CHAPITRE PREMIER -
LE NUCLÉAIRE, L'ESPACE ET LES SERVICES
COMMUNS
DANS LE BUDGET DE LA DÉFENSE POUR 2002
Avec
28,85 milliards d'euros, hors pensions, le budget de la défense
enregistrera une légère augmentation, de 0,17 %, en 2002.
Les dépenses ordinaires (16,45 milliards d'euros) progressent de
2,3 % alors que les dépenses en capital (12,39 milliards
d'euros) reculent de 2,5 %.
Votre rapporteur présentera les caractéristiques
générales de ce budget qui reste marqué, comme les deux
précédents, par une rupture des engagements pris à l'issue
de la « revue de programmes », puisque pour la
troisième année consécutive, les crédits
d'équipements resteront en deçà du niveau qui avait alors
été défini, niveau lui-même sensiblement
inférieur à celui prévu par la loi de programmation.
Les crédits de l'ancienne « section commune »
s'inscrivent dans ce contexte peu favorable, même si le relèvement
significatif des crédits du nucléaire, qui y sont en
majorité inscrits, compense la diminution affectant, au titre V, les
programmes spatiaux ou l'équipement classique.
I. UN BUDGET QUI ACCENTUE L'ÉROSION DE L'EFFORT NATIONAL D'ÉQUIPEMENT MILITAIRE
L'effort
réalisé au profit du titre III dans le projet de budget de la
défense pour 2002 semble s'opérer au détriment du titre V,
qui voit ses dotations pratiquement réduites d'autant.
Ce budget creuse donc l'écart déjà considérable
entre le montant des crédits d'équipement dont aura effectivement
disposé le ministère de la défense de 1997 à 2002
et le niveau qui avait été arrêté par la loi de
programmation militaire, puis corrigé par la « revue de
programmes ».
Ce fléchissement confirmé de l'effort d'équipement
militaire met notre pays en contradiction avec les exigences de la poursuite de
la modernisation de nos armées, qui appelleront des moyens
budgétaires beaucoup plus élevés après 2003, et
avec les évolutions de l'environnement international et
stratégique.
A. UN REDRESSEMENT DU TITRE III QUI S'EFFECTUE AU DÉTRIMENT DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT
Evolution du budget de la défense depuis
1997
Crédits inscrits en loi de finances initiale (hors pensions)
(en milliards d'euros courants)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2002/2001 |
Rémunérations et charges sociales |
11,848 |
12,267 |
12,626 |
12,813 |
12,906 |
13,199 |
+ 2,3 % |
Fonctionnement |
3,735 |
3,545 |
3,223 |
3,193 |
3,178 |
3,257 |
+ 2,5 % |
Titre III |
15,583 |
15,812 |
15,849 |
16,006 |
16,085 |
16,457 |
+ 2,3 % |
Titres V et VI |
13,523 |
12,348 |
13,110 |
12,646 |
12,718 |
12,395 |
- 2,5 % |
TOTAL |
29,106 |
28,160 |
28,959 |
28,652 |
28,803 |
28,853 |
+ 0,2 % |
.
Une légère progression inférieure à
l'érosion monétaire et à l'augmentation du budget
général
Compte tenu de l'érosion monétaire, le budget de la
défense pour 2002, qui progresse en valeur de 0,17 %,
connaîtra en réalité un recul de 1 % et se situera au
niveau le plus bas depuis 1997. Dans le même temps, le budget
général augmentera de 2%.
La
part du budget de la défense (hors pensions) dans le budget
général
, qui s'élevait à 11,04% en 2001, ne
sera plus que de
10,84% en 2002
. Le budget de la défense (hors
pensions) représentait 2,03% du PIB en 2000 et 1,97% en 2001. Il n'en
représentera plus que
1,89% du PIB en 2002
.
.
L'augmentation continue des dépenses de
rémunérations et charges sociales
Le budget pour 2002 confirme l'
augmentation continue des dépenses de
rémunérations et de charges sociales
depuis la mise en oeuvre
de la professionnalisation. Celles-ci ne représentaient que 40,7 % du
budget de la défense (hors pensions) en 1997, mais passeront à
45,7 % de ce même budget en 2002.
Cette progression tient peu aux évolutions d'effectifs des
armées
. L'effet mécanique des suppressions et
créations de postes prévues par la loi de programmation
entraîne une charge supplémentaire de l'ordre de 81 millions
d'euros. La création, non prévue en programmation, de 700 emplois
de sous-officiers de gendarmerie et de 371 emplois au profit du service de
santé des armées représente pour sa part 30 millions
d'euros. Un crédit supplémentaire de 17 millions d'euros est
également ouvert pour permettre le recrutement de 700 ouvriers sur
emplois vacants. Enfin, la création de 2 335 emplois contractuels,
dans le cadre de l'article 34 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2001,
correspond à des personnels actuellement employés
« hors budget » dans les quartiers ou les cercles de
garnison. Elle implique l'inscription au budget d'une dépense de
49 millions d'euros.
