B. LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET LA DIRECTIVE « PERMIS D'ÉMISSION »
La mise en oeuvre, à partir de 2005, d'un marché d'échanges des quotas d'émission de gaz à effet de serre constitue l'un des principaux axes de la politique européenne de lutte contre le changement climatique.
1. Les objectifs de réduction fixés par le protocole de Kyoto
La troisième Conférence des Parties de la Convention Climat, tenue à Kyoto en décembre 1997, a conduit à l'adoption du « protocole de Kyoto », signé par 180 Etats. Les pays développés (dits de l'annexe I, au nombre de 38), qui représentent 50 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, se sont individuellement engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre , la réduction globale devant atteindre 5,2 % à l'horizon 2008-2012 par rapport aux niveaux de 1990. L'Union européenne devra ainsi réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % par rapport à 1990, les États-Unis de 7 % , le Japon, le Canada, la Pologne et la Hongrie de 6 %.
Le protocole de Kyoto ne peut toutefois entrer en vigueur que lorsque des pays de l'annexe I, représentant plus de 55 % des leurs émissions totales, l'auront ratifié. A ce titre, votre commission se félicite de la décision des autorités russes de procéder à la ratification de ce protocole 18 ( * ) qui ouvre la voie à son entrée en vigueur. En effet, cette ratification était devenue indispensable depuis la décision américaine de retrait de ce processus en 2001 19 ( * ) . Après la transmission à l'ONU des instruments de ratification russes, le traité pourra entrer en vigueur 90 jours après. Votre commission note cependant que cette ratification par la Russie ne créera pas de contraintes pour son économie : ses émissions actuelles de gaz à effet de serre étant inférieures de 20 % au niveau de 1990, le traité ne lui imposera aucune obligation de réduction.
Parallèlement à la mise en oeuvre de ces engagements de réduction, le protocole de Kyoto offre la possibilité de recourir à des mécanismes dits « de flexibilité » afin que ces objectifs puissent être atteints à moindre coût. Le principal d'entre eux est la création , au niveau des pays ayant ratifié le protocole, à partir de 2008, d'un marché international d'échanges de permis d'émission de gaz à effet de serre . Grâce à ce mécanisme, un Etat qui a diminué ses émissions plus que ne lui imposait le protocole peut vendre l'excédent de réduction à un autre Etat. Le prix de vente de ces quotas doit être fixé de telle sorte que les réductions d'émission soient réalisées à l'endroit où elles coûtent le moins cher.
2. La transposition du protocole de Kyoto au niveau communautaire
L'Union européenne a adopté le 13 octobre 2003 la directive 2003/87 20 ( * ) qui crée un mécanisme d'échanges de quotas d'émission pour les entreprises européennes les plus fortes consommatrices d'énergie. Le projet s'appliquera d'abord à la période 2005-2007, puis à la période fixée par le protocole de Kyoto (2008-2012). Ce projet couvre 46 % des émissions de CO 2 de la Communauté. En vertu des dispositions de cette directive, chaque Etat membre fixera aux installations soumises à des obligations de réduction, au travers d'un plan national d'affectation des quotas (PNAQ), un objectif en termes d'émissions de CO 2 et lui attribuera les quotas correspondants. Ces derniers seront négociables et transférables entre exploitants sur le marché, chaque Etat membre demandant, au terme de chaque période que ces exploitants restituent les quotas à hauteur de leurs émissions réelles sur la période.
3. La transposition nationale
La directive imposait aux Etats membres une transposition avant le 31 décembre 2003, chaque Etat devant transmettre à la Commission européenne pour le 31 mars 2004 son premier PNAQ. La France a procédé à cette transposition par ordonnance en avril 2004 21 ( * ) , cette dernière étant en cours de ratification dans le cadre du projet de loi de simplification du droit. Par ailleurs, les modalités d'application de l'ordonnance ont été renvoyées à un décret 22 ( * ) , qui précise notamment le champ d'application du système d'échange de quotas (valable pour certains secteurs et pour le seul dioxyde de carbone pour la période 2005-2007). Dans ce cadre, la France a transmis son PNAQ le 6 juillet dernier, qui prévoyait des allocations totales de 125,2 millions de tonnes de CO 2 . En juillet 2004, la Commission européenne a approuvé huit plans (Danemark, Irlande, Pays-Bas, Slovénie, Suède, Royaume-Uni, Allemagne et Autriche), portant sur plus de 5.000 installations et représentant 40 % des quotas prévus. Dans un deuxième temps, le 20 octobre 2004, la Commission a donné son aval, sans réserve, à six autres PNAQ (Belgique, Estonie, Lettonie, Luxembourg, Slovaquie et Portugal) et a approuvé les plans français et finlandais sous réserve de modifications .
