2. Les nouvelles attributions du président du conseil général
a) Les pouvoirs du président du conseil général
De nombreux articles du présent projet de loi consistent à supprimer le copilotage du RMI par les conseils généraux et les représentants de l'Etat dans les départements, soit en supprimant la mention du représentant de l'Etat dans les articles du code de l'action sociale et des familles, soit en la remplaçant par celle du président du conseil général.
Le département, représenté par le président du conseil général, devient le responsable unique pour l'allocation et le volet insertion du RMI. Le présent projet de loi prévoit donc un recentrage des responsabilités et une simplification du dispositif. La fin du copilotage enlève aux services déconcentrés de l'Etat toute responsabilité dans l'élaboration du programme départemental d'insertion (PDI), même si l'Etat doit continuer à apporter son concours au département au titre des mesures dont il a la responsabilité (mesures relatives à l'emploi notamment). Par ailleurs, le représentant de l'Etat dans le département n'interviendra plus dans l'organisation et l'animation du dispositif institutionnel d'insertion (conseil départemental d'insertion, où l'Etat sera toutefois représenté par des membres désignés par le représentant de l'Etat dans le département, et commissions locales d'insertion).
La présidence du comité départemental d'insertion (CDI) sera confiée au seul président du conseil général, qui en désignera les membres et sera chargé d'élaborer et d'appliquer le plan départemental d'insertion (PDI). Le président du conseil général désignera également les membres des commissions locales d'insertion (CLI), dont il fixera le nombre ainsi que le découpage territorial. Par ailleurs, les commissions locales d'insertion n'approuveront plus les contrats d'insertion signés par les allocataires, dont la compétence relèvera du conseil général. L'intervention des commissions locales d'insertion sur les situations individuelles ne sera maintenue que lorsqu'une suspension du versement de l'allocation est envisagée. Il s'agit donc de confier la responsabilité du dispositif aux conseils généraux, mais également de recentrer l'action des commissions locales d'insertion sur l'animation locale et l'évaluation des besoins.
A cet égard, le rapport de l'observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) sur l'acte II de la décentralisation 4 ( * ) indique que « l'échec du volet insertion du RMI s'explique en grande partie par la complexité de la co-gestion et l'organisation hiérarchisée du dispositif. Alors qu'on aurait dû s'appuyer sur les Commissions Locales d'Insertion (CLI), proches du terrain, pour créer une offre d'insertion plus large et plus diversifiée, c'est le Comité Départemental d'Insertion (CDI), organisme généralement formel, qui de fait en est chargé.
« Concrètement, la plupart des CLI font aujourd'hui du contrôle individuel de dossiers et s'impliquent peu sur la définition de nouvelles politiques. C'est probablement pour cette raison que peu de départements ont déconcentré la gestion de leurs crédits au niveau de ces commissions.
« C'est pourtant l'un des effets importants du RMI d'avoir contribué à sensibiliser davantage les équipes départementales à l'intérêt de la territorialisation, en démontrant que la réussite de la décentralisation repose sur sa capacité à adapter l'offre de service aux spécificités de chaque territoire ».
Les dispositions du projet de loi relatives aux
pouvoirs du président
- l'agrément des associations ou organismes à but non lucratif (article L 262-714 du code de l'action sociale et des familles) ; - la destination par le président du centre communal ou intercommunal d'action sociale de la commune de résidence des informations dont il dispose sur les ressources et la situation de famille de l'intéressé, ainsi que sur sa situation au regard de l'insertion (article L. 262-17 du code de l'action sociale et des familles) ; - l'attribution, la prorogation et la suspension du versement de l'allocation (article L. 262-19 du code de l'action sociale et des familles) ; - les conditions de suspension du versement de l'allocation (article L. 262-21 du code de l'action sociale et des familles) ; - la révision du contrat d'insertion et la suspension du versement de l'allocation (article L. 262-23 du code de l'action sociale et des familles) ; - la décision de reprise du versement de l'allocation (article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles) ; - la révision des décisions déterminant le montant de l'allocation (article L. 262-27 du code de l'action sociale et des familles) ; - la décision de mettre fin au droit au RMI en cas de suspension de l'allocation ou d'interruption de son versement (article L. 262-28 du code de l'action sociale et des familles) ; - la décision relative au bénéfice de l'allocation et à la réduction éventuelle de son montant en cas de créance alimentaire ou d'allocation de soutien familial (article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles) ; - la décision de procéder au versement d'acomptes ou d'avances sur droits supposés (article L. 262-36 du code de l'action sociale et des familles) ; - la possibilité de demander à l'organisme payeur, après avis de la commission locale d'insertion et avec l'accord du bénéficiaire, de mandater l'allocation au nom d'un organisme agréé à cet effet, à charge pour lui de la reverser au bénéficiaire (article L. 262-44 du code de l'action sociale et des familles).
