II. LE RENSEIGNEMENT
«
Outil principal de l'anticipation et de la
prévention des conflits, indispensable à la gestion des
crises »
, selon la loi de programmation militaire, le
renseignement devait bénéficier d'un effort particulier dans le
cadre de la modernisation des armées, tant en termes de moyens humains
que de moyens techniques.
La crise consécutive aux attentats du 11 septembre dernier conforte
cette analyse et justifie une amplification de l'effort qui ne se retrouve que
partiellement dans le projet de budget 2002.
A. L'ÉVOLUTION DES CAPACITÉS FRANÇAISES DANS LE DOMAINE DU RENSEIGNEMENT
En
dehors du domaine du renseignement stratégique, relevant des
systèmes d'observation satellitaire, plusieurs programmes sont
destinés à renforcer les capacités des armées pour
le recueil et l'exploitation du renseignement de théâtre ou du
renseignement tactique.
Dans le domaine du
renseignement d'origine
électromagnétique
, l'année 2000 aura vu la livraison
du
Sarigue-NG
(Système aéroporté du recueil
d'informations de guerre électronique de nouvelle
génération), qui a succédé au DC8 Sarigue. Mis en
oeuvre par l'escadron électronique de l'armée de l'air, cet
appareil à long rayon d'action est voué au recueil de
renseignements relatifs aux radiocommunications et aux radars. Une
capacité de prise d'images photographiques est envisagée
ultérieurement.
Le système complet devrait être
opérationnel en 2002
, soit deux ans après la date
prévue par la loi de programmation. Le programme
MINREM
(Moyen
interarmées navalisé de recherche électronique) est pour
sa part entré dans une première phase, avec le transfert sur le
Bougainville des moyens dont disposait le Berry, retiré du service actif
à la fin 1999. La seconde phase consistera à améliorer la
capacité d'écoute de ce bâtiment, afin d'adapter la charge
utile aux signaux des émetteurs de la nouvelle génération.
Quant au nouveau bâtiment destiné à remplacer le
Bougainville, sa commande est prévue pour cette fin d'année, le
choix de l'industriel venant d'être arrêté. Il s'agira d'un
bâtiment optimisé, dès sa conception, pour l'écoute
électronique, avec une capacité supérieure de traitement
de l'information. Sa livraison n'est envisagée que pour 2006, soit un
décalage de 2 ans par rapport à la loi de programmation
militaire. La rénovation des deux
transalls Gabriel
se poursuit
et devrait s'achever à l'horizon 2006. Par ailleurs, un nouveau
détachement autonome des transmissions devrait être mis en service
en 2001.
Le Bougainville et les transalls Gabriel contribuent actuellement à la
collecte du renseignement pour les opérations d'Afghanistan.
Pour le
renseignement d'origine image
, il est procédé
à l'expérimentation du
drone Hunter
de construction
israélienne, dont l'endurance est supérieure à 24 heures
et qui pourrait également être utilisé pour la
désignation d'objectif laser. L'armée de l'air doit par ailleurs
acquérir le système de
drone Eagle
, proposé par
EADS et l'israëlien IAI. Il permettra de disposer d'une capacité de
surveillance tout temps à longue distance. L'armée de l'air a
également initié un programme d'amélioration des
capacités de reconnaissance des avions de combat au travers de
l'acquisition du pod Presto qui équipera d'ici 2003 le Mirage F1 CR et,
dans une seconde phase, du programme « Reco NG » permettant
à partir de 2006, lors du retrait des Mirage IV P et des Jaguar, une
capacité de reconnaissance image de jour et de nuit, à distance
de sécurité et avec transmission des données en temps
réel.
S'agissant des
drones tactiques
, l'armée de terre a interrompu le
programme Brevel, cet aérodyne de conception ancienne ne permettant en
effet d'emporter qu'un seul type de capteur, ce qui en limitait l'usage
à un seul type de mission. En l'attente de la réalisation,
à l'horizon 2005, de drones tactiques multicapteurs multimissions, le
système Crécerelle actuellement en service sera prolongé.
Les moyens d'acquisition du renseignement du niveau opératif de
l'armée de terre sont regroupés au sein de la
brigade de
renseignement
. Celle-ci comporte actuellement deux unités de
recherche par moyens humains à long et très long rayon d'action
(2
ème
hussards, 13
ème
dragons
parachutistes), un groupement de recueil de l'information composé de
spécialistes en traitement de sources humaines, une unité de
recherche du renseignement d'origine image (61
ème
régiment d'artillerie) chargé de la mise en oeuvre des drones, et
deux formations de guerre électronique (44
ème
et
54
ème
régiments de transmissions). Devrait
également être rattaché pour emploi à la brigade de
renseignement un groupement de recherche aéromobile dont la
création est prévue au sein du 1
er
régiment
d'hélicoptères de combat et qui comportera notamment l'escadrille
d'hélicoptères de détection radar Horizon.