A la suite de ces observations, le gouvernement français a fait savoir qu'il acceptait les demandes de la Commission portant sur l'extension des obligations de réduction à toutes les installations d'auto-production d'énergie, si elles dépassent une puissance de 20 MW (ce qui fait passer le nombre d'installations soumises aux obligations de 650 à 1.400), et la suppression du dispositif de mutualisation dit de « réserve de croissance » 23 ( * ) . Votre rapporteur pour avis se félicite de ces deux modifications qui auront pour conséquence d'élargir le champ d'application du mécanisme d'échanges.
En revanche, le Gouvernement a fait part de ses réserves quant à la demande de la Commission portant sur une réduction du quota global de 1,5 million de tonnes de CO 2 .
Il a en effet souligné qu'une telle réduction serait de nature à imposer une contrainte lourde sur certains secteurs économiques en comparaison du traitement qu'ils ont reçu dans d'autres pays. Le PNAQ français prévoit des allocations à hauteur de 57,5 millions de tonnes pour le secteur industriel, basées sur une augmentation par rapport aux émissions de référence de l'ordre de 4 %. Or, comme le remarque le Gouvernement, la Commission européenne a validé des plans nationaux avec des valeurs supérieures (Royaume-Uni : +8 %, Irlande : + 9 % ou Autriche : + 14 %).
De manière plus globale, le plan français prévoyait des allocations totales de 125 millions de tonnes pour le champ restreint et 160 millions pour le champ large, ce qui représente des volumes bien inférieurs à ceux proposés par d'autres Etats, comme l'Allemagne (500 millions de tonnes), le Royaume-Uni 24 ( * ) (245 millions) ou l'Italie (240 millions). Or le Gouvernement français fait valoir que la France est l'un des plus faibles émetteurs de dioxyde de carbone de l'Union européenne , avec un ratio d'émissions moyennes par habitant de 9,5 tonnes par an, contre 10,9 tonnes pour la moyenne européenne. En outre, il convient de rappeler que les émissions de CO 2 par habitant due à la production électrique sont largement inférieures à celles des autres pays de l'Union (0,44 tonne pour la France, contre 3,67 pour l'Allemagne ou 2,79 pour le Royaume-Uni) du fait du recours à l'énergie nucléaire et hydraulique.
Ainsi, la France a présenté dès le 21 octobre une nouvelle version du PNAQ , tenant compte de la plupart des observations de la Commission européenne et a lancé une consultation publique pendant une période de trois semaines sur cette version révisée pour permettre aux différentes parties, notamment les entreprises concernées, de s'exprimer. Au total, le nouveau plan autorise 1.319 sites à émettre 155,03 millions de tonnes de CO 2 par an entre 2005 et 2007 , dont 28,99 tonnes pour les installations nouvellement ciblées.
* 18 La Douma a adopté le projet de loi de ratification de le 22 octobre 2004.
* 19 Alors que les émissions de CO 2 des États-unis représentent 33 % des émissions des pays de l'annexe I.
* 20 Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté.
* 21 Ordonnance n° 2004-330 du 15 avril 2004 portant création d'un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre.
* 22 Décret n° 2004-832 du 19 août 2004 pris pour l'application des articles L. 229-5 à L. 229-19 du code de l'environnement et relatif au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre.
* 23 Mécanisme prévu dans le PNAQ du 6 juillet 2004 qui accordait la faculté d'affecter des quotas supplémentaires en cas de croissance de la production et, en conséquence, de la réserve de croissance prévue dans le PNAQ initial.
* 24 Il est à noter que ce pays a, le 28 octobre dernier, demandé à la Commission d'amender son PNAQ initial afin de porter à 252 millions de tonnes par an le montant total de ses allocations.