Article 64
Modalités du transfert des personnels et moyens
du Service social d'aide aux émigrants à l'Agence nationale
de l'accueil des étrangers et des migrations

L'article 64 tend à fixer les dispositions relatives aux modalités et conditions de reprise, par l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), des personnels et moyens de l'association « Service social d'aide aux émigrants » (SSAE) dans le cadre du transfert à l'ANAEM de la mission confiée par l'Etat au SSAE 31 ( * ) .

Le premier alinéa prévoit que les missions confiées par l'Etat au SSAE seront transférées à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations à la date d'expiration ou de dénonciation 32 ( * ) de la convention conclue entre l'Etat et cette association. C'est la conséquence du regroupement autour d'un seul opérateur majeur des moyens consacrés à l'accueil des étrangers.

Association reconnue d'utilité publique depuis 1932, le SSAE a pour but « de venir en aide aux émigrants et aux immigrants dans les difficultés qu'ils peuvent rencontrer, soit au cours de leur voyage, soit au cours de leur établissement, de s'employer au regroupement des familles, à la protection des femmes et des enfants migrant isolément, de servir de lien entre l'émigrant et les oeuvres d'assistance spirituelle et matérielle dont il peut avoir besoin , dans l'effort nettement respectueux des convictions religieuses de chacun » (article 1 er des statuts).

Par la convention du 1 er janvier 2004, l'Etat a confié au SSAE la mission « de réaliser des actions qui concourent à la politique d'accueil et d'intégration des étrangers dans le cadre des orientations gouvernementales précisées notamment par le comité interministériel à l'intégration ; à ce titre, il met en oeuvre des actions d'information collective et individuelle pour les primo-arrivants, les demandeurs d'asile et les réfugiés, assure une action sociale spécifique en faveur des migrants et facilite leur mise en relation avec les organismes et institutions qui contribuent à leur accueil et à leur insertion sociale et professionnelle » 33 ( * ) .

La convention précédente datée du 16 décembre 1996 confiait au SSAE « la mission d'organiser et assurer, dans le cadre de la politique d'accueil et d'intégration définie par le gouvernement, un service social spécialisé en direction des personnes d'origine étrangère vivant en France ». Cette mission globale qui sera transférée à l'ANAEM est financée essentiellement par une subvention de l'Etat 34 ( * ) . La convention pour 2004 prévoit une subvention d'un montant prévisionnel de 17 411 442 euros, réparti comme suit :

- 16 484 442 euros pour le financement de l'accueil des étrangers ;

- 927 000 euros pour le financement d'aides spécifiques en espèces destinées à faciliter l'intégration des réfugiés (ces aides sont subsidiaires et ne sont versées qu'après que toutes les prestations légales ont été versées).

S'ajoutent à cette subvention des aides du Fonds européen d'aide aux réfugiés, de l'OMI ainsi que la participation de certains conseils généraux (environ 500 000 euros en 2004). Le budget global avoisine les 19 millions d'euros.

Le SSAE a également signé avec des organismes (Haut commissariat pour les réfugiés, office des migrations internationales...) et des collectivités territoriales des conventions qui lui permettent de développer ses actions.

Ce transfert des missions et des moyens du SSAE à l'ANAEM n'interviendrait qu'à la date d'expiration ou de dénonciation de la convention entre l'Etat et cette association. Dans ce dernier cas, la dénonciation ne pourrait être prononcée qu'à compter de la création de l'ANAEM, c'est-à-dire lorsque l'article 60 du projet de loi sera en vigueur et que les moyens de l'Office des migrations internationales auront été transférées à l'agence 35 ( * ) .

Les deuxième et troisième alinéas du présent article visent les conséquences matérielles et humaines de ce transfert inédit des activités d'une association vers un établissement public administratif.

Le deuxième alinéa prévoit que les personnels de l'association seraient repris par l'agence . Organisé sur l'ensemble du territoire, le SSAE compte environ 407 salariés représentant 370 emplois à temps plein (dont environ 120 assistants de service social) et répartis entre le siège national à Paris, les services régionaux et les bureaux départementaux.

Ces personnels seraient repris en application des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail. Cet article du code du travail dispose en son second alinéa que « s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, [...] tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »

En plaçant les salariés de l'association sous la protection de l'article L. 122-12 du code du travail, l'article 64 du projet de loi ne fait que reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation qui depuis un arrêt du 25 juin 2002 36 ( * ) considère que l'article L. 112-12 du code du travail s'applique même dans le cas où le nouvel employeur est un établissement public administratif. La Cour de cassation a interprété cet article du code du travail au regard de la directive n° 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, elle même interprétée par la Cour de justice des communautés européennes 37 ( * ) .

Votre rapporteur peut témoigner qu'en plaçant cette reprise de personnels sous l'égide de l'article L. 122-12 du code du travail, le projet de loi répond à une attente du personnel du SSAE.

L'article 64 précise que les agents « conserveront le bénéfice de leur engagement à durée indéterminée ». Cette garantie va de soi dès lors qu'ils sont placés sous l'empire de l'article L. 122-12 du code du travail. L'article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui dispose que les agents non titulaires sont recrutés à contrat à durée déterminée est écarté.

