleine ampleur qu'en 2006.
M. Guy Fischer a d'abord estimé que l'augmentation de 3,5 % des crédits en 2006 ne permet pas de faire face à l'acuité des défis que soulève le domaine de la solidarité. Il a fait le constat que la solidarité nationale trouve ses limites lorsque l'Etat en transfère la charge à l'assurance maladie. Il s'est également inquiété de l'engorgement des CHRS, qui résulte de l'allongement de la durée moyenne de séjour.
Il a souligné les risques de sous-estimations des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la loi « Handicap ». Il a rappelé l'opposition du groupe communiste républicain et citoyen à la création de la CNSA et il a fait part de l'inquiétude des départements quant au coût de la prestation de compensation.
M. André Lardeux s'est interrogé sur le montant des crédits consacrés à la Halde, estimant qu'ils sont supérieurs à ce qui était initialement prévu. Il s'est également inquiété de la charge excessive que devrait représenter la gestion du RMI et du RMA pour les départements, la dépense étant estimée pour 2005 à un milliard d'euros, soit une somme bien supérieure à la compensation prévue par la loi. S'agissant enfin des maisons départementales des personnes handicapées, il a souligné qu'en dépit des engagements pris, l'Etat semble réticent à mettre ses personnels à leur disposition.
M. Alain Vasselle a regretté que l'Etat se défausse systématiquement sur la sécurité sociale et les collectivités territoriales du financement de la politique de solidarité. Il a souhaité l'engagement d'une réflexion sur les politiques menées en faveur de la solidarité afin de recentrer les missions de l'Etat sur les actions essentielles, car sans cette réflexion, le dérapage des finances publiques sera inévitable. Il a demandé à ce que le ministre vienne faire le point, devant la commission, sur l'état d'avancement de l'élaboration des décrets d'application de la loi « Handicap ». Il a ensuite dénoncé une utilisation des excédents de la CNSA peu conforme à sa mission, estimant que le financement des unités de long séjour doit rester de la compétence de l'assurance maladie. Il a enfin regretté qu'aucune mesure ne soit prise pour mettre fin à la maltraitance que constituent, pour certaines personnes handicapées accueillies en établissement, les restrictions aux retours en famille qui ne sont motivées que par des considérations financières qu'il a souvent dénoncées, sans succès.
M. Nicolas About, président , a donné son accord sur l'organisation prochaine d'une audition du ministre sur le thème des décrets d'application de la loi « Handicap ».
M. Alain Gournac a rappelé que l'esprit de la nouvelle loi de finances n'est pas de s'attacher à l'évolution des crédits affectés à chaque mission, mais de s'interroger sur l'efficacité et la pertinence des mesures prises et de la satisfaction qu'elle procure à leurs bénéficiaires. De ce point de vue, il lui semble que le budget qui a été présenté comporte des avancées positives telles que la création de nouvelles places en Cada et le financement des nouvelles mesures en faveur des rapatriés. Il a également salué l'innovation que constitue la prestation de compensation du handicap. Enfin, il s'est interrogé sur les raisons du relatif échec du CI-RMA et a suggéré de sonder le Gouvernement sur ce point.
Il s'est enfin déclaré prêt à s'associer à l'amendement du rapporteur tendant à supprimer l'article 80 du projet de loi de finances.
M. Jean-Pierre Godefroy s'est interrogé sur le non-respect des délais prévus pour la publication des décrets d'application de la loi « Handicap » et il a appuyé la demande d'une audition du ministre à ce sujet. Il a par ailleurs déploré les conditions dans lesquelles allait se dérouler le débat budgétaire, qui limite le temps de parole des groupes politiques à cinq minutes, ce qui paraît insuffisant pour les missions budgétaires mobilisant des crédits importants.
Mme Marie-Thérèse Hermange a souligné l'effort particulier de ce budget en faveur de l'accueil des étrangers, dont les crédits ont augmenté de 61 % par rapport à 2005. Elle a également voulu savoir ce que recouvrent les actions intitulées « soutien des administrations sanitaires et sociales » et « pilotage de la sécurité sociale ».
