III. L'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS EN FRANCE : UNE PRIORITÉ GOUVERNEMENTALE ?
Depuis 1998, le nombre d'étudiants étrangers en France ne cesse de progresser, faisant de notre pays le deuxième Etat d'Europe en ce domaine. D'après les chiffres fournis par le ministère de l'éducation nationale, 245 298 élèves d'origine étrangère fréquentaient nos établissements scolaires lors de la rentrée 2004, dont 200 723 étaient inscrits dans nos universités.
Depuis 1998, les effectifs d'étudiants étrangers inscrits dans l'ensemble de nos établissements scolaires ont ainsi progressé de 64,3 % et ceux inscrits dans nos universités de 63 %. Ces bons résultats ne doivent pas pour autant masquer le relatif désengagement de l'Etat dans la mise en place d'un environnement matériel et social répondant parfaitement aux besoins de la vie étudiante. En s'appuyant sur la premier rapport public annuel du Conseil national pour le développement de la mobilité internationale, votre rapporteur a souhaité dresser un état des lieux sans concession des conditions d'accueil des étudiants étrangers en France.
A. DES CONDITIONS D'ACCUEIL QUI DOIVENT ÊTRE AMÉLIORÉES
Lors de son discours relatif à l'attractivité de la France 8 ( * ) , le Premier ministre avait émis le souhait de faire de la France un modèle en matière d'accueil des étudiants étrangers. Apparemment conscient des lacunes de notre système universitaire en ce domaine, il avait, à cette occasion, annoncé la création d'une instance de réflexion et de proposition sur ce sujet : le Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants dont la première réunion s'est tenue fin novembre 2003.
Le premier rapport annuel du Conseil est venu confirmer le décalage existant entre les ambitions du Gouvernement et les actions entreprises sur le terrain. Rien ou presque n'a été fait au cours des dernières années au niveau national pour faciliter l'accueil et la vie des étudiants étrangers sur notre territoire.
1. La mise en place d'une structure de réflexion et de proposition : le Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants
Créé auprès du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche par les arrêtés interministériels des 9 et 20 octobre 2003, le Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants est un lieu d'échange, de partage et d'élaboration de propositions. Il est composé :
- de représentants des directions compétentes du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
- d'élus nationaux et territoriaux, et à ce titre, le président de votre commission a l'honneur d'en être membre ;
- de représentants des établissements d'enseignement supérieur ;
- de responsables des trois organisations qui interviennent activement dans la gestion des mouvements de mobilité (EduFrance, Egide, le Cnous) ;
- d'experts sollicités à raison de leurs compétences personnelles ou de leurs expériences.
Il a pour missions :
- d'analyser les évolutions des pratiques françaises en matière de mobilité entrante et sortante des étudiants ;
- de formuler un diagnostic relatif aux difficultés rencontrées et aux réussites enregistrées ;
- d'identifier les forces et les faiblesses du positionnement international de l'enseignement supérieur français ;
- de formuler des propositions d'amélioration destinées à inspirer des mesures concrètes dont la mise en oeuvre est proposée aux ministères compétents, aux établissements d'enseignement supérieur et aux autres acteurs intéressés par la question de la mobilité universitaire.
Il a orienté ses travaux autour des six thèmes suivants :
- le système d'information et de pilotage relatif à la mobilité internationale des étudiants ;
- les transformations à introduire dans l'offre française d'enseignement supérieur dans une perspective d'augmentation de l'attractivité de nos établissements ;
- les structures d'appui mises en place au niveau des établissements ou à l'échelle de plusieurs établissements pour soutenir les programmes de mobilité internationale ;
- les aménagements à apporter aux procédures administratives régissant l'entrée, le séjour et les conditions d'activité des étudiants en mobilité ;
- l'engagement des collectivités territoriales en faveur des programmes de mobilité ;
- la question du logement des étudiants étrangers accueillis en France.
2. Un constat sans appel : la nécessaire amélioration des conditions des étudiants étrangers en France
Les craintes exprimées par les acteurs de terrain et certains élus locaux ont été confirmées par les travaux du Conseil : notre dispositif universitaire est aujourd'hui inadapté aux enjeux de la mobilité internationale. Dans ces conditions, le Conseil propose de réexaminer les stratégies d'ouverture internationale de l'enseignement supérieur français et de mobiliser de façon plus volontariste et ciblée les moyens d'action, les ressources et les incitations.
a) Mettre en oeuvre des stratégies qualitatives ambitieuses
Le Conseil souligne que les politiques mises en oeuvre à ce jour ont systématiquement privilégié les résultats quantitatifs aux actions visant à améliorer l'offre proposée aux étudiants étrangers. Il préconise par conséquent de faire un effort particulier au niveau qualitatif en améliorant :
- la qualité des cursus proposés par les établissements ;
- la qualité de l'environnement de travail et de vie assuré aux étudiants accueillis ;
- la pertinence de leurs projets de formation, qui devraient être accompagnés et soutenus à la mesure de leur ambition mais aussi de leur faisabilité.
b) Améliorer les conditions de travail et de vie des étudiants étrangers
Certes, comme le rappelle l'encadré ci-après, il convient de reconnaître que quelques améliorations, dont certaines se sont directement inspirées des conclusions du rapport élaboré en 1997 par M. Patrick Weil, ont déjà été apportées aux conditions de vie des étudiants étrangers.
