B. MAÎTRISER L'URBANISME : PRÉVENIR ET GUÉRIR
1. L'indispensable et difficile maîtrise de l'urbanisation aux abords des aéroports
Votre rapporteur en est convaincu depuis longtemps : le moyen le plus efficace pour lutter contre les nuisances sonores aéroportuaires est d'empêcher l'exposition de population au bruit, en limitant l'urbanisation aux abords des aéroports.
a) Le contre-exemple de Paris-Charles de Gaulle
L'« exemple » de l'aéroport de
Paris-Charles de Gaulle illustre à quel point il est nécessaire
de mettre en place des outils de maîtrise urbanistique autour des
plates-formes aéroportuaires. En effet, autour de cet aéroport,
qu'on décrit parfois un peu caricaturalement comme ayant
été planté «
dans les champs de
betteraves
», le peuplement a considérablement
augmenté depuis les années 1960, atteignant désormais
environ 500.000 personnes.
Les difficultés rencontrées au moment où la croissance du
trafic aérien a rendu impérative l'extension des capacités
aéroportuaires, conformément au plan de développement
initial de la plate-forme, étaient, dans ce contexte,
prévisibles. Certains ont pu s'émouvoir de la farouche opposition
des riverains à ce projet d'extension, qui n'a pas été
sans retarder sa mise en oeuvre, et sans en conditionner les modalités
(avec notamment un « plafonnement » par le Gouvernement
à 55 millions du nombre de passagers), considérant que les
habitants des zones concernées étaient nécessairement
informés des risques qu'ils encouraient d'être soumis à
certaines nuisances sonores. Or, s'il est vrai qu'un certain nombre d'entre eux
ont consciemment choisi de vivre dans ces zones et ont le plus souvent
acheté ou loué leur logement à des prix avantageux, en
raison de sujétions présentes ou futures, force est de constater
que d'autres ont choisi leur lieu de résidence sans être
nécessairement informés des perspectives de développement
de l'aéroport ou du plan d'exposition au bruit. Ou encore, parfois
anciens employés de compagnies ou de l'aéroport, acceptent de
moins en moins la gêne sonore qui en découle.
C'est pourquoi l'idée de construire à Roissy une cinquième
piste a été abandonnée, et la construction d'une
troisième et d'une quatrième pistes a été assortie,
comme cela a déjà été dit, de garanties quant au
plafonnement du nombre de passagers et du niveau de bruit global et quant
à l'interdiction de certains types de vols nocturnes (essais et avions
les plus bruyants), notamment.
On peut ainsi considérer à juste titre que le
développement de cette plate-forme est
«
artificiellement
» bridé, celle-ci
n'étant pas utilisée au maximum de ses capacités (qui
pourraient aller, d'après certaines estimations, jusqu'à
80 millions de passagers voire au-delà). Le plafonnement du nombre
de mouvements d'avions à Orly relève de la même logique.
Dans cette optique, une troisième plate-forme aéroportuaire dans
le grand bassin parisien est, évidemment, moins immédiatement
nécessaire. A l'inverse, les associations de riverains et certains
élus
38(
*
)
concernés par l'aéroport de Roissy se prononcent pour la
construction immédiate d'une troisième plate-forme, escomptant un
report de trafic le plus rapide possible.
b) Un problème complexe, qui fait appel à la responsabilité des élus
Le
problème de la maîtrise de l'urbanisation est d'autant plus
complexe que la présence d'une plate-forme d'importance à
vocation internationale (comme celle de Paris-Charles de Gaulle par exemple)
génère des activités et de l'emploi
,
et donc une
demande de logements et de bureaux à proximité
.
