2. L'avènement de la télé mobile

La notion de télévision mobile recouvre diverses réalités : il peut s'agir de services de télévision reçus sur des terminaux de téléphonie mobile, mais également de services reçus plus largement sur toute une gamme de terminaux mobiles comme des téléviseurs portatifs, des assistants personnels numériques, des baladeurs multimédia, des micro-ordinateurs portables mais aussi des récepteurs de télévision embarqués dans des véhicules.

Alors que le Premier ministre a annoncé, le 16 octobre dernier, une modification du cadre législatif visant à rendre possible le lancement de la télévision mobile, votre rapporteur a souhaité présenter les enjeux relatifs à cette question.

a) La télévision mobile : un enjeu essentiel pour la France

Votre rapporteur tient à souligner que le développement de la télévision mobile en France comporte trois types d'enjeux majeurs.

Les enjeux industriels relatifs au lancement de la télévision mobile sont essentiels. En effet, la fourniture de ces nouveaux services suppose le déploiement de nouvelles infrastructures et l'équipement des ménages en terminaux. Ainsi, l'équipementier finlandais Nokia est très actif à travers l'Europe pour promouvoir la solution qu'il a développée, alors qu'Alcatel, après avoir été longtemps en retrait du débat, semble maintenant soutenir l'utilisation du satellite, qui ouvrirait un nouveau débouché à Alcatel Space.

Les enjeux de marché sont également importants. Ces nouveaux services sont en effet considérés comme des relais de croissance essentiels par les opérateurs mobiles et, dans une moindre mesure, par les éditeurs et les distributeurs de services audiovisuels.

Il convient enfin de ne pas sous-estimer les enjeux relatifs à la place de la France dans la société de l'information. Alors que des services de télévision mobile sont d'ores et déjà commercialisés au Japon et Corée, autorisés aux États-unis et font l'objet d'expérimentations nombreuses à travers l'Europe, notre pays doit éviter de se laisser distancer.

b) Les conclusions du rapport « Boudet de Montplaisir »

Afin de préparer l'introduction et le développement rapide des services numériques audiovisuels en situation de mobilité, le Gouvernement a demandé à M. Daniel Boudet de Montplaisir un rapport sur ce sujet 72 ( * ) . À partir d'une analyse des technologies disponibles et à la lumière des expériences internationales, il précise les conditions nécessaires pour réussir en France le déploiement à grande échelle de la réception télévisuelle sur les téléphones portables.

Le rapport met en évidence que l'élargissement de la gamme des services offerts 73 ( * ) et l'arrivée de nouveaux standards techniques de diffusion de services seront des éléments clefs pour le développement de la télévision mobile. Il souligne également que :

- une grande incertitude pèse aujourd'hui tant sur les futurs usages de la télévision mobile que sur la propension des consommateurs à payer pour avoir accès à ces services. Le rapport recommande notamment la mise en oeuvre rapide d'expérimentations par les acteurs de toute la chaîne de valeur ;

- il n'existe pas, à ce jour, en dehors des solutions par satellite, de fréquences directement exploitables par des services de télévision mobile avec une couverture nationale. En particulier, le multiplexe R5, déjà planifié pour la TNT, n'est pas en l'état adapté à un tel usage. En conséquence, le rapport recommande d'organiser, préalablement à tout choix définitif sur les normes et fréquences, un lieu de réflexion et de débats sur ces questions, et souligne l'importance que ce travail s'effectue de manière coordonnée avec les principaux pays européens ;

c) Des offres de télévision mobile technologiquement et qualitativement limitées

Parmi les opérateurs de téléphonie mobile, Orange et SFR proposent aujourd'hui dans leurs offres de deuxième (EDGE et GPRS) et troisième génération (UMTS) des services de télévision mobile. Bien que ces offres haut débit comptent 332 000 abonnés à la fin du mois de juin 2005, votre rapporteur tient cependant à en souligner les limites.

Il convient, d'une part, de relativiser le caractère innovant des services proposés. Ils consistent, sauf exception, en la reprise de services de télévision existants sans adaptation de programmes. Seuls deux services ont fait l'objet d'une adaptation du contenu et du format à un usage mobile : LCI sur Orange, et Discovery Channel sur SFR. Adossées à des forfaits de téléphonie haut de gamme et proposées à des tarifs qui peuvent apparaître élevés, ces chaînes sont facturées à la minute de consommation (de l'ordre de 0,50 euro la minute) ou au volume de données transféré.

Il convient, d'autre part, de noter que les contraintes techniques des technologies actuelles ne permettent pas le développement d'un marché de masse. En effet les normes techniques utilisées pour ces services sont celles conçues initialement pour des services de voix ou de transmissions de données point-à-point et ne sont pas adaptées à la diffusion de services vers un grand nombre d'utilisateurs. Les tarifs élevés de ces offres visent d'ailleurs notamment à éviter une saturation des réseaux par ce type de trafic.

Dans ce contexte, les nouveaux standards qui apparaissent aujourd'hui suscitent un vif intérêt de la part des éditeurs et des opérateurs mobiles, qui y voient le moyen de fournir des services de télévision mobile au plus grand nombre.

d) Quel standard pour le développement d'une télévision mobile de masse ?

Si le développement de la télévision mobile est actuellement contraint par les limites inhérentes aux technologies GPRS, EDGE et UMTS, cette situation ne devrait pas perdurer. Plusieurs normes de diffusion dédiées à la diffusion de services télévisés sont en effet susceptibles de transformer ce marché de niche en marché de masse.

