C. DE NOUVELLES PROBLÉMATIQUES À TRAITER
1. Diminuer les retards
Avec l'accroissement du trafic, le problème des retards aériens est devenu endémique. L'année 1999, marquée par de très fortes désorganisations (liées à la guerre au Kosovo) a été particulièrement mauvaise à cet égard. Si les retards sont, depuis, contenus dans des proportions moindres, ils n'en restent pas moins une des premières préoccupations des passagers.
a) Un bilan affiné des causes et de l'ampleur des retards
En 2000,
le nombre de vols contrôlés par le système de
contrôle aérien civil français a atteint 2,5 millions,
soit 5,2 % de plus qu'en 1999, ou encore 6.876 vols contrôlés
en moyenne chaque jour. C'est un million de vols de plus qu'il y a dix
ans ! Au quotidien, 97 journées ont un trafic supérieur
à 7.500 vols, dont 19 journées à plus de
8.000 vols. Rappelons qu'en 1998, le seuil de 7.500 vols/jours
n'avait été franchi qu'une seule fois.
La France est le pays qui a le plus contrôlé de vols en Europe en
2000, compte tenu de son étendue et de sa position géographique
centrale en Europe, devant l'Allemagne et le Royaume-Uni. Ce sont chaque jour
environ 1.800 vols intérieurs, 2.500 vols internationaux
à l'arrivée ou au départ et 2.700 survols qui sont
pris en charge par la navigation aérienne française.
Il existe plusieurs façons de mesurer les retards et de les imputer
à leurs causes. Les services de la navigation aérienne utilisent
l'indicateur de retard « ATC » par vol
réalisé
, qui donne le retard moyen dû au contrôle
du trafic aérien. Cet indicateur est calculé en divisant la somme
totale des minutes de retard générées par les
aérodromes (pour un quart) et les centres de contrôle en route
(pour les trois quarts) par le nombre total de vos contrôlés. Cet
indicateur moyen montre une augmentation globale de la performance :
INDICATEUR DE MESURE DE PERFORMANCE UTILISÉ PAR LA
NAVIGATION AÉRIENNE
RETARD « ATC » PAR VOL CONTRÔLÉ
|
1998
|
1999
|
2000
|
(1 er semestre 2001) |
En minutes et centièmes de minutes |
2,97
|
4,04
|
2,5
|
|
D'autre
part, l'organisme Eurocontrol calcule des statistiques de retard dû au
contrôle aérien. Il apparaît qu'en 2000, la France
était responsable de 6 millions de minutes de retard, contre trois
millions pour l'Allemagne et le Royaume-Uni, (qui contrôlent presque
autant de vols, soit respectivement 2,2 et 2 millions environ). Mais ces
chiffres globaux recouvrent de grandes disparités de situation. Ainsi
par exemple, la saturation le matin du point d'entrée situé au
Nord-Ouest de Roissy entraîne des retards quasi systématiques de
quarante minutes au moins.
Des études plus fouillées des retards «
toutes
causes confondues
» ont été entreprises au niveau
national par l'Observatoire de la navigation aérienne. Cet observatoire
s'est attaché, pour la première fois en France, à
répartir des causes de retard de tous les vols retardés de plus
de 15 minutes au départ des 14 principaux aérodromes
français pour l'ensemble de l'année 2000.
Les principaux résultats de cette étude sont
résumés ci-dessous :
*
La
cause « enchaînements des rotations » (appelée
communément « arrivée tardive de
l'appareil ») n'est pas analysée dans le détail.
Source : Comuta, observatoire de la navigation aérienne .
Cette étude montre la grande diversité des causes de retard , mais également le rôle de plusieurs acteurs de la chaîne du transport aérien : si un quart des retards sont dûs à la navigation aérienne, 30 % sont dûs aux compagnies (dont 10 % au traitement des passagers et de leurs bagages). La part du facteur « enchaînement des rotations » (cause peu explicite !) reste prédominante (1/3 des retards). Pour l'analyser, une étude spécifique a été menée sur certaines lignes ciblées, telle par exemple la liaison Paris Charles-de-Gaulle-Nantes. Il en ressort qu'une partie importante de ce poste « fourre-tout » s'impute en réalité au contrôle aérien, ainsi qu'au temps de traitement des bagages et des passagers (ce dernier poste explique ainsi au total 25 % du total des retards dans le sens Paris-Nantes et 9 % dans le sens Nantes-Paris).
b) La poursuite d'une politique globale pour agir sur les causes des retards
Toute
une panoplie de mesures a été programmée pour
accroître la capacité d'écoulement du trafic afin notamment
de limiter les retards liés au contrôle aérien.