Mme Valérie Létard a abondé dans le sens du rapporteur pour avis en rappelant l'importance de la dissociation des publics accueillis en CHRS et en Cada. Elle a rappelé que la réflexion engagée par le groupe de travail « minima sociaux » doit être conduite dans la sérénité, afin de permettre d'appréhender dans son ensemble la réforme du système de minima sociaux et des droits connexes, toute réponse précipitée ou partielle risquant de déboucher sur une déception.
Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a d'abord souligné qu'on ne pourra consacrer davantage de moyens financiers à la solidarité qu'en travaillant plus et plus longtemps. Pour faire face aux besoins, il serait dans doute nécessaire d'imposer deux journées de solidarité au lieu d'une.
A Mme Bernadette Dupont, et s'agissant de l'accompagnement des familles, il a expliqué que la diminution des crédits de l'Etat est compensée par une participation accrue de la branche famille. La hausse des crédits consacrés à la protection de l'enfant est due à un soutien renforcé au service national d'appel téléphonique de l'enfance maltraitée (Snatem) et à l'aide au démarrage de la nouvelle Agence française de l'adoption. Par ailleurs, l'augmentation des crédits d'études et de statistiques sera notamment consacrée à améliorer l'information disponible sur la situation des bénéficiaires de minima sociaux, ce qui répond d'ailleurs à l'attente exprimée par la commission à l'occasion du rapport qu'elle a établi sur les minima sociaux.
En réponse à Mme Raymonde Le Texier, il a indiqué, d'une part, que 20 millions d'euros sont consacrés à la couverture des soins d'urgence pour les personnes qui n'ont pas accès à l'AME, d'autre part, que les trois mois de résidence minimale exigés pour y être éligible ont pour but de limiter le tourisme médical, ce qui permettra de rationaliser le système et d'en améliorer l'équité et l'efficacité. Concernant l'hébergement en CHRS, il a déclaré partager son inquiétude, tout en se montrant optimiste sur les réponses que l'on peut apporter. En effet, la création de nouvelles places en Cada et la réduction de la durée d'instruction des demandes devraient permettre de libérer au moins 15 % des places occupées en CHRS. De plus, on peut espérer que la création de nouveaux logements sociaux, grâce aux mesures prises dans le cadre du projet de loi « Engagement national pour le logement » et du plan de cohésion sociale, améliorera la fluidité du passage entre l'hébergement d'urgence et le parc social.
Il a abondé dans le sens de Mme Janine Rozier en soulignant que le succès du CAI est aussi le fait de la volonté des personnes immigrées qui ont choisi d'apprendre la langue française et les principes de notre République. Il a rappelé que 90 % des personnes à qui le CAI a été proposé, ont accepté de le signer librement.
En réponse à M. Guy Fischer, il a rappelé que l'esprit de la LOLF consiste à apprécier le contenu des actions financées, et non pas seulement l'augmentation des moyens mis en oeuvre. Il a de plus estimé que la hausse de 3,5 % des crédits, appliquée à un montant initial de plus de 10 milliards d'euros, n'est pas négligeable.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué que les décrets d'application de la loi « Handicap » sur l'AAH et sur les maisons départementales sont déjà parus et que les départements ont même déjà pu bénéficier du financement de la CNSA pour l'installation de ces maisons. La procédure d'examen des décrets d'application devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées se déroule dans de très bonnes conditions et les associations sont satisfaites, tant sur le contenu des décrets que sur le calendrier de leur examen.
Il a enfin précisé que le programme « soutien des politiques sanitaires et sociales » regroupe les crédits de fonctionnement de l'administration centrale, hors personnel, et que leur diminution va dans le sens d'une rationalisation bienvenue de la dépense publique. Les crédits de l'action « pilotage de la sécurité sociale » concernent les dépenses de personnel de la Direction de la sécurité sociale et des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (Drass).
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006 ainsi qu'aux articles 88 et 89 qui lui sont rattachés.