Il est inutile de rappeler trop longuement l'impact socio-économique
d'un nouvel aéroport. Souvent considéré comme un atout
décisif, la présence du grand voisin aéroportuaire peut se
révéler très bénéfique pour une
collectivité désireuse d'attirer des entreprises. Mais,
l'arrivée de nouveaux habitants, comme de nouveaux entrepreneurs, peut
modifier un équilibre socio-économique ancien, à
caractère fortement rural puisque la création d'une plate-forme
aéroportuaire ne peut se concevoir que sur un territoire à faible
densité. C'est pourquoi, l'optimisation de l'impact
socio-économique d'un aéroport pose en fait plusieurs
questions : la
solidarité des collectivités locales
pour une bonne répartition des revenus provenant des entreprises, et des
charges résultant de l'implantation de nouveaux habitants et de leurs
familles, l'accompagnement de la transformation
d'activités
traditionnelles
, notamment agricoles, et le bon équilibre entre les
implantations d'activités sur la plate-forme et dans les
zones
urbanisées
de son voisinage.
Il est ainsi considéré
que l'appui sur une armature urbaine de proximité existante est un gage
important de l'équilibre habitat-emploi
: la présence
d'un maillage urbain permettant «
d'absorber
» la
demande de logements et de bureaux. La qualité des dessertes locales
est, également, décisive pour les employés de la
plate-forme souhaitant habiter à proximité de leur lieu de
travail.
Une étude de l'IAURIF
39(
*
)
de 1995, «
l'impact
économique des aéroports
», a examiné les
conséquences d'un aéroport international sur la création
d'emplois et d'activités économiques dans son environnement, en
observant la situation de Roissy-Charles de Gaulle et de quelques autres grands
aéroports d'Europe de l'Ouest : Orly, Lyon-Satolas (devenu
Saint-Exupéry), les aéroports londoniens (Heathrow, Gatwick,
Stansted), Manchester, Francfort, Munich, Amsterdam-Schiphol, Stockholm et
Madrid Barajas. Cette étude, cofinancée par la Région
d'Ile-de-France et la DGAC (Direction générale de l'aviation
civile) du ministère de l'Équipement, a montré
l'importance des effets économiques sur une large zone autour de
l'aéroport, au point que l'on peut considérer un aéroport
international comme un outil majeur pour le développement du territoire
régional.
L'impact en termes d'emplois, considérable dans le cas d'un
aéroport à vocation internationale, est de plusieurs natures,
plus ou moins directement liées à l'activité de transport
aérien.
Les emplois « directs » comprennent l'ensemble des
activités rendues nécessaires :
- par l'activité des compagnies aériennes :
exploitation de l'aéroport, compagnies aériennes, services de
contrôle de la navigation aérienne, services de l'aviation civile,
police/immigration, douanes et assistance aux avions ;
- ainsi que par les services aux usagers (passagers, clients et personnels
des compagnies) : agences de voyage, hôtels, établissements
de formation, modes de transport (taxis, transports publics), attractions
touristiques, banques, commerces liés aux dépenses
d'équipages...
Les emplois « indirects » ne résultent pas des
besoins des acteurs du transport aérien, mais que la présence ou
la proximité de l'aéroport attire. Ils comprennent les
activités qui ont une réelle nécessité à se
trouver à proximité de l'aéroport, parce qu'elles en sont
fortement utilisatrices ou qu'elles ont des impératifs de délais
d'intervention : services après-vente, fourniture de médicaments,
de journaux, centres de conférences, activité de coordination
internationale... Mais bien d'autres activités peuvent trouver opportun
de s'implanter à proximité de l'aéroport, et même
sur la plate-forme elle-même, à cause de l'intérêt
non pas de l'activité aérienne, mais de tout ce que
l'aéroport a rassemblé autour de lui : un noeud de
transports intermodal, une certaine concentration d'entreprises, des services
diversifiés, et dans certains cas un simple facteur d'image.
