CHAPITRE II -
LE TRANSPORT AÉRIEN EN ÉTAT DE CHOC
I. AU PLAN MONDIAL, UN RALENTISSEMENT BRUTAL
A. UNE CROISSANCE AUX FONDEMENTS SOLIDES, BRUTALEMENT REMISE EN CAUSE
1. Une très rapide expansion, poursuivie en 2000, contrastée au 1er semestre 2001
D'après l'OACI 6( * ) , le trafic mondial croît depuis 1982 au rythme annuel moyen de 4,3 % pour le nombre de passagers et de 5,5 % pour le tonnage de fret. Si on exprime le trafic en tonnes kilomètres transportées (TKT), le taux de croissance annuel atteint le chiffre de 5,8 %, avec un allongement de l'étape moyenne de 1,1 % par an. En comparaison, sur la même période, le Produit intérieur brut mondial s'est accru de 2,6 % en moyenne annuelle selon le Fond monétaire international (FMI).
ÉVOLUTION DU TRAFIC MONDIAL DE PASSAGERS ET DE TKT DE
1982
À 1999
Taux de croissance annuels moyens, entre 1982 et 1999 :
passagers : +4,3%
fret : +5,5%
PKT : +5,4%
TKT : +5,8%
Etape moyenne : +1,1%
source
OACI
C'est ainsi que
1,65 milliard de passagers
ont été
transportés en 2000 sur les lignes régulières des
compagnies aériennes dans le monde, et quelque 30 millions de
tonnes de fret.
En France,
102 millions de passagers
ont été
transportés au départ et à destination des
aéroports français en 2000. Le trafic aérien en France
compte pour près de 7 % du total mondial, alors que la population
de notre pays ne représente que 1% de la population mondiale.
Ce trafic a augmenté de 63 % entre 1990 et 2000
, soit un
taux de croissance annuel moyen de 4,6 % par an (+3,3 % pour le
trafic mondial à période comparable). La valeur ajoutée du
transport aérien de passagers représentait, en 1999, 0,9 %
du Produit intérieur brut de la France et 0,7 % des dépenses
de consommation des ménages
7(
*
)
. Pour cette même année,
le secteur employait 75.000 salariés soit 0,3 % de la
population active occupée.
Cette croissance du marché est en partie liée à celle de
la
mobilité des français
: la dernière
enquête «
Transports
» de l'Insee faisait
apparaître entre 1982 et 1994 une hausse du nombre moyen de voyages
annuels par habitant, de 3,7 à 5,7 (+68 %). En 1994, 85 % des
voyages étaient à motif personnel et la voiture était
utilisée dans 78 % des cas ; la part de l'avion
s'élevait à 4 % pour les voyages à motif personnel et
à 11 % pour les voyages à motif professionnel. Le graphique
suivant montre que la part « voyages à
l'étranger » est le segment du marché aérien le
plus dynamique en France :
TRAFIC
DE PASSAGERS EN FRANCE PAR GRANDS FLUX :
CROISSANCE ANNUELLE MOYENNE
DE 1990 À 2000
Trafic
international :+5,4% par an
Trafic total France :+4,6% par an
Trafic intérieur :+3,0% par an
Source : DGAC, dossier du maître d'ouvrage pour la
démarche d'utilité concertée pour un site
aéroportuaire international.
Cette croissance ne s'est pas démentie ces derniers mois. En effet, pour
l'année 2000,
au niveau mondial
, le trafic de passagers a
progressé de 7,9 %. Cette progression (exprimée en
passagers-kilomètres transportés, PKT) a été
nettement plus forte pour le trafic international (+9,7 %) que pour le
trafic intérieur aux Etats (+5,4 %). Avec une progression plus
faible de l'offre, le coefficient d'occupation en passagers a gagné
2 points, aussi bien pour le trafic total qu'international (respectivement
71 % et 72 % de taux de remplissage). L'activité fret et
poste, exprimée en TKT
8(
*
)
a augmenté respectivement de
8,1 % pour l'ensemble des services réguliers et de 8,3 % pour
les services internationaux.