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Les éléments suivants sont issus d'une réponse du ministère des affaires sociales à une question de votre rapporteur pour avis :
La liberté de gestion du RMI-RMA pour les départements Les libertés dont disposeront les départements dans le cadre de la gestion du dispositif RMI peuvent être classées en trois catégories : celles tenant à l'organisation du service de l'allocation de RMI, celles qui sont liées à la mobilisation des bénéficiaires, celles enfin qui sont de l'ordre des acteurs et des moyens pour l'insertion. 1) L'organisation du service de l'allocation de RMI : - il appartiendra au département (le conseil général ou son président suivant les cas) d'agréer les organismes - au-delà de ceux habilités par la loi elle-même - auprès desquels les demandes d'allocation peuvent être déposées, ainsi que les organismes auprès desquels les demandeurs sans résidence stable et ceux qui, sans domicile fixe, exercent une activité ambulante pourront élire domicile ; - relèvera également de la responsabilité du département le conventionnement des caisses d'allocations familiales et de mutualité sociale agricole pour le service de l'allocation, dans le cadre de règles de base arrêtées par décret, et pour la délégation éventuelle de compétences plus ou moins larges en matière de décisions individuelles. 2) La mobilisation des bénéficiaires : - le barème et les conditions d'attribution de l'allocation continueront à être fixées au niveau national (avec cette réserve que le département pourrait les rendre plus favorables que prévu par la loi et le règlement). Dès lors que les conditions seront remplies, le président du conseil général devra attribuer l'allocation. Par la suite, il pourra en suspendre le versement (après avis de la commission locale d'insertion) en cas de non-conclusion ou de non-respect du contrat d'insertion du fait du bénéficiaire ; - le président du conseil général pourra passer des conventions avec les organismes de son choix pour assurer l'élaboration des contrats d'insertion avec les bénéficiaires et coordonner leur suivi ; - la création du revenu minimum d'activité permettra au département de développer l'offre d'insertion en faveur des bénéficiaires du RMI qui sont depuis au moins deux ans dans le dispositif et ce à moindre coût, puisque le RMA sera essentiellement financé par redéploiement de l'allocation. 3) La mobilisation des acteurs et des moyens pour l'insertion : - le président du conseil général sera responsable de la conduite de l'action d'insertion des bénéficiaires du RMI (avec le concours de l'Etat et des autres collectivités et organismes concourant à l'insertion) ; - le conseil général élaborera et adoptera le programme départemental d'insertion (auquel il devra consacrer au minimum 17 % des dépenses d'allocation de l'année précédente) ; - une large souplesse est laissée au président du conseil général pour organiser le dispositif institutionnel d'insertion (conseil départemental d'insertion, commissions locales d'insertion) et donc associer les partenaires qu'il souhaitera à la réflexion sur les moyens de l'insertion ; - le conseil général pourra passer convention avec des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale pour la mise en oeuvre des programmes locaux d'insertion ; avec l'Etat et l'ANPE pour la mise en oeuvre des contrats d'insertion - revenu minimum d'activité. Ces trois catégories de marges de manoeuvre, au demeurant inhérentes au contexte de décentralisation, peuvent avoir des effets très différents à l'égard d'un éventuel risque de développement des inégalités entre départements. En ce qui concerne l'organisation du service de l'allocation, le fait que les CAF et CMSA, avec l'organisation en réseaux nationaux que cela comporte, soient confirmées dans leurs fonctions de liquidateurs et de payeurs et qu'elles puissent se voir attribuer de larges délégations de compétences, est une garantie d'homogénéité de nombreux aspects de la gestion de l'allocation, d'autant qu'un décret fixera les règles générales que devront respecter les conventions départementales de gestion. Par ailleurs, s'agissant de l'élection de domicile, le préfet disposera d'un pouvoir de substitution pour désigner un organisme tenu de recevoir toute déclaration sur le territoire de chaque CLI. La mobilisation des bénéficiaires peut être différente d'un département à l'autre. Mais rien n'indique par exemple qu'aujourd'hui les pratiques à l'égard de la suspension du versement soient uniformes sur l'ensemble du territoire. Il faut considérer par ailleurs que les départements seront responsables d'un pan très large de l'aide sociale et qu'à cet égard une politique de suspensions trop sévère risquerait d'avoir des répercussions sur d'autres postes de dépenses. La création du RMA, les marges de manoeuvre qui sont accordées aux départements pour mobiliser autour d'eux les acteurs locaux et leurs moyens d'action et le maintien de l'obligation de consacrer à l'insertion 17 % des dépenses d'allocation de l'année précédente permettent d'escompter que les conseils généraux miseront plutôt sur une politique dynamique d'insertion pour réduire le nombre d'allocataires du RMI et donc diminuer leurs dépenses. Enfin, le dispositif de suivi statistique et d'évaluation, et la publicité qui sera donnée aux résultats des politiques conduites sont aussi des facteurs incitatifs non négligeables à mener une action volontariste en faveur de l'insertion des bénéficiaires du RMI. Source : ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité |
b) Les délégations de pouvoir du président du conseil général
Plusieurs dispositions du présent projet de loi permettent au président du conseil général de déléguer ses compétences à d'autres collectivités territoriales, organismes ou associations. Ces dispositions donnent aux départements des marges de manoeuvre accrues pour la gestion du RMI :
• l'article 15 prévoit la possibilité
pour le département de déléguer aux organismes payeurs
mentionnés à l'article L. 262-30 du code de l'action sociale et
des familles (les caisses d'allocations familiales et, pour leurs
ressortissants, les caisses de mutualité sociale agricole), dans des
conditions prévues par une convention, les compétences du
président du conseil général à l'égard des
décisions individuelles relatives à l'allocation, à
l'exception des décisions de suspension du versement de
celle-ci ;
• l'article 18 prévoit la possibilité
pour le président du conseil général de confier la
désignation d'une personne chargée d'élaborer le contrat
d'insertion et de coordonner la mise en oeuvre de ses différents aspects
économiques, sociaux, éducatifs et sanitaires à un
organisme
5
(
*
)
. Ce même
article prévoit que le département peut, par convention, confier
cette mission à une autre collectivité territoriale ou à
un organisme.