En moyenne, le ratio reconnu pour les aéroports internationaux est de
1.000 emplois directs créés par million de passagers
,
auxquels s'ajoute
une part variable d'emplois indirects
, qui
dépend de beaucoup de facteurs : moyens d'accès à
l'aéroport, proximité de villes ou d'agglomérations... Les
emplois indirects sont beaucoup plus difficiles à mesurer car ils se
répartissent largement autour de l'aéroport, et leur lien avec sa
présence est parfois difficile à estimer. Le nombre d'emplois
augmente avec la part de trafic international : à Roissy le ratio
est devenu nettement supérieur à celui d'Orly, notamment à
partir de la création du «
hub
» d'Air
France. Au total, l'activité aéroportuaire, et celles qui
viennent s'y adjoindre, constituent progressivement
un très vaste
bassin d'emploi
, qui s'étend en particulier sur les axes de
transport terrestre les plus puissants. Ainsi l'aéroport de Roissy a des
employés nombreux sur l'axe du RER B vers Paris, ou vers
l'extérieur sur l'autoroute A1 ou la RN 2. Mais de nombreux
employés s'efforcent de rapprocher leur domicile de leur lieu de
travail. Cette aspiration légitime crée une forte demande. Il
incombe aux élus locaux d'y répondre dans de bonnes conditions,
c'est-à-dire, en n'exposant pas de nouvelles populations aux nuisances
sonores et, ce faisant, en préservant les capacités futures de la
plate-forme.
Les règles applicables en matière d'urbanisme et leur mise en
oeuvre par les élus locaux revêtent alors toute leur importance
pour maîtriser le développement urbain spontané autour de
la plate-forme.
Pour les principaux aéroports, la réglementation en vigueur (qui
est détaillée dans l'annexe jointe à la fin du rapport)
s'articule autour des plans d'exposition au bruit (PEB) qui établissent,
suivant des zones de gêne sonore, des restrictions à la
constructibilité, et des plans de gêne sonore (PGS) qui
délimitent des zones où des aides peuvent être
octroyées pour l'insonorisation des logements.
c) Les dispositions introduites par le Sénat à la loi du 12 juillet 1999
A
l'occasion de la discussion de la loi précitée du
12 juillet 1999 créant l'ACNUSA, la Commission des Affaires
économiques, à l'initiative de votre rapporteur, avait fait
valoir la nécessité de
renforcer les règles permettant
de maîtriser l'urbanisation
aux abords des plate-formes
aéroportuaires.
Plusieurs amendements avaient été apportés au Sénat
au projet de loi présenté par le Gouvernement. Ils tendaient tout
d'abord à une
information systématique
des riverains
potentiels des plates-forme aéroportuaires sur les nuisances sonores
encourues. Le fait de se soumettre à ces risques en toute connaissance
de cause rend, en effet, beaucoup moins compréhensible l'opposition
éventuelle de riverains à une situation ou à un projet
connu d'eux. C'est pourquoi votre rapporteur avait déposé,
reprenant une proposition de loi
40(
*
)
inspirée d'exemples
étrangers, des amendements qui, s'inspirant de règles existantes
en droit de la consommation, avaient pour double objet :
- d'obliger contractuellement le vendeur ou le bailleur d'un bien
immobilier situé dans le périmètre d'un plan d'exposition
au bruit, à stipuler explicitement dans le contrat de vente ou de
location que le bien se trouve
exposé à des nuisances sonores
d'origine aérienne
et à préciser la nature de cette
exposition en indiquant le type de zone -tel que défini par le PEB-
où il se trouve localisé.
Cette disposition figure
dorénavant au code de l'urbanisme
(article L. 147-5)
;
- d'obliger contractuellement le vendeur ou le bailleur d'un bien
immobilier situé dans un rayon élargi par rapport au plan
d'exposition au bruit, pour les principaux aérodromes, à
stipuler explicitement dans le contrat de vente ou de location
que le
bien se trouve localisé dans un tel périmètre. Cette
disposition n'avait finalement pas été retenue.
Le deuxième objectif des amendements adoptés à
l'initiative du Sénat était un
durcissement de la
législation
en vigueur en matière d'urbanisation aux abords
des aéroports. Ont été introduits dans le droit :
- la création d'une
nouvelle zone
, dite D, des PEB,
dans laquelle les logements doivent obligatoirement faire l'objet d'une
isolation acoustique ;
- la possibilité d'une extension ou d'une création
provisoire, par anticipation, par l'autorité administrative, d'un PEB en
cas de révision en cours du périmètre du PEB existant, ou
de création de plate-forme. Il s'agit en quelque sorte de
sujétions d'urbanisme provisoires, à titre préventif,
imposées temporairement par le préfet
.
Cette
dernière disposition est particulièrement importante dans
l'hypothèse où la construction d'une troisième plate-forme
aéroportuaire dans le grand bassin parisien serait
décidée.