En Europe,
les compagnies membres de
l'Association of European
Airlines
(AEA)
9(
*
)
ont
enregistré une croissance du trafic similaire à celle
observée au niveau mondial, de 7,7 % pour le total régulier
(en PKT). Avec une croissance plus modérée de l'offre
(+4,5 %) le coefficient de remplissage des sièges a gagné
globalement 2,2 points. Les services intra-européens des compagnies
de l'AEA ont connu une croissance plus soutenue (+9,1 %) que
précédemment (+4,5 % de 1999 par rapport à 1998).
Par comparaison,
les premiers résultats du premier semestre 2001
montrent, pour l'ensemble des régions du monde, des résultats
plutôt atones et très contrastés par compagnie, les effets
du ralentissement économique, enclenché dès avant les
attentats, se faisant sentir. L'ensemble des compagnies membres de
l'AEA
10(
*
)
enregistrent ainsi,
pour le trafic international, sur le premier semestre de l'année 2001,
une croissance de seulement 0 ,9 % pour le trafic de passagers (en
PKT). Le fait le plus marquant est la baisse de 0,3 % pour le trafic long
courrier,
avec des résultats très contrastés
selon les compagnies
: British Airways -8,7 %, KLM
-0,9 %, Alitalia -2,2 %, Air France +9,0 %, Lufthansa
+2,7 %. De l'autre côté de l'Atlantique, aux Etats-Unis, les
principales compagnies connaissent aussi, au
1
er
semestre 2001, soit une baisse, soit un ralentissement
significatif de leur trafic passagers (en PKT) : United Airlines
-1,3 %, American Airlines -2,6 %, Delta Airlines -4,9 %,
Continental Airlines +2,1 %.
2. De solides facteurs de croissance sur les moyen et long termes
Malgré les incertitudes actuelles qui s'ajoutent au
fraîchissement économique constaté avant les attentats,
plusieurs éléments indiquent qu'il existe encore un
réservoir de croissance pour le transport aérien.
En effet, la demande de transport aérien est tirée par des
tendances socio-économiques orientées à la hausse à
moyen terme.
Ainsi, la demande de mobilité
ne cesse de
croître en Europe et dans le monde. Comme le note le dossier
11(
*
)
préparé par la
Direction générale de l'aviation civile pour le débat sur
la troisième plate-forme aéroportuaire en région
parisienne, dans l'ensemble des 15 pays membres de l'Union
Européenne, la
mobilité a quasiment doublé entre 1970
et 1997
: un européen parcourt 13.900 km par an
12(
*
)
contre 7.300 km en 1970. On
note cependant, depuis 1990, un ralentissement de la progression (+11 %)
par rapport aux deux décennies précédentes (+30 %).
L'avion
est le moyen de transport qui s'est le plus
développé sur la période (+580 %) : sa
contribution aux déplacements est passée de 2 % à
6 % entre 1970 et 1997, celle de la voiture passant, elle, de 63 %
à 73 %. Tous les autres modes de transport (train, bateau,
autocars, marche...) ont vu leur contribution simultanément baisser au
cours de cette période. Mobilité et richesse économique
par habitant sont étroitement corrélées : c'est ainsi
que les populations du Sud de l'Europe se déplacent moins que celles du
Nord. L'essor de cette mobilité contribue largement au
développement du transport aérien.
La mobilité des Français augmente elle aussi, de 68 % entre
1982 et 1994, d'après l'INSEE, avec un nombre de voyages annuels par
habitant passant de 3,7 à 5,7 au cours de cette période. La
distance moyenne parcourue augmente, elle est aujourd'hui de 860 km par
voyage.
EVOLUTION DU NOMBRE DE VOYAGES DES FRANÇAIS ENTRE 1982 ET 1994
|
Nombre de voyages (millions) |
Nombre de voyages par personne et par an |
|||
Motif |
1982 |
1994 |
1994/1982 |
1982 |
1994 |
Personnel |
153 |
256 |
+67 % |
3,1 |
4,8 |
Professionnel |
26 |
45 |
+72 % |
0,5 |
0,8 |
Ensemble |
179 |
301 |
+68 % |
3,7 |
5,7 |
La
plupart (85 %) de ces déplacements se font pour
motifs
personnels
(loisirs, vacances, visites à parents et amis),
proportion qui reste stable. La durée moyenne de ces voyages
13(
*
)
est de 5,5 nuits lorsqu'il
s'agit de motifs personnels et de 2,2 nuits pour les voyages
professionnels. La voiture reste de loin le moyen de transport
privilégié (78 % des voyages). L'avion est utilisé
dans 5 % des voyages (4 % pour les voyages personnels et 11 %
pour les voyages professionnels). La part du mode aérien devient
véritablement significative pour des distances supérieures
à 1.500 km, où il est utilisé dans 25 % des cas
pour les déplacements à motif personnel.