LES PRINCIPALES MESURES PRISES POUR
AMÉLIORER
L'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS
- La simplification des procédures administratives qui régissent l'entrée et le séjour des étudiants en France. Celle-ci a porté sur les formalités de demande de visa, de demande des titres de séjour et d'accès au marché du travail à temps partiel, durant la période de formation.
- L'accès à un large ensemble d'oeuvres et de prestations sociales, dans des conditions identiques à celles offertes aux étudiants français. Le Conseil rappelle que : « l'accès à un ensemble de prestations et de services sociaux, ouverts aux étudiants étrangers comme à leurs condisciples français, représente un coût budgétaire qui peut être estimé à 4 000 euros par bénéficiaire ».
- L'application de droits d'inscription non différenciés pour les étudiants français et pour les étudiants étrangers. Le Conseil estime à cet égard que « Compte tenu du niveau des droits dans la plupart des filières universitaires, les étudiants étrangers qui y sont inscrits bénéficient d'une véritable bourse implicite correspondant à la part du coût de la formation qui se trouve couverte par des ressources publiques ; sur la base du coût annuel moyen de la scolarité dans les établissements français, on peut estimer à 8 000 euros le montant individuel de cette bourse implicite et, sur l'ensemble de la population concernée, à près de 1,5 milliard d'euros l'effort budgétaire correspondant.
Au total, le Conseil conclut que « l'effort financier consenti par la collectivité nationale en faveur des étudiants étrangers peut être évalué à 12 000 euros par étudiant et, compte tenu de l'effectif total des étudiants en mobilité, à une enveloppe globale de 2,2 à 2,5 milliards d'euros. Le montant de ces bourses implicites correspond au soutien financier apporté à la scolarité et à l'environnement de vie et de travail des étudiants étrangers, sur ressources publiques, au niveau national ou territorial. Comparée au montant global alloué au financement des bourses du Gouvernement français, cette enveloppe représente plus de 20 fois l'effort consenti en faveur de ces dernières. La mise en évidence et la valorisation de l'ensemble de l'effort collectif consenti en faveur de l'accueil des étudiants étrangers représentent donc des enjeux majeurs. »
Toutefois, votre rapporteur souhaiterait rappeler que d'importants efforts restent à réaliser dont le financement ne pourra être assuré que par l'Etat. Ces efforts concernent :
- les possibilités de logement qui peuvent être proposées aux étudiants étrangers ;
L'insuffisance de logements universitaires est une caractéristique commune à toutes les régions. Le problème est particulièrement sensible à Paris, où le CROUS ne dispose que de 2 000 chambres et accueille seulement 20 % des boursiers du Gouvernement français (BGF), tandis qu'en comparaison le CLOUS de Tours propose environ 2 900 chambres. Le recours au logement privé est fréquent mais les étudiants étrangers sont confrontés au problème de la caution et de la garantie.
Afin de résoudre ce problème, il convient toutefois de noter que la mairie de Paris a signé un partenariat avec le CROUS pour la construction de logements universitaires d'ici 2006.
- les dispositifs de soutien et d'accompagnement.
c) Améliorer la coordination entre les acteurs intervenant sur la chaîne de la mobilité internationale
Dans cette perspective, quatre axes d'action sont proposés, tendant à :
- soutenir les établissements d'enseignement supérieur et de recherche dans leurs efforts pour mettre en place, développer et renforcer leur projet international ;
- coordonner l'action des pouvoirs publics au niveau territorial et national, notamment sur les questions relatives aux conditions administratives de la mobilité, à la mobilisation des ressources et du logement ;
- mieux coordonner l'action des différents ministères concernés et, notamment, renforcer encore davantage la coordination entre les postes diplomatiques et les responsables du système universitaire français ;
- mieux utiliser les instances et outils de coordination entre les acteurs.
LA PLATEFORME D'ACCUEIL INTERNATIONALE DE LA MAIRIE DE PARIS
Le projet d'accueil mis en place par la Mairie de Paris constitue la première tentative de coopération entre les divers acteurs impliqués par l'accueil des étudiants étrangers dont l'initiative revienne à une collectivité locale.