Par ailleurs, la loi précitée du 12 juillet 1999
prévoyait que l'ACNUSA propose de nouveaux indices de mesure de la
gêne sonore, conduisant ainsi à une modification des plans
d'exposition au bruit en vigueur. L'objectif de la Commission des Affaires
économiques, qui a soutenu cette disposition, était d'ouvrir la
voie à une actualisation et à un renforcement des PEB.
d) Les propositions de l'ACNUSA en matière urbanistique
Les
propositions de l'ACNUSA vont tout à fait dans le sens souhaité
par votre rapporteur pour avis. L'autorité remarque en effet que depuis
1974, 190 PEB ont été approuvés, la plupart dans les
années 1980, seuls 16 PEB ayant fait l'objet d'une
révision depuis leur élaboration. Alors qu'ils devraient
refléter la situation sonore réelle actuelle, ces documents
étant élaborés sur la base des projections de trafic
à 15 ans, l'ACNUSA constate que tel n'est pas le cas. Cette
distorsion peut s'expliquer d'une part par les progrès spectaculaires de
la technologie aéronautique, d'autre part par l'augmentation importante
du trafic sur certaines plates-formes. Elle considère que l'empreinte
acoustique de certains PEB est soit minimisée, soit élargie par
rapport à ce qu'elle devrait être au regard du trafic réel
et de la topographie des pistes.
En outre, l'ACNUSA relève qu'alors que le choix était
laissé, pour la limite extérieure de la zone C du PEB, entre
les indices psophiques 84 (délimitant une emprise minimale de la
zone C) et 72 (conduisant à une emprise plus large), le choix quasi
général d'une limite extérieure de la zone C à
84 a favorisé le développement urbain et l'accroissement des
populations. L'ACNUSA constate : «
des lotissements, des
immeubles ont été construits alors que les nuisances sonores
existaient déjà ou sont arrivées très
vite
».
En conséquence, l'Autorité préconise un fort
élargissement de la zone B (zone de bruit considéré
comme fort) pour empêcher l'urbanisation et un moindre
élargissement de la zone C (zone de bruit modéré),
pour limiter toute augmentation significative des populations soumises aux
nuisances sonores
.
En outre, elle propose que la limite extérieure de la zone C ne soit
plus modulable, afin que les mesures de protection soient les mêmes, quel
que soit l'aéroport concerné.
Elles sont, en outre, assorties d'un mode opératoire
particulièrement précis proposé par l'ACNUSA :
L'ACNUSA propose une
nouvelle cartographie
pour les PEB :
- zone A, indice supérieur ou égal à
70 Lden ;
- zone B, indice inférieur à 70 et supérieur ou
égal à 62 Lden ;
- zone C, indice inférieur à 62 et supérieur ou
égal à 55 Lden ;
- zone D, indice inférieur à 55 et supérieur ou
égal à 50 Lden.
Cependant pour
Paris-Charles-de-Gaulle
, la spécificité
d'un trafic continu conduit à proposer de fixer la zone B à
l'indice inférieur à 70 et supérieur ou égal
à 58 (
zone B élargie
).
A titre de mesure transitoire et pour les neuf principaux aéroports
sans attendre la mise en place des nouveaux PEB, exprimés en Lden,
l'ACNUSA recommande que les préfets
délimitent par
anticipation
, conformément à la disposition
précitée de la loi du 12 juillet 1999, et pour une
durée maximale de deux ans, les dispositions suivantes :
- zone C, limite extérieure à l'indice psophique
supérieur ou égal à 78, sauf pour Paris-Charles-de-Gaulle
et Lyon-Saint-Exupéry (à l'indice psophique 73) ;
- zone D comprise entre la courbe isopsophique 78 (ou
IP 73 pour Paris-Charles-de-Gaulle et Lyon-Saint-Exupéry) et
l'indice psophique supérieur ou égal à 69.
Par ailleurs, l'ACNUSA propose que, lors de l'élaboration du PEB, les
communes dont une partie du territoire est dans une zone d'interdiction ou de
restriction soient inclues en totalité dans la zone la plus protectrice.