L'importance de cette mobilité se retrouve dans le taux de départ
en vacances des Français : de 58 % en 1982, il passe à
74 % en 1999
14(
*
)
.
Si l'on se réfère aux données les plus
récentes
15(
*
)
, les
Français et les résidents français ont
réalisé quelque 24,5 millions de
départs à
l'étranger
, tous motifs confondus, au cours de l'année 2000.
Un chiffre inférieur aux voyages des Allemands (79,5 millions de
voyages internationaux) et à ceux de la Grande-Bretagne
(54,4 millions de voyages internationaux) qui explique en partie les
différences observées entre ces pays, pour ce qui concerne les
flux de trafic aérien. Plus de 50 % de ces voyages sont à
destination de l'Europe. Le mode de transport le plus fréquemment
utilisé est l'avion (55 % des départs internationaux) suivi
de la voiture (27 % des départs). Le trafic international au
départ de la métropole représente les 2/3 du total.
Réciproquement, rappelons que la France est parmi les toutes
premières destinations touristiques mondiales.
Malgré les graves incertitudes actuelles, de nombreux
déterminants de la mobilité pourraient rester orientés
à la hausse et être favorables à une croissance du
transport aérien pour les prochaines années :
- la mobilité est liée non seulement à la croissance
économique mais également au
niveau de richesse
. Les
experts estiment que le besoin de mobilité des populations, surtout chez
les « urbains », est tel qu'à l'avenir il deviendra
de moins en moins sensible aux aléas économiques ; seul le
type de voyage, plus ou moins lointain par exemple, sera sensible aux
évolutions conjoncturelles ;
- les évolutions quant à la
durée du travail
sont, en France, tout à fait favorables à la
mobilité ;
- les
évolutions démographiques
ont une forte
influence sur la mobilité. Là encore, les faits sont favorables
à la mobilité. Les personnes inactives -dont le nombre augmente
rapidement dans la population française à cause du vieillissement
démographique- et les ménages jeunes sont susceptibles de voyager
plus que la moyenne : ils ont soit des revenus conséquents, soit du
temps disponible ou une absence de charge familiale. Ainsi, le nombre de
voyageurs âgés progresse en Europe. L'âge moyen est de
43 ans en Allemagne et de 41 ans en France. Chaque année il
progresse de 6 mois.
Ainsi, en
France,
des projections ont été
réalisées par le Gouvernement (pour l'élaboration des
schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et
de fret) de la demande de transport à l'horizon 2020. Ces études
ont intégré des hypothèses de croissance de
l'économie nationale, d'évolution des besoins de mobilité
et de politique tarifaire. Elles ont abouti à la définition de
quatre scénarios :
- le scénario «
Réseau
Maillé
», avec un développement du transport
aérien de «
point à point
» et non
plus en «
hubs
»
16(
*
)
;
- le scénario «
Compagnies globales
»,
avec la stratégie actuelle des «
hubs
» et
une croissance du trafic international (poursuite des tendances
observées récemment) ;
- le scénario de l'«
Europe des
infrastructures
», avec une priorité au
développement d'un réseau TGV Européen ;
- enfin, le scénario «
Vie à
distance
», avec une rupture par rapport aux modes de vie actuels
et une faible croissance de la demande de transport aérien.
Ces diverses projections donnent les résultats suivants en
matière de taux de croissance en France :
TRAFIC AÉRIEN ESTIMÉ EN FRANCE EN 2020
Source : DGAC
D'après les différents scénarios, le taux de croissance
annuel moyen du transport aérien varierait entre 1,2 et 3,5 %. A
noter que le scénario «
Compagnies
globales
», qui prévoit la plus forte croissance, est le
plus proche des tendances récemment observées (avant le
11 septembre dernier).