B. L'ÉVOLUTION DES MOYENS BUDGÉTAIRES CONSACRÉS AU RENSEIGNEMENT
Les crédits regroupés dans l'agrégat « renseignement » progresseront de 4,7 % en 2002.
Evolution des crédits de l'agrégat « Renseignement »
(en millions d'euros)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Personnel |
87,6 |
91,8 |
99,4 |
105,3 |
112,9 |
123,6 |
Fonctionnement |
32,6 |
31,0 |
31,1 |
31,1 |
36,9 |
37,7 |
Titre III |
120,2 |
122,8 |
130,5 |
136,4 |
149,8 |
161,3 |
Titre V |
99,2 |
85,6 |
101,7 |
103,7 |
125,5 |
127,1 |
TOTAL |
219,4 |
208,4 |
232,2 |
240,1 |
275,3 |
288,4 |
N.B. : les chiffres ci-dessus incluent, à compter
de
2001, les crédits de la DRM.
Le budget 2002 se traduira par une
hausse de 9,5 % des dépenses
de rémunérations et charges sociales
, liée à
l'augmentation des effectifs, par une légère augmentation
des
crédits de fonctionnement
et par une
poursuite de l'augmentation
des crédits d'équipement.
Ces données ne traduisent cependant qu'imparfaitement l'évolution
des moyens consacrés au renseignement puisqu'ils ne recouvrent que la
rémunération des effectifs civils de la DGSE, son fonctionnement
courant et ses crédits d'équipement, les crédits de
fonctionnement (hors rémunération des personnels) et
d'équipement de la Direction de la protection et de la
sécurité de la défense (DPSD), ainsi que le budget de
fonctionnement et d'équipement de la Direction du Renseignement
Militaire.
Elles n'englobent pas les effectifs militaires de la DGSE, ni les programmes
d'équipement relevant de l'état-major des armées. Elles ne
couvrent pas davantage les moyens de renseignement propres à chaque
armée.
1. La direction générale de la sécurité extérieure
Chargée, selon les termes du décret n°
82-306 du
2 avril 1982 qui a procédé à sa création,
"de
rechercher et d'exploiter les renseignements intéressant la
sécurité de la France, ainsi que de détecter et
d'entraver, hors du territoire national, les activités d'espionnage
dirigées contre les intérêts français afin d'en
prévenir les conséquences",
la DGSE voit ses moyens
renforcés en 2002.
En ce qui concerne ses
effectifs
, les évolutions suivantes sont
enregistrées :
- la DGSE bénéficiera de la
création de 147 postes de
civils,
61 emplois supplémentaires étant en outre
créés à la suite de la transformation en postes de
contractuels d'emplois non budgétaires, en application de la loi
sur les personnels dits « Berkani ». Ces personnels
étaient jusqu'alors rémunérés sur les
crédits de fonctionnement. Les effectifs de civils, qui se montaient
à 2 647 agents en 1997, passent de 3 037 agents en 2001 à
3 244 agents en 2002,
- les effectifs militaires s'établiront à 1 367 hommes, soit
10 postes de moins qu'en 2001, correspondant à la suppression des postes
d'appelés.
Au total,
les effectifs civils et militaires de la DGSE
(seuls les
civils étant rémunérés sur le budget de cette
dernière)
passent de 4 414
à 4 611
agents de 2001
à 2002.
Il faut ajouter que le processus de la rénovation des statuts
particuliers des différents corps de fonctionnaires de la DGSE, qui
n'exigeait pas moins de 18 décrets, est achevé. Le projet de
décret concernant les agents non titulaires est en outre toujours
à l'étude. Indépendamment de la transposition à la
DGSE de mesures de portée générale, qui ont
justifié cette procédure lourde de modification statutaire,
d'autres mesures sont à l'étude, notamment la fusion de
différents corps, l'évolution du statut particulier des chefs
d'études et l'application de la loi relative à la
résorption de l'emploi précaire.