Votre Commission des Affaires économiques s'étonne que le
Gouvernement n'ait pas encore publié le décret nécessaire
à l'entrée en vigueur de ces dispositions. Compte tenu de la
précision des propositions de l'ACNUSA, sa rédaction ne pose
pourtant aucun problème technique particulier
.
En outre, l'ACNUSA a formulé des
recommandations urbanistiques en cas
d'établissement d'une nouvelle plate-forme aéroportuaire
,
auxquelles votre commission souscrit pleinement.
Afin d'éviter que ne se renouvellent les «
erreurs du
passé
», elle juge nécessaire :
Une meilleure maîtrise foncière
: l'ACNUSA
recommande que la puissance publique s'assure la maîtrise foncière
d'une zone d'environ 60 kilomètres de long sur 10 kilomètres
de large. A son sens, cette maîtrise foncière doit commencer
dès la prise de décision, se maintenir sans relâche et
s'adapter au fur et à mesure des décisions notamment celles
concernant l'orientation des pistes.
Populations concernées
: l'ACNUSA recommande, pour la
nouvelle plate-forme, que les possibilités de logement offertes aux
habitants actuels de la zone sélectionnée soient variées
selon l'emplacement au regard des nuisances sonores, de bon niveau en terme
d'indemnisation et assorties d'engagements fermes de réalisation.
N'autoriser essentiellement que l'installation
d'activités
: en corollaire des deux conditions
précédentes, l'ACNUSA propose que la nouvelle plate-forme ne
puisse conserver ou accueillir que des activités agricoles et
industrielles et notamment celles liées à l'activité
aéronautique, commerciales ou de services.
Elle poursuit : «
ces activités ne doivent
conduire, en aucun cas, à l'installation d'habitations permanentes dans
le périmètre protégé. Le respect de cette exigence
passe par la réalisation d'un système de transport
adapté
».
Procédures d'approche et de départ
: L'ACNUSA
recommande qu'un volume dans lequel les avions doivent circuler soit
défini et calculé en prenant largement en compte les exigences de
sécurité et les souhaits de capacité. En contrepartie, les
procédures devraient être définies de façon à
garantir que les trajectoires effectives, tant en plan qu'en altitude,
s'inscrivent à l'intérieur de ce volume. Au moyen
d'arrêtés ministériels pris dès la mise en service
de la plate-forme, l'ACNUSA recommande que tout manquement constaté soit
sanctionnable.
e) Un laxisme peu compréhensible : l'article 36 de la loi « SRU »
Le
développement aéroportuaire passe par la maîtrise de
l'urbanisme aux abords des aéroports. Cette conviction forte de votre
rapporteur n'est pas unanimement partagée : ainsi, un amendement de
l'Assemblée nationale à la loi «
Solidarité
et renouvellement urbains
» du 13 décembre 2000
a paradoxalement accru les possibilités de construction aux abords des
aéroports.
Or, cet amendement fut déposé par un de nos collègues
députés, qui, en tant que rapporteur de la loi créant
l'ACNUSA, avait souscrit, moins d'un an auparavant, à l'analyse du
Sénat, et accepté les amendements de votre commission
renforçant la sévérité du droit en vigueur !