Parallèlement, un ajustement des crédits à la situation
réelle des personnels civils et militaires entraîne une
réduction de 104 millions d'euros des dépenses de
rémunérations et charges sociales. Une mesure de
réduction des effectifs civils
(suppression de 1 052 emplois
de civils et de 1 300 emplois d'ouvriers professionnels) provoque une
économie de 65 millions d'euros.
Les mesures salariales sous-tendent l'essentiel de la progression des
dépenses de rémunérations et charges sociales
. Elles
représentent près de 300 millions d'euros, dont 282 millions
d'euros pour la réévaluation des rémunérations
principales et 28 millions d'euros de mesures indicielles pour les bas
salaires. Les
mesures catégorielles spécifiques
pour les
personnels militaires et civils de la défense, particulièrement
les sous-officiers, représentent 51 millions d'euros, alors qu'en
application de la programmation, la dotation relative aux pécules est
réduite de près de 47 millions d'euros.
.
Une amorce de redressement des crédits de
fonctionnement
L'effet mécanique de la mise en oeuvre de la programmation
représente une diminution de 76,5 millions d'euros des besoins de
crédits de fonctionnement, mais ces derniers connaissent un
relèvement significatif de 2,5 %, soit près de
80 millions d'euros.
Diverses
mesures
contribuent à relever des dotations
fortement comprimées en début de loi de programmation :
- une réévaluation de la dotation des carburants (+ 29,2 millions
d'euros), calculée sur la base d'un baril à 22 dollars et d'un
dollar à 0,99 euro,
- un renforcement spécifique des moyens de la gendarmerie
(+ 60,7 millions d'euros),
- un relèvement des dotations consacrées à
l'activité des forces (+ 53,4 millions d'euros),
- diverses mesures représentant près de 70 millions d'euros
et concernant les moyens de fonctionnement généraux (+
33 millions d'euros), l'indemnité compensatrice versée
à la SNCF (+ 17,5 millions d'euros), l'externalisation au titre de
l'informatique et des télécommunications (+ 4,6 millions
d'euros).
En contrepartie, deux mesures viennent en atténuation des crédits
du titre III :
- une prorogation, à titre non reconductible, de l'économie
réalisée en 2001 sur la dotation d'alimentation grâce
à l'utilisation de la trésorerie du compte spécial du
Trésor relatif aux subsistances militaires (- 22,9 millions
d'euros),
- un nouveau transfert, pour un montant de 40,7 millions d'euros, de
crédits d'entretien programmé des matériels du titre III
au titre V.
.
Des dépenses en capital de nouveau inférieures
au montant prévu par la « revue de programmes »
Avec
12,395 milliards d'euros
,
les crédits de paiement des
titres V et VI se situent en recul de 2,5 % par rapport à 2001
.
Comme en 2001, ils englobent une dotation de 190,6 millions d'euros
destinée au budget civil de recherche et développement.
Lors de la présentation du projet de budget, le ministre de la
défense a précisé que les armées
bénéficieraient en outre en 2002 de
crédits de reports
à hauteur de 400 millions d'euros
, ce montant ayant
été retenu dès la construction du budget 2002.
Quant aux
autorisations de programme
, elles ne progressent que de
0,7 % et représentent
13 milliards d'euros
.
B. UN ÉCART CROISSANT AVEC LES OBJECTIFS DE LA LOI DE PROGRAMMATION EN MATIÈRE D'ÉQUIPEMENT
Le budget de la défense pour 2002 constitue le dernier élément permettant d'avoir une vision à peu près complète de ce qu'aura été l'application de la loi de programmation militaire 1997-2002. Ce premier bilan fait apparaître une évolution divergente entre le titre III et les dépenses en capital des titres V et VI.
Evolution des dépenses du titre III, hors
pensions
(en milliards d'euros courants)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Loi de finances initiale |
15,58 |
15,81 |
15,85 |
16,01 |
16,08 |
16,45 |
Exécution budgétaire |
16,20 |
16,70 |
16,67 |
16,94 |
- |
- |
(Source : Cour des comptes)
Exprimée en francs 1995, l'annuité prévue par le titre III
par la loi de programmation devait être maintenue à
99 milliards de francs, soit 15,09 milliards d'euros, au cours des
6 années 1997-2002. Le tableau ci-dessus montre que les lois de
finances successives se sont inscrites dans cette perspective,
les
ressources effectivement allouées au titre III en gestion
budgétaire s'étant avérées systématiquement
supérieures d'environ 5 % aux crédits initiaux
du fait
notamment de la charge des opérations extérieures situées
chaque année entre 400 et 500 millions d'euros.