En Europe, deux standards semblent actuellement les plus étudiés pour la diffusion par voie terrestre : le DVB-H et le T-DMB.

Le DVB-H est une adaptation de la norme utilisée par la TNT (le DVB-T) à destination des récepteurs mobiles. Cette norme fait l'objet de très nombreuses expérimentations en Europe (projet FinPilot en Finlande, projet Broadcast Mobile Convergence à Berlin, mais aussi à Oxford ou encore à Barcelone) et aux États-Unis (expérimentation de la société Crowncastle à Pittsburgh).

Le T-DMB (Terrestrial Digital Multimedia Broadcasting) est, quant à lui, issu de la technologie européenne EUREKA 147 (DAB) conçue initialement pour la diffusion de services de radio numérique. Développé spécifiquement pour les contenus vidéo, le T-DMB a été retenu en Corée et fait l'objet de tests en Europe. L'Allemagne, pays où la couverture en DAB est grande mais où les services commerciaux n'ont pas rencontré le succès escompté, a ainsi lancé un projet pilote de diffusion en T-DMB. Les tests auront lieu à Ratisbonne (Regensburg) en Bavière et seront étendus à tous les sites de la Coupe du Monde de Football en 2006.

Pour ce qui est de la diffusion satellite, une technologie proche du S-DMB a été adaptée à l'Europe en tenant compte de la disponibilité des ressources spectrales et du contexte réglementaire européens propres. Elle repose sur une architecture hybride (satellite et répéteurs terrestres dans les zones urbaines). Les expérimentations de S-DMB, pilotées notamment par Alcatel Space, sont menées dans le cadre de trois projets : Satin, lancé en 2001, terminé en mars 2003, a travaillé sur le mode de diffusion de paquets IP en UMTS par satellite, MoDiS, lancé en avril 2002, et terminé en octobre 2004, a permis de réaliser un démonstrateur S-DMB à Monaco et MAESTRO, lancé en janvier 2004, et toujours en cours, qui continue d'optimiser les spécifications techniques du S-DMB, mais se penche désormais également sur les questions des usages et du modèle économique de la télévision mobile.

Votre rapporteur rappelle que retenir l'une ou l'autre de ces technologies, souvent concurrentes, parfois complémentaires, sera lourd d'enjeux industriels. La décision finale reposera pour partie sur l'efficacité intrinsèque des procédés : performance de la norme en terme de bande passante, donc nombre de chaînes pouvant être transportées ; coût des infrastructures ; couverture potentielle ; état d'avancement des travaux de normalisation ; délais de disponibilité et prix des récepteurs... Elle dépendra aussi beaucoup de contraintes imposées par la disponibilité en ressources spectrales, aujourd'hui limitées.

e) Les expérimentations de services prévues en France

Afin de définir les types de contenus adaptés à la mobilité, les modes de consommation du public en matière de télévision nomade, la propension du public à payer la visualisation de ces programmes ou de services liés et de valider un certain nombre d'aspects techniques liés aux terminaux et au déploiement de réseau, plusieurs expérimentations sont en cours.

Le 13 septembre 2005 marque notamment le lancement d'expérimentations à grande échelle : quatre consortiums ont ainsi obtenu ce jour-là auprès du CSA des autorisations en région parisienne. Les caractéristiques de ces opérations sont présentées dans l'encadré ci-après.

LES QUATRE EXPÉRIMENTATIONS AUTORISÉES PAR LE CSA

En DVB-H sur la bande UHF :

- pour une durée de 9 mois à partir du 15 septembre 2005, un consortium coordonné par TPS en collaboration avec Bouygues Telecom, Orange et Sagem, pour la diffusion de services de télévision (TF1, M6, Eurosport, W9, Infosport, LCI, TF6, Paris Première et Télétoon) ;

- pour la même période, un consortium coordonné par TDF en collaboration avec Bouygues Télécom, Orange, SFR et Nokia, pour la diffusion de services de télévision (Arte, France Télévisions, Euronews, Europe 2 TV, Gulli, I-Télévision, Planète, TPS Star, TV Breizh et W9) et d'une dizaine de services de radio

- pour la même période, un consortium coordonné par Canal+, en collaboration avec Nokia, SFR et Towercast, pour la diffusion de services de télévision (Canal+, 13ème rue, Canal J, CinéCinéma, Equidia, France 2, France 3, I-Télévision, L'équipe TV, MCM Top, NRJ 12, Planète, Sport +).

En T-DMB sur la bande VHF :

- pour une durée de 6 mois à partir du 15 octobre, un consortium constitué par TF1 et VDL, pour la diffusion de deux services de télévision (TF1 et LCI) et de deux services de radio (Europe 1 et Europe 2).

Votre rapporteur rappelle que les sociétés autorisées sont tenues de faire un point trimestriel d'avancement avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel pendant toute la durée de leurs expérimentations. Les acteurs français pourront donc disposer d'un retour d'expérience aussi bien sur le type de services et la consommation du public, que sur les capacités réelles des normes envisagées.

Par delà l'aspect technologique, il se permet d'insister sur l'importance des programmes proposés aux consommateurs. Il estime en effet que le succès d'une telle offre passe également par la mise en place de programmes adaptés dans leur format et dans leur contenu aux contraintes de la mobilité.

* 72 Télévision numérique et mobilité, rapport de M. Boudet de Montplaisir au Premier ministre, août 2005.

* 73 Services interactifs avec voie de retour, téléchargement de fichier, diffusion de données...

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