Déplorant cette inconstance, votre rapporteur reste fermement hostile
aux aménagements du droit par la loi « SRU » en
matière aéroportuaire, et qui figurent en grisé dans le
tableau ci-dessous, où sont reprises les différentes dispositions
concernées du code de l'urbanisme :
PRESCRIPTIONS D'URBANISME APPLICABLES
DANS LES ZONES DE
BRUIT
AUTOUR DES AÉRODROMES
CONSTRUCTIONS NOUVELLES |
ZONE A |
ZONE B |
ZONE C |
ZONE D |
|
Logements nécessaires à l'activité de l'aérodrome, hôtels de voyageurs en transit |
autorisés |
autorisés |
autorisés |
|
|
Logements de fonction nécessaires aux activités industrielles ou commerciales |
autorisés dans les secteurs déjà urbanisés |
autorisés |
autorisés |
autorisés sous réserve d'isolations acoustiques |
|
Immeubles d'habitation directement liés ou nécessaires à l'activité agricole |
autorisés dans les secteurs déjà urbanisés |
autorisés |
autorisés |
|
|
Equipements de superstructures nécessaires à l'activité aéronautique |
autorisés s'ils ne peuvent être localisés ailleurs |
autorisés |
|
||
Constructions à usage industriel, commercial et agricole |
autorisées si elles ne risquent pas d'entraîner l'implantation de population permanente |
|
|||
Equipements publics |
autorisés s'ils sont indispensables aux populations existantes et s'ils ne peuvent être localisés ailleurs |
|
|||
Maisons d'habitation individuelles non groupées |
|
autorisées si secteur d'accueil déjà urbanisé et desservi par équipements publics sous réserve d'un faible accroissement de la capacité d'accueil |
|
||
Immeubles collectifs, habitats groupés (lotissements ...) parcs résidentiels de loisirs |
|
||||
|
|
|
|
|
|
OPERATIONS DE RENOVATION DES QUARTIERS OU DE REHABILITATION DE L'HABITAT EXISTANT |
autorisées sous réserve de ne pas accroître la capacité d'accueil |
autorisées sous réserve de ne pas accroître significativement la capacité d'accueil (auparavant : seul un faible accroissement était autorisé) |
autorisées sous réserve d'isolation acoustique |
||
|
|
|
|
|
|
AMÉLIORATION ET EXTENSION MESURÉE, RECONSTRUCTION DE CONSTRUCTIONS EXISTANTES |
non autorisées |
Autorisées si n'entraînent pas d'augmentation significative de la population soumise aux nuisances sonores (avant interdiction) |
autorisées sous réserve d'isolation acoustique |
||
|
|
|
|
|
|
RENOUVELLEMENT URBAIN DES QUARTIERS OU VILLAGES EXISTANTS, OPÉRATION DE RÉHABILITATION OU DE RÉAMÉNAGEMENT URBAIN |
non autorisés |
autorisées si n'entraînent pas d'augmentation significative de la population soumise aux nuisances (nouvelle possibilité) |
autorisées sous réserve d'isolation acoustique |
Certes,
ces dispositions nouvelles ne peuvent trouver d'application qu'à
l'occasion de l'établissement ou de la révision d'un plan
d'exposition au bruit. Mais, pour les dix principales plates-formes
françaises, on note que :
- le plan d'exposition au bruit de l'aéroport de
Lyon-Saint-Exupéry est en cours de révision ;
- le plan d'exposition au bruit de l'aéroport de
Bâle-Mulhouse est en cours d'établissement ;
- les plans d'exposition au bruit des aéroports de
Paris-Charles-de-Gaulle et de Toulouse-Blagnac devraient être mis
prochainement en révision.
Plus généralement, la mise en oeuvre des recommandations de
l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires
(ACNUSA) concernant l'utilisation d'un nouvel indice de planification conduira
à mettre en révision progressivement
l'ensemble des PEB en
vigueur
. Le champ d'application de cette disposition est donc
potentiellement étendu.
Votre commission a donc proposé, dans la discussion du projet de
loi
41(
*
)
relatif à la
sécurité des infrastructures de transport, à l'initiative
de votre rapporteur, de revenir au texte prévalant avant l'adoption de
la loi « SRU ». Il s'agit de proposer un compromis
acceptable au Gouvernement et aux députés, tout en soulignant
qu'il serait souhaitable d'aller plus loin, par la mise en place des
préconisations de l'ACNUSA.
2. Guérir : l'insonorisation des logements riverains
Dix
aérodromes
42(
*
)
(les
principaux) sont désormais concernés par le dispositif d'aide
publique à l'insonorisation des logements riverains mis en place par la
loi relative à la lutte contre le bruit du 31 décembre 1992.
Rappelons que cette aide est financée par un prélèvement
(l'ancienne « taxe bruit » désormais incluse dans la
taxe générale sur les activités polluantes affectée
à l'ADEME), à chaque décollage d'un avion de plus de
2 tonnes sur un aéroport comportant plus de 20.000 mouvements
d'avions de plus de 20 tonnes. Son montant est calculé, en fonction de
la masse de l'aéronef au décollage, à partir d'un taux
fixé par catégorie d'aérodrome et d'un coefficient de
modulation prenant en compte l'heure du décollage (nocturne ou diurne)
et les caractéristiques acoustiques de l'avion.