L'implication d'autres collectivités territoriales que le département dans la prise en charge de l'insertion, de même que celle des autres acteurs locaux, sera essentielle au succès de la réforme proposée. Cette implication se fera sous la responsabilité du conseil général et dans le cadre de conventions. Le rapport de l'observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) sur l'acte II de la décentralisation 6 ( * ) souligne, au sujet de l'action sociale dans son ensemble, qu'« il apparaît (...) clairement qu'une collaboration plus étroite entre les départements et les villes est indispensable pour le développement de la prévention et notamment de la prévention primaire. Elle passe par une mise en oeuvre pragmatique du principe de subsidiarité, tenant compte des réalités actuelles.
« La dispersion entre 35.000 lieux de décisions (à défaut d'intercommunalité), avec toutes les petites communes, justifie qu'un rôle prépondérant soit donné aux départements en zone rurale. En zone urbaine, la France pourrait opter pour le scénario anglo-saxon dans lequel les communes urbaines ont toutes les compétences sociales, malgré l'existence des comtés. Mais la plupart des communes, même les plus grandes, n'y sont pas prêtes. C'est pourquoi il est préférable d'envisager une démarche dans laquelle le département serait « chef de file » sur les compétences strictement sociales, mais avec un souci de coopération forte avec les villes et les agglomérations, qui pourraient aller jusqu'à la délégation de certaines compétences.
« Cette coopération est aujourd'hui à la fois nécessaire et possible car chacun reconnaît que les communes détiennent les principaux leviers susceptibles de concourir au rétablissement du lien social. Il reste donc à se donner les moyens d'une analyse partagée des besoins sociaux, car partout où se sont engagés des partenariats d'observation, on a pu constater l'émergence de partenariats de conviction ».
S'agissant de la possibilité pour les présidents de conseils généraux de déléguer aux CAF et CMSA certains pouvoirs en matière de décisions individuelles relatives à l'allocation, Mme Nicole Prud'homme a indiqué, lors de son audition par la commission des affaires sociales, le 13 mai dernier, qu'il n'était pas souhaitable d'aller plus loin, en l'état actuel des choses, et ce, pour trois raisons principales.
Elle a précisé, en premier lieu, que les centres communaux et intercommunaux d'action sociale (CCAS) disposaient déjà d'une très forte implantation géographique, qui permettait un lien de proximité sans guère d'équivalent, notamment avec les personnes en situation de précarité. Elle en a conclu que l'éventualité d'un transfert de l'ensemble de l'instruction des demandes de RMI aux CAF ne pourrait pas représenter une amélioration.
Mme Nicole Prud'homme a considéré, en deuxième lieu, que les CAF ne disposaient pas d'un personnel suffisamment formé et disponible pour faire face à une telle extension de leur domaine d'activité. Elle a mentionné que l'instruction d'un dossier de RMI nécessitait, en moyenne, une heure d'entretien avec la personne demandant l'allocation. Face à la grande diversité des questions abordées par la problématique de l'insertion, elle a jugé qu'une formation spécifique du personnel était nécessaire.
Elle a souligné, en dernier lieu, que les CAF ne bénéficiaient pas de locaux adaptés permettant de préserver, lors de la conduite des entretiens, la nécessaire confidentialité de la relation avec les allocataires. Elle a ajouté que, compte tenu de l'effectif des populations déjà prises en charge par les CAF, il ne lui semblait pas possible de faire face à ce nouvel afflux de dossiers.
* 4 « Décentralisation et action sociale : Clarifier les responsabilités », février 2003, page 15.
* 5 Il s'agit notamment du centre communal ou intercommunal d'action sociale du lieu de résidence du demandeur, du service départemental d'action sociale, des associations ou organismes à but non lucratif agréées à cet effet par décision du président du conseil général, des caisses d'allocations familiales et, pour leurs ressortissants, des caisses de mutualité sociale agricole ayant reçu l'agrément du président du conseil général.
* 6 « Décentralisation et action sociale : Clarifier les responsabilités », février 2003, page 9.