C. QUELLE SOLUTION PÉRENNE POUR LES RETRAITES ?
1. Désamorcer cette « bombe à retardement »...
La loi de 1990 met à la charge de La Poste le financement intégral des dépenses de pensions versées par l'Etat aux agents fonctionnaires de La Poste admis à la retraite. Elle prévoit également la contribution de La Poste aux charges de compensation démographique entre les régimes d'assurance vieillesse.
En 2003, bien qu'elle ait perçu 350 millions d'euros de cotisations retraite de ses fonctionnaires en activité et 195 millions d'euros au titre de la compensation entre régimes, La Poste a dû supporter une charge nette de 2,1 milliards d'euros.
Or, compte tenu de la démographie de ses effectifs et du nombre de pensionnés 27 ( * ) , les prévisions mettent en évidence une tendance à un accroissement important -autour de 50 millions d'euros par an- des charges de retraite supportées par La Poste pour ses fonctionnaires (contribution complémentaire employeur au titre des pensions et charges de compensation).
Aussi, le contrat d'objectif et de progrès portant contrat de plan entre l'Etat et La Poste pour la période 1998/2001 prorogé en 2002 avait-il prévu de neutraliser cette dérive du coût des pensions et de stabiliser leur montant en francs constants au niveau de 1997. La Poste supportait donc une charge de retraite stabilisée, de manière dérogatoire, autour de 2 milliards d'euros, l'Etat assumant la dérive annuelle de cette charge.
A ce titre, la participation de l'Etat au financement des charges de retraite des fonctionnaires de La Poste a plus que décuplé depuis six ans, passant de 16 en 1998 à 152 millions d'euros en 2002 puis 217 millions d'euros en 2003.
Le contrat de plan 1998-2001, dont les dispositions sont prorogées depuis 2002, a mis en place un dispositif de stabilisation en euros constants de la charge par rapport à son niveau de 1997. Le Contrat de Performances et de Convergences 2003-2007 reconduit le dispositif de stabilisation des charges de retraites des postiers fonctionnaires jusqu'à la mise en place d'un nouveau mécanisme avec l'entrée en vigueur des normes comptables internationales IAS.
En effet, si les engagements de retraite relatifs aux droits acquis par les agents fonctionnaires actifs et retraités ne font pas aujourd'hui l'objet d'une comptabilisation au bilan de La Poste sous forme de provisions, l'obligation de transposition des normes comptables internationales I.A.S. , qui s'appliquera d'ici trois ans 28 ( * ) à La Poste, la contraindrait, en l'état actuel des textes, à inscrire dans son bilan les engagements correspondant aux dispositions de la loi du 2 juillet 1990 relatives au financement des retraites des agents fonctionnaires ( 57 milliards d'euros d'engagements de retraite au 31 décembre 2003 pour des fonds propres approchant 2 milliards d'euros 29 ( * ) ).
Toutefois, cette stabilisation de la charge des retraites pour La Poste ne permet pas de stabiliser le taux de cotisation employeur implicite, qui rapporte les charges de retraites à la masse des traitements indiciaires : ce taux est passé de 45,5 % en 2002 à plus de 50 % dès 2004, et pourrait atteindre 55,3 % en 2010, ce qui serait insoutenable pour La Poste.
(en M€) |
2001 |
2002 |
2003 |
Prévision 2004 |
Charge de retraite supportée par La Poste |
2 030 |
2 064 |
2 104 |
2 135 |
Masse des traitements indiciaires versés au titre de l'exercice |
4 588 |
4 541 |
4 415 |
4 264 |
Taux de cotisation implicite sur traitement |
44,24 % |
45,46 % |
47,65 % |
50,07 % |
Il est donc indispensable que, conformément à ce que prévoit le contrat de performances et de convergences 2003-2007, un nouveau dispositif de traitement global du financement des charges de retraites de La Poste comprenant notamment une cotisation libératoire soit mis en place en 2005. Il est impératif que l'Etat et La Poste s'accordent pour désamorcer cette « bombe à retardement ».
2. ... mais comment ?
Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, la façon dont cette bombe pourra être désamorcée n'est pas encore clairement définie.
Certes, le contrat de performances et de convergences évoque l'intervention d'une cotisation libératoire , du même type que celle que France Télécom a versée en 1996. Ainsi, au prix du versement de cette soulte, l'Etat pourrait assurer à La Poste, comme il l'a fait pour France Télécom, l'équité concurrentielle en prenant à sa charge le surcoût que représentent les pensions des agents fonctionnaires de La Poste. Mais l'état des fonds propres de La Poste ne permet pas d'imaginer aisément aujourd'hui le versement d'une soulte par La Poste.
Parallèlement, pourrait être explorée l'option que M. Gérard Larcher, dans son rapport précité, dénomme « répartition postale » : il s'agirait de valoriser pour La Poste l'apport 30 ( * ) de cotisations salariales qu'elle fait aujourd'hui au régime général par le biais de ses contractuels de droit privé (jeunes et en nombre croissant), en échange d'une reprise en charge par le régime général des droits correspondants des pensionnés fonctionnaires. Puisqu'il est impossible juridiquement d'intégrer le régime de pensions des fonctionnaires employés par La Poste au sein du régime général, ce schéma s'apparenterait à un adossement financier au régime général, à défaut d'intégration pleine et entière. Peut-être cela impliquerait-il la création d'une caisse autonome sous la forme d'un établissement public administratif (ce qui permettrait de réintégrer les comptes de cette caisse au sein du budget de l'Etat). Les cotisations des salariés de droit privé se répartiraient ainsi entre le régime général, le régime complémentaire, et le régime supplémentaire d'entreprise (ou surcomplémentaire) ainsi créé.
Un tel régime-chapeau avec refinancement des pensions des fonctionnaires par les cotisations des salariés de droit privé présenterait l'avantage d'être adapté à la situation de transition entre public et privé dans laquelle se trouve La Poste et de renouer avec le principe de répartition, dont la logique est aujourd'hui rompue au sein de La Poste, les cotisants ne finançant plus les pensions des retraités. Surtout, il assurerait le caractère financièrement soutenable des charges de retraites qu'il revient à La Poste d'assumer.
S'il est évident que la solution de ce problème complexe exige du temps, votre commission souligne que le temps aggrave naturellement le problème, ce qui appelle à préciser sans attendre les contours de la solution qui sera retenue.
* 27 A compter de 2010, le régime des retraites postal comptera plus de retraités que de cotisants, car la pyramide des âges induira un fort accroissement des départs en retraite des agents fonctionnaires dans les prochaines années (près de 100.000 d'entre eux devraient quitter La Poste d'ici 2012) et que La Poste a cessé en 2003 d'organiser des recrutements de fonctionnaires.
* 28 Au 1 er janvier 2007 au plus tard, puisque La Poste est une société qui fait appel à l'épargne publique.
* 29 1.980 millions d'euros selon le rapport annuel 2004 des contrôleurs d'Etat (p.64).
* 30 Estimé à 600 millions d'euros cette année pour 100.000 contractuels de droit privé.