Si l'on isole le facteur « OPEX », correspondant à
des charges exceptionnelles bien que récurrentes, on voit donc qu'en ce
qui concerne le titre III, le projet de budget pour 2002, à l'image des
cinq budgets précédents, traduit une exécution rigoureuse,
voire légèrement supérieure, de la loi de programmation.
Observons toutefois qu'en dépit de l'absence de toute mesure
catégorielle spécifique aux armées entre 1997 et 2001, la
montée des rémunérations et charges sociales, du fait
notamment des mesures générales de revalorisation des salaires
dans la fonction publique, a nécessité des réductions plus
fortes que prévues des autres composants du titre III. Des
crédits d'entretien programmé de matériel ont ainsi
été transférés à plusieurs reprises au titre
V alors que parallèlement, les dotations de fonctionnement courant
étaient comprimées. A la suite d'une « revue du titre
III » a été amorcée, à partir du budget
2000, une remontée des moyens de fonctionnement qui se poursuivra en
2002.
Satisfaisante au titre III, l'exécution de la loi de programmation
militaire l'est beaucoup moins aux titres V et VI.
Evolution des dépenses des titres V et VI
(en milliards d'euros courants)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Loi de finances initiale |
13,52 |
12,35 |
13,11 |
12,65 |
12,72 |
12,40 |
Crédits consommés* |
12,69 |
11,67 |
11,77 |
12,00 |
- |
- |
(Source : Cour des comptes)
*Les crédits consommés sont constitués de dépenses
exécutées par le ministère de la défense,
auxquelles sont ajoutés les montants des transferts au CEA et au titre
du BCRD.
Le tableau ci-dessus appelle trois commentaires :
. premièrement,
à l'exception de l'année 1997, toutes
les lois de finances initiales
comme le projet de loi de finances pour 2002
se sont systématiquement placées en retrait par rapport aux
montants prévus par la loi de programmation
. Le budget 1998 a
été marqué par une « encoche » de 1,27
milliard d'euros par rapport à la loi de programmation. Le budget 1999,
consécutif à la « revue de programmes », se
situait à mi-chemin entre le niveau de 1998 et le niveau requis par la
loi de programmation.
Le gouvernement s'était alors solennellement
engagé à stabiliser l'effort d'équipement jusqu'en
2002
1(
*
)
mais en 2000 comme
en 2001, les crédits votés ont été de nouveau
réduits par rapport à la « revue de
programmes ». Il en ira de même
en 2002, les crédits
d'équipement atteignant en volume leur plus bas niveau depuis six
ans
.
. deuxièmement,
les crédits d'équipement effectivement
consommés ont été notablement inférieurs à
ceux inscrits dans ces lois de finances successives
, principalement en
raison d'
annulations de crédits
qui représentent, de 1997
à la fin novembre 2001,
5,2 milliards d'euros
. Ces annulations
ont servi à gager l'ouverture de crédits au titre III pour le
financement des OPEX et, dans une certaine mesure, la recapitalisation de GIAT
Industries.
. troisièmement enfin,
les crédits consommés englobent
une série de dépenses transférées sur les
crédits d'équipements
. Il s'agit d'une charge d'entretien
programmé des matériels auparavant supportée par le titre
III et surtout d'un
transfert au budget civil de recherche et de
développement
(630 millions d'euros de 1997 à 2001 auxquels
s'ajoutent 190 millions d'euros en 2002).
Lors de son audition devant votre commission le 18 octobre dernier, M. Yves
Gleizes, délégué général pour l'armement, a
considéré qu'au total, ces différentes opérations,
projet de budget pour 2002 inclus, aboutissaient à une
diminution de
ressources de 70 milliards de francs
(10,67 milliards d'euros)
par
rapport à la loi de programmation militaire
et
de 45 milliards de
francs
(6,86 milliards d'euros)
par rapport à la
« revue de programmes »
.
Le général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des
armées, a, pour sa part, chiffré à
68 milliards de
francs
(10,37 milliards d'euros) les
encoches,
« bourrages » et annulations
opérés de
1997 à 2001 auxquels s'ajoute en 2002, une nouvelle encoche de 7,4
milliards de francs (1,13 milliard d'euros) par rapport à la
« revue de programmes » et de 11,7 milliards de francs
(1,78 milliard d'euros) par rapport à la loi de programmation, les
titres V et VI devant par ailleurs supporter une charge supplémentaire
d'entretien programmé des matériels (40,7 millions d'euros) et le
transfert précité au BCRD (190 millions d'euros). Au total, le
général Kelche a estimé que
ce sont environ 16 % des
crédits qui ont manqué aux armées
par rapport à
l'enveloppe prévue par la loi de programmation 1997-2002, soit
l'équivalent d'une année de programmation.