Pour l'année 2001, la dotation budgétaire affectée
à l'insonorisation était de 159,5 millions de francs
(24,3 millions d'euros).
A la demande de votre rapporteur, l'administration a fourni le bilan
chiffré suivant de la mise en oeuvre de ces dispositions :
BILAN DE L'AIDE À L'INSONORISATION DES LOGEMENTS
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Nombre de logements insonorisés (1) |
2 150 |
1 428 |
1 196 |
719 |
4 192 |
1 161 |
2 500 (2) |
Coût moyen de l'insonorisation |
28,2 KF |
32,4 KF |
35,5 KF |
47,9 KF |
48 KF |
57,7 KF |
55 KF (2) |
Dotation budgétaire totale |
42 MF |
43 MF |
45 MF |
60 MF |
99,5 MF (3) |
159,5 MF (2) |
159,5 MF (2) |
(1)
Correspondant aux décisions d'affectation des dépenses
(2) Prévision
(3) Dont 60 millions de francs de TGAP (ex taxe bruit)
Source
: ADEME
Ce
tableau fait ressortir un nombre de travaux d'insonorisation
réalisés en 2000 (1.161) deux fois inférieur aux
prévisions (3.320) communiquées l'an dernier à la
même époque à votre rapporteur.
Comme l'indique l'ACNUSA, diverses estimations chiffrent à 68.500 le
nombre de logements potentiellement concernés par cette aide. Sur
l'hypothèse d'un coût moyen de 37.100 francs par dossier
(5.656 €), le total nécessaire à leur isolation
acoustique s'élèverait à 2,54 milliards de francs
(0,39 milliards €).
Le stock de logements potentiellement
bénéficiaires de cette aide reste donc élevé, et le
flux des attributions d'aides comparativement modeste
. Sans compter que le
nombre de logements éligibles pourrait s'accroître si les indices
proposés par l'ACNUSA pour la définition des zones de plans de
gêne sonore étaient retenus.
3. Bilan des sanctions infligées par l'ACNUSA
Les
infractions aux restrictions d'usage imposées par arrêtés
ministériels sur les plate-formes aéroportuaires sont
sanctionnables par l'ACNUSA, sur proposition de la Commission nationale de
prévention des nuisances (CNPN). Pour 1999 et 2000, les sanctions
prononcées se répartissent comme suit :
DOSSIERS D'INFRACTION DU 01/02/1999 AU 31/12/2000
|
Sanctions |
Relaxes 43( * ) |
En instance à la CNPN |
Total |
Charles de Gaulle |
14 |
2 |
253 |
269 |
Le Bourget |
6 |
9 |
53 |
68 |
Orly |
8 |
1 |
41 |
50 |
Lyon-St Exupéry |
9 |
1 |
15 |
25 |
Toulouse-Blagnac |
6 |
0 |
4 |
10 |
Nice-Côte d'Azur |
0 |
0 |
14 |
14 |
Total |
43 |
13 |
380 |
436 |
L'ACNUSA
publie par ailleurs des statistiques sur la part des infractions dans le total
des mouvements commerciaux, qui montrent la prééminence des
infractions constatées et sanctionnées à Roissy, en raison
peut être des moyens (humains notamment) de constatation des infractions,
qui y sont supérieurs.
TAUX D'INFRACTION PAR RAPPORT AUX MOUVEMENTS COMMERCIAUX
Charles de Gaulle |
0,06 % |
Orly |
0,02 % |
Lyon-Saint-Exupéry |
0,02 % |
Toulouse-Blagnac |
0,01 % |
Nice Côte d'Azur |
0,01 % |
TOTAL |
0,04 % |
Notons que ces taux restent faibles.
*
* *
Lors de sa réunion du mardi 30 octobre, et sur proposition de son rapporteur, la commission s'en est remise à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits du transport aérien et de l'aviation civile dans le projet de loi de finances pour 2002.