Sur le plan budgétaire, les
crédits de la DGSE
inscrits au
budget de la défense atteindront
259,3 millions d'euros
(+
4,9
%)
et
évolueront comme suit :
- les dépenses de
rémunérations et de charges sociales
s'élèveront à
123,6
millions d'euros
en
2002, soit 9,5 % de plus qu'en 2001 du fait de la création de 147 postes
civils auxquels s'ajoutent 61 emplois contractuels
« Berkani » ;
- les
crédits de fonctionnement courant
demeurent stables et se
monteront à
24,2 millions de francs
(- 0,1 %),
c'est-à-dire à un niveau inférieur d'environ 5 %
à ceux de 1997. Cette légère diminution provient du
transfert vers les rémunérations des crédits permettant
jusqu'alors de financer les emplois dits « Berkani »
(environ 400 000 euros). Il n'en demeure pas moins que l'absence de
relèvement de cette dotation de fonctionnement a imposé de
renoncer à certaines actions en matière de renouvellement de
matériel informatique , de mobilier et de formation des personnels.
- les
dotations d'équipement
s'élèvent à
59,3 millions d'euros en autorisations de programme (- 9,5 %) et
62,5 millions d'euros en crédits de paiement (- 17,2 %).
Près des deux tiers de ces autorisations de programme seront
consacrées à la recherche du renseignement technique, en
particulier les
renouvellements de calculateurs haute performance
et
l'équipement de recueil et d'exploitation du renseignement lié
à la réalisation d'un
nouveau
centre d'interception
.
- les
dotations d'infrastructure
s'élèveront à
36,6 millions d'euros en autorisations de programme (+ 8,1 %) et
à 48,9 millions d'euros en crédits de paiement (+
41,5 %). Environ les trois-quarts des dotations sont consacrées aux
travaux à Paris et en région parisienne sur le site du quartier
des Tourelles, de la caserne Mortier et du fort de Noisy. Le restant concerne
principalement l'aménagement et la rénovation des centres
d'interception existants, ainsi que la poursuite de la construction de nouveaux
centres.
Votre rapporteur rappelle enfin que le budget de la DGSE tel qu'il est
présenté n'inclut pas les
crédits provenant des fonds
spéciaux
inscrits au budget des services du Premier ministre, et
dont l'objet est de financer certaines activités opérationnelles.
Selon les informations récemment fournies par le Premier ministre et par
M. Logerot, premier président de la Cour des Comptes, ces fonds
spéciaux représentent, en loi de finances initiale,
un
crédit annuel de l'ordre de 30 millions d'euros
, auquel peuvent
s'ajouter, en cours d'année, des crédits supplémentaires
de l'ordre de 10 millions d'euros ouverts par des décrets de
répartition non publiés au Journal officiel. Le contrôle de
l'utilisation de ces fonds est assuré d'une part par les services
financiers de la DGSE elle-même et d'autre part par une commission
spéciale de vérification composée de hauts magistrats de
la Cour des comptes et du Conseil d'Etat.
Le Gouvernement a présenté devant l'Assemblée nationale
lors du débat sur les crédits des services généraux
du Premier ministre une
réforme des fonds spéciaux
visant
d'une part à appliquer le droit commun aux dépenses des cabinets
ministériels et à ne réserver les fonds spéciaux
qu'aux actions relevant des services de sécurité et de
renseignement, principalement la DGSE, et d'autre part à soumettre
l'usage de ces fonds au contrôle d'une commission composée de
parlementaires et de magistrats de la Cour des Comptes.
Un amendement adopté par l'Assemblée nationale, devenu
l'
article 77 du projet de loi de finances
, prévoit en effet que
les dépenses faites sur les crédits des fonds spéciaux
sont examinées
chaque année par une commission de
vérification composée de deux députés, deux
sénateurs et deux magistrats de la Cour des Comptes
. Les travaux de
cette commission sont secrets et consistent à vérifier tous les
justificatifs des dépenses opérées avec les fonds
spéciaux. Un rapport annuel sur l'emploi des fonds serait remis au
Président de la République, au Premier ministre et aux
présidents et aux rapporteurs généraux des commissions des
finances des deux assemblées.
Cette implication du Parlement dans la vérification de l'emploi, par la
DGSE, des fonds spéciaux, appelle de la part de votre rapporteur
plusieurs remarques :
- la DGSE étant le principal destinataire des fonds spéciaux, les
autres services de sécurité et de renseignement n'en
bénéficiant que marginalement, cette commission de
vérification sera donc quasi-exclusivement vouée à
examiner des dossiers liés aux activités de la DGSE,
- pour autant, cette vérification ne s'étendra pas à
toutes les activités de la DGSE, mais seulement à celles
financées sur fonds spéciaux, et elle présentera un
caractère essentiellement comptable et financier.