Dans le respect de l'article L. 122-12 du code du travail, un décret devrait détailler les conditions de l'intégration du personnel de l'association dans l'agence. Les obligations nées des contrats de travail transférés devront être respectées par le nouvel employeur.

Toutefois, ces personnels seront placés sous le régime des agents contractuels de droit public afin de respecter l'unité du régime de droit public de cet établissement public administratif.

Les situations individuelles des salariés du SSAE seront réglées avant la création de l'Agence et l'organisation du transfert d'activité et de moyens. Durant la période de transition qui prendra fin avec la signature de la convention d'apports entre le cédant et le cessionnaire 38 ( * ) , un avenant au contrat de travail sera proposé à chaque salarié, formalisant le changement de statut et précisant les modifications apportées au contrat dans le respect du principe d'équivalence des droits.

Bien entendu, les salariés pourront refuser leur intégration dans ce statut de droit public. Il sera fait application d'une jurisprudence bien établie sur les licenciements économiques intervenus à l'initiative du cédant. En cas de refus, l'ANAEM aura l'obligation de procéder au licenciement et la rupture du contrat de travail sera considérée comme résultant du fait de l'employeur. L'établissement public administratif devrait être traité comme un employeur de droit privé et les indemnités versées aux salariés seront calculées par application des règles du code du travail.

Au cours de ses auditions, votre rapporteur s'est inquiété des conditions dans lesquelles les personnels de l'association seraient repris par l'ANAEM.

Les contrats de travail en cours seront repris sous réserve de leur transformation en contrat de droit public comme il a été vu ci-dessus.

Toutefois, des interrogations subsistent sur les conditions sociales et économiques du transfert des personnels du SSAE à l'Agence .

Ce type de transfert est en effet assez rare, d'une personne privée vers une personne publique. Il pose de nombreuses difficultés juridiques du fait du passage de contrats de travail de droit privé à un régime statutaire de droit public. Certes, l'article 64 offre des garanties. Mais des précisions complémentaires sont attendues par les personnels du SSAE qui s'inquiètent du devenir des accords collectifs .

Des raisons juridiques s'opposent à ce que ces accords continuent à produire des effets.

L'article L. 132-8 septième alinéa du code du travail ne semble pas devoir s'appliquer. Cet article organise la survie temporaire des avantages collectifs durant le temps de préavis puis pour une durée d'un an, afin de permettre une négociation en vue d'une nouvelle convention collective et éviter un vide conventionnel. Si, à l'issue d'un délai d'an, aucun nouvel accord n'a été conclu, les salariés conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis.

Les établissements publics administratifs n'entrent pas dans le champ d'application du titre III du livre 1 er du code du travail relatif aux conventions et accords collectifs. Les contrats des agents concernés étant devenus de facto des contrats de droit public ils ne peuvent être soumis qu'aux règles du droit public. Enfin, il est rappelé que l'objectif du septième alinéa de l'article L. 132-8 du code du travail est d'éviter que la modification juridique qui affecte l'employeur ou le changement d'activité principale de l'entreprise n'entraîne une situation de vide conventionnel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En effet les salariés du SSAE dont le contrat aura été transféré verront, dès leur reprise par l'ANAEM, un dispositif réglementaire s'appliquer à eux, en lieu et place de l'accord existant.

Si votre commission renonce à présenter un amendement sur cette question, elle souhaite néanmoins interroger le Gouvernement en séance publique sur les garanties et les compensations que prévoira le décret portant intégration de ces personnels.

N'oublions pas que cette opération de transfert des missions et des moyens de l'association s'est faite contre sa volonté initiale et suscite de nombreuses inquiétudes au sein de son personnel. Cette question grâce aux explications qu'elle amènera de la part du ministre est susceptible de les rassurer et donc de créer les conditions d'une intégration sereine des deux structures.

Enfin, le dernier alinéa du présent article prévoit qu'une convention conclue entre l'ANAEM et le SSAE détermine les conditions dans lesquelles les biens, droits et obligations liés à la mission de l'association sont transférés à l'agence. Il s'agit pour l'essentiel d'éléments de patrimoine, de baux de location de locaux à usage de bureaux et de contrats de prestations de services.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 64.

* 31 Voir le commentaire sous l'article 60 du projet de loi.

* 32 La convention en cours a été conclue le 1 er janvier 2004 et expire à la fin de l'année. Si l'agence n'est pas créée au 1 er janvier 2005, ce qui est probable, une nouvelle convention devra être conclue pour l'année 2005. La création de l'agence devant intervenir courant 2005, cette nouvelle convention devra être dénoncée.

* 33 Article 1 de cette convention

* 34 Jusqu'en 2003, le financement de cette association était assuré par le FASILD pour un montant équivalent.

* 35 Voir le commentaire du paragraphe III de l'article 66 du projet de loi.

* 36 Cour de cassation-chambre sociale. Arrêt n° 2127 du 25 juin 2002.

* 37 Arrêt Mayeur CJCE du 26 septembre 2000. Selon la CJCE, la directive est applicable en cas de reprise par une commune [...] des activités exercées jusqu'alors par une association sans but lucratif, personne morale de droit privé, pour autant que l'entité cédée conserve son identité.

* 38 Voir ci-après le commentaire du dernier alinéa de cet article 64 du projet de loi.

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