Au plan mondial
, avant les attentats du 11 septembre dernier, les
compagnies membres de l'association IATA
17(
*
)
prévoyaient une
croissance de 3,8 % par an
du trafic d'ici à 2003, en
fonction des facteurs suivants (auxquels on a ajouté le facteur
« effet des attentats ») :
FACTEURS DÉTERMINANTS POUR L'ÉVOLUTION DU
TRAFIC
MONDIAL (HORIZON 2003)
Europe
Effet des attentats Développement des compagnies bas-coûts
Asie
Récession au Japon
Croissance chinoise soutenue
Reprise économique dans les pays émergents
Effets des attentats
Atlantique Nord
Baisse
attendue de la croissance aux Etats-Unis
Effets des attentats
Amérique du Sud
Dévaluation du réal brésilien
Contagion de la récession brésilienne aux pays voisins
Afrique
Renouveau
touristique en Egypte
Retour possible des transporteurs en Algérie
Croissance sud-africaine
Source : IATA « Passenger Forecast
1999-2003 », novembre 1999, Commission des Affaires
économiques.
Selon des prévisions d'Airbus et Boeing, réalisées elles
aussi avant les attentats, à long terme, le trafic, avec un
rythme de
croissance de 4,8 % l'an moyenne
, devrait
doubler dans les
15 prochaines années,
comme l'illustre le graphique
suivant :
TRAFIC
MONDIAL DE PASSAGERS-KILOMÈTRES TRANSPORTÉS, PRÉVISIONS
AIRBUS ET BOEING
Source: Airbus ,« Global Market Forecast 2000-2019 », juil. 2000 ; Boeing ,« Current Market Outlook, 2000 », août 2000
Enfin, les prévisions de l'OACI 18( * ) , réalisées toutefois elles aussi avant les attentats du 11 septembre dernier, estiment que le trafic régulier de passagers devrait connaître une croissance moyenne annuelle de +4,5 % jusqu'en 2010 . Cette croissance moyenne couvrirait des évolutions spécifiques diverses selon les grandes zones géographiques. La région Asie/Pacifique devrait de nouveau être la région la plus dynamique en termes de croissance de trafic (+7,5 % prévus par an en moyenne). En Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, la croissance du trafic devrait être proche de la moyenne mondiale. En Amérique du Nord, la croissance du trafic devrait être plus modérée (+3,0 %). Ce sont les routes internationales entre Amérique du Nord et Amérique du Sud, Europe et Asie/Pacifique et sur l'Atlantique Nord qui connaîtraient, dans ce scénario, la plus forte croissance.
3. Un net ralentissement conjoncturel
Les attentats du 11 septembre dernier marquent, sans doute, un tournant dans l'histoire de l'aviation civile. En outre, leurs répercussions sur le trafic aérien n'ont pas fini de faire sentir leurs effets. Aussi, il est trop tôt pour dresser un bilan sectoriel complet, d'autant que ces évènements dramatiques ont sans doute déclenché et accéléré des évolutions prévisibles.
a) Des effets directs inégalement ressentis
L'effet direct
des attentas du 11 septembre
dernier sur
le secteur aérien s'est immédiatement fait sentir. D'abord pour
les compagnies américaines, les plus durement touchées.
Après quatre jours de « gel » du ciel
américain, le jour de la reprise des cotations à Wall Street, le
17 septembre, elles voyaient leur cours de bourse s'effondrer de
moitié, symbolisant ainsi un brutal
« décroché » dans leurs perspectives de
croissance, alors que les annulations de réservations se multipliaient.
A tel point que l'administration Bush a mis au point un plan d'aide au secteur
d'un montant total de
18 milliards de dollars
(10 milliards de
garanties de crédit ; 3 milliards de mesures de
sûreté et 5 milliards de couverture des pertes
d'exploitations).