Parmi celles-ci, citons de
nouveaux investissements matériels et
humains
(nouveau centre de contrôle en route à
Aix-en-Provence, extension du centre de Bordeaux, équipement des
stations radars en matériel plus performant, recrutements
d'ingénieurs et techniciens de la navigation aérienne ont
été renforcés).
En outre, plusieurs mesures organisationnelles ont été prises ou
sont en voie de l'être pour optimiser l'utilisation de l'espace
aérien. Il s'agit, en particulier :
- du transfert des secteurs de contrôle entre centres, pour mieux
répartir le trafic en fonction du potentiel humain ; cela a
été le cas fin janvier 2000, entre le centre de
contrôle d'Aix en Provence et celui de Bordeaux ;
- de la réorganisation de l'espace aérien. Au cours de
l'année 2000, de nouveaux secteurs de contrôle ont
été ouverts dans le Nord-Est de la région parisienne, pour
obtenir une division plus fine de l'espace et améliorer ainsi la
desserte des aéroports parisiens. Des réorganisations ont
été mises en oeuvre autour des aéroports de
Bâle-Mulhouse et de Strasbourg. Au cours du premier semestre 2001,
des réorganisations et reclassements d'espace ont été
effectués dans les espaces aériens autour des aéroports de
Lille, Montpellier et Lyon, avec notamment sur ce dernier terrain des
améliorations de gestion des flux d'approche. Un accord a
été trouvé avec le ministère de la défense
pour modifier les zones d'entraînement aérien des forces
armées, de manière à permettre une meilleure organisation
des flux en approche lointaine (dans la région de Tours) sans
réduire les capacités d'entraînement.
De nouveaux secteurs de contrôle seront progressivement ouverts
après la mise en oeuvre début 2002 de la
« réduction des espacements verticaux en espace
supérieur » permettant de créer de nouveaux niveaux de
vol en Europe et d'augmenter la capacité des centres de contrôle
européens, par une réduction du minimum de séparation
verticale entre les aéronefs, au-dessus de la totalité de
l'espace aérien supérieur européen.
Rappelons que c'est dans la perspective d'une augmentation de la
capacité de traitement à l'approche de l'aéroport de
Paris-Charles-de-Gaulle qu'une refonte des couloirs aériens est
actuellement en cours. Le dispositif actuel de circulation aérienne en
région parisienne a peu évolué depuis les années
1970. Il est désormais saturé avec, en particulier, comme cela a
déjà été dit, un goulet d'étranglement
particulièrement important dans le nord-ouest de la région
parisienne qui provoque, aux heures de pointe, des retards importants de 40
à 60 minutes. La direction générale de l'aviation civile
estime donc qu'une réorganisation du dispositif de circulation
aérienne est nécessaire pour améliorer la
sécurité, résorber les retards et améliorer la
gestion de la capacité.
Aujourd'hui, les avions à destination de Paris-Charles de Gaulle, en
provenance du sud-ouest, de l'Afrique de l'ouest, des Amériques et des
îles britanniques doivent rejoindre l'unique point d'entrée ouest,
situé au nord de Chaumont-en-Vexin (point d'entrée qui concentre
40% des arrivées) ; ces vols subissent régulièrement,
du fait de cet engorgement, des retards de l'ordre de 45 à
60 minutes aux heures de pointe. La réponse à cette
dégradation sensible de la ponctualité passe, au sens de la DGAC,
par la création d'un quatrième point d'entrée situé
au sud-ouest de la région parisienne (en sus des points d'entrée
nord-ouest, nord-est et sud-est), afin d'assurer une meilleure
répartition du trafic et par conséquent une meilleure
fluidité.
A ce jour, 35 à 40 % des mouvements à CDG se font sur la
piste nord et 60 à 65 % sur le doublet sud (bien que 70 % des
avions viennent du nord). La quatrième piste qui parachève le
doublet nord permettra de mieux équilibrer les trafics entre les deux
doublets nord et sud. Pour limiter les nuisances sonores, il est proposé
par la DGAC de maintenir les arrivées d'avions sur les trajectoires les
plus hautes possibles, le plus longtemps possible et de favoriser, après
décollage, la montée libre des avions afin d'éviter les
paliers, sources de nuisances sonores. Enfin, le but est de privilégier
le recours, la nuit, aux procédures survolant les zones les moins
urbanisées. Les trajectoires finales et les trajectoires de
départ aux abords immédiats des aéroports ne subissent pas
de modifications. Le rééquilibrage de l'utilisation des deux
doublets de pistes de Roissy cherche à diminuer les nuisances sonores
sur la zone, la plus urbanisée, située au sud de
l'aéroport et au nord de Paris, et à réduire le survol des
populations situées entre les axes des deux doublets de piste.