• La municipalité a décidé de ne pas distribuer de bourses à des étudiants provenant de régions avec lesquelles elle aurait des accords, mais s'est engagée à améliorer de manière générale les conditions de vie des étudiants parisiens qu'ils soient étrangers ou non.
• A l'issue du rapport Cohen a été lancé le Conseil National des Etudiants Etrangers. Les problèmes qu'il traite ne sont pas les mêmes qu'à l'échelon purement régional et il est peu dynamique. C'est pourquoi a été créé un projet à l'échelle francilienne : la « plateforme d'accueil internationale », qui rassemblait en mars 2003 dix-huit partenaires, dont font partie le ministère des affaires étrangères, la Préfecture de Police, la CPU (Conférence des présidents des universités qui réunit les présidents des neuf universités parisiennes), Edufrance, Egide ainsi que les trois CROUS de la région Ile-de-France.
• Le travail est réparti en trois groupes : un en charge du dispositif d'accueil, un autre s'occupant du logement et le dernier pour la création d'un site Internet :
- pour les étrangers, il faut en effet travailler en amont et, partant, les informations doivent être accessibles depuis le pays d'origine. Le site doit être exhaustif et entend donner une vision globale. Il doit donc être fédérateur : il regroupe toutes les informations existantes sur les sites actuels des partenaires et sera en fait un portail avec des liens. Il a été mis en service à la fin du mois de mars 2003, en français, anglais et espagnol ;
- le pôle logement réfléchit sur une politique globale pour les étudiants étrangers. Il y a 100 000 logements vides à Paris. La Mairie incite leurs propriétaires à les louer aux étudiants, à des prix inférieurs pratiqués habituellement sur le marché, mais instituant une garantie de paiement via une société d'économie mixte ;
- quant à l'accueil, il y a deux options, celle d'un guichet unique qui s'apparente à ce qui a été institué à Lyon par le PUL, ou celle de différentes cellules d'accueil. Celles-ci seraient au nombre de deux ou trois et permettraient aux étudiants étrangers d'ouvrir un compte en banque, de chercher un logement ainsi qu'une aide pour rassembler tous les papiers comme ceux nécessaires à la Direction départementale du travail et à la Préfecture de police mais aussi les mutuelles. Le summum de cet accueil serait des visites thématiques de Paris organisées par l'office de tourisme. La formule du guichet unique est plus difficile à mettre en place, mais serait peut-être plus souhaitable dans la mesure où elle permettrait de faire toutes les démarches au même guichet.
d) Mettre en place les procédures, les outils de pilotage, d'évaluation et d'étalonnage des stratégies de développement international.
Le Conseil estime que :
- les établissements devraient clarifier les objectifs, les projets et les réalisations obtenues dans le cadre de leur politique de développement international et de renforcement de la mobilité. Il convient à cet effet, de renforcer les outils mis à la disposition des responsables universitaires afin de leur permettre d'élaborer un véritable projet international et de se doter de dispositifs d'information, d'évaluation et de pilotage qui permettront à l'ensemble de la communauté académique d'apprécier la performance de chaque établissement à l'international et son attractivité ;
- l'Etat et les responsables territoriaux devraient, quant à eux, mieux identifier les projets qui émanent des établissements, les valider lorsqu'un appui leur est demandé et en évaluer les retombées a posteriori. Il s'avère nécessaire de mettre en place un système agrégé d'information et d'évaluation permettant de suivre l'évolution de la performance à l'international et de l'attractivité du système ;
- les étudiants devraient pouvoir disposer d'une information comparative, objective et fiable sur le positionnement des établissements.
Afin d'atteindre ces objectifs, deux dispositifs existants devraient être encore améliorés :
- le système d'information relatif à la mobilité et à l'ouverture internationale, que devrait accompagner la mise en place d'indicateurs au sein de chaque établissement ;
- le contrat quadriennal d'établissement, dont le volet international devrait être renforcé. En outre, un fléchage des ressources vers le soutien aux projets internationaux jugés prioritaires par l'établissement et validés par les tutelles permettrait de créer des mécanismes d'incitation efficaces.
Devant l'ampleur de la tâche et l'urgence de la situation, votre rapporteur s'interroge sur les suites qui seront données aux conclusions du rapport annuel du Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants. En dépit du discours de La Baule, force est de constater qu'aucune mesure concrète n'a pour le moment permis d'améliorer et de simplifier l'accueil des étudiants étrangers en France. Alors que les collectivités territoriales sont amenées de plus en plus fréquemment à se substituer à l'Etat pour assurer des conditions d'accueil décentes aux nouveaux arrivants, votre rapporteur interrogera le ministre sur l'action que celui-ci entend mener et les moyens financiers qu'il souhaite consacrer à ce chantier prioritaire .
* 8 Discours de La Baule, 27 juin 2003.