Rappelons que
l'activité aérienne est très
concentrée géographiquement
: le plus important
marché du monde est le marché intérieur des Etats-Unis,
qui représente à lui seul 1/3 des passagers aériens
mondiaux, comme le montre la carte ci-dessous :
PART DES FLUX DE TRAFIC DANS LE TOTAL MONDIAL DE PASSAGERS
Source : IATA, « World Air
Transport Statistics », 1999, dossier DGAC pour le débat
« DUCSAI »
Mais les compagnies européennes n'ont pas manqué de subir à leur tour les conséquences des attentats, bien que les destinations américaines les plus durement touchées ne représentent qu'une partie souvent minoritaire de leur activité. Ainsi, l'Amérique au sens large, ne compte-t-elle que pour 23,5 % dans le chiffre d'affaires « passage » d'Air France, et pour seulement 18 % si l'on ne compte que les Etats-Unis, comme le montre le graphique ci-dessous :
AIR
FRANCE : UN CHIFFRE D'AFFAIRE GÉOGRAPHIQUEMENT RÉPARTI
Source : Air France
Outre le fléchissement de la demande, les compagnies ont eu à
subir le
renchérissement du coût des primes d'assurance
contre le terrorisme et celui des
mesures de sûreté
, pour
des montants respectivement estimés à 180 et 145 millions
d'€ par la Commission européenne.
D'ores et déjà, la presse a fait état de très
nombreuses
suppressions d'emplois
chez les compagnies (20.000 chez
American Airlines et United Arlines, 12.000 chez US Airways, 11.000 chez
Continental Airlines, 75.000 chez British Airways, 1.200 chez Virgin Atlantic,
13.000 chez Delta Airlines, 9.000 chez Air Canada, 2.000 chez Ibéria,
2.500 chez KLM, sans parler de Swissair -9000 emplois de moins- et
Alitalia -2.500 postes supprimés-) ou les constructeurs
aéronautiques (20.000 emplois chez Boeing). Les compagnies
américaines s'attendent à des pertes de 18 à
33 milliards de dollars en 2002. En l'espace de 15 jours, le secteur
a perdu aux Etats-Unis plus de 100.000 emplois. En Europe,
30.000 à 40.000 emplois seraient menacés. Aux
Etats-Unis, la baisse du trafic observée à la suite des attentats
a concerné jusqu'à 75 % du total. En Europe, la Commission
estime cette baisse de 15 à 30 %. Sur l'année, la baisse de
la demande pourrait s'établir à -7 %. La Compagnie Air
France a, quant à elle, indiqué dès le 18 septembre
prendre les mesures suivantes :
- arrêt des affrètements ponctuels effectués par la
compagnie ;
- adaptation de la flotte pour réduire ses capacités (sortie
anticipée d'appareils pour accélérer la modernisation et
la rationalisation de la flotte) ;
- à «
titre conservatoire
», suspension
des embauches prévues ;
- revue «
générale et
détaillée
» des investissements de
l'entreprise ;
- réduction des dépenses pour tout ce qui n'est pas
lié à la sûreté et à la qualité du
produit fourni aux clients ;
- s'agissant du fret, adaptation de la flotte, en vue d'une
réduction de capacité de l'ordre de 5 % par rapport à
l'année précédente.
D'après l'association IATA, les pertes des compagnies aériennes
dans le monde pourraient atteindre 12 milliards de dollars cette
année (contre 2,5 prévus avant les attentats), dont 3 à 5
milliards pour les seules compagnies américaines.
b) Des effets indirects de grande ampleur
Les
effets indirects
des attentas, se cumulant avec et amplifiant un
ralentissement économique déjà prévisible, ne
manqueront pas d'affecter plus globalement les perspectives du secteur.
L'activité aérienne est en effet très directement
liée à la croissance économique, dont elle dépend
avec un effet multiplicateur à la hausse comme à la baisse
.
La décennie passée a montré l'étroitesse de cette
corrélation entre le niveau d'activité du transport aérien
et à la conjoncture économique : les
crises du Golfe
(1991) et
asiatique
(1998) apparaissent ainsi très nettement sur
la courbe d'évolution du trafic reproduite ci-dessous. Inversement, lors
des phases d'expansion économique, on estime que
1 point de
croissance du PIB donne environ 2 points de croissance du trafic
aérien
. Cette constatation empirique est valable à tarifs
constants, en se limitant au trafic mondial agrégé. Le transport
aérien est donc une activité à cycles, extrêmement
sensible aux évolutions de la conjoncture économique. Ceci est
particulièrement vrai pour le transport de fret qui représentait,
en 1999, 15% du revenu opérationnel des compagnies européennes
membres de l'AEA. Une très grande partie du fret (environ les deux
tiers) voyage par vol régulier, dans les soutes des appareils
transportant des passagers. Le reste est pris en charge dans des avions
« tout-cargo ».