Tout en relevant que cette initiative, qui survient de manière
totalement inattendue, constitue la première application d'une
information du Parlement sur l'activité des services de renseignement,
votre rapporteur ne peut que constater qu'elle traduit une approche
sensiblement différente de celle qui avait inspiré la commission
des affaires étrangères et de la défense au cours des
dernières années, et qui visait à instaurer, dans le cadre
d'une instance à l'effectif réduit, une information et un
dialogue entre parlementaires et services de renseignement.
2. La direction du renseignement militaire (DRM)
La DRM a
été créée peu après la guerre du Golfe, en
1992, pour planifier, coordonner et conduire la recherche et l'exploitation du
renseignement militaire.
La loi de programmation a prévu un renforcement progressif des effectifs
de la DRM qui doivent augmenter d'environ 20 % sur la période pour
atteindre 1 760 agents en 2002.
Actuellement, les effectifs de la DRM se répartissent comme suit :
- environ 775 personnes relevant de l'administration centrale et
réparties entre Paris et la base de soutien à vocation
interarmées de Creil,
- 392 personnes travaillant au sein du
pôle de renseignement
,
situé à Creil et rattaché à la DRM, qui comporte 3
organismes : le centre de formation et d'interprétation
interarmées de l'imagerie (CF3I) qui emploie 199 personnes, le centre de
formation et d'exploitation des émissions
électromagnétiques (CF3E) qui emploie 173 personnes et
l'unité interarmées Hélios qui emploie 20 personnes.
- environ 268 personnes relevant de l'école interarmées du
renseignement et des études linguistiques de Strasbourg.
- près de 290 personnes réparties dans les détachements
avancés de transmissions installés en Afrique et outre-mer et
chargés de procéder à des interceptions.
L'augmentation des effectifs
en 2002 (+ 47 postes) permettra la
montée en puissance du centre de diffusion du renseignement et le
renforcement des personnels affectés au renseignement d'origine
électromagnétique, que ce soit à Creil au CF3E ou dans les
détachements avancés de transmissions qui devraient
bénéficier de la création d'une station nouvelle en
Nouvelle-Calédonie.
Les
crédits de la DRM
(hors rémunérations et
charges sociales) passeront de 17,5 à 17,3 millions d'euros, soit une
diminution de 1,3 %.
Les crédits de fonctionnement s'élèveront à 6,7
millions d'euros, soit 11,3 % de plus que l'an passé, ce qui permettra
de compenser partiellement les coûts d'externalisation liés
à la fin du service national et à la disparition de la ressource
en appelés.
Les crédits d'équipement s'élèveront à 10,5
millions d'euros contre 11,4 millions d'euros en 2001. Il semblerait que le
projet Sirius
, visant à optimiser la gestion et l'exploitation
des moyens de recherche électromagnétique, ne dispose plus de
financements au delà de 2002, ce qui conduirait à sa
suspension.
3. La direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD)
La DPSD
est chargée d'assurer les responsabilités incombant au
ministère de la défense en matière de protection et de
sécurité du personnel, des informations, des matériels et
des installations sensibles. Ses attributions couvrent notamment la
prévention et la recherche des atteintes à la défense
nationale.
Les crédits dévolus à la DPSD (hors
rémunérations et charges sociales) se monteront pour 2002
à
11,8 millions d'euros
, soit une hausse de 10,9 % par rapport
à 2001.
Les crédits de fonctionnement courant augmenteront de 1,1 % et se
monteront à 6,7 millions d'euros.
Les crédits d'équipement (fabrications et infrastructures) se
monteront à 5,1 millions d'euros, soit 1 million d'euros de plus (+
26,8 %) qu'en 2001.
La loi de programmation a prévu une diminution d'environ 10 % des
effectifs de la DPSD de 1997 à 2002. Dans cette optique, ceux-ci
passeront de 1 490 à 1 461 postes de 2001 à 2002. L'an prochain,
les 37 derniers postes d'appelés seront supprimés, ainsi que 6
postes d'officiers et 27 postes de sous-officiers, alors que 18 postes
d'engagés et 23 postes de civils seront créés (363 postes
en 2002).
La plupart des tâches dévolues aux appelés du contingent
seront redistribuées soit par un recours à la sous-traitance
(sécurité des installations, restauration, entretien des locaux),
soit par la mise en place de moyens techniques automatisés
(caméras, alarmes) assurant les fonctions de surveillance. Cette
politique nécessitera une augmentation des moyens de fonctionnement,
alors que parallèlement, la délocalisation de l'organisme central
de la DPSD de Paris à Vanves engendrera des besoins nouveaux
d'aménagement.