2. Faire face à la question des passagers indisciplinés
Avec
l'accroissement des flux de trafic est apparu le problème des passagers
indisciplinés. Devant l'augmentation du nombre et de la fréquence
des incidents, le Conseil supérieur de l'aviation marchande (CSAM), que
votre rapporteur pour avis a l'honneur de présider, a mis en place un
groupe de travail sur cette question, qui a remis ses conclusions au mois de
mars 2000. Il a élaboré un grand nombre de propositions en
matière de prévention des comportements indisciplinés, de
mesures de renforcement des effectifs de police, et, pour les aéroports
et les compagnies aériennes, d'élaboration de compte-rendus
d'incident systématiques.
Etait également préconisée la création d'un
observatoire chargé de recueillir des informations sur les incidents
constatés, l'intensification de la sensibilisation des passagers tout au
long de la chaîne du transport sur les actes répréhensibles
et sur les sanctions encourues. Le CSAM avait insisté sur
la
formation des personnels des compagnies aériennes
à la
gestion de ce type de situations et à la nécessité,
sur
le plan juridique
, renforcer le dispositif répressif. Le CSAM avait
ainsi élaboré un projet de décret permettant de
sanctionner, par des contraventions de la cinquième classe, les
comportements des passagers présentant un danger pour la
sécurité ou le bon ordre à bord des aéronefs,
tandis qu'il préconisait de prévoir des peines aggravées
pour les auteurs d'agressions perpétrées à bord des
aéronefs, par la création d'une circonstance aggravante
spécifique à ce type d'agissements.
Ces propositions ont été suivies d'effets puisque la DGAC a
récemment adressé une
lettre-circulaire relative aux
procédures de prévention et de traitement des incidents
liés aux comportements indisciplinés de certains passagers
aériens
aux entreprises de transport aérien et gestionnaires
d'aéroports, fixant les mesures préventives à mettre en
oeuvre telles que la modération de la distribution d'alcool, sur avis
médical, la distribution de produits de substitution au tabac, ou encore
la diffusion aux passagers d'une information aussi précise que possible
sur les retards et annulations de vols ou sur tout autre incident
d'exploitation.
Il est en outre recommandé aux compagnies aériennes et aux
gestionnaires d'aéroports de mettre en oeuvre, chacun pour ce qui le
concerne, des actions de communication afin de sensibiliser le grand public sur
la réglementation applicable, sur la sécurité des vols et
sur les risques encourus au plan juridique, sur les devoirs des passagers et
sur les pouvoirs du commandant de bord, ou encore sur les effets de la
combinaison alcool/tabac/stress en altitude. La lettre-circulaire recommande
d'informer les passagers tout au long de la chaîne de transport, avant le
voyage, pendant le voyage dans les aéroports et à bord des
aéronefs. Il s'agit de diffuser des messages clairs et
pédagogiques sur la sécurité des vols, sur les actes
répréhensibles et les sanctions encourues, la DGAC fournissant un
modèle de document d'information du passager.
En outre, le but recherché est d'améliorer le traitement de
l'indiscipline, par l'élaboration
de procédures
spécifiques tant au sol qu'à bord
, en trois phases :
-
niveau 1
: le personnel constate un manquement à une
règle de sécurité ou de tout autre nature ; il
rappelle au passager, verbalement ou à l'aide d'une fiche de rappel
écrite, les consignes applicables ;
-
niveau 2
: le personnel constate que le passager refuse
d'appliquer sciemment les règles qui lui ont été
rappelées ; le personnel lui remet une fiche écrite
d'avertissement final nominatif avec les sanctions possibles encourues ;
un compte-rendu d'incident est systématiquement établi ;
-
niveau 3
: le personnel constate que le passager refuse
délibérément d'obtempérer après les rappels
précédents ou que ces actes mettent en danger la
sécurité du vol ; le personnel est mandaté pour
« intervenir : sans délai selon des moyens proportionnels
au danger ».
Par ailleurs, afin de favoriser une bonne application et une harmonisation des
recommandations formulées, la Direction générale de
l'aviation civile met en place un « observatoire »
chargé d'exploiter et d'analyser tous les incidents et d'en faire la
synthèse annuelle.
A la lumière des évènements récents, votre
commission considère, au-delà, que la formation des
équipages à la gestion de ce type de situations (terrorisme,
détournements...) doit être renforcée.