L'activité de transport de fret
est davantage sensible à la conjoncture internationale et
enregistrait
, jusqu'à récemment, un taux de croissance
supérieur à celui des passagers qui en faisait le moteur de la
croissance du trafic aérien. Les développements les plus
spectaculaires sont actuellement dans le secteur des
« intégrateurs » : ces compagnies sont
présentes du début à la fin de la chaîne de
transport, depuis la collecte chez l'expéditeur jusqu'à la
distribution au destinataire. Elles assurent un service rapide,
déterminé par un délai de livraison très court.
Leur activité pourrait également être affectée par
les conséquences des attentats.
TAUX
DE CROISSANCE ANNUELS DU PIB MONDIAL
ET DU TRAFIC MONDIAL,
EN
TKT
19(
*
)
DE 1982 À
1999 :
Guerre du Golfe
Crise asiatique
Source : OACI, FMI.
Le ministère de l'économie et des finances
-particulièrement optimiste en matière de prévision de
croissance pour 2002, comme n'a pas manqué de le relever la Commission
des finances-, a prévu un impact de
0,5 point de croissance
en France des attentats terroristes et de leurs suites.
c) Les mesures de soutien aux compagnies aériennes
En
Europe, le Conseil européen du 21 septembre et les Conseils
« transports » des 14 septembre et 16 octobre ont
tout d'abord
renforcé les mesures de sûreté
aérienne
. En France, ces mesures de sûreté
complémentaire représentent l'essentiel des deux milliards de
francs
20(
*
)
de mesures de
soutien envisagées par le gouvernement (500 millions de francs pour
le filtrage des personnes, 800 millions de francs pour le contrôle
des bagages de soute).
En outre, l'augmentation considérable des primes d'assurance pour la
couverture des actes de terrorisme et de guerre ont incité les Etats
membres à octroyer des aides à leurs compagnies : les Etats
ont ainsi, en premier lieu, pris en charge la
couverture de ces risques ou
l'augmentation des primes d'assurance
. Lors du Conseil économique et
financier (Ecofin) du 22 septembre, des «
lignes
directrices
» ont été établies pour encadrer
ces aides (temporaires, elles doivent avoir pour contrepartie le versement d'un
«
prix raisonnable
»).
C'est ainsi que le ministère de l'économie et des finances en
France, a mis en place, pour une période d'un mois, renouvelée
depuis, une prise en charge, via la Caisse centrale de réassurance, des
conséquences qu'un attentat ou acte de guerre auraient sur des tiers,
pour des sinistres supérieurs à 50 millions de dollars. Est
à l'étude, à l'échelon communautaire, la
constitution d'un fonds mutualisé, ou encore de
«
pools
» d'assureurs spécialisés dans
la couverture de ces risques.
De plus, eu égard au caractère exceptionnel de ces
évènements, et à la suite du Conseil
« transport » du 15 octobre dernier, la Commission a
d'ores et déjà précisé qu'elle examinerait
«
avec bienveillance
» les mesures de
compensation par les Etats des pertes d'exploitation
liées
à la fermeture de l'espace aérien américain pour
4 jours, du 11 au 14 septembre, et, dans la mesure où le
trafic ne s'est normalement rétabli que vers le 19 ou 20 septembre,
«
au cas par cas
», les aides couvrant une
période plus large. En France, 300 millions de francs devraient
être versés aux compagnies pour les 4 premiers jours et
60 millions de francs -sous réserve de l'accord de la Commission-
pour les jours suivants.
Les mesures complémentaires de soutien autorisées pour les
compagnies sont les suivantes :
- autorisation, vu les circonstances, des accords de coordination des
horaires et des capacités des compagnies ;
- modification des règles de détention du capital des
compagnies pour permettre la consolidation de l'industrie aérienne ;
- révision des montants et conditions d'assurances requises pour la
délivrance de l'autorisation d'exploiter dans la communauté.
Votre commission s'inquiète de la disproportion entre les moyens
dégagés outre-atlantique et les aides autorisées par la
Commission européenne. Cette situation fait craindre des distorsions
concurrentielles, en particulier sur les liaisons transatlantiques, au
détriment des compagnies européennes. Certains parlent de baisse
de 40 ou 50 % des prix pratiqués par les compagnies
américaines